Rapport n° 122 (2007-2008) de M. Philippe NOGRIX , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 12 décembre 2007

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N° 122

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 décembre 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine sur le transfèrement des personnes condamnées ,

Par M. Philippe NOGRIX,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, André Trillard, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mmes Paulette Brisepierre, Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 457 (2006-2007)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Un accord entre la France et la Région administrative spéciale de Hong-Kong, relatif au transfèrement des personnes condamnées, a été signé à Paris, le 9 novembre 2006, lors de la visite officielle en France de M. Donald Tsang, chef de l'exécutif de Hong-Kong. Le 7 décembre 2006, cet accord était ratifié par les autorités de la région administrative.

L'article 151 de sa Constitution autorise, en effet, cette Région administrative à conclure des accords avec les Etats étrangers, sous réserve de l'accord préalable du gouvernement central chinois. Cette autorisation avait été donnée par lettre en date du 9 juin 2006.

Le présent accord a pour but de favoriser la réinsertion sociale des personnes condamnées, en facilitant leur transfèrement dans leur pays d'origine, où elles purgeront le reliquat de la peine qui leur a été infligée.

Notre pays a déjà conclu des accords bilatéraux de ce type avec une vingtaine de pays 1 ( * ) Le présent accord leur est largement identique, car la plupart de ses dispositions sont fondées sur les clauses de la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, élaborée par le Conseil de l'Europe, et entrée en vigueur le 1er juillet 1985.

I. HONG-KONG, UN TERRITOIRE À L'ÉCONOMIE FLORISSANTE

a) Un territoire exigu et densément peuplé

La surface et la population des trois territoires qui composent la région administrative de Hong-Kong sont décrites dans le tableau suivant :

Population

en milliers

Surface

en km2

Nombre de personnes au km2

Ile de Hong-Kong

1 268

80

15 920

Kowloon

2 019

47

43 030

Nouveaux

Territoires

3 573

976

3 750

Total

6 864

1 104

6 350

Source : Census and Statistic Department

La mission économique française en Chine dispose d'informations précises sur les particularités de cette région.

Ainsi, plus de 95 % des résidents permanents de Hong-Kong sont d'origine chinoise, en particulier de la province voisine du Guangdong ; environ 60 % sont nés sur le Territoire. Hong-Kong abrite environ 530 000 immigrants de presque toutes les nationalités ; les communautés les plus importantes sont les Philippins (112.000), les Indonésiens (87 000), et les Occidentaux (36 000) dont plus de 7 000 Français .

Avec 6,8 millions d'habitants, selon le recensement de 2006, sur une superficie de 1 104 km2, Hong-Kong enregistre l'une des plus fortes densités au monde : 6 350 habitants au km2. Cette densité est toutefois très variable selon la zone considérée. Ainsi, le site urbain de Kowloon accueille plus de 43 000 habitants au kilomètre carré, alors que les Nouveaux Territoires n'ont une densité que de 3 750 habs/km2. La croissance démographique est relativement faible (0,6 % en 2006). L'espérance de vie à la naissance, de 79 ans pour les hommes et de 85 ans pour les femmes, est parmi les plus élevées au monde.

Colonisé par l'Empire britannique dès 1842, l'île s'est vue adjoindre en 1860 la péninsule de Kowloon, et, en 1898, les Nouveaux Territoires. L'ensemble resta une colonie de la Couronne britannique jusqu'en 1997.

C'est à la date d'expiration du bail des Nouveaux Territoires (1er juillet 1997) qu'a eu lieu la rétrocession de l'ensemble du Territoire à la Chine.

b) Un retour à la Chine qui préserve les particularités de Hong-Kong pour 50 ans

Cette rétrocession s'est faite sur la base d'un accord sino-britannique, signé en décembre 1984 à Pékin, qui accorde au Territoire le statut particulier de « Région Administrative Spéciale ». Les dispositions de cette « déclaration conjointe sino-britannique » ont été ensuite reprises dans la « Basic Law » ( Loi Fondamentale ). Celle-ci prévoit le maintien pour 50 ans du système économique et social libéral de Hong-Kong . Ainsi, la vie des affaires, le statut de port franc, l'utilisation et la convertibilité du dollar de Hong-Kong, les droits individuels et les libertés publiques, le régime de propriété, le respect et la suprématie du droit ne doivent subir d'altération du fait de la rétrocession à la Chine. Depuis cette rétrocession, Hong-Kong a ainsi conservé une totale autonomie, sauf en matière de défense et d'affaires étrangères.

