LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION

Si votre commission souscrit pleinement, sur le fond, au dispositif de la proposition de loi n° 140, elle vous proposera toutefois d'adopter des conclusions substantiellement allégées par rapport au texte déposé. En effet, force lui est de soulever la question de la recevabilité financière des articles 1 er à 9, qui instituent un nouvel établissement public local, au regard de l'article 40 de la Constitution, selon lequel « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence (...) la création ou l'aggravation d'une charge publique. ». Or, la création d'un établissement public local entraîne bien, a priori , une aggravation des charges publiques.

En conséquence, si elle reprenait le contenu des articles 1 er à 9 dans ses conclusions, votre commission prendrait le risque de voir soulevée à leur encontre une exception d'irrecevabilité s'appuyant sur l'article 42 du Règlement du Sénat, qui prévoit :

- que tout amendement dont l'adoption aurait pour conséquence, soit la diminution d'une ressource publique non compensée par une autre ressource, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, peut faire l'objet d'une exception d'irrecevabilité soulevée par le Gouvernement, la commission des finances, la commission saisie au fond ou tout sénateur (alinéa 1) ;

- que cette règle, dans le cas de discussion d'une proposition de loi déposée par un sénateur, s'applique également au texte mis en discussion (alinéa 2).

C'est pourquoi votre commission vous propose de ne conserver du texte initial que les dispositions relatives, d'une part, aux règles d'urbanisme (articles 10 et 11) et, d'autre part, au transfert des dépendances du domaine public routier, dans la mesure où la perte de recettes en résultant est gagée (articles 12 et 13). Elle vous suggérera également de modifier, par cohérence, le titre de la proposition de loi.

Cette décision, rendue nécessaire par les principes constitutionnels qui encadrent l'élaboration de la loi, place le Gouvernement devant ses responsabilités. Afin de faciliter la mise en oeuvre de son plan de renouveau présenté en juillet 2006, il lui appartiendra en effet d'user des prérogatives dont il dispose dans la procédure législative pour donner corps, d'une manière ou d'une autre, à la création de l'EPIC envisagée par le chapitre I de la proposition de loi initiale de notre collègue Roger Karoutchi.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter le texte de la proposition de loi tel qu'il est examiné ci-après, article par article, et rédigé à la fin du présent rapport.

Article 1 er
(Articles L. 141-3 et L. 141-4 [nouveaux] du code de l'urbanisme)

Règles d'urbanisme applicables dans le quartier de La Défense

Votre commission vous propose, dans l'article 1 er de ses conclusions, de reprendre le contenu des articles 10 et 11 de la proposition de loi n° 140, en les codifiant aux articles L. 141-3 et L. 141-4 du code de l'urbanisme et en leur apportant des modifications d'ordre essentiellement rédactionnel.

I. L'article 10 de la proposition de loi n° 140

L'article 10 visait à sécuriser l'application, dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense, des règles juridiques permettant à l'Etat de mettre en oeuvre des projets d'intérêt général (PIG) :

- le premier alinéa de l'article conférait un caractère d'intérêt national à la modernisation et au développement du quartier de la Défense ;

- le deuxième prévoyait qu'un décret en Conseil d'Etat fixerait les orientations générales d'un plan de modernisation et de développement sur ce quartier ;

- le dernier précisait que les constructions réalisées en application de ce plan pourraient être qualifiées de PIG par le préfet.

1. Le droit existant

a. Les opérations d'intérêt national (OIN)

Les opérations d'intérêt national (OIN) sont visées à l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme, qui précise que « l'Etat veille au respect des principes définis à l'article L. 121-1 et à la prise en compte des projets d'intérêt général ainsi que des opérations d'intérêt national ».

Leur liste est fixée à l'article R. 490-5 du même code et comprend notamment « les opérations réalisées dans le périmètre d'aménagement du quartier de La Défense ».

