Rapport n° 394 (2006-2007) de M. André VANTOMME , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 18 juillet 2007

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N° 394

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juillet 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique sur la coopération sanitaire transfrontalière ,

Par M. André VANTOMME,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 257 (2006-2007)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de l'accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière signé entre la France et la Belgique à Mouscron le 30 septembre 2005.

Cet accord-cadre est pratiquement identique à celui que la France a signé avec l'Allemagne le 22 juillet 2005 et dont le Parlement a autorisé l'approbation au mois d'octobre 2006. Il vise à faciliter et encourager les coopérations nouées par les acteurs locaux en matière de santé, de part et d'autre de la frontière franco-belge, en leur donnant une base juridique claire et en évitant certaines lourdeurs administratives auxquelles se heurte actuellement la mise en oeuvre de ces coopérations.

L'objectif est de faciliter l'accès aux soins pour les populations frontalières, en leur permettant de s'adresser indifféremment à des établissements ou professionnels de santé des deux pays. Il s'agit aussi de mieux coordonner l'offre de soins, afin de pallier les lacunes et d'éviter des capacités redondantes. Enfin, ces coopérations peuvent donner lieu à des politiques sanitaires locales définies en commun, par exemple en matière de prévention.

Plus généralement, cet accord-cadre s'inscrit dans une volonté de développer, dans tous les domaines, les projets transfrontaliers.

Votre rapporteur présentera tout d'abord le dispositif de l'accord-cadre du 30 septembre 2005 avant d'évoquer la mise ne oeuvre des coopérations en matière sanitaire dans la zone frontalière franco-belge.

I. L'ACCORD-CADRE DU 30 SEPTEMBRE 2005 SUR LA COOPÉRATION SANITAIRE TRANSFRONTALIÈRE FRANCO-BELGE

A. LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX ET LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD

L'accord-cadre signé le 30 septembre 2005 entre les ministres français et belge de la santé a pour objet de préciser le cadre juridique de la coopération sanitaire transfrontalière entre la France et la Belgique. L'article 1 er indique qu'il vise :

- à assurer un meilleur accès à des soins de qualité pour les populations de la zone frontalière ;

- à garantir une continuité des soins à ces mêmes populations ;

- à optimiser l'organisation de l'offre de soins , en facilitant l'utilisation ou le partage des moyens humains et matériels ;

- et à favoriser la mutualisation des connaissances et de pratiques .

L'accord franco-allemand du 22 juillet 2005 mentionnait également un cinquième objectif : le recours plus rapide aux secours d'urgence. La partie allemande avait notamment souhaité que soit explicitement posé le principe selon lequel les professionnels de santé des services de secours d'urgence peuvent intervenir indifféremment de part et d'autre de la frontière. L'accord franco-belge ne comporte quant à lui aucune disposition spécifique sur les secours d'urgence, les deux parties considérant que ce domaine est couvert par les objectifs généraux de l'accord et qu'au regard de leurs législations respectives, il n'y avait pas lieu de prévoir des dispositions analogues à celles de l'accord franco-allemand. De surcroît, dès qu'elle sera transposée, à savoir en principe avant le 20 octobre 2007, la directive européenne 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles devrait permettre de régler toute éventuelle difficulté.

L'accord-cadre s'applique dans le périmètre de quatre régions françaises - Champagne-Ardenne, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais et Picardie - et de treize arrondissements belges situés de la mer du Nord à la frontière luxembourgeoise (Veurne, Ieper, Kortrijk, Mouscron, Tournai, Ath, Mons, Thuin, Philippeville, Dinant, Neufchâteau, Virton et Arlon).

Dans ce périmètre, il s'applique à toute personne pouvant bénéficier des prestations de l'assurance-maladie de l'une des parties et résidant ou séjournant temporairement dans cette zone frontalière (article 2).

L'accord-cadre est mis en oeuvre par les autorités compétentes en matière d'organisation de l'accès aux soins et de sécurité sociale (article 2).

