N° 2806

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

N° 170

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 24 janvier 2006.

Annexe au procès-verbal de la séance
du 24 janvier 2006.

Document mis en distribution le

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI relatif à l' égalité salariale entre les femmes et les hommes ,

PAR M. EDOUARD COURTIAL, PAR MME ESTHER SITTLER,

Député. Sénateur.

( 1) Cette commission est composée de : M. Jean-Michel Dubernard, président, député, M. Nicolas About, vice-président, sénateur, M. Edouard Courtial, député, Mme Esther Sittler, sénateur, rapporteurs.

Membres titulaires : MM. Jean-Michel Dubernard, Edouard Courtial, Mmes Arlette Grosskost, Bérengère Poletti, Marie-Jo Zimmermann, Catherine Génisson, M. Alain Néri, députés, M. Nicolas About, Mmes Esther Sittler, Brigitte Bout, Catherine Procaccia, Jeanine Rozier, Gisèle Printz, M. Roland Muzeau sénateurs,

Membres suppléants : Mmes Geneviève Levy, Gabrielle Louis-Carabin, Françoise de Panafieu, MM. Bernard Perrut, Pierre-Christophe Baguet, Gaëtan Gorce, députés, MM. Gilbert Barbier, Paul Blanc, Guy Fischer, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mmes Anne-Marie Payet, Patricia Schillinger, sénateurs.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1re lecture : 2214, 2282, 2243 et TA 422.

2e lecture : 2470, 2728 et TA 516.

Sénat : 1re lecture: 343, 435, 429 et TA 139 (2004-2005).

2e lecture : 124, 145 et TA 53 (2005-2006).

TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, s'est réunie le mardi 24 janvier 2006 à l'Assemblée nationale.

La commission a d'abord procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué :

- M. Jean-Michel Dubernard, député, président ;

- M. Nicolas About, sénateur, vice-président.

La commission a ensuite désigné :

- M. Edouard Courtial, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;

- Mme Esther Sittler, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

*

* *

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du texte.

Mme Esther Sittler, rapporteur pour le Sénat , a précisé que lors de la deuxième lecture du projet de loi par le Sénat, dix-sept articles demeuraient en discussion. À l'issue de cette lecture, le Sénat a adopté neuf articles conformes et en a inséré deux nouveaux. La commission mixte paritaire devra donc s'accorder sur une rédaction pour les dix articles restant en discussion. Les dix amendements adoptés par le Sénat n'ont pas apporté de modifications profondes. Ils consistent en deux innovations, deux désaccords, trois précisions et trois infléchissements.

Le Sénat a introduit deux articles nouveaux. Le premier, l'article 10 bis A, a été adopté à l'initiative du Gouvernement. Il crée un nouveau cas de recours au travail temporaire afin d'ouvrir aux personnes travaillant à temps partiel la possibilité d'un complément d'activité leur permettant d'accroître leurs revenus. Le second, l'article 18, permet d'appliquer à la fonction publique le régime de départ à la retraite institué en faveur des personnes lourdement handicapées ayant travaillé 120 trimestres et plus.

Les désaccords entre les deux chambres sont limités puisque les rédactions ne concordent pas sur deux articles seulement. La modification apportée par le Sénat à l'article 1 er , relatif à la rémunération des salariés au retour d'un congé de maternité ou d'adoption, a consisté à supprimer la disposition introduite en deuxième lecture par l'Assemblé nationale pour faire prévaloir le mode de calcul institué par la loi sur le mode de calcul prévu par un accord collectif. Il s'agit d'un retour à la rédaction initiale du projet de loi, qui donnait un caractère subsidiaire au mode de calcul institué par la loi. En effet, il faut en la matière laisser toute sa place à la négociation : la loi ne doit intervenir que si les partenaires sociaux ne réussissent pas à se mettre d'accord et l'objectif du dispositif est précisément de les encourager à se mettre d'accord. Avec le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, les accords collectifs ne trouveront à s'appliquer que s'ils aboutissent à des augmentations de rémunérations plus favorables que le mode de calcul légal. Il n'est pas besoin d'une disposition législative pour ouvrir cette possibilité à la négociation collective. Si l'Assemblée nationale se rallie à ce point de vue favorable à la négociation collective, il conviendra par cohérence de supprimer le dernier alinéa de l'article 1 er .