Ces opérations sont soumises à un régime particulier :

- les autorisations d'occupation des sols y sont délivrées au nom de l'Etat (article L. 421-2-1) ;

- les zones d'aménagement concerté (ZAC) ne peuvent y être créées que par le préfet (article L. 311-1) ;

- le recours à sursis à statuer sur une demande d'autorisation concernant des travaux est possible lorsque lesdits travaux sont susceptibles de compromettre la réalisation d'une opération d'aménagement située dans le périmètre d'une OIN (article L. 111-10).

b. Les projets d'intérêt général (PIG)

Les projets d'intérêt général sont mentionnés à l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme, ainsi rédigé : « Des décrets en Conseil d'Etat déterminent, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent chapitre. Ces décrets précisent notamment la nature des projets d'intérêt général, qui doivent présenter un caractère d'utilité publique, et arrêtent la liste des opérations d'intérêt national mentionnées à l'article L. 121-2. ».

Créée par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, la procédure des PIG a pour objet d'éviter que les communes ou leurs groupements, lorsqu'ils établissent leur document d'urbanisme, ne bloquent la réalisation des PIG de l'Etat et des autres collectivités publiques. Elle donne pour cela à l'Etat le moyen de les obliger à prévoir dans leur document les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de ces projets.

L'article R. 121-3 les définit de manière assez large, mais avec un certain nombre de conditions. Il s'agit tout d'abord de conditions de fond , qui ont été interprétées libéralement par le juge :

- le projet doit avoir un minimum de consistance , ce qui implique notamment que l'on connaisse ses caractéristiques essentielles et ses conditions générales de réalisation (par exemple, un projet routier ne peut être qualifié de PIG que si les choix relatifs à son tracé ont été préalablement tranchés) ;

- il doit s'agit d'un projet « d'ouvrage, de travaux ou de protection » : cette condition, peu restrictive, permet de faire entrer dans la catégorie des PIG non seulement les projets d'équipement et d'aménagement, mais aussi ceux de protection qui ne nécessitent pas la réalisation de travaux (a ainsi été considérée par le juge comme PIG la délimitation par le préfet d'une zone inconstructible autour d'une usine de produits chimiques) ;

- le projet doit être destiné à la « réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipement, au fonctionnement d'un service public, à l'accueil et au logement des personnes défavorisées ou de ressources modestes, à la protection du patrimoine naturel ou culturel, à la prévention des risques, à la mise en valeur des ressources naturelles ou à l'aménagement agricole et rural » ;

- il doit avoir un caractère « d'utilité publique » : la notion est utilisée dans le cadre de la répartition des compétences d'urbanisme entre collectivités et Etat pour fonder l'action de ce dernier en matière de détermination du contenu des documents d'urbanisme, domaine qui relève normalement de la compétence des communes ; le juge applique la théorie du bilan.

Il s'agit ensuite de conditions de forme , posées par l'article R. 121-3 du même code :

- le projet doit émaner d'un « intervenant » qui ne peut être que l'Etat, la région, le département, la commune, un groupement de communes, un établissement public ou une autre personne ayant la capacité d'exproprier, étant entendu que sont exclues de cette liste les collectivités locales responsables de l'élaboration du document d'urbanisme concerné puisqu'elles peuvent inscrire elles-mêmes dans le document les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de leur projet ;

- il doit avoir fait l'objet soit d'une délibération ou d'une décision de l'intervenant concerné, arrêtant le principe et les conditions de sa réalisation et de sa mise à la disposition du public, soit d'une inscription dans un des documents de planification prévus par les lois et règlements, approuvés par l'autorité compétente et ayant fait l'objet d'une publication.

Le projet qui remplit l'ensemble de ces conditions peut être qualifié de PIG par arrêté préfectoral en vue de sa prise en compte par les documents d'urbanisme (article R. 121-4). L'arrêté est notifié à la personne publique qui élabore le document d'urbanisme. Il devient caduc à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la notification, sauf s'il est renouvelé.