B. LES CONVENTIONS DE COOPÉRATION SANITAIRE

La mise en oeuvre de la coopération sanitaire transfrontalière s'effectue sur la base de conventions de coopération sanitaire (article 3).

Le droit français actuel permet déjà, sous certaines conditions, la passation de conventions de ce type, par exemple entre organismes de sécurité sociale et établissements de soins établis dans un autre pays de l'Union européenne. Toutefois ces conventions sont soumises à approbation ministérielle.

L'accord-cadre donnera désormais une base juridique plus forte aux conventions locales de coopération qui pourront être conclues et mises en oeuvre sans autorisation ministérielle préalable .

Ces conventions organisent la coopération entre des structures et ressources sanitaires situées dans la zone frontalière, y ayant un point d'ancrage ou faisant partie d'un réseau intervenant dans cette zone. Elles peuvent prévoir à cette fin des complémentarités entre structures et ressources sanitaires existantes , ainsi que la création d'organismes de coopération ou de structures communes.

L'article 3 indique également que les conventions « prévoient les conditions et modalités obligatoires d'intervention des structures de soins, des organismes de sécurité sociale et des professionnels de santé, ainsi que de prise en charge des patients ».

L' objet des conventions peut porter sur cinq domaines:

- l' intervention transfrontalière des professionnels de santé , notamment ses aspects statutaires ;

- l' organisation du transport sanitaire des patients ;

- la garantie d'une continuité des soins incluant en particulier l'accueil et l'information des patients ;

- les critères d'évaluation et de contrôle de la qualité et de la sécurité des soins ;

- les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre des coopérations .

L'arrangement administratif général relatif aux modalités d'application de l'accord-cadre, signé lui aussi à Mouscron le 30 septembre 2005, précise que les critères d'évaluation et de contrôle de la qualité et de la sécurité des soins portent en particulier sur :

- une politique de qualité en matière de gestion des risques (notamment sur l'ensemble des vigilances, la distribution du médicament, la transfusion sanguine, l'anesthésie, la gestion des risques iatrogènes et des infections nosocomiales) ;

- l'actualisation des connaissances des professionnels de santé ;

- la transmission des informations médicales relatives aux patients ;

- la prise en charge de la douleur.

Les conventions doivent préciser la méthodologie associée à la mutualisation des bonnes pratiques.

Il est précisé que les conventions déjà existantes doivent se conformer à l'accord-cadre. L'arrangement administratif du 30 septembre 2005 fixe à cet effet un délai maximal d'un an à compter de l'entrée en vigueur de l'accord-cadre.

Les personnes et autorités pouvant conclure des conventions de coopération ont été définies par l'arrangement administratif du 30 septembre 2005. Il s'agit, pour la France, des directions départementales et régionales d'action sanitaire et sociale , des agences régionales d'hospitalisation et des unions régionales de caisses d'assurance-maladie . Pour la Belgique, il s'agit de l'Institut national d'assurance-maladie-invalidité, des organismes assureurs (Caisse auxiliaire d'assurance maladie-invalidité et Caisse des soins de santé de la Société nationale des chemins de fer belges) et des dispensateurs de soins (praticiens, kinésithérapeutes, infirmiers, auxiliaires paramédicaux, établissements hospitaliers, établissements de rééducation fonctionnelle et de réadaptation professionnelle).

C. LES MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE DES SOINS

En matière de remboursement des soins , l'accord-cadre se réfère à la réglementation européenne (règlement (CE) n° 1408/71 de coordination des régimes de sécurité sociale dans l'Union européenne), mais permet également d'aller au-delà en facilitant la prise en charge des hospitalisations réalisées dans le pays voisin .

Il faut en effet rappeler que la réglementation communautaire permet aux assurés d'un régime français qui reçoivent des soins dans un autre État membre, qu'ils soient en situation de résidence ou de séjour temporaire, de se faire rembourser des frais exposés, dans les mêmes conditions que s'ils étaient affiliés au régime du lieu des soins, dès lors qu'ils présentent un document communautaire attestant l'ouverture de leurs droits en France (carte européenne d'assurance maladie pour les soins inopinés reçus à l'occasion d'un séjour temporaire ou autorisation préalable E 112 pour les soins programmés, ambulatoires comme hospitaliers).