Le deuxième point de désaccord est l'article 12 bis A faisant obligation au Gouvernement de transmettre au Parlement un rapport sur la possibilité de fractionner le droit au congé parental. L'intérêt de cette mesure est évident : elle permettrait aux parents qui n'auraient pas utilisé la totalité de leurs droits au congé parental avant le troisième anniversaire de l'enfant de conserver le reliquat pour l'utiliser plus tard, à des moments cruciaux de la vie de l'enfant. Pour autant, les rapports commandés au Gouvernement ne sont en fait souvent que le moyen de reporter sine die une question difficile, avec l'inconvénient de porter atteinte au caractère normatif et opérant de la loi. C'est la raison pour laquelle le Sénat a supprimé l'article 12 bis A.

Le Sénat a par ailleurs adopté trois amendements afin de préciser certaines dispositions sans en modifier le contenu. À l'article 3, relatif aux négociations de branches sur la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes d'ici 2010, et à l'article 4, relatif aux négociations d'entreprises, le mot « notamment » a été supprimé afin d'établir expressément une corrélation entre, d'une part, le caractère sérieux et loyal de la négociation, d'autre part, la communication aux organisations syndicales des informations nécessaires et des réponses motivées exigées. Il s'agit d'éviter des contentieux que pourrait créer l'indétermination introduite par le mot « notamment ». À l'article 10 bis , relatif au financement du congé de maternité prolongé en cas de naissance d'un enfant prématuré, le Sénat, sur la proposition du Gouvernement, a prévu l'application du dispositif à compter du 1 er janvier dernier.

Le Sénat a enfin modifié trois articles pour faciliter, dans trois cas, la mise en oeuvre effective du principe d'équilibre dans la représentation des femmes et des hommes, initiative emportant un très large accord. À l'article 13 bis , le Sénat a adopté, après l'avoir sous-amendé, un amendement du Gouvernement posant le principe de la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration et conseils de surveillance des sociétés anonymes. Un examen régulier de la mise en oeuvre de ce principe est prévu. La rédaction initiale de cet article, inséré par l'Assemblée nationale, posait de délicats problèmes de principe et d'application. La solution retenue permet d'introduire un principe d'équilibre à la tête des entreprises sans empiéter sur l'exercice par les actionnaires d'un aspect important de leur droit de propriété. Aux articles 13 ter et 13 quater , le Sénat a prévu qu'il pourrait être dérogé par le directeur départemental du travail, sur la demande d'un syndicat représentatif, à la proportion de femmes et d'hommes devant figurer dans les listes électorales pour les élections des comités d'entreprises et des délégués syndicaux.

Les modifications proposées ne devraient pas faire obstacle à l'élaboration d'une rédaction commune du projet de loi. En effet, le Sénat et l'Assemblée sont manifestement d'accord sur les principes, sur les conséquences à en tirer ainsi que, pour l'essentiel, sur les modalités de leur mise en oeuvre.

M. Edouard Courtial, rapporteur pour l'Assemblée nationale , a rappelé que l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture le projet de loi le 12 décembre dernier et que le Sénat a procédé à une deuxième lecture les 18 et 19 janvier dernier. La rapidité avec laquelle ces dernières étapes ont eu lieu doit être soulignée. Il faut se féliciter du nombre de points d'accords trouvés entre les deux assemblées, comme en témoigne le faible nombre d'articles restant en discussion. Sur des sujets aussi divers que les discriminations fondées sur la grossesse, l'égalité professionnelle dans les petites entreprises, l'entretien préalable avec l'employeur avant le congé parental d'éducation, l'extension du champ d'application du crédit d'impôt famille aux dépenses de formation en faveur des salariés de retour d'un congé parental d'éducation, l'ouverture du droit individuel à la formation ou encore la formation professionnelle et l'apprentissage, la dernière séquence de la navette a permis de consacrer de nombreuses nouvelles convergences entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Plus encore, sur les dix articles restant en discussion aujourd'hui, les divergences ne paraissent pas nombreuses. Cependant, une mérite d'être relevée. Au détour d'un amendement, pour l'adoption duquel tant le Gouvernement que la commission s'en sont remis à la sagesse du Sénat, la mention du caractère « au moins aussi favorables » des dispositions des accords collectifs déterminant les garanties d'évolution de la rémunération des salariées au retour d'un congé de maternité ou d'adoption par rapport aux dispositifs prévus à l'article 1 er a été supprimée. Cela n'est pas raisonnable. Les dispositifs votés doivent être effectifs. Or la rédaction initiale de cet article, à laquelle est revenue le Sénat, revient à « neutraliser » cette règle nouvelle dès lors qu'est signé un accord collectif sur cette question, et ce quel que soit le contenu de cet accord. Il semble plus conforme à l'esprit du texte de préciser que les garanties offertes par les accords collectifs devront être au moins aussi favorables aux salariés que celles consacrées par ce projet. D'ailleurs, l'Assemblée nationale avait veillé à l'applicabilité de cette règle en acceptant d'en exonérer les accords existants, dispositions qui subsistent dans la rédaction actuelle.