Entre 1961 et 1995, le PIB a été multiplié par 11 en termes réels. A la fin des années 90, le revenu par habitant de Hong-Kong (24 370 USD en 2000) a dépassé celui de la plupart des pays d'Europe occidentale.

C'est à partir des années 60 que le développement des activités commerciales et de la place financière a entraîné une forte accélération de la croissance. Puis, le rôle de Hong-Kong comme plaque tournante du commerce entre la Chine et le reste du monde a pris une importance considérable : aujourd'hui, un tiers du commerce extérieur chinois passe par Hong-Kong .

Cette économie a souffert, entre 1997 et 2003, de la crise asiatique : la croissance moyenne n'a alors été que d'environ 2,3 %. Mais Hong-Kong reste la portée d'entrée financière et commerciale de la Chine. Cependant, la Région Administrative Spéciale craint de devenir une ville chinoise « comme les autres », et de devoir ultérieurement affronter la concurrence de Pékin, Shanghaï, Canton ou Shenzhen, où les coûts de production sont inférieurs.

II. UN ACCORD DESTINÉ À MAINTENIR DES LIENS SPÉCIFIQUES NOUÉS AVANT LA RÉTROCESSION DE HONG-KONG À LA CHINE

La proposition de négocier cet accord émane des autorités de la région de Hong-Kong, avec l'autorisation du gouvernement central chinois.

En 1997, il s'agissait, pour les autorités hongkongaises, de combler le vide créé par la caducité de la convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées, du fait de la rétrocession à la Chine de l'ex-colonie britannique.

Cette proposition a suscité l'intérêt de la France, d'autant qu'à l'époque un ressortissant français était incarcéré à Hong-Kong et demandait son transfèrement vers la France, ce qui lui a été accordé. Aujourd'hui, aucun de nos compatriotes n'est détenu à Hong-Kong, alors que onze ressortissants chinois nés à Hong-Kong sont retenus dans les prisons françaises.

Pour la partie française, l'intérêt de l'accord vise à souligner la coopération qui existe entre les autorités françaises et hongkongaises et à compléter les outils de coopération judiciaire entre les deux parties, dont la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 25 juin 1997.

De plus, le présent accord est potentiellement important pour la communauté française qui compte 7000 personnes, tandis que près de 200 000 touristes français séjournent à Hong-Kong chaque année.

Il faut relever qu'aucun accord du même type ne lie notre pays à la Chine.

L'accord comporte des clauses largement inspirées de la Convention de 1985 du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, à l'exception de celles contenues dans l'article 3.

L'article 1er définit plusieurs des termes employés dans le texte de l'accord.

L' article 2 énonce le principe général selon lequel la personne condamnée peut exprimer auprès de l'une ou l'autre Partie son souhait d'être transférée dans son pays d'origine.

L' article 3 précise l es conditions du transfèrement : le jugement de condamnation doit avoir acquis un caractère définitif et le reliquat de la peine à purger doit être d'au moins six mois. Les faits qui ont donné lieu à la condamnation doivent être pénalement réprimés dans la législation des deux Parties. Enfin, le consentement de la personne condamnée est requis et le transfèrement doit être agréé par les deux Parties. Le transfèrement ne peut bénéficier qu'aux les personnes de nationalité française ou aux résidents permanents de la Région de Hong-Kong.

Cette disposition diffère de celles incluses dans les conventions et accords conclus par la France dans ce domaine, qui réservent la possibilité du transfèrement aux seules personnes ayant la nationalité de la Partie d'accueil. Elle est destinée à prendre en compte la spécificité du statut de la Région administrative spéciale de Hong-Kong, à laquelle n'est attachée aucune nationalité.

L' article 4 détaille le contenu des demandes. Elles doivent inclure l'exposé des faits ayant entraîné la condamnation, la copie du jugement et de la loi applicable, la demande de transfèrement ou le consentement de la personne ainsi qu'une déclaration relative à la durée de la peine accomplie.

L' article 5 , précise que l'autorité centrale chargée de transmettre les demandes sera le ministère de la justice, pour la France, et le « Department of Justice » pour Hong-Kong.

