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Rapport n° 9 (2009-2010) de M. André TRILLARD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 7 octobre 2009

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N° 9

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 octobre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention relative à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe , libyenne , populaire et socialiste ,

Par M. André TRILLARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

314 (2008-2009) et 10 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent accord est issu d'une double dynamique : d'une part, la France , qui développe une coopération en matière de sécurité intérieure avec de nombreux pays, a décidé d'harmoniser les modalités de cette coopération en négociant des accords types en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale. Il s'agit de renforcer l'intensité de cette coopération avec des pays considérés comme essentiels pour l'affermissement de sa propre sécurité intérieure .

D'autre part, la Libye s'est attachée à renforcer ses liens de coopération avec les pays européens, après la suspension, en 1999, de l'embargo décrété contre elle par le Conseil de sécurité des Nations unies .

La présente convention, signée à Paris le 10 décembre 2007, constitue la formalisation de cette volonté commune aux deux pays.

I. LA LIBYE, UN PAYS CLÉ POUR LA SÉCURITÉ EUROPÉENNE

A. LA SUSPENSION DE L'EMBARGO DES NATIONS UNIES, EN 1999, A MARQUÉ LE RETOUR DE LA LIBYE AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

La résolution 748 adoptée le 31 mars 1992 par le Conseil de sécurité de l'ONU instaure un embargo militaire et aérien contre la Libye, alors que ce pays avait été pressé, le 21 janvier précédent, de collaborer à l'enquête internationale menée sur les attentats contre un DC10 d'UTA et un Boeing de la Pan Am. La résolution exclut également la Libye de l'Assemblée générale des Nations unies.

L'ensemble de ces sanctions a été levé en 1999, après la décision de Tripoli de dédommager les victimes de ces deux attentats.

Depuis cette date, la Libye cherche à développer des relations de coopération avec des pays européens, notamment en matière de renforcement de la sécurité intérieure.

Une telle coopération a débuté avec la France en septembre 2005, avec la création d'une délégation du service de coopération technique internationale de police (SCTIP) à Tripoli.

Dès cette date, la Libye a souhaité formaliser cette coopération bilatérale.

La France s'est engagée, lors de la visite du ministre de l'intérieur français du 6 octobre 2005, à mettre en place un comité de suivi de la coopération sécuritaire, et à lancer le processus de négociation d'un accord intergouvernemental de coopération en matière de sécurité intérieure.

Puis la visite du Président de la République en Libye, en juillet 2007, s'est conclue par un communiqué conjoint rappelant la volonté commune de conclure un accord de coopération en matière de sécurité intérieure, et les négociations se sont alors intensifiées.

La visite à Paris du chef d'État libyen, en décembre 2007, a favorisé une négociation rapide de l'accord, dont le principal enjeu a porté sur les formes de coopération technique envisagées.

Cet accord est prioritairement axé sur la formation des services de sécurité libyens. La coopération avec la Libye présente un triple enjeu en termes de sécurité intérieure : la lutte contre le terrorisme, contre l'immigration irrégulière et contre les trafics de stupéfiants .

B. DES RELATIONS EN COURS D'AFFERMISSEMENT AVEC L'UNION EUROPÉENNE ET SES ETATS MEMBRES

A la suite du mémorandum sur les relations entre la Libye et l'Union européenne signé le 23 juillet 2007, la Commission européenne a accordé vingt millions d'euros à la Libye pour l'aider à faire face au phénomène croissant de l'émigration clandestine.

Des négociations sont en cours pour arriver à un accord-cadre entre l'Union européenne et la Libye.

Sur le plan bilatéral, au niveau européen, la Libye n'a signé, en dehors de la France, de conventions en matière de lutte contre la criminalité organisée, qu'avec l'Italie et Malte.

La Libye est présente dans plusieurs enceintes et organismes internationaux : membre d' Interpol depuis 1954, elle participe aux travaux de la Conférence des Ministres de l'Intérieur des pays de la Méditerranée occidentale (« forum 5+5 ») qui regroupe cinq pays de la rive nord du bassin méditerranéen (Portugal, Espagne, France, Italie, Malte) et cinq pays de la rive sud (Maroc, Algérie, Tunisie, Mauritanie, Libye). Dans ce cadre, des engagements pour lutter contre l'immigration clandestine ont été pris.