M. Guy Fischer, sénateur, a considéré que le projet de loi ne répond pas aux problèmes posés par la situation actuelle des femmes. Ainsi, un quart des femmes de moins de vingt-cinq ans sont sans emploi. En France, tous les indicateurs sont plus défavorables pour les femmes que pour les hommes. Nombreuses sont les femmes qui vivent avec moins de 610 euros par mois. Faut-il rappeler qu'à un travail à temps partiel correspondent d'abord un salaire partiel puis une retraite partielle ? Depuis 25 ans, toutes les lois votées en la matière ce sont révélées inefficaces et n'ont pas empêché la paupérisation de nombreuses femmes, notamment les plus âgées. Aucun amendement du groupe communiste n'a été adopté ; en particulier, l'allongement proposé de la durée du congé de maternité, afin de satisfaire aux recommandations internationales, a été repoussé. En outre, le fait de repousser d'ici plusieurs années l'institution de sanctions contre les enreprises ne satisfaisant pas à l'obligation d'engager des néogications n'est pas acceptable. La rédaction du projet est donc très loin de répondre aux enjeux. Il s'agit d'un rendez-vous raté alors même qu'une véritable rupture aurait été nécessaire.

Mme Catherine Génisson, députée , s'est déclarée en accord avec les propos tenus par M. Fischer. Les déclarations de la rapporteure du Sénat sont étonnantes : si celle-ci témoigne autant de confiance à l'égard de la négociation collective, il devient inutile de discuter et d'adopter des projets de loi. La question des places respectives de la loi et de la négociation collective n'en est pas moins centrale : ainsi la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes laissait toute sa place à la négociation.

Le projet ne peut que susciter une grande déception dans la mesure où le sujet majeur que constitue le travail à temps partiel n'est pas traité ; certes, la ministre, lors de la deuxième lecture à l'Assemblée, a permis une avancée par la présentation de deux amendements. Cependant, l'amendement défendu par le Gouvernement lors de la deuxième lecture au Sénat portant sur le recours au travail temporaire est une véritable provocation. En outre, le Sénat est revenu lors de la deuxième lecture sur plusieurs mesures introduites par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. À ce titre, l'amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale à l'article 1 er est bienvenu. Enfin, on ne peut qu'insister sur l'importance de la disposition visant à accroître la représentativité des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises.

Mme Gisèle Printz, sénatrice , a considéré que ce projet de loi s'apparente à une incantation : il ne comporte pas de dispositions contraignantes, il ne prévoit pas de sanctions pour les employeurs si les négociations n'aboutissent pas et ne propose aucune mesure sur des problèmes aussi importants que le temps partiel ou les heures de travail discontinues. La question sensible de l'accueil des enfants n'est pas traitée, de même que la formation professionnelle. Certes, des avancées sont constatées sur le congé de maternité, notamment en cas de naissance prématurée, et sur la représentativité des femmes dans les instances délibératives et juridictionnelles. Cependant, peu d'amendements du groupe socialiste ayant été adoptés et le prochain rendez-vous étant prévu dans cinq ans, les membres du groupe socialiste voteront contre ce texte.

M. Nicolas About, sénateur, vice-président, a souhaité revenir sur le problème des places respectives de la loi et de la négociation collective. Il est légitime que la loi constitue un filet de sécurité pour les salariés et que la convention trouve sa place quand la négociation est plus favorable que la loi. En conséquence, il convient, à son sens, de se rallier à la position soutenue par l'Assemblée nationale en deuxième lecture s'agissant de l'article 1 er sur les garanties en termes d'augmentation en cas de congé de maternité ou d'adoption.

Mme Esther Sittler, rapporteur pour le Sénat , a indiqué que, compte tenu des explications qui viennent d'être apportées, elle se rallie également à la position soutenue par l'Assemblée nationale, ce dont l'a remercié M. Edouard Courtial, rapporteur pour l'Assemblée nationale .

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La commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des articles restant en discussion.

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