Rapport n° 438 (2007-2008) de M. René BEAUMONT , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 2 juillet 2008

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N° 438

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 juillet 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE , visant à rendre obligatoire l' installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d' habitation ,

Par M. René BEAUMONT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Hérisson , vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Jean Pépin, Bruno Sido, Daniel Soulage , secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Raymond Couderc, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Jean Desessard, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fouché, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Adrien Giraud, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Charles Josselin, Mme Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Élisabeth Lamure, MM. Gérard Larcher, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Jacques Muller, Mme Jacqueline Panis, MM. Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Yannick Texier.

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 2535 , 2554 et T.A. 486

Deuxième lecture : 56 , 953 et T.A. 158

Première lecture : 22 (2005-2006), 116 et T.A. 59 (2006-2007)

Deuxième lecture : 399 (2007-2008)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi en deuxième lecture de la proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation .

Comme c'est trop souvent le cas des textes d'initiative parlementaire, son cheminement a été un peu erratique, les trop longs délais observés entre les premières lectures dans chaque assemblée, puis entre la première lecture au Sénat et la deuxième lecture à l'Assemblée nationale contrastant avec la brièveté de celui prévu avant la deuxième lecture au Sénat.

Déposée à l'Assemblée nationale par deux députés, MM. Damien Meslot et Pierre Morange, au lendemain des tragiques incendies de l'été 2005, cette proposition de loi a pour objet, en s'inspirant de nombreux exemples étrangers, de réduire le nombre de décès et de dommages corporels graves causés par les incendies domestiques, notamment ceux qui se déclarent la nuit.

Comme le soulignait le rapport en première lecture de M. Damien Meslot au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, elle propose « une mesure simple et réaliste, qui ne prétend pas résoudre tous les problèmes liés à l'insalubrité des logements, ni éliminer toutes les causes d'incendie, mais s'insère dans l'ensemble de la chaîne de prévention pour sensibiliser chacun et contribuer à la sécurité de tous ».

A l'issue de la première lecture, il est apparu qu'en dépit d'un accord de fond sur l'utilité et l'intérêt de cette « mesure simple », les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat sur les conditions de sa mise en oeuvre divergeaient sur deux points :

- tandis que le texte adopté par l'Assemblée nationale comportait une définition précise du type de détecteur dont l'installation serait rendue obligatoire, le « détecteur avertisseur autonome de fumée », ou DAAF, le Sénat, s'il a tenu à préciser que seuls pourraient être installés des appareils normalisés, a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de fixer les caractéristiques des appareils qu'il conviendrait d'utiliser ;

- l'Assemblée nationale avait prévu que l'installation et la maintenance des détecteurs incomberaient aux occupants des logements. Le Sénat a estimé pour sa part qu'il serait plus logique et plus efficace de faire porter ces obligations sur leurs propriétaires.

Ces divergences subsistent dans le texte adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale.

Cependant, compte tenu de la teneur des débats en séance publique, et du dialogue très fructueux qu'il a pu nouer avec le rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, votre rapporteur estime qu'il devrait être possible de les surmonter et de progresser vers une position commune des deux assemblées.

Votre commission vous fera des propositions en ce sens et elle souhaite que le Gouvernement leur apporte son soutien.

*

* *

I. LES POSITIONS PRISES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE

A l'issue de la première lecture de la proposition de loi, seuls deux de ses cinq articles avaient été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées : l'article 3 , relatif à la possibilité d'une minoration des primes d'assurance incendie des assurés ayant satisfait à l'obligation d'installation de détecteurs de fumée et l'article 3 bis , qui prévoit la nullité des déchéances de garantie sanctionnant le non-respect de cette obligation.

La situation n'a pas évolué après la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, qui a en particulier maintenu les positions qu'elle avait prises en première lecture sur la définition des détecteurs de fumée et sur la mise à la charge des occupants des logements de l'installation et de la maintenance de ces équipements.

Cependant, le débat en séance publique a aussi mis en évidence la profonde communauté de vues des deux assemblées et du Gouvernement sur le caractère global de la politique de prévention des incendies domestiques et de leurs conséquences humaines, ainsi que sur les conditions à remplir pour que la mesure proposée soit pleinement efficace.