2. La position de votre commission

Votre commission rappelle tout d'abord la particularité des règles juridiques applicables sur le quartier de La Défense. La commune de Puteaux est à l'heure actuelle couverte par des « POS partiels », vestiges d'un droit de l'urbanisme antérieur à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui a prévu l'obligation pour les communes de ne disposer que d'un seul document d'urbanisme sur leur territoire. La commune de Courbevoie, quant à elle, n'est couverte par aucun document d'urbanisme : c'est donc le règlement national d'urbanisme qui y est applicable. Si un projet de PLU est en cours d'élaboration, il n'a pas encore été adopté à ce jour.

Votre commission relève également qu'étant donnée l'ampleur des chantiers mis en oeuvre sur le site de La Défense, tout contentieux lié à la construction revêt des proportions financières très importantes. A titre d'exemple, au terme du contentieux récent sur « Coeur Défense », relatif à la construction d'une tour, l'Etat a été condamné à payer aux constructeurs plus de 300 millions d'euros. Plus généralement, dans l'hypothèse d'un blocage du chantier de construction d'une tour dont la construction avoisine les 300 millions d'euros, le coût du contentieux peut rapidement s'élever à 150 millions d'euros.

C'est pourquoi votre commission souscrit, sur le fond, à l'objectif de sécurisation du droit de l'urbanisme poursuivi par les dispositions de l'article 10 de la proposition de loi . Elle vous propose donc de les conserver, assorties de modifications rédactionnelles visant à préciser le dispositif et à le codifier à l'article L. 141-3 du code de l'urbanisme .

II. L'article 11 de la proposition de loi n° 140

Cet article précisait qu'un décret en Conseil d'Etat pourrait prévoir, sur le fondement de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme, des adaptations aux règles générales d'urbanisme applicables sur les parties du quartier de La Défense non couvertes par un document d'urbanisme.

1. Le droit existant

L'article L. 111-1 prévoit qu'en l'absence de document d'urbanisme, c'est le règlement national d'urbanisme (RNU) qui s'applique. Il s'agit de dispositions législatives et réglementaires insérées par les décrets de codification du 8 novembre 1973 dans le chapitre 1 er du titre I du livre I du code, intitulé « Règles générales de l'urbanisme » , et codifiées à l'article L. 111-1 et aux articles R. 111-2 à R. 111-24.

Il s'agit principalement, tout d'abord, de règles de localisation et de desserte :

- des règles de salubrité et de sécurité publique, le permis pouvant être notamment refusé lorsque les constructions « par leur situation ou leurs dimensions sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique » ;

- des règles de desserte, par les voies publiques et les réseaux d'eau et d'assainissement notamment ;

- des règles de protection des espaces naturels, du patrimoine écologique et culturel ;

- des règles de protection des intérêts financiers de la commune d'accueil, relatives au financement des équipements nouveaux que nécessitent les constructions : l'article R. 111-13 prévoit ainsi que le permis peut être refusé si « les constructions projetées, par leur situation ou leur importance, imposent soit la réalisation par la commune d'équipements publics nouveaux hors de proportion avec ses ressources actuelles, soit un surcroît important de dépenses de fonctionnement des services publics ».

Il s'agit, ensuite, des règles d'implantation et de volume des constructions . Les articles R. 111-16 à R. 111-19 fixent à cet égard des règles dites « de prospect » qui lient la hauteur des bâtiments à leur éloignement des autres constructions implantées sur le même terrain, des limites séparatives des propriétés voisines et des voies et emprises publiques.

Il s'agit, enfin, de règles relatives à l'aspect des constructions . L'article R. 111-21 précise ainsi que le permis peut être refusé ou accompagné de prescriptions spéciales si « les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ».