Par ailleurs, pour se conformer à la jurisprudence européenne , la réglementation française pose désormais le principe selon lequel « les caisses d'assurance maladie procèdent au remboursement des frais des soins dispensés aux assurés sociaux et à leurs ayants droit dans un État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, dans les mêmes conditions que si les soins avaient été reçus en France » (article R 332-3 du code de la sécurité sociale). Toutefois, hors l'hypothèse de soins inopinés, le remboursement des frais des soins hospitaliers ou nécessitant le recours aux équipements matériels lourds ne peut être effectué que sur autorisation préalable . Cette autorisation ne peut être refusée que si les soins envisagés ne figurent pas parmi les soins dont la prise en charge est prévue par la réglementation française ou s'il apparaît qu'un traitement identique ou présentant le même degré d'efficacité peut être obtenu en temps opportun en France, compte tenu de l'état du patient et de l'évolution probable de son affection (article R 332-4). Cependant, les assurés sociaux qui ne peuvent recevoir en France les soins appropriés à leur état sont dispensés de l'autorisation préalable lorsque leur prise en charge s'effectue dans le cadre de conventions passées, après autorisation conjointe du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé, entre les organismes de sécurité sociale et les établissements de soins qui les accueillent (article R 332-5).

L'accord-cadre franco-belge stipule précisément, dans son article 5, que les conventions de coopération sanitaire pourront prévoir une autorisation automatique pour les soins reçus dans la zone frontalière et normalement soumis à autorisation préalable, ce qui constitue une simplification par rapport à l'article R 332-5 du code de la sécurité sociale, puisque l'approbation préalable des conventions par les ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale n'est plus exigée. Toutefois, dans ce cas de figure, les conventions de coopération peuvent prévoir une tarification spécifique des actes et soins reçus.

L'article 5 de l'arrangement administratif du 30 septembre 2005 récapitule les trois modalités possibles de prise en charge, par l'institution compétente, des soins reçus dans le cadre d'une convention de coopération :

- sur la base des tarifs du lieu des soins , dans le cadre des règlements communautaires relatifs à la coordination des régimes de sécurité sociale et lorsque l'assuré peut présenter au prestataire de soins un document communautaire attestant l'ouverture de ses droits;

- sur la base des tarifs de l'État d'affiliation , dans le cadre de la prise en charge de soins pouvant être obtenus en application de la jurisprudence dite « Kholl et Decker » de la Cour de Justice des Communautés européennes relative à la libre prestation de services et à la libre circulation des marchandises en matière de soins de santé;

- sur la base de tarifs spécifiques négociés entre les autorités signataires de la ou des conventions de coopération sanitaire, à avaliser par les autorités nationales compétentes.

D. LES AUTRES DISPOSITIONS DE L'ACCORD-CADRE

L'article 4 impose aux parties de prendre toutes les mesures éventuellement nécessaires en vue de faciliter le franchissement de la frontière commune pour la mise en oeuvre de l'accord-cadre.

L'article 6 précise que le droit applicable en matière de responsabilité médicale sera celui de l'État sur le territoire duquel ont été prodigués les soins. Les professionnels de santé et établissements et services de santé qui dispensent des soins dans le cadre d'une convention de coopération sont tenus à une obligation d'assurance responsabilité civile pour les éventuels dommages qui pourraient être causés par leur activité dans le cadre de la coopération sanitaire transfrontalière.

Le suivi de l'accord-cadre incombera à une commission mixte composée des représentants des autorités compétentes de chacun des deux États (article 7). Elle règlera les difficultés éventuelles liées à l'application ou à l'interprétation de l'accord-cadre. Elle pourra proposer d'y apporter des modifications. Elle élaborera chaque année un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre du dispositif de coopération. La commission mixte exercera également un contrôle de conformité des conventions aux dispositions de l'accord cadre.

