MISSION « PROVISIONS » - M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial

I. UNE MISSION SANS OBJECTIF DE PERFORMANCE

A. PRÉSENTATION DES DEUX PROGRAMMES DE LA DOTATION

1. Le programme 551 : « Provision relative aux rémunérations publiques »

2. Le programme 552 : « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

B. UNE RÉPARTITION NON MAÎTRISABLE ET EXCLUE DU CHAMP DE LA PERFORMANCE


II. L'ANALYSE DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE

A. DES TAUX DE CONSOMMATION CORRECTS

1. En matière de crédits de paiement (CP)

2. En matière d'autorisations d'engagement (AE)

B. UNE MAUVAISE UTILISATION DES CRÉDITS DE LA DOTATION POUR DÉPENSES ACCIDENTELLES ET PIMPRÉVISIBLES MENACE LE PRINCIPE DE SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE

1. En loi de finances initiale pour2006 : les incertitudes de la transition en mode LOLF

2. En exécution 2006 : le financement de certaines dépenses non accidentelles et prévisibles

La mission « Provisions » a été créée en application des alinéas trois à cinq du paragraphe I de l'article 7 de la LOLF .

Aux termes de ces dispositions, « [...] une mission regroupe les crédits des deux dotations suivantes :

« 1° Une dotation pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des calamités, et pour dépenses imprévisibles ;

« 2° Une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits. ».

Chaque dotation constitue un programme.

Ces programmes sont pilotés par la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie 147 ( * ) .

I. UNE MISSION SANS OBJECTIF DE PERFORMANCE

A. PRÉSENTATION DES DEUX PROGRAMMES DE LA DOTATION

1. Le programme 551 : « Provision relative aux rémunérations publiques »

La dotation du programme 551 : « Provision relative aux rémunérations publiques » a vocation à permettre le financement des mesures générales en matière de rémunérations dont la répartition, par programme, ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits. Conformément à l'article 5 de la LOLF, les crédits affectés au programme 551 sont repris sous le titre 2 (Dépenses de personnel).

2. Le programme 552 : « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

La dotation du programme 552 : « Dépenses accidentelles et imprévisibles » a pour vocation d'assurer les crédits nécessaires à des dépenses accidentelles, imprévisibles et urgentes (notamment liées à des catastrophes naturelles, en France ou à l'étranger, ou à des événements extérieurs qui requièrent le rapatriement de Français). Conformément à l'article 5 de la LOLF, les crédits affectés au programme 552 sont repris sous le titre 3 (Dépenses de fonctionnement).

B. UNE RÉPARTITION NON MAÎTRISABLE ET EXCLUE DU CHAMP DE LA PERFORMANCE

La présente mission constitue, conformément aux dispositions de l'article 7, précité, de la LOLF, une mission « spécifique », sans objectif de performance. Ses programmes, par conséquent, ne font l'objet d'aucun indicateur, et leur présentation n'est pas accompagnée d'un projet annuel de performances. De même, l'exercice budgétaire de 2006 est présenté dans un document annexe au projet de loi de règlement et non dans un rapport annuel de performances (RAP)

Cette absence de mesure de la performance s'explique par la nature imprévisible de ces dépenses, indéterminées au moment du vote . Ces crédits sont répartis en tant que de besoin en cours d'exercice, entre les autres missions, par programme, selon une procédure fixée par l'article 11 de la LOLF qui distingue les crédits des deux dotations.

- Les crédits ouverts sur la dotation pour mesures générales en matière de rémunérations (programme 551) sont répartis, par programme, par arrêté du ministre chargé des finances (LOLF, article 11, alinéa 2).

- Les crédits ouverts sur la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles sont répartis, par programme, par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances (LOLF, article 11, alinéa 1 er ).

La direction du budget n'a donc aucune maîtrise de la répartition des crédits de ces dotations : l'analyse de leur exécution budgétaire doit nécessairement tenir compte de cette spécificité .

Toutefois, il s'agit d'être vigilant afin que le caractère « hors-norme » de cette mission ne menace pas le principe de sincérité budgétaire.