Par ailleurs, l'article L. 111-1 prévoit que des décrets en Conseil d'Etat peuvent prévoir les conditions dans lesquelles des dérogations au RNU sont apportées dans certains territoires. L'article R. 111-20 précise à ce sujet que des dérogations peuvent être accordées par décision motivée de l'autorité compétente, après avis dans chaque cas particulier du maire de la commune, lorsque celui-ci n'est pas l'autorité compétente.

2. La position de votre commission

Le RNU, outre qu'il est ancien, est particulièrement peu adapté aux projets de La Défense, notamment en matière de hauteur des constructions. L'une des règles qu'il édicte se trouve ainsi en contradiction avec les principes de construction du quartier puisqu'elle prévoit, schématiquement, que la différence de hauteur entre deux constructions ne peut être supérieure à la distance horizontale qui les sépare.

Aussi, des dérogations ont jusqu'à présent été accordées sur le fondement de l'article R. 111-20 précité. Le texte soumis par notre collègue Roger Karoutchi visait à mettre fin à ce régime de dérogations permanentes en accordant le droit à la pratique. Pour cela, il proposait d'établir, par un décret en Conseil d'Etat, des règles différentes du RNU, comme le ferait un PLU s'il en existait un. D'après les informations transmises à votre rapporteur, celui-ci devrait notamment prévoir des règles différentes de celles du RNU en matière de hauteur des constructions.

Il doit être noté que dès que la commune de Courbevoie aura adopté un PLU, les règles de celui-ci se substitueront totalement à celles édictées par le décret.

Compte tenu de l'intérêt que revêt cette disposition au regard de la sécurisation du droit de l'urbanisme applicable au site particulier qu'est La Défense, et de sa nécessaire adéquation aux caractéristiques urbanistiques essentielles de celui-ci, votre commission vous propose de reprendre le contenu de cet article 11, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles et de sa codification à l'article L. 141-4 du code de l'urbanisme.

Article 2

Transfert des dépendances du domaine public routier de l'Etat

L'article 12 de la proposition de loi n° 140 prévoyait le transfert à titre gratuit à l'EPAD, jusqu'au 1 er janvier 2014, des dépendances du domaine public routier de l'Etat situées à l'intérieur du périmètre du quartier de La Défense, lorsqu'elles font l'objet d'un déclassement.

Votre commission approuve ce dispositif garantissant à l'établissement la remise des délaissés routiers. Si ceux-ci sont déjà, en pratique, transférés à l'EPAD, la mesure proposée apporte une assurance juridique qui faisait jusqu'à présent défaut, et permet d'établir de manière certaine les règles de propriété. C'est notamment cette garantie juridique qui est nécessaire pour mettre en oeuvre la construction de la salle des marché évoquée précédemment.

Aussi l'article 2 des conclusions de votre commission reprend-il, sous réserve d'une correction rédactionnelle, les dispositions de l'article 12 de la proposition de loi de M. Roger Karoutchi.

Votre rapporteur relève que la date du 1 er janvier 2014, qui correspond à la fin de la mise en oeuvre du plan de renouveau pour la défense, ne coïncide pas avec la durée de vie de l'EPAD, qui n'a été prolongée que jusqu'au 31 décembre 2010. Estimant qu'il paraîtrait logique d'aligner celle-ci sur la durée du plan (2007-2013), il propose donc de maintenir la date du 1 er janvier 2014 dans les conclusions de la commission, sous réserve de l'engagement du Gouvernement, en séance publique, à prolonger, par cohérence, la durée de vie de l'EPAD jusqu'à cette date.

Article 3

Gage

Votre commission vous propose, à l'article 3 de ses conclusions, de reprendre le gage inscrit à l'article 13 de la proposition de loi n° 140, pour compenser l'éventuelle perte de recettes pour l'Etat résultant de la mise en oeuvre des dispositions de l'article 2.

Au cours de sa réunion du mercredi 10 janvier 2007, votre commission des affaires économiques a adopté, le groupe socialiste, apparentés et rattachés administrativement s'abstenant, les conclusions présentées par son rapporteur, dont le texte suit.

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