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Rapport n° 252 (2009-2010) de M. René BEAUMONT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 3 février 2010

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N° 252

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 février 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la promotion et la protection réciproques des investissements ,

Par M. René BEAUMONT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1489 , 1666 et T.A. 314

Sénat :

568 (2008-2009) et 253 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'accord qui nous est soumis, portant sur la promotion et la protection réciproques des investissements, a été signé le 19 janvier 2009 à Dakar à l'occasion de la visite de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République.

Il s'inscrit dans le contexte d'une relation étroite entre la France et le Sénégal. Le Sénégal est un pays majeur de l'Afrique de l'Ouest, et un acteur important de l'Afrique en général. Il s'agit d'un pays très présent dans les instances multilatérales et aux Nations unies. Les responsables sénégalais, le Président Wade, rencontrent régulièrement leurs homologues français, de même que ces derniers se rendent régulièrement au Sénégal, pays avec lequel nous sommes liés par de nombreux accords parmi lesquels un accord de défense - nos forces prépositionnées au Sénégal s'élèvent à plus de 900 hommes - et un accord de gestion concertés des flux migratoires -la communauté sénégalaise en France est évalué à plus de 50 000 ressortissants.

Cet accord concerne quant à lui les investissements réciproques des deux pays. Il a pour but de garantir un traitement juste et équitable de ces investissements, de les sécuriser contre les risques politiques, notamment d'expropriation et de nationalisation, d'assurer le libre transfert des revenus tirés de ces investissements et d'organiser le règlement des différends par le recours à l'arbitrage afin de créer un climat favorable au développement des investissements de part et d'autre.

Cet accord s'inscrit dans un contexte plus large de promotion des investissements et de réforme macro-économique au Sénégal. Ainsi en confortant le dynamisme du partenariat économique entre les deux pays, cet accord témoigne du soutien de la France à l'ambition réformatrice affichée par ce pays.

Avant de présenter en détail les mesures de protection des investissements figurant dans l'accord, nous procéderons à une analyse du contexte dans lequel les investissements français peuvent être effectués.

I. LE SÉNÉGAL : UNE ÉCONOMIE EN TRANSITION QUI PRÉSENTE DE NOMBREUSES OPPORTUNITES

A. UNE ÉCONOMIE EN TRANSITION

Après avoir atteint 4,8 % en 2007 et une moyenne de 4,9 % pour la période 1996-2007, la croissance sénégalaise s'est ralentie pour se situer à 3,7 % en 2008.

Une série de programmes d'investissements de grande envergure, en particulier dans le domaine agricole avec la grande offensive agricole pour la nourriture et l'abondance (Goana), ainsi que des infrastructures portuaires et routières, devrait cependant soutenir la croissance dans les années à venir.

En 2009, la croissance réelle du produit intérieur brut (PIB) s'est élevée à 3,5 %, du fait de la crise mondiale. Les perspectives relatives à l'environnement international prévoient une forte baisse de la demande mondiale qui devrait se répercuter sur les exportations des pays émergents et en développement. En 2010, la croissance devrait légèrement repartir et se fixer à 3,6 %.

La croissance de l'économie sénégalaise reste essentiellement tirée par le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) et les services, notamment ceux des télécommunications .

D'une politique généreuse de subvention du prix des denrées de première nécessité, l'État est passé à une gestion plus prudente, caractérisée par la suspension des subsides à la plupart des produits qui en avaient précédemment bénéficié. Le système de tarification de l'électricité a également été modifié pour stabiliser l'exploitation de la compagnie d'électricité. Ces mesures ont été encore insuffisantes pour réduire les arriérés de paiement et restaurer pleinement la capacité financière de l'État.

Le secteur primaire représente environ 60 % de l'emploi global, et seulement 7,4 % du PIB en 2007 . Ce secteur regroupe l'agriculture, la sylviculture et la pêche. La production du sous-secteur de l'agriculture est dominée par quelques cultures vivrières de subsistance (mil sorgho, maïs) et de rente (arachide et coton). Le secteur agricole est confronté à un recul de la production, des superficies cultivées et des rendements pour la plupart des céréales (sauf pour le maïs et le riz). La croissance de la production agricole a baissé en moyenne de 0,8 % par an de 1967 à 2006. Ces faibles performances s'expliquent par un contexte international défavorable (baisse des prix de l'arachide et du coton) et par le système de gestion de la collecte et de la commercialisation. Mais on observe également d'autres difficultés au niveau des politiques sectorielles mises en oeuvre, notamment en matière de maîtrise des ressources en eau, de gestion de la qualité des sols et de niveau des équipements.