Convergence avec le Sénat sur les objectifs poursuivis à travers l'adoption de la proposition de loi, divergences sur le dispositif à retenir : ainsi peut-on résumer les positions prises par l'Assemblée nationale.

1. L'accord avec le Sénat sur la nécessité de faire prévaloir une « culture de la prévention »

En première lecture, votre commission avait souhaité mettre l'accent sur le retard de la France en matière de prévention des risques d'incendie domestique et elle avait estimé que, pour que la démarche tendant à imposer l'installation de détecteurs de fumée prenne tout son sens, il fallait impérativement qu'elle soit précédée et accompagnée d'un effort important d'information du public sur la prévention des risques d'incendie et sur la conduite à tenir en cas de sinistre.

Comme l'ont montré en effet de tragiques exemples, l'installation de détecteurs peut être plus dangereuse qu'utile si elle crée un sentiment de fausse sécurité, ou si le déclenchement d'une alarme risque de provoquer des réactions de panique susceptibles d'avoir des conséquences dramatiques.

Le Sénat avait partagé ces préoccupations et adopté un amendement tendant à imposer que le délai de cinq ans prévu avant l'entrée en vigueur de la loi soit mis à profit pour mener des actions d'information du public.

Votre commission se félicite que l'Assemblée nationale ait retenu cet amendement. Elle a également noté que l'ensemble des intervenants dans le débat ont, comme les sénateurs en première lecture, insisté sur le fait que l'efficacité de la mesure proposée dépendrait de l'information du public et abordé tous les aspects de la prévention des risques d'incendie, y compris l'effort indispensable, et que permettent d'amplifier d'importantes mesures législatives intervenues depuis 2003, pour lutter contre l'habitat indigne et faciliter la sécurisation des bâtiments.

2. Les divergences sur le dispositif de la proposition de loi

a) La définition technique des détecteurs de fumée

L'Assemblée nationale a rétabli les dispositions qu'elle avait adoptées en première lecture pour imposer l'installation d'une catégorie unique de détecteurs de fumée, le DAAF, c'est-à-dire un appareil fonctionnant sur pile et comportant une alarme intégrée.

Le rapporteur de la commission des affaires économiques a justifié ce rétablissement en faisant valoir qu'il était important, « pour une plus grande sécurité », que les détecteurs soient autonomes, et non raccordés au secteur.

Au premier abord, cet argument peut sembler logique.

L'expérience des pays étrangers montre cependant qu'il n'est en réalité pas fondé et qu'au contraire les détecteurs sur secteur, qui disposent d'ailleurs généralement d'une alimentation de secours (pile ou batterie), sont beaucoup plus fiables que les détecteurs fonctionnant sur piles.

Les statistiques des services d'incendie britanniques font ainsi apparaître qu'en cas d'incendie, le taux de non-déclenchement des détecteurs à pile, bien qu'il tende à diminuer au fil des ans, reste considérablement plus élevé que celui des détecteurs sur secteur : il était en 2006 de 36 % , soit près de trois fois supérieur à celui des détecteurs reliés au réseau électrique (13 %).

Le code de bonnes pratiques britannique sur lequel se fondent les règlements applicables en Angleterre, au pays de Galles, en Ecosse et en Irlande du Nord classe d'ailleurs en troisième et dernière position (classe F) les détecteurs fonctionnant sur pile, après les détecteurs sur secteur comportant une alimentation de secours (classe D) et les détecteurs sur secteur sans alimentation de secours (classe E). Il considère en conséquence que ces détecteurs ne constituent une solution acceptable que pour des catégories limitées d'habitations existantes 1 ( * ) , et à condition que l'on soit « raisonnablement assuré » que la pile sera remplacée quand elle doit l'être.

On remarquera également que lorsqu'une réglementation définit limitativement les catégories d'appareils qu'il convient d'installer ou en recommande certaines (comme dans certains Etats américains et australiens, en Belgique dans la région de Bruxelles Capitale 2 ( * ) ou dans les différentes composantes du Royaume-Uni), la catégorie des détecteurs fonctionnant sur une pile ordinaire qu'il faut changer tous les ans est immanquablement celle qui est exclue, ou dont l'emploi n'est pas recommandé.