Le ministre de la défense, M. Hervé Morin, s'est rendu en Libye les 16 et 17 mai 2009 dans le cadre du « 5+5 Défense », lancé à Paris en décembre 2004, et portant sur la coopération multilatérale sur les questions de sécurité en Méditerranée occidentale .

La Libye est également membre du groupe de Dublin chargé de coordonner la lutte contre le trafic de stupéfiants , de la conférence Euro-Africaine sur les migrations à Rabat en juillet 2006, et est pays fondateur de la Communauté des Etats Sahélo-sahéliens (CENSAD), organisation qui traite notamment de la coopération sécuritaire.

Elle a participé au séminaire international sur «Le terrorisme et le crime organisé en Afrique du Nord et de l'Ouest» à Alger au mois de mars 2009. Enfin, la Libye est signataire des conventions de l'ONU sur le trafic de stupéfiants, la traite des êtres humains, et la criminalité transnationale organisée.

En matière de sécurité intérieure, la Libye a déjà conclu les accords bilatéraux suivants :

- procès-verbal de coopération avec l' Algérie en juillet 2007 ;

- convention sécuritaire avec le Niger , signée le 4 avril 2009 ;

- accord de coopération dans le domaine des recherches et des secours en mer avec Malte , signé en mars 2009 ;

- traité d'amitié avec l' Italie le 30 août 2008.

Des accords avec les pays frontaliers (Tunisie, Egypte, Tchad et Soudan) ont été également conclus.

II. LE PRÉSENT ACCORD VISE À RENFORCER LES CAPACITÉS DES SERVICES DE SÉCURITÉ LIBYENS, CE QUI SERA PROFITABLE À LA FRANCE

L'organisation des organes de sécurité libyens est la suivante 1 ( * ) :

Le comité populaire général de la sûreté intérieure, dénomination libyenne du ministère de l'Intérieur, est composé de 14 directions générales, de 6 bureaux et de 10 autres organismes divers, dont le plus important est l'Organe de sécurité intérieure, service de renseignement intérieur.

Ces directions générales sont :

- la Direction Générale des Relations et de la Coopération, qui supervise les relations de coopération internationale et assure la publicité des activités de la police au travers d'un journal du ministère et d'émissions de télévision ;

- la Direction Générale des Affaires de la Sécurité, qui est notamment chargée de la lutte anti-terroriste ;

- la Direction Générale de Lutte contre le Crime, qui a une mission de lutte contre tous les crimes, à l'exception de la drogue et du terrorisme ;

- la Direction Générale de la Lutte contre la Drogue et les Stupéfiants ;

- la Direction Générale des Passeports et de la Nationalité, qui octroie les passeports, s'assure de la nationalité, délivre les visas, contrôle le flux d'entrée et de sortie du pays, gère les postes frontières et est chargée de la sécurité des installations stratégiques aux frontières ;

- la Direction Générale des Patrouilles, qui assure les patrouilles en dehors des zones urbaines pour la surveillance des frontières, de la circulation, des zones désertiques ;

- la Direction Générale de l'Immigration et de la Naturalisation, chargée des dossiers des Libyens voulant émigrer ou obtenir une autre nationalité, ainsi que la communauté libyenne à l'étranger ;

- la Direction Générale de la Défense Civile et des Incendies ;

- la Direction Générale de la Formation.

Parmi les six bureaux, le plus important est le Bureau de la Police Criminelle Arabe et Internationale , chargé de la coopération avec les organisations de la police criminelle arabe et internationale dans le domaine de la lutte contre le crime et de la poursuite des personnes recherchées.

Cette organisation conduit à un grand morcellement des compétences . Ainsi, la seule lutte contre l'immigration clandestine relève de quatre directions générales : passeports et nationalité pour les points fixes, patrouilles entre ces points, police maritime en mer et affaires de la sécurité comme renforts. La police judiciaire est répartie entre deux directions du ministère de l'intérieur : drogue et lutte contre le crime, et d'une du ministère de la justice.

Le chiffre de 60 000 policiers a été annoncé en juin 2008, et il n'y a pas eu, à la connaissance de la délégation du SCTIP, de recrutement massif depuis.