Les règles fixant le recueil du consentement de la personne et sa vérification sont fixées par l' article 6 . En cas d'accord, les Parties conviennent de la date et du lieu de la remise ( article 7 ).

En vertu de l' article 8 , le condamné transféré continue de purger, dans la Partie d'accueil, la peine infligée dans la Partie de transfèrement.

L' article 9 prévoit la possibilité pour chaque Partie d'accorder la grâce, l'amnistie ou la commutation de la peine conformément à son droit interne.

Les articles 10 et 11 précisent que la Partie d'accueil met fin à l'exécution de la condamnation dès qu'elle est informée par l'autre Partie d'une décision ou mesure lui faisant perdre son caractère exécutoire

L' article 12 crée, pour chaque Partie, l'obligation de faciliter le transit à travers son territoire d'une personne condamnée et transférée en application d'une convention conclue par l'autre Partie avec un État tiers.

Les frais occasionnés par le transfèrement sont à la charge de la Partie d'accueil ( article 13 ).

Enfin, les articles 14 à 17 organisent les modalités de traduction, dans la langue de la Partie requise, des demandes de transfert, et les conditions d'entrée en vigueur et de dénonciation de l'accord.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 12 décembre 2007.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Dulait a souhaité savoir si un accord similaire liait la France à la Chine, et s'il y avait, à l'heure actuelle, des détenus français à Hong-Kong.

M. Robert del Picchia a rappelé que l'accord avait été conclu à la demande de Hong-Kong, et que des cabinets d'avocats français installés dans la Région administrative spéciale y étaient favorables.

M. Jean-Pierre Plancade s'est étonné que notre pays puisse envisager de transférer des détenus originaires de Hong-Kong en Chine, pays peu respectueux des droits de l'homme.

M. Jacques Blanc a demandé des précisions sur la nature de l'autorisation donnée par la Chine à Hong-Kong pour conclure un tel accord.

En réponse, M. Philippe Nogrix a rappelé que la Chine avait formalisé son autorisation par lettre aux autorités de Hong-Kong en date du 9 juin 2006. Il a précisé qu'aucun accord du même type ne liait, actuellement, la France à la Chine, et qu'aucun français n'était aujourd'hui détenu à Hong-Kong, mais que cet accord permettrait, le cas échéant, de rapatrier en France ceux de nos compatriotes qui pourraient éventuellement être détenus à Hong-Kong.

Il a précisé que l'accord liait, sur un plan bilatéral, la France à Hong-Kong, sans que la Chine n'interfère autrement que par l'accord par lequel elle l'a autorisé.

En conclusion, la commission a adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong-Kong de la République populaire de Chine sur le transfèrement des personnes condamnées, signé à Paris le 9 novembre 2006 et dont le texte est annexé à la présente loi 2 ( * ) .

ANNEXE I - ÉTUDE D'IMPACT3 ( * )

L'approbation de la convention n'entraînera pas de modification du droit existant.

ANNEXE II - LISTE DES PAYS LIÉS À LA FRANCE PAR UN ACCORD BILATÉRAL SUR LE TRANSFÈREMENT DES PERSONNES CONDAMNÉES

Liste des pays avec lesquels la France est liée par un accord bilatéral sur le transfèrement des personnes condamnées

Bénin (27.02.1975)

Burkina Faso (24.04.1961)

Cameroun (21.02.1974)

Canada (09.02.1979) + convention

Multilatérale du Conseil de l'Europe

du 21.03.1983

République centrafricaine (18.01.1965)

Congo Brazzaville (01.01.1974)

Côte d'Ivoire (24.04.1961)

Cuba (21.01.2000)

Djibouti (27.09.1986)

Etats-Unis (25.01.1983) + convention multilatérale du Conseil de l'Europe du 21.03.1983

Gabon (23.07.1963)

Madagascar (04.06.1973)

Mali (09.03.1962)

Maroc (10.08.1981)

Niger (19.02.1977)

Sénégal (29.03.1974)

Tchad (06.03.1976)

Thaïlande (26.03.1983)

Togo (23.03.1976)

(Source : Ministère des Affaires étrangères et européennes)

* 1 On en trouvera la liste en Annexe II.

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 457 (2006-2007)

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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