Imposer l'installation de détecteurs « autonomes » ne semble donc pas, bien au contraire, correspondre à une garantie de sécurité.

b) La mise à la charge des occupants des logements de l'installation et de la maintenance des détecteurs de fumée

L'Assemblée nationale a modifié en deuxième lecture le texte adopté par le Sénat pour faire porter, comme elle l'avait déjà prévu en première lecture, les obligations d'installation et de maintenance des détecteurs de fumée sur les occupants des habitations, sauf dans des cas limités qui seront définis par décret, tel celui des locations saisonnières.

Elle estime en effet, le gouvernement semblant partager ce sentiment, que faire peser toutes les obligations sur les occupants est nécessaire pour les « responsabiliser » et que les occupants de logements qui n'auraient pas installé les détecteurs ne pourraient pas en maîtriser le fonctionnement.

Ce choix et ses motivations appellent de la part de votre rapporteur un certain nombre d'observations, fondées notamment sur les comparaisons internationales qu'il a pu faire 3 ( * ) .

- Il n'a ainsi trouvé aucun exemple de réglementation mettant à la charge des locataires l'équipement en détecteurs de fumée du logement qu'ils occupent, même si l'on doit mentionner que certains Etats américains dispensent les propriétaires d'équiper les logements individuels en location, ou ceux inclus dans un bâtiment ne comprenant pas plus de trois logements.

En règle générale, c'est donc toujours le propriétaire qui est tenu d'installer les détecteurs de fumée, de les remplacer quand ils doivent l'être et de les réparer quand ils ne fonctionnent pas.

Il doit également donner aux occupants d'un logement toutes informations sur les détecteurs de fumée qui y sont installés : il est souvent prévu, à cette fin, qu'il leur communique la notice d'utilisation des appareils.

- En matière d'entretien des détecteurs , diverses solutions peuvent être rencontrées mais le cas le plus fréquent est celui où le locataire est tenu de veiller au bon fonctionnement de l'appareil en le testant régulièrement, de remplacer la pile des détecteurs alimentés par une pile ordinaire et d'avertir le propriétaire en cas de dysfonctionnement. Des conventions-type peuvent, comme par exemple au Royaume-Uni et en Wallonie, être proposées pour formaliser cette répartition des rôles entre propriétaires et locataires.

Au Canada, l'Ontario semble cependant offrir un exemple de cas où la totalité des responsabilités est à la charge du propriétaire, y compris celle du remplacement des piles.

On peut aussi citer, en Australie, la réglementation applicable depuis le 1 er mai 2006 dans l'Etat de Nouvelles Galles du Sud, qui n'impose au locataire que le remplacement des piles : encore ce dernier peut-il exiger que le propriétaire s'en charge s'il en est physiquement incapable.

- Enfin, on observera qu'à l'occasion de l'avis qu'elle a rendu en mars 2008 à la suite de saisines de l'Union fédérale des consommateurs et de l'Institut national de la consommation, la Commission de la sécurité des consommateurs , considérant que « la sécurité des logements suppose l'implication de tous », a recommandé aux pouvoirs publics d'assurer une prompte adoption de la proposition de loi qui nous est soumise, mais aussi de préciser dans ce texte que « l'installation des détecteurs avertisseurs de fumée est à la charge du propriétaire et qu'il revient à l'occupant de réaliser les opérations d'entretien et de maintenance ».

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission vous proposera d'adopter dans le texte retenu par l'Assemblée nationale, dont l'analyse est détaillée dans l'examen des articles, l'article 1 er de la proposition de loi, qui est en fait un article de coordination, et son article 4 , relatif aux modalités d'entrée en vigueur du texte et à l'information du Parlement sur son application et les campagnes d'informations qui devront être menées auprès du public.