La Libye est principalement touchée par trois grandes problématiques policières :

- l a lutte contre l'immigration clandestine : la Libye apparaît être un pays de transit en matière d'immigration irrégulière, en provenance de la zone subsaharienne et à destination essentiellement de l'Italie ;

- l e terrorisme : en raison de sa politique d'ouverture vers l'Occident, la Libye est devenue une cible potentielle pour les mouvements radicaux islamistes ;

- l a lutte contre le trafic illicite de stupéfiants : ce trafic est appelé à s'accroître du fait de ses liens avérés avec les flux migratoires.

Dans cette perspective, le présent accord détermine les domaines de coopération de façon très large ( art. 1 ), de la lutte contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants à la criminalité organisée, la traite des êtres humains, l'immigration clandestine et la sécurité civile.

Ce texte diffère donc de l'accord-type en matière de sécurité intérieure, car ce dernier n'encadre que la coopération en matière policière, alors que l'accord franco-libyen inclut une assistance mutuelle dans le domaine de la « protection civile, le lutte contre les incendies et le secours en mer ».

Les articles 2 à 4 précisent les modalités pratiques de la coopération. Les échanges de données à caractère personnel sont soumis au respect des législations nationales, et une éventuelle demande de coopération peut être refusée en cas d'atteinte à la souveraineté, la sécurité, et plus généralement, aux intérêts essentiels de l'État.

L'article 5 est consacré aux modalités de lutte contre le trafic de stupéfiants, l'article 6 , aux différentes formes de coopération, l'article 7 au cadre financier de l'accord, et l'article 8 aux modalités d'entrée en vigueur. Il précise que la convention est conclue pour cinq ans, renouvelable par tacite reconduction, et qu'elle peut être dénoncée par écrit, avec préavis de trois mois, ou amendée.

*

* *

La convention a été approuvée début de l'année 2009 par le Congrès général du peuple libyen, la plus haute instance législative de la Libye, et est en cours d'adoption définitive par les Comités Populaires de Base.

CONCLUSION

Il est manifeste que la Libye a pris conscience de la nécessité de renforcer l'expertise et les capacités de ses services de sécurité intérieure. C'est dans cette perspective que s'inscrit la présente convention, qui répond à une attente de formation de ses forces de sécurité de la part de Tripoli. La qualité des équipes de police française est reconnue, et elles doivent contribuer à améliorer les capacités libyennes, pour un profit mutuel.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 7 octobre 2009.

A la suite de la présentation du rapporteur, un débat s'est engagé au sein de la commission.

M. Christian Cambon s'est interrogé sur la fiabilité d'accords conclus avec un pays dont le dirigeant venait de tenir des propos surprenants devant l'Assemblée générale des Nations unies.

M. André Dulait a rappelé que la Libye était l'un des rares pays du monde où les entreprises françaises ne rencontraient jamais d'incidents commerciaux.

En réponse, M. André Trillard, rapporteur, a précisé que la Libye était un pays riche et que sa population bénéficiait de cette prospérité. Il a souligné que tous les grands groupes français étaient présents dans ce pays et travaillaient dans un contexte stable. Il a souligné que cet accord permettrait aux services de sécurité libyens de bénéficier d'une meilleure formation, qui profitera également à la France, en matière de lutte contre le terrorisme, l'immigration clandestine et les trafics de stupéfiants.

Puis la commission a approuvé l'accord et accepté que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

PROJET DE LOI

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention relative à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe, libyenne, populaire et socialiste, signée à Paris le 10 décembre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi 2 ( * ) .

ANNEXE I - FICHE D'ÉVALUATION JURIDIQUE

Cet accord, dont l'objectif est d'améliorer la coopération en matière de sécurité intérieure avec la Grande Jamahiriya arabe, libyenne, populaire et socialiste, constitue l'une des réponses en vue de lutter plus efficacement, sur un plan bilatéral, contre le terrorisme, la criminalité organisée et ses répercussions.

L'accord complète le réseau d'accords bilatéraux similaires conclus par la France avec un nombre croissant de pays, afin de mieux lutter contre la criminalité internationale et maximiser les retours en sécurité intérieure.

Une fois introduit dans le droit interne, il ne nécessitera pas d'autre acte juridique.

ANNEXE II - LES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES FRANCO-LIBYENS

ANNEXE III - CARTE DE LA LIBYE

* 1 Source : MAEE

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 315 (2008-2009)

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