Les performances du secteur agricole devraient cependant s'améliorer pour la campagne 2008/09, grâce à la pluviométrie satisfaisante et la mise en place de la Goana. Cette initiative, lancée le 18 avril 2008 par le Président Abdoulaye Wade, a pour objectif de mettre fin à la dépendance alimentaire du Sénégal. Elle prévoit, six mois après octobre 2008, une production de 2 millions de tonnes de maïs, 3 millions de tonnes de manioc, 500 000 tonnes de riz et 2 millions de tonnes pour les autres céréales (mil, sorgho, fonio). Le coût de ce plan est estimé à 344 milliards de francs CFA.

L'horticulture est l'une des filières les plus dynamiques du Sénégal . Ses activités sont permanentes dans certaines zones, elle est pratiquée au niveau national, et il existe une diversité des espèces cultivées. Les productions de la campagne 2007 ont dépassé celles de 2006. En 2007, la production horticole était de 429 000 tonnes contre 390 000 tonnes en 2006, soit un accroissement de 39 000 tonnes. La production de bananes pour la campagne 2006/07 est de 20 000 tonnes, et les prévisions pour 2007/08 sont estimées à 30 000 tonnes.

Du côté de l'agriculture industrielle, l'arachide constitue la principale culture de rente depuis l'indépendance . Son importance tend toutefois à décliner en raison de la faiblesse des prix internationaux, de la gestion chaotique de la société semi-publique qui en assurait l'organisation et la commercialisation, la Sonacos (avant sa privatisation en 2005), de la baisse de la fertilité des sols et de la volatilité et la baisse tendancielle de la pluviométrie. Pour la campagne 2007/08, l'arachide a connu une chute de production de 427 093 tonnes, contre 460 481 tonnes un an auparavant. La faiblesse du prix au producteur (150 francs CFA le kg), alors que sur le marché parallèle le prix est supérieur, contribue également à expliquer ce déclin. Pour la campagne 2008/09, on s'attend à une production record de 700 000 tonnes du fait de la nette amélioration de la pluviométrie.

Le secteur secondaire devrait enregistrer une baisse de 0,9 % en 2008, à la suite des contre-performances enregistrées par le sous-secteur des activités extractives, mais aussi de la baisse de la demande consécutive à l'envolée des prix des produits alimentaires et énergétiques. Pour 2009, les projections donnent un taux de croissance de 5,5 %.

Le secteur secondaire, construction comprise, représentait 20,7 % du PIB en 2007 . Sa production a enregistré une progression de 3,1 % sur l'ensemble de l'année 2007. Ce secteur repose surtout sur l'extraction et la transformation des phosphates (en engrais pour le marché local et en acide phosphorique pour le marché indien principalement), la transformation de l'arachide en huile et en tourteaux pour le bétail, la valorisation des produits de la mer, et la construction. La hausse de la production industrielle s'explique par l'intensification des activités extractives, notamment des phosphates (plus de 16,2 %), après la reprise de la société Industries chimiques du Sénégal (ICS). Les ICS ont en effet connu une situation difficile en 2006 : accroissement des coûts de production, problème de gestion, appréciation du taux de change entre 2004 et 2005, et même cessation temporaire d'activité. L'élaboration d'un projet de recapitalisation, à la suite de l'accord passé entre l'État et le groupe indien IFFCO (qui détient 85 % des actions de la société, depuis avril 2008), a permis un retour progressif de la production. La Société africaine de raffinage (Sar), de son côté, a repris ses activités en 2007, après les avoir interrompues en 2006 en raison de grosses difficultés financières. Elle a pu mettre en place un plan de financement sous la forme d'un crédit renouvelable obtenu auprès d'un pool bancaire sénégalais. L'État a augmenté substantiellement sa participation dans le capital de la Sar, à hauteur de 65 % du total.