En revanche, elle a estimé utile, à la lumière de l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi par l'Assemblée nationale, des informations recueillies par votre rapporteur sur les expériences et les réglementations étrangères, et de l'avis précité de la Commission de la sécurité des consommateurs, de poursuivre et d'approfondir sa réflexion sur les dispositions de l'article 2 du projet de loi, qui définit les conditions de mise en oeuvre de l'obligation d'installation de détecteurs de fumée.

Quel que soit son souci de parvenir à un accord avec l'Assemblée nationale, il ne lui paraît pas possible de se rallier aux positions prises par nos collègues députés sur la définition technique des détecteurs de fumée ou sur la mise à la charge des occupants des locaux de l'obligation d'installer des détecteurs de fumée.

Il lui paraît en revanche envisageable de confier à ces derniers le soin d'assurer l'entretien courant de ces équipements.

1. Les raisons de ne pas accepter le recours exclusif aux DAAF

L'examen des expériences et des réglementations étrangères n'a pu que renforcer votre rapporteur dans la conviction qu'imposer par la loi l'installation exclusive de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée serait une très mauvaise idée.

Outre qu'il n'appartient pas au législateur de définir les caractéristiques techniques d'équipements de sécurité, ni d'imposer sans raison d'intérêt général l'utilisation d'une catégorie de matériels plutôt que d'une autre, ce « choix unique » présenterait, comme votre commission l'avait déjà observé en première lecture, de sérieux inconvénients :

- il correspond à des équipements dont la fiabilité peut être aléatoire, au moins pour les appareils fonctionnant sur pile ordinaire, qui sont aussi les plus répandus car peu coûteux ;

- il conduirait à considérer que les personnes qui installeraient -ou auraient installé- des dispositifs plus performants ne satisferaient pas aux exigences de la loi ;

- il interdirait de modifier ou d'élargir ce choix sans une nouvelle intervention du législateur.

Votre commission n'entend nullement, quant à elle, interdire le recours aux DAAF, dont elle admet qu'ils présentent l'avantage de pouvoir être installés rapidement, sans travaux importants et pour un coût qui peut rester modique, dans tous les logements existants.

Mais il lui semblerait en revanche paradoxal d'exclure des appareils ou des installations qui, sans être forcément très coûteux, peuvent être nettement plus performants :

- les réseaux de détecteurs interconnectés qui ne comportent pas d'alarme intégrée (et ne sont donc pas « avertisseurs ») mais sont reliés à une alarme sonore placée à l'endroit le plus « opérationnel », et qui peuvent en outre être reliés à un organisme de télésurveillance, ce dernier dispositif étant généralement couplé à un dispositif d'alarme anti-intrusion ;

- les détecteurs fonctionnant sur secteur (avec ou sans alimentation de secours sur pile ou batterie) qui sont plus fiables, plus durables et demandent moins d'entretien.

Votre commission ne peut donc envisager de proposer au Sénat de suivre sur ce point la position de l'Assemblée nationale, et s'en tiendra à la position qu'elle avait prise en première lecture : laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir les catégories de matériels les plus adaptées et imposer seulement qu'ils soient normalisés, pour présenter des garanties suffisantes de qualité et de fiabilité 4 ( * ) .

Votre commission se félicite à cet égard que, comme il l'a indiqué lors du débat à l'Assemblée nationale, M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, ait lancé une enquête sur la conformité à la norme en vigueur des détecteurs avertisseurs autonomes disponibles sur le marché national, et elle appuie la recommandation de la commission de sécurité des consommateurs portant sur la conduite d'opérations inopinées de vérification de la conformité des détecteurs commercialisés en France.

2. Les justifications de la responsabilité des propriétaires en matière d'installation des détecteurs de fumée

Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, il a été avancé que la position du Sénat correspondrait à une « logique patrimoniale ».

Votre rapporteur ne peut que récuser cette interprétation.

En fait, la solution proposée par le Sénat s'inscrivait tout simplement dans la logique que font prévaloir les textes définissant les responsabilités et les devoirs des bailleurs, à qui il appartient normalement de mettre les logements loués en conformité avec les exigences légales ou réglementaires en matière de sécurité.

Mais elle s'inscrivait surtout dans une logique d'efficacité.

Il semblait en effet :

- qu'elle pouvait offrir de meilleures garanties au niveau du choix et des conditions d'installation des matériels : pour les logements en immeubles collectifs, en particulier, un organisme bailleur ou, par l'intermédiaire du syndic de copropriété, un propriétaire individuel peut en effet, plus facilement que chaque occupant pris individuellement, mettre en concurrence les fournisseurs, apprécier la fiabilité des appareils proposés et s'assurer qu'ils seront correctement installés.

De même, la compétence des propriétaires peut permettre une application plus rapide de la loi et une collecte plus facile de données sur son application.

Votre commission rappellera également que la responsabilité des propriétaires est sans doute le meilleur moyen, sinon le seul, d'inciter, à l'occasion de la construction ou de la rénovation de bâtiments, à la réalisation d'une installation électrique permettant la mise en place de détecteurs fonctionnant sur secteur, ou l'interconnexion filaire des détecteurs installés dans un logement.

Enfin, votre rapporteur observera que, de même que l'obligation d'installer uniquement des DAAF, la mise à la charge des occupants des logements de l'installation des détecteurs de fumée paraît parfaitement étrangère à la logique de toutes les réglementations en vigueur dans d'autres pays dont il a pu avoir connaissance.

3. Confier aux occupants des logements la responsabilité de l'entretien des détecteurs de fumée

La question de savoir s'il est préférable, en termes d'efficacité et de sécurité, de confier au propriétaire ou à l'occupant la responsabilité de la maintenance des détecteurs de fumée n'a pas de réponse évidente.

En première lecture, votre commission avait opté pour la responsabilité du propriétaire, en prenant notamment en compte le fait que l'entretien des détecteurs n'est pas aussi simple qu'on le dit : il faut veiller non seulement, le cas échéant, au bon état de la pile, mais aussi à la sensibilité de l'appareil, qui peut s'empoussiérer, ou dont le système de détection optique peut se dégrader avec le temps.

Bien entendu, le fait de mettre à la charge des propriétaires la maintenance des appareils, qu'il convient de distinguer de leur entretien « quotidien » (dépoussiérage, changement éventuel de la pile), n'emportait aucun droit d'accès aux logements.

Il pouvait cependant permettre que soit organisé dans les immeubles collectifs, naturellement avec l'accord de locataires, un contrôle annuel par un technicien du bon état de marche des appareils, afin de prévoir en temps utile leur remplacement, la durée de vie effective de certains matériels pouvant être notablement inférieure à celle annoncée par leurs fabricants, ou d'effectuer des réparations.

Si un tel contrôle s'avérait impossible ou trop coûteux à organiser, il pouvait aussi revenir aux locataires de signaler aux propriétaires les remplacements nécessaires ou les dysfonctionnements constatés, les parties concernées ayant par ailleurs toute liberté de convenir de tout autre arrangement qui leur conviendrait mutuellement.

Enfin votre rapporteur souhaite préciser que la responsabilité du propriétaire en matière de maintenance des détecteurs ne le dispenserait évidemment pas de donner à l'occupant les informations dont il aurait besoin sur le fonctionnement des détecteurs de fumée installée dans son logement.

- Cependant, votre commission est sensible au souci exprimé par la Commission de la sécurité des consommateurs de favoriser l'implication de tous dans la sécurité des logements, comme au fait que les réglementations étrangères offrent des exemples qui paraissent probants, et « transposables » en France, de partage des responsabilités entre propriétaires et occupants.

Elle a aussi pris note du fait que lors de l'examen du texte par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, son rapporteur, M. Damien Meslot, s'était déclaré « ouvert » à des propositions d'amendement tendant à un tel partage de responsabilités.

Votre commission vous propose donc de modifier le dispositif retenu par le Sénat en première lecture pour organiser ce partage de compétences, en s'inspirant, entre autres, des modèles britannique et belge.

Selon la rédaction qu'elle vous soumettra, l'occupant d'un logement serait tenu « de veiller à l'entretien et au bon fonctionnement » des détecteurs de fumée installés dans ce logement.

Comme l'Assemblée nationale l'a également estimé nécessaire, la responsabilité des propriétaires demeurerait cependant entière dans certains cas particuliers que l'on peut définir par référence à ceux prévus à l'article 2 de la « loi Méhaignerie » 5 ( * ) : locations saisonnières, logements foyers, locaux meublés, logements de fonction, locations consenties aux travailleurs saisonniers.

Outre les caractéristiques techniques et les conditions de la normalisation des détecteurs de fumée, il reviendrait au décret d'application de préciser la répartition des responsabilités entre les propriétaires et les occupants des locaux d'habitation équipés de détecteurs de fumée.

Ce décret définirait aussi les modalités de l'indispensable information des occupants sur les caractéristiques, le fonctionnement et l'entretien des détecteurs installés dans leur logement.

*

* *

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - Intitulé et nouvelle division du chapitre IX du titre II du livre I du code de la construction et de l'habitation

Pour tenir compte de l'insertion dans ce chapitre du code de la construction de l'habitation (CCH), prévue par l'article 2 de la proposition de loi, d'une section regroupant les dispositions relatives à l'obligation d'installation de détecteurs de fumée dans les logements, l'article 1 er de la proposition de loi tend à en modifier l'intitulé et à regrouper dans une section 1 (nouvelle) les sept articles (articles L. 129-1 à L. 129-7 CCH) qui le composent actuellement.

- En première lecture, le Sénat avait modifié la rédaction de cet article :

- pour proposer de conserver dans l'intitulé du chapitre IX une référence aux immeubles « à usage principal d'habitation », en cohérence avec le champ d'application de ses dispositions en vigueur et celui des nouvelles dispositions relatives aux détecteurs de fumée ;

- pour donner à la section 1 (nouvelle) un intitulé (« Sécurité des équipements communs des immeubles collectifs à usage principal d'habitation ») qui lui paraissait mieux correspondre au contenu des dispositions des articles L. 129-1 à L. 129-7 CCH, introduits dans le code par la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine 6 ( * ) et qui mettent en place une procédure permettant au maire de prescrire des travaux de mise en sécurité de ces équipements.

- En deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue au texte qu'elle avait adopté en première lecture, qui tend à intituler le chapitre IX « Sécurité des immeubles à usage d'habitation » et sa section 1 (nouvelle) « Dispositions générales pour la sécurité des occupants d'immeubles collectifs à usage d'habitation », ce second intitulé ayant pour objet de préciser qu'« il s'agit de protéger les occupants et non les équipements communs des immeubles collectifs ».

- Position de la commission

On peut estimer que les intitulés rétablis par l'Assemblée nationale sont moins précis que ceux qu'avait retenus le Sénat. Par ailleurs, il ne semble pas à votre commission qu'un intitulé de section visant « la sécurité des équipements des immeubles » crée une ambiguïté sur le fait que les dispositions de cette section ont pour objet d'assurer la protection des personnes et non celle des équipements. Et si tel était le cas, il faudrait également modifier l'intitulé proposé pour le chapitre IX, comme celui des divisions du code de la construction et de l'habitation relatives, par exemple, à la sécurité des piscines, des ascenseurs ou des portes automatiques de garage.

Cependant, la rédaction des intitulés des divisions des textes législatifs étant de portée limitée et le texte adopté par l'Assemblée nationale n'appelant pas d'objection majeure, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 2 - (Articles L. 129-et L. 129-9 [nouveaux] du code de la construction et de l'habitation) - Obligation d'installer des détecteurs de fumée dans les logements

Cet article, qui constitue l'élément central du dispositif de la proposition de loi, prévoit l'insertion, après l'article L. 129-7 CCH, d'une section 2 (nouvelle) comportant deux articles et ayant pour objet de définir l'obligation d'installer dans tous les logements des « détecteurs avertisseurs autonomes de fumée », la portée de cette obligation et les personnes à qui elle incombe.

Le Sénat avait adopté une nouvelle rédaction de cet article qui, au-delà d'aménagements formels, lui apportait surtout d'importantes modifications de fond.

Il avait tenu, en premier lieu, à éviter que la loi impose l'installation d'une seule catégorie d'appareils , les « détecteurs avertisseurs autonomes de fumée », c'est-à-dire des détecteurs fonctionnant sur pile et comportant un dispositif d'alarme intégré.

En second lieu, le Sénat, suivant les propositions de votre commission et pour les raisons rappelées dans le présent rapport, avait transféré de l'occupant au propriétaire de chaque logement l'obligation d'installer des détecteurs de fumée et d'assurer leur maintenance .

L'Assemblée nationale n'a retenu du dispositif adopté par le Sénat que quelques améliorations rédactionnelles et est revenue, sur le fond, à celui qu'elle avait adopté en première lecture. Elle a ainsi rétabli :

- la définition du « DAAF » ;

- les dispositions donnant aux occupants des logements la responsabilité de l'installation et de la maintenance des détecteurs de fumée, le rapporteur de la commission des affaires économiques ayant fait valoir que la solution retenue par le Sénat « ne permettrait pas à chacun de connaître le fonctionnement de son détecteur, ni d'assurer son bon état de marche permanent, ni surtout la conduite à tenir en cas d'alerte . »

Cependant, comme en première lecture, elle a prévu que l'installation et la maintenance des détecteurs incomberaient aux propriétaires dans certains cas définis par décret, par exemple « lorsque le bien concerné est une location saisonnière ».

Position de la commission

En fonction des orientations exposées dans le présent rapport, votre commission a adopté à cet article un amendement proposant une nouvelle rédaction du dispositif imposant l'obligation d'installation dans tous les logements de détecteurs de fumée.

Cette rédaction tend, comme celle adoptée par le Sénat en première lecture, à ne pas définir les détecteurs satisfaisant à cette nouvelle obligation, en imposant seulement qu'ils soient normalisés.

Elle rétablit également l'obligation d'installation incombant au propriétaire des locaux.

En revanche, elle propose de transférer à l'occupant la responsabilité de veiller au bon fonctionnement et à l'entretien des détecteurs de fumée, en précisant, par référence à la « loi Méhaignerie », les quelques cas dans lesquels cette responsabilité devrait rester celle du propriétaire.

Le dispositif proposé modifie donc une nouvelle fois sensiblement le texte adopté par l'Assemblée nationale :

* L'intitulé de la nouvelle division introduite dans le code de la construction et de l'habitation rétablit le libellé adopté par le Sénat en première lecture. Ce libellé ne définit pas les caractéristiques techniques des détecteurs de fumée. Il précise en revanche le champ d'application de la loi, qui devra s'appliquer dans « les locaux à usage principal d'habitation », cette définition faisant implicitement référence à la nouvelle et large définition des « locaux destinés à l'habitation » introduite à l'article L. 631-7 CCH par l'ordonnance du 8 juin 2005 7 ( * ) .

* La rédaction proposée pour l'article L. 129-8 (nouveau) CCH , qui définit la portée de l'obligation d'installation de détecteurs de fumée, est profondément remaniée.

Cet article comporterait désormais deux paragraphes :

- son paragraphe I mettrait à la charge de tout propriétaire de locaux à usage d'habitation l'obligation d'installer dans ces locaux au moins un détecteur de fumée normalisé ;

- son paragraphe II confierait à l' occupant des locaux le soin de veiller à l' entretien et au bon fonctionnement de ces détecteurs de fumée.

Pour votre commission, cette obligation pourrait avoir la même étendue que celle qu'elle a en Belgique ou au Royaume-Uni : tester régulièrement l'appareil, remplacer la pile si l'appareil en comporte une, signaler au propriétaire d'éventuels défauts de fonctionnement.

Comme le prévoit le texte adopté par l'Assemblée nationale, la responsabilité de cet entretien resterait celle du propriétaire dans certains cas. Votre commission vous propose de définir ces cas par référence au second alinéa de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989, en reprenant la liste des catégories particulières de location auxquelles ne s'imposent pas les dispositions de droit commun de la « loi Méhaignerie » relatives aux rapports entre bailleurs et locataires : locations saisonnières, logements foyers, locaux meublés, logements de fonction, locations consenties aux travailleurs saisonniers.

* L'article L. 129-9 (nouveau) , relatif aux modalités d'application, définies par décret en Conseil d'Etat, de l'article 129-8, comporterait :

- un alinéa prévoyant la définition des caractéristiques techniques et des conditions de normalisation des détecteurs de fumée, ainsi que les conditions de leur installation, en particulier le nombre des appareils à prévoir en fonction des dimensions et de la configuration des logements, de leur remplacement (qui devrait incomber, comme l'installation, au propriétaire), de leur entretien. Ces dispositions pourraient notamment préciser la répartition des responsabilités entre propriétaires et locataires ;

- un alinéa relatif aux modalités d'information, par le propriétaire, des occupants des locaux sur les caractéristiques, le fonctionnement et l'entretien des appareils. Cette information devrait naturellement être donnée à tous les occupants de locaux d'habitation, qu'ils soient ou non chargés de l'entretien des détecteurs, et imposer notamment que leur soit remise une copie de la notice d'utilisation des appareils installés dans le logement.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .

Article 4 - Entrée en vigueur. Information du Parlement

- Le Sénat avait modifié la rédaction de cet article et l'avait complété pour prévoir que le rapport sur l'application de la loi qui devait être remis au Parlement un an après son entrée en vigueur rendrait également compte des actions d'information sur la prévention des incendies domestiques et sur la conduite à tenir en cas d'incendie menées depuis la publication de la loi.

Cette disposition tendait à assurer, sans enfreindre les dispositions de l'article 40 de la Constitution ni la prohibition des injonctions au Gouvernement, que des mesures seraient effectivement prises, pendant le délai de cinq ans précédant l'entrée en vigueur du dispositif, pour permettre l'information du public, préalable indispensable à l'application de la loi et condition nécessaire de son utilité.

L'Assemblée nationale a jugé cet ajout « tout à fait bienvenu ». En outre, elle a souhaité que le rapport prévu soit remis au Parlement à l'issue du délai d'entrée en vigueur de la loi, et non un an après cette entrée en vigueur, et elle a modifié en ce sens le texte qu'elle avait adopté en première lecture.

Position de la commission

Il peut paraître prématuré de dresser le bilan de l'application d'une loi et d'évaluer son efficacité à la date de son entrée en vigueur. Le texte proposé par l'Assemblée nationale présente donc le risque que le volet « application de la loi » du rapport soit un peu court et appelle des compléments ultérieurs.

Cependant, il est primordial que l'information du public soit parfaitement assurée avant l'entrée en vigueur de la loi. Votre rapporteur estime donc très utile que, comme l'a souligné le rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, le Parlement dispose, au moment où celle-ci deviendra pleinement applicable, « d'un état des lieux précis pour juger au mieux les résultats des campagnes de sensibilisation que le Gouvernement s'est engagé à mener ».

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption des amendements présentés, votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation.

* 1 On rappellera que le « Smoke detectors Act » adopté en 1991 n'impose l'installation de détecteurs de fumée que dans les bâtiments construits ou rénovés depuis 1992. Le taux d'équipement des foyers britanniques est cependant de 80 %.

* 2 Où l'installation de détecteurs n'est obligatoire que dans les logements locatifs, les propriétaires occupants étant libres de s'équiper ou non.

* 3 Comparaisons rendues difficiles par le fait que dans les Etats fédéraux (Etats-Unis, Canada, Australie), mais aussi dans nombre d'autres pays les réglementations en matière d'installation de détecteurs de fumée ou celles applicables aux relations entre propriétaires et locataires, ne sont pas définies au niveau national, ou sont susceptibles d'adaptations locales.

* 4 La norme désormais applicable, entrée en vigueur le 1 er mai 2008, est la norme européenne NF-EN 14604, qui spécifie les prescriptions, les méthodes d'essais, les critères de performance et les instructions des dispositifs d'alarme de fumée optiques ou ioniques (ces derniers étant interdits en France) destinés à un usage domestique.

* 5 Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

* 6 Loi n° 2003-710 du 1 er août 2003.

* 7 Ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 relative au logement et à la construction.

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