II. L'ANALYSE DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE

Votre rapporteur spécial relève que, conformément aux « bonnes pratiques budgétaires » instaurées par le texte mais aussi « l'esprit » de la LOLF, la dotation relative aux rémunérations publiques n'était pas valorisée, tous les crédits de rémunération des agents de l'Etat ayant été répartis dans les titres 2 des différentes missions.

A. DES TAUX DE CONSOMMATIONS CORRECTS

Votre rapporteur spécial rappelle que, dans la mesure où ces crédits représentent une dotation prévisionnelle, ils n'ont pas vocation à être entièrement consommés . Les taux d'exécution sont donc donnés à titre informatif et ne constituent pas à proprement parler, un élément de la mesure de la performance.

En outre, ce type de dépenses peut aussi être financé au moyen de la fongibilité des crédits à l'intérieur des programmes, du dégel des 5 % de crédits mis en réserve en début d'exercice budgétaire ou encore, en cas « d'urgence et de nécessité impérieuse d'intérêt national », par la procédure de l'article 13 de la LOLF qui prévoit l'ouverture de crédits par décret d'avance.

Exercice budgétaire 2006

(en millions d'euros)

Dotation

Inscrits en LFI 2006

Consommés en 2006

Taux de consommation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

551 Provision relative aux rémunérations publiques

0

0

0

0

0

0

552 Dépenses accidentelles et imprévisibles

463.113

111.113

410.620

80.291

88,7 %

72,2 %

1. En matière de crédits de paiement (CP)

Sur les 111,11 millions d'euros votés en loi de finances initiale (LFI), 80,29 millions d'euros ont fait l'objet d'annulation, soit un taux d'exécution de 72,27 %.

Le document annexe au projet de loi de règlement précise que le premier décret portant annulation de crédits a été publié le 15 septembre 2006, ce qui avait conduit votre rapporteur spécial à s'inquiéter du taux de consommation nul affiché dans les réponses aux questionnaires budgétaires fournies avant l'examen de la loi de finances pour 2007. La direction du budget avait alors estimé que le reliquat des crédits de paiement non consommés se situerait, en fin d'exercice 2006, entre 50 et 80 millions d'euros. Finalement, ce reliquat représente moins de 31 millions d'euros.

A titre d'exemple, ces crédits ont permis le financement logistique de l'évacuation des civils au Liban (programme 151 « Français à l'étranger et étrangers de France » de la mission « Action extérieure de l'Etat ») pour 9,3 millions d'euros, le versement d'acomptes du Fonds national de garantie contre les calamités agricoles , suite à la sécheresse de 2006 (programme 227 « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés » de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ») pour 9 millions d'euros, ou encore l'abondement des crédits pour secours d'extrême urgence aux victimes d'intempéries (programme 128 « Coordination des moyens de secours » de la mission « Sécurité civile ») pour 2,8 millions d'euros.

2. En matière d'autorisations d'engagement (AE)

Sur les 463,113 millions d'euros votés en LFI, 410,62 millions d'euros ont fait l'objet d'annulation, soit un taux d'exécution de 88,7 %. Ce taux apparaît satisfaisant au vu du montant considérable qu'avait représenté la demande d'AE pour 2006, dont moins de 10 % seulement avaient été ouverts à la date du 31 août 2006.

La majeure partie de ces AE (près de 283 millions d'euros) a été ouverte pour couvrir la transformation des anciennes autorisations de programmes en AE dans le cadre de la « bascule » entre les deux « modes budgétaires » (ordonnance organique de 1959 et LOLF) et a permis d'abonder ainsi une dizaine de programmes (parmi lesquels le programme 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relation avec les collectivités territoriales »).

L'ouverture de 28,8 millions d'euros d'AE a également permis l'achèvement d'opérations relatives au paiement des fournisseurs de la direction générale de l'aviation civile (programme 225 « Transports aériens » de la mission « Transports »).

S'il apparaît clairement impossible de « prévoir l'imprévisible », l'analyse du montant de l'exécution budgétaire est délicate à critiquer. En revanche, plus problématique est la nature de la dépense, à savoir la réalité de son caractère imprévisible, qui peut constituer une atteinte au principe de sincérité budgétaire.

B. UNE MAUVAISE UTILISATION DES CRÉDITS DE LA DOTATION POUR DÉPENSES ACCIDENTELLES ET IMPREVISIBLES MENACE LE PRINCIPE DE SINCERITE BUDGETAIRE

Votre rapporteur spécial met en garde contre les éventuels « détournements » dont cette dotation aurait pu faire l'objet, au moment des demandes prévisionnelles de crédits et lors de l'exécution budgétaire.

1. En loi de finances initiale pour 2006 : les incertitudes de la transition en mode LOLF

Lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2006 148 ( * ) , votre rapporteur spécial s'était étonné des 352 millions d'euros d'écart entre les AE et les CP. Ce montant avait été justifié par les aléas inévitables liés à la mise en oeuvre du premier budget en mode LOLF .

Pour sa plus large part, cette surévaluation de la demande avait été imputée aux frais de justice , le principe de crédits limitatifs imposé par la LOLF ayant conduit à une prévision au titre de dépenses « accidentelles ». Votre rapporteur spécial s'était alors interrogé sur les raisons du « transit », par la présente mission, d'AE destinées à des dépenses relevant de la mission « Justice » et avait mis en garde afin que la dotation ne serve pas à corriger des évaluations de crédits initiales insuffisantes comme l'exigeait la sincérité budgétaire. Or, à la lecture du rapport d'exécution budgétaire , aucune ouverture d'AE n'a bénéficié à un quelconque programme de la mission « Justice », les responsables de programme de ladite mission ayant parfaitement maîtrisé leurs crédits initiaux.

De surcroît, une autre partie de cette surévaluation des AE avait alors été imputée aux éventuelles défaillances de gestion, notamment au problème de transition comptable entre les anciennes autorisations de programme et les nouvelles AE, due à la bascule entre les deux modes budgétaires évoquée précédemment. Il apparaît finalement que ces dépenses ont représenté plus de 60 % du montant des AE inscrits en loi de finances initiale. Cette pratique, non conforme à l'objet de la dotation puisque concernant des opérations d'investissement pluriannuels et donc programmés, peut toutefois être acceptée dans le contexte de mise en oeuvre du premier budget en mode LOLF et dans la mesure où le PLF 2007 a été construit sur des prévisions plus raisonnables (de l'ordre de 90 millions d'euros).

2. En exécution 2006 : le financement de certaines dépenses non accidentelles et prévisibles

L'imputation inappropriée de certaines dépenses sur la dotation relative aux dépenses accidentelles et imprévisibles constitue une réelle atteinte au principe de sincérité budgétaire. Cette pratique a, du reste, été dénoncée par la Cour des comptes dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de 2006.

Il s'agit des dépenses de financement d'une partie de la contribution de l'Etat au fonds intercommunal de péréquation de la Polynésie française pour les années 2001 à 2003 (14 millions d'euros sur le programme 160 « Intégration et valorisation de l'outre-mer » de la mission « Outre-mer ») ou encore de l'accélération, décidée par le gouvernement, du financement du logement social outre-mer via les opérateurs (8,4 millions d'euros sur le programme 123 « Conditions de vie en outre-mer » de la mission précitée) qui représente, en fait, le versement des arriérés de subvention de l'Etat aux organismes HLM d'outre-mer.

Votre rapporteur spécial considère que c es crédits auraient dû être inscrits en LFI sur la mission « Outre-mer » ou, à tout le moins, être inscrits en loi de finances rectificative .

*

* *

En conclusion, votre rapporteur spécial souligne que l'absence de mesure de la performance est liée aux spécificités de la mission « Provisions », mission hors normes dont les crédits non maîtrisables ne s'identifient pas à une politique publique.

S'agissant de l'exécution 2006, l'imputation des défaillances budgétaires , dans le contexte de la mise en oeuvre de la LOLF , sur les crédits de la dotation, ne devrait plus se reproduire à l'avenir .

Enfin, votre rapporteur spécial met en garde contre la menace au principe de sincérité budgétaire, et par voie de conséquence, à la LOLF elle-même, que constitue l'imputation de dépenses prévisibles et programmables sur la dotation relative aux dépenses accidentelles et imprévisibles de cette mission « Provisions ».

* 147 Depuis mai 2007, le ministère est scindé entre le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi et le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

* 148 Loi de finances pour 2006 : annexe n° 99 au rapport général de M. Jean-Pierre Demerliat, fait au nom de la commission des finances : Provisions.

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