II. LA MISE EN OEUVRE DE LA COOPÉRATION SANITAIRE DANS LA ZONE FRONTALIÈRE FRANCO-BELGE

Les acteurs du domaine sanitaire n'ont pas attendu l'accord-cadre du 30 septembre 2005 pour engager des coopérations concrètes dans un cadre transfrontalier. La frontière franco-belge concentre même le plus grand nombre d'actions et de projets transfrontaliers en matière de santé.

A. L'OBSERVATOIRE FRANCO-BELGE DE LA SANTÉ

Le développement de la mobilité à l'intérieur de l'espace frontalier franco-belge et l'intensification de l'intégration européenne ont conduit différentes institutions françaises et belges à se rapprocher dès le début des années 1990 pour étudier les possibilités de développer des complémentarités entre leurs systèmes de santé. Un premier projet prenait forme avec la conclusion d'une convention de coopération entre les centres hospitaliers de Tourcoing et de Mouscron.

La volonté de disposer d'une structure pérenne pour encadrer ces réflexions et ces projets a conduit à créer le 23 juin 1999 un Groupement européen d'intérêt économique (GEIE) : l'Observatoire franco-belge de la santé (OFBS).

Il est composé des principaux acteurs de l'assurance maladie (organismes de sécurité sociale et mutuelles) et de l'offre de soins (agences régionales d'hospitalisation, établissements hospitaliers, ordre des médecins), des observatoires de la santé, des médecins libéraux ainsi que des centres hospitaliers situés dans la zone frontalière franco-belge. Les ministères et organismes de tutelle concernés y sont également représentés. La structure compte aujourd'hui 55 membres. Son siège est établi en France, à Villeneuve d'Ascq, siège de la caisse régionale d'assurance-maladie Nord-Picardie.

L'Observatoire franco-belge de la santé se définit comme « un espace permanent de discussion, d'études prospectives et d'action dans le domaine sanitaire et de l'assurance-maladie ».

Il s'est fixé un ensemble de missions très larges : analyser les besoins de la population de part et d'autre de la frontière et la manière dont l'offre de soins existante y répond ; identifier les axes potentiels de coopération et de complémentarité ; assurer une veille juridique en droit national et européen ; jouer le rôle de catalyseur pour la coopération sanitaire transfrontalière et apporter une aide à la mise au point de projets concrets.

Les domaines d'action de l'OFBS touchent notamment : la création de zones organisées d'accès aux soins transfrontaliers ; la conclusion de conventions de coopération interhospitalière ; l'établissement de tableaux de bord de la santé et d'analyses sur la démographie médicale ; l'évaluation de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées ; la prévention et la promotion de la santé ; le domaine des urgences transfrontalières.

L'objectif principal de l'OFBS est d'améliorer l'accès des populations frontalières aux systèmes de soins, avec pour corollaire la réduction des surcoûts générés par le principe de la territorialité des prestations, et la réalisation d'économies d'échelle par une utilisation plus rationnelle des infrastructures et des équipements. Plus largement, les travaux de l'OFBS tendent à créer les conditions de la mise en oeuvre d'une politique de santé véritablement transfrontalière, au regard notamment de la régulation de l'offre de soins.

Avec le soutien des fonds structurels européens spécifiquement dédiés aux actions transfrontalières (programme Interreg), l'OFBS a encouragé la mise en oeuvre de nombreux projets de coopération.

B. DE NOMBREUX PROJETS DE COOPÉRATION

Plusieurs conventions de coopération hospitalière entre établissements français et belges sont actuellement en vigueur ou en cours de conclusion. On peut citer la convention entre les centres hospitaliers de Mouscron et de Tourcoing, qui porte sur les domaines de l'insuffisance rénale chronique et des maladies infectieuses, de l'imagerie à résonance magnétique (IRM) et la scintigraphie, et de l'urologie. Deux autres conventions lient d'une part le centre hospitalier de Sambre Avesnois à Maubeuge et le centre hospitalier de Mons, et d'autre part les centres hospitaliers de Charleville Mézières et de Dinant. D'autres conventions sont en projet (Tournai et Valenciennes ; établissements psychiatriques de Lille et Menin). Des concertations interviennent également entre établissements hospitaliers pour coordonner l'acquisition d'équipements lourds, notamment en matière d'imagerie médicale.

Ont également été mis en place des projets visant à développer des zones organisées d'accès aux soins transfrontaliers , destinées à garantir la continuité des soins par le biais de la libre circulation et de la prise en charge des patients entre la France et la Belgique. Il s'agit de simplifier les modalités administratives et financières de prise en charge des patients dans les établissements hospitaliers de part et d'autre de la frontière. Ainsi, le projet Transcards a permis un accès simplifié aux soins hospitaliers grâce à la carte Vitale et à son équivalent belge pour la zone de la Thiérache comportant 150 000 habitants de part et d'autre de la frontière, à la limite des départements de l'Aisne et du Nord. Deux projets similaires sont en cours dans le nord des Ardennes, afin de permettre aux patients des cantons de Givet et de Fumay de recevoir des soins hospitaliers au Centre hospitalier de Dinant dans les mêmes conditions que sur le territoire français, et dans l'agglomération Roubaix-Tourcoing autour des centres hospitaliers de Roubaix, Tourcoing, Wattrelos et Mouscron.

Dans d'autres domaines, les projets sont parfois moins avancés, mais des coopérations ont été engagées pour mieux analyser les besoins et mettre en place des réponses communes ou coordonnées. C'est par exemple le cas en matière de prise en charge des personnes âgées dépendantes ou des personnes handicapées.

La prévention est un thème propice à des actions communes. Ainsi, il a été constaté que les politiques de dépistage du cancer n'étaient pas homogènes de part et d'autres de la frontière, que ce soit en raison des différences de protocoles ou des modalités de prise en charge des consultations ou examens. Les moyens de mieux coordonner la démarche de prévention en France et en Belgique est à l'étude, l'objectif plus général étant d'élaborer une politique commune de prévention et de promotion de la santé dans les zones transfrontalières.

Enfin, en matière de facilitation des prises en charge, il faut citer la création de guichets de soins , encouragée par l'OFBS. Il s'agit de permettre aux organismes de sécurité sociale d'apporter rapidement une réponse adéquate et uniforme aux questions et problèmes rencontrés par les populations résidant dans les zones frontalières. Concrètement, les personnes chargées de l'application des conventions internationales dans les organismes assureurs belges et français sont mises en relation afin de traiter plus efficacement les dossiers. Elles pourront s'appuyer sur un réseau transfrontalier d'intervenants capable d'apporter des réponses aux diverses questions des populations frontalières.

CONCLUSION

L'accord-cadre franco-belge du 30 septembre 2005 doit fournir une base juridique claire aux initiatives prises par les acteurs locaux du secteur sanitaire en matière de coopération transfrontalière. Il doit aussi permettre de réduire certaines lourdeurs administratives, en évitant notamment un contrôle a priori des conventions conclues par les acteurs locaux. Enfin, il donnera certainement une légitimité et une visibilité plus fortes à la coopération transfrontalière dans le domaine sanitaire.

Il est indéniable que la possibilité d'accéder à des soins de qualité près de chez soi constitue un droit et que la coopération transfrontalière apporte une indiscutable valeur ajoutée à l'organisation des soins et à la prise en charge des patients.

Les soins apportés doivent en priorité être adaptés aux besoins du patient et ne doivent pas être limités par les frontières nationales ou les différences d'organisation administrative.

Les succès obtenus en matière de coopération sanitaire transfrontalière entre la France et la Belgique ne doivent pas masquer les difficultés auxquelles se heurtent les porteurs de projets puisque aucun texte de portée générale ne vient réglementer au niveau européen la coopération transfrontalière.

Avec la ratification de cet accord-cadre par les deux États, les problèmes administratif et réglementaire liés aux niveaux de décision différents de part et d'autre des frontières ou liés aux barrières juridiques et réglementaires seront réduits voire supprimés.

Cette coopération transfrontalière est aussi révélatrice des insuffisances de nos dispositifs sanitaires et médico-sociaux. La densité médicale insuffisante, l'absence d'équipements lourds ou de spécialités médicales qui constituent la trame des disparités sanitaires régionales, certes dénoncées mais pas encore supprimées, amènent nos concitoyens à chercher outre-frontière, les solutions à leurs problèmes.

Il en est de même dans le secteur médico-social et du handicap. La très secourable Belgique nous aide, souvent, d'aucun diront trop souvent, dans des domaines où nos politiques ont encore beaucoup de retard.

Nous devons à l'honnêteté de reconnaître que l'accueil de patients étrangers vient, a contrario, souligner la qualité de nos dispositifs de soins dans certains secteurs ou dans certaines disciplines.

La coopération sanitaire transfrontalière se structure et se formalise à la faveur de la construction européenne. Le long des frontières de l'hexagone, les exemples de conventions de partenariat se multiplient, chacune avec son contexte, ses attentes, objectifs et besoins particuliers, l'essentiel étant de rationaliser l'offre de soins tout en optimisant la réponse aux demandes croissantes des patients.

Les flux transfrontaliers des patients sont naturels et courants sur toutes les zones frontalières en Europe. La jurisprudence en conforte le bien-fondé au nom du principe de la libre circulation et ce malgré les difficultés concrètes liés aux différents systèmes d'assurance maladie.

La coopération sanitaire transfrontalière est le moteur d'une politique de santé européenne. Aujourd'hui la mobilité en Europe des patients est une réalité et il appartient à chaque État de se doter d'outils de régulation.

C'est pourquoi votre commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa réunion du mercredi 18 juillet 2007.

À la suite de l'exposé du rapporteur, M. Jacques Blanc s'est félicité que l'accord-cadre ne se limite pas aux coopérations dans le domaine hospitalier, mais couvre également le secteur médico-social. Citant l'exemple de la construction en cours d'un hôpital transfrontalier sur la frontière franco-espagnole à Puigcerda, en Cerdagne, il a souligné tout l'intérêt de la coopération transfrontalière pour apporter des réponses concrètes aux besoins de la population. Il a indiqué que la mise en oeuvre d'un tel projet avait nécessité des démarches longues et complexes, compte tenu de l'absence de cadre juridique européen approprié. Il a également souligné que les échanges transfrontaliers dans le domaine de la santé faisaient ressortir l'acuité des pénuries en personnels médicaux et paramédicaux dans de nombreuses régions françaises.

M. André Vantomme, rapporteur, a précisé que la création d'autres établissements hospitaliers transfrontaliers méritait d'être envisagée. Il a notamment cité la région de la Thiérache où une réflexion est engagée sur la construction d'un nouvel établissement. Plus généralement, il a souligné que la coopération transfrontalière révélait les forces et les faiblesses des systèmes de santé, notamment les disparités régionales en matière d'équipements lourds ou de densité médicale.

La commission a ensuite adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'approbation simplifiée en séance publique.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le gouvernement)

Article unique 1 ( * )

Est autorisée l'approbation de l'accord cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique, signé à Mouscron le 30 septembre 2005 et dont le texte est annexé à la présente loi.

ANNEXE - ETUDE D'IMPACT2 ( * )

L'accord-cadre franco-belge du 30 septembre 2005 sur la coopération sanitaire transfrontalière emporte les conséquences juridiques suivantes :

1) Prise en charge des soins dispensés dans un autre État membre de l'Union européenne : modalités tarifaires de remboursement (Articles 2 , 3 & 5)

Il existe trois voies permettant de prendre en charge les frais médicaux exposés par des assurés d'un régime français dans un autre État membre de l'UE.

1 - Le règlement (CE) n° 1408/71 de coordination des régimes de sécurité sociale en UE permet aux assurés d'un régime français qui reçoivent des soins dans un autre État membre, qu'ils soient en situation de résidence ou de séjour temporaire, de se faire rembourser des frais exposés dans les mêmes conditions que s'ils étaient affiliés au régime du lieu des soins, dès lors qu'ils présentent un document communautaire attestant l'ouverture de leurs droits en France (carte européenne d'assurance maladie pour les soins inopinés reçus à l'occasion d'un séjour temporaire ou autorisation préalable E 112 pour les soins programmés, ambulatoires comme hospitaliers).

2 - La jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes sur la libre prestation de services et la libre circulation des marchandises en matière de soins de santé prévoit que les assurés d'un régime français, qui ont décidé d'acheter leurs soins dans un autre État membre, peuvent se faire rembourser des frais exposés sur la base des tarifs français, sans autorisation préalable de leur caisse d'affiliation, pour ce qui concerne les soins ambulatoires, le remboursement des soins hospitaliers restant soumis à l'obtention d'une telle autorisation. Les assurés sont alors tenus de faire l'avance des frais et de présenter ensuite leurs factures à leur caisse d'affiliation.

Cette jurisprudence est intégrée en droit interne aux articles R.332-3 et suivants du code de la sécurité sociale (CSS).

3 - Les conventions locales de coopération sanitaire transfrontalière entre organismes d'assurance maladie et/ou établissements de santé français et étrangers permettent également aux assurés qui résident ou sont en séjour dans les zones concernées de se faire rembourser des frais médicaux exposés dans l'État partenaire, dans des conditions, propres à chaque convention, qui favorisent l'accès aux soins transfrontaliers.

Dans le cadre de telles conventions, l'article R.332-5 du CSS précise que la prise en charge des soins hospitaliers ne requiert pas la délivrance d'une autorisation préalable de la caisse d'affiliation de l'assuré.

L'accord cadre franco-belge organise, dans la région transfrontalière concernée, cette dernière voie permettant le remboursement des soins reçus en UE sans autorisation préalable, qu'il s'agisse de soins ambulatoires ou hospitaliers.

Il permet la prise en charge des soins de santé exposés conformément à ses dispositions, selon trois modalités tarifaires de remboursement, comme le précise l'article 5 de l'arrangement administratif (prévu par l'article 8 de l'accord cadre).

La prise en charge peut ainsi s'effectuer :

- sur la base des tarifs du lieu des soins (application de la réglementation communautaire) ;

- sur la base des tarifs de l'État d'affiliation de l'assuré (application de la jurisprudence communautaire dite « Kohll et Decker ») ;

- sur la base de tarifs négociés entre les autorités signataires de la convention, avalisés par les autorités nationales compétentes.

2) Simplification de la procédure de mise en oeuvre des conventions locales passées par les organismes de sécurité sociale (Articles 3 & 5)

L'article R.332-5 du CSS ouvre la possibilité, sous certaines conditions, aux organismes de sécurité sociale de passer convention avec des établissements de soins établis en UE, sous réserve de l'accord du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale.

L'accord cadre franco-belge simplifie le circuit de validation des conventions locales de coopération en autorisant les acteurs de terrain responsables de la signature de ces conventions (DRASS, DDASS, ARH et URCAM) à les conclure et les mettre en oeuvre, sans autorisation ministérielle préalable.

Un contrôle de conformité de ces conventions aux dispositions de l'accord cadre sera régulièrement assuré par les représentants des autorités compétentes nationales, qui siègeront à la commission mixte prévue à l'article 7 de l'accord cadre.

3) Autorisation d'exercer pour les professionnels de santé - praticiens hospitaliers (Article 3 )

Les établissements publics de santé peuvent conclure des conventions de coopération, y compris internationales, avec des personnes de droit public ou privé en vertu de l'article L 6134-1 CSP.

Ces conventions permettent de mettre à disposition des personnels de santé, notamment les praticiens hospitaliers (art R 6152-4, 6152-201 et R 6152-612 CSP).

L'accord cadre permet que les conventions de coopération organisent l'intervention de ces professionnels en dehors de leur établissements pour des interventions transfrontalières.

4) Régime applicable à la responsabilité, y compris médicale (Article 6)

En matière de responsabilité, l'accord cadre renvoie au droit applicable par chacun des droits nationaux concernés ( lex loci delicti ).

Il impose la souscription d'une assurance responsabilité civile aux professionnels, établissements et services pour leur activité dans le cadre des conventions de coopération.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 257 (2006-2007)

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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