Le secteur du BTP a bénéficié en 2007 et 2008 de l'importance des investissements publics : pour la préparation du sommet de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) à Dakar, en mars 2008, pour le port autonome de Dakar (PAD), l'autoroute Dakar-Diamniadio et la construction de trois centrales électriques. Les transferts des migrants ont également eu un impact positif sur la demande immobilière . Cependant, entre 2007 et 2008, on note un ralentissement de la progression de l'activité du BTP. Le taux de croissance de ce sous-secteur, qui était de 11,7 % en 2007, est passé à 3,6 % en 2008 du fait, surtout, des difficultés des entrepreneurs liées aux créances de l'État. En 2009, les activités du BTP devraient croître de 4 %.

Dans le secteur tertiaire, dont la part dans le PIB en 2007 était de 72 %, les télécommunications représentent une activité importante avec une forte progression de la téléphonie mobile et du commerce . Le nombre de lignes de téléphones mobiles est passé de 390 000 en 2000 à 1,7 million en 2005 et 3,3 millions en mars 2007. La contribution des télécommunications au PIB est estimée à 11,4 % en 2008, une hausse d'environ 0,6 % depuis 2006. Quant au commerce, il représentait, d'après les estimations, 15,3 % du PIB en 2008, en baisse par rapport à 2006 et 2007. Pour 2009, on s'attend à une croissance de 5,6 % du secteur tertiaire, principalement sous l'impulsion des activités commerciales, des transports et des postes et télécommunications.

Les exportations ont continué à fléchir en 2007, avec une baisse de 23,1 milliards de francs CFA en 2007, contre une hausse des importations de 201,9 milliards de francs CFA. La part des exportations de biens et services dans le PIB diminue et passe de 25,4 % en 2006 à 23 % en 2007. Elle est estimée à 22,4 en 2008, avec des projections pour 2009 et 2010 de l'ordre, respectivement, de 21,2 % et 20,6 %. La part des importations reste pratiquement stable, 42,1 % en 2006 et 41,2 % en 2007. Elle est estimée à 43 % en 2008. Les prévisions pour 2009 et 2010 sont respectivement de 36,5 % et 37 % du PIB. Les difficultés rencontrées par les ICS, l'arachide et les produits pétroliers, ont pesé sur les performances des exportations.

Malgré certaines difficultés, l'économie sénégalaise présente ainsi dans de nombreux secteurs des opportunités pour les investissements français.

B. UN CADRE RÉGLEMENTAIRE FAVORABLE AUX INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS

Le Sénégal est un pays ouvert aux investissements directs, avec une réglementation très libérale. La liberté d'implantation y est totale pour les étrangers qui sont libres de créer des entreprises avec un capital à 100 % étranger. Il n'y a pas de dispositif d'autorisation préalable des investissements directs et seules les activités de mareyage, de transport ou de boulangerie sont réservées aux nationaux (au moins 50 % du capital social doivent être détenus par des nationaux). Toutefois, dans la pratique, pour les activités qui le nécessitent, l'acquisition de titres fonciers hors agglomérations est une procédure lourde, longue et complexe. L'agrément au Code des investissements confère non seulement les garanties traditionnelles offertes aux investisseurs, mais également des avantages fiscaux liés à l'investissement et à l'exploitation.

S'agissant de la promotion d'un environnement incitatif pour les investisseurs, la loi n° 2004-06 du 6 février 2004 portant nouveau Code des Investissements a été adoptée afin d'établir une cohérence globale entre la réforme du dispositif de droit commun, contenu dans le Code général des impôts et la restructuration du cadre d'incitation.

Cette articulation a permis de faire une avancée significative par la mise en place d'avantages fiscaux de type nouveau (crédit d'impôts et suspension de la TVA).

Sur le plan fiscal, la loi n° 2006-17 a ramené le taux de l'impôt sur les sociétés à 25 % avec effet sur les résultats de 2005 et la taxe d'égalisation a été supprimée en 2007. La Direction générale des impôts et domaines (DGID) a mis en place un système intégré de gestion des taxes et impôts permettant de répertorier les différents impôts et taxes, et de faciliter un meilleur suivi des immatriculations (NINEA comme identifiant unique), la bonne gestion des comptes d'impôt du contribuable et des régimes particuliers (suspensions et régulations).

De plus, le cadre d'investissement a été amélioré de manière notable par l'adoption de la loi n° 2003-36 du 24 novembre 2003 portant réforme du Code Minier ainsi que la loi n° 2007-25 du 22 mai 2007 relatif au régime dérogatoire au Code de l'Investissement et au Code Minier applicable aux investissements supérieurs à 530 millions de dollars américains.

Dans le cadre de la simplification des démarches administratives à l'investissement, l'Agence nationale chargée de la promotion de l'investissement et des grands travaux (APIX) a procédé, le 19 juillet 2007, au lancement officiel de son Bureau d'appui à la création d'entreprise (BCE), service d'assistance aux investisseurs pour la réalisation des formalités liées à la création d'entreprise. Avec ce dispositif, l'inscription au Registre de Commerce, l'Immatriculation au NINEA et la Déclaration d'ouverture d'établissement se font désormais, en 48 heures, au niveau du Bureau d'appui à la création d'entreprise. Ce service est en cours d'amélioration avec l'élaboration d'un système de création d'entreprises en ligne, en quelques heures, partout au Sénégal. Il s'y ajoute un important programme de mise à niveau des infrastructures.

En ce qui concerne la transparence des marchés publics, le Gouvernement a mis en place, en 2007 un nouveau code des marchés publics (CMP) (Loi n° 2007-545 du 25 avril 2007 portant code des marchés publics paru au JO n° 6349 du 02 juin 2007) garantissant les principes de transparence et de concurrence dans les procédures de passation des marchés publics. Ce nouveau code vise, par ailleurs, à rapprocher le Sénégal des meilleures pratiques internationales en matière de procédures budgétaires et de passation des marchés.

Enfin, dans le cadre de la mise en oeuvre de sa politique de coopération, le Sénégal a conclu, selon le CNUCED, plus de 26 accords de promotion et de protection des investissements (APPI) avec des pays partenaires. Parmi ces APPI signés par le Sénégal, 13 au moins le sont avec des pays en développement.

De plus, le Sénégal participe également à des accords de promotion et de protection des investissements régionaux, notamment, dans le cadre de l'UEMOA (L'Union économique et monétaire ouest-africaine) et de la CEDEAO (La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest).

II. LA FRANCE, UN PARTENAIRE ÉCONOMIQUE MAJEUR

La France est le premier fournisseur et le second client du Sénégal malgré la baisse récente des importations.

A. DES RELATIONS COMMERCIALES CROISSANTES

En 2008, dernière année pour laquelle on dispose de statistiques annuelles, le total des échanges commerciaux entre les deux pays s'est élevé à 873,3 millions d'euros.

Les exportations françaises vers le Sénégal, d'un montant de 790,5 millions d'euros en 2008, ont progressé de 7,9 % par rapport à 2007. En revanche, les importations françaises en provenance du Sénégal se sont réduites de 24,7 % au cours de l'année 2008 pour atteindre 82,8 millions d'euros contre 109,9 millions d'euros en 2007.

L'excédent commercial structurel de la France s'élève à 707,71 millions d'euros en 2008, contre 622,4 millions d'euros en 2007.

Le Sénégal est le 52ème  client de la France, son 101ème fournisseur et représente son 15ème excédent commercial.

Nos ventes au Sénégal, assez diversifiées (produits agricoles et alimentaires, pétroliers, biens d'équipement professionnel et de consommation) et en constante augmentation, représentent 790,5 millions d'euros en 2008 contre 732,3 millions d'euros en 2007.

Les biens d'équipement professionnel sont notre premier poste d'exportation vers le Sénégal (21,26 % du total) avec 168 millions d'euros, cependant l'évolution des ventes de ce poste connait une forte décélération passant d'une croissance de + 13,6 % sur la période 2006-2007 à 1,4 % sur la période 2007-2008.

Les ventes françaises de « produits agricoles, sylvicoles et piscicoles » et les « produits des industries agricoles et alimentaires » représentent 21,86 % de nos exportations vers le Sénégal, soit 172,8 millions d'euros en 2008. Les ventes de céréales vers le Sénégal, principale denrée exportée, s'élèvent à 95,1 millions d'euros.

B. DES INVESTISSEMENTS DIRECTS ENCORE LIMITÉS

1. Un rôle croissant des investissements directs

Les investissements directs au Sénégal ont connu, depuis 2000, une nette progression passant de 93 millions à plus de 700 millions de dollars américains (477 millions euros) en 2008.

Le stock d'investissements directs entrant au Sénégal est estimé toujours à 1 544 millions de dollars américains (1 044 millions d'euros) fin 2008, soit 11,6 % du PIB du pays (6,3 % en 2000).

Ce dynamisme des investissements directs apparaît également à travers leur importance dans la formation du PIB qui passe de 1,3 % en 2000 à 3,3 % en 2008. Selon le FMI, les investissements directs pourraient atteindre à moyen terme 6 % du PIB. Ces chiffres placent le Sénégal, en termes de flux, au 120 ème rang mondial des pays d'accueil.

Au niveau de l'ouest africain, le Sénégal est, fin 2008, le 4ème pays d'accueil d'investissements directs en termes de flux, derrière notamment le Nigéria, le Ghana et la Guinée.

Ce sont les secteurs du ciment, des mines, de la banque ainsi que les privatisations (filière arachidière et huilerie, eau et assainissement, phosphates, fer, télécommunications, infrastructures portuaire et aéroportuaire, tourisme) qui ont motivé les investissements directs les plus importants de ces dernières années ou ceux qui sont actuellement en négociation.

L'année 2008 a connu de nombreuses manifestations d'intérêt dans les domaines de l'énergie électrique, portuaire, de la part de sociétés du Golfe, qui constituent une nouvelle concurrence à l'égard des investisseurs traditionnels comme la France , en plus des investisseurs plus récents comme l'Inde et le Maroc.

En effet, les pays du Golfe financent et réalisent actuellement de grands projets tels que le futur aéroport international de Dakar dont la première phase de travaux a démarré début 2008, l'extension du port de Dakar, la Zone Economique Spéciale et la construction du Port du futur à l'horizon 2012. Ces pays investissent également dans l'hôtellerie de luxe.

Pour les deux projets (extension du port de Dakar et construction du Port du futur), la société Dubaï Port World s'est engagée à réaliser un investissement de 460 millions d'euros, la première phase d'investissements sur la période 2008-2011 est de l'ordre de 230 millions d'euros.

Dans le même sillage, la société nigériane Dangote devrait investir dans les années à venir plus de 530 millions de dollars américains pour augmenter la capacité de production du ciment du pays.

En mars 2008, l'Etat sénégalais a cédé le contrôle des Industries Chimiques du Sénégal (ICS) à son co-actionnaire et partenaire traditionnel, l'indien IFFCO pour 100 millions de dollars.

Arcelor Mittal, qui a obtenu la concession en février 2007 de l'exploitation des mines de la Falémé, devait investir ces prochaines années près d'1,61 milliard d'euros, mais après de premiers investissements de faible volume en 2008, ce projet a été mis en sommeil en 2009 en raison de la crise internationale.

D'autres privatisations ou partenariats publics privés sont en cours et/ou prévus en 2009-2010 :

- la mise en concession sur 30 ans d'une autoroute à péage entre Dakar et Diamniadio , d'une longueur de 34 km desservant également l'aéroport en construction qui a été signée en juillet 2009 avec le Groupe Eiffage (Eiffage France et Eiffage Sénégal) ;

- dans le secteur électrique, la réhabilitation du réseau de la production et du transport de l'électricité en partenariat public privé ;

- la poursuite de la privatisation des infrastructures du port de Dakar (mise en concession du môle 2 en 2010).

Les constructions d'infrastructures précitées (aéroport, autoroute, modernisation du port de Dakar) devraient attirer les investisseurs étrangers et favoriser un accroissement des investissements directs au Sénégal ces prochaines années.

2. La France demeure le premier investisseur

Selon les statistiques de la Banque de France, les flux d'investissements directs français vers le Sénégal ont atteint 57 millions d'euros en 2008 contre 85 millions d'euros en 2007 , le Sénégal apparait en 58 ème position dans le classement des pays d'accueil d'investissements directs originaires de France en 2008.

Toujours selon la même source, le stock d'investissements directs français au Sénégal s'élève à 532 millions d'euros (auxquels il faut ajouter les réinvestissements des filiales françaises locales) fin 2008, contre 482 millions d'euros fin 2007. Ce stock est principalement constitué par les services (380 millions d'euros), l'industrie manufacturière (99 millions d'euros) et le secteur financier (89 millions d'euros).

En Afrique subsaharienne, le Sénégal est le 5 ème pays récipiendaire d'investissements directs français en 2008, loin derrière le Nigéria (528 millions d'euros), l'Angola (282 millions d'euros), le Congo (154 millions d'euros) et l'Afrique du Sud (109 millions d'euros). En 2007, il se situait en 8 ème position.

Il est important de noter que ces chiffres d'investissements directs sont souvent différents des investissements réels qui comptabilisent pour leur part les investissements accomplis à partir d'emprunts locaux, et les réinvestissements de profits réalisés localement (cas de la Sonatel par exemple qui réinvestit 70 % de ses profits, somme non négligeable), d'où souvent des différences entre les chiffres de stocks de la Banque de France et les investissements réels.

Il convient de remarquer qu'à travers plus de 250 entreprises , la présence française au Sénégal est d'une part, le fait de filiales françaises ou de participations minoritaires (un peu plus d'une centaine) d'autre part, celui d'entrepreneurs français à l'origine de la création de sociétés de droit local, généralement avec des partenaires sénégalais. L'investissement français n'est pas l'apanage des seuls grands groupes ; les entreprises françaises au Sénégal sont majoritairement des PME-PMI.

Les investisseurs français individuels sont nombreux (et difficiles à recenser) dans le secteur agro-alimentaire, mécanique, informatique, les télé-services, les services, le tourisme, l'immobilier, le commerce et les agences de communication.

Avec une présence dans tous les domaines, le chiffre d'affaires des entreprises françaises représenterait près de 25 % du PIB national selon certaines estimations. Ces entreprises françaises sont une source très importante de recettes fiscales et douanières pour le Sénégal puisqu'elles contribuent à près de 28 % des recettes budgétaires du pays. Cette présence française a également un effet positif pour l'emploi dans la mesure où ce sont plus de 15 000 salariés qui sont embauchés dans ces entreprises.

Les principaux secteurs couverts sont les suivants :

- BTP, construction, environnement énergie, ingénierie : Eiffage, Sogea Satom et ETDE (Vinci), SDE (Saur International), Areva T & D et Areva Ressources, Sade, Egis ,Veolia Propreté, Schneider Electric, Legrand ;

- les secteurs financiers : le secteur bancaire sénégalais est structuré autour de filiales de banques françaises que sont la SGBS (Société générale), et la BICIS (BNP Paribas), qui se classent respectivement à la 2ème et 3ème place des banques du pays en 2008 . Dans le secteur des assurances et du courtage également, les grands groupes français ont implanté leurs filiales au Sénégal (Gras Savoye, Ascoma). Plus récemment se sont installées des sociétés de leasing et de financements spécialisés telles que Microcred et Alios (crédit-bail) ;

- les services, la communication/publicité, le commerce et l'immobilier : ces secteurs ont connu une forte croissance au Sénégal, et sont animés par des sociétés à participation française comme Fidafrica (cabinet d'expertise comptable et fiscale), Deloitte, aux côtés desquels figurent de nombreuses petites implantations françaises. Dans le secteur du tourisme, de grandes groupes tels que Fram, les groupes ACCOR (Hôtel Pullman et Novotel, Hôtel Ibis en projet), Club Med (fermeture du Club Med de Dakar en 2008 mais un projet de construction sur la Petite Côte, travaux de réaménagement du Club à Cap Skirring en cours), Nouvelles Frontières, et dans celui de la distribution Casino (en franchise) ;

- l'industrie : les filiales françaises sont présentes dans de nombreux secteurs tels que l'agroalimentaire et les boissons (Compagnie sucrière sénégalaise, Grands Moulins de Dakar, SOBOA-groupe Castel, Socas, Kagel et Suneor-Sodefitex Groupe Advens), la production de ciment (SOCOCIM-groupe Vicat), l'emballage, la mécanique, la chimie-pharmacie (Laborex, Sanofi-Aventis, Air Liquide) ainsi que le raffinage, le conditionnement et la distribution d'hydrocarbures (Total, Vito Gaz) ;

- les transports et la distribution automobile : les groupes Bolloré, Delmas CMA-CGM, Air France, AGS, CFAO ;

- les télécommunications, l'informatique et le multimédia : les investissements français sont très dynamiques dans ce secteur, tant dans le domaine des infrastructures que des services avec le Groupe Sonatel, opérateur historique, dans lequel France Telecom détient une participation de 42,3 %, Alcatel-Lucent, Sagem, Bull et les nombreuses PME gravitant autour de la Sonatel, enfin Canal+ et Radio Nostalgie dans le multimédia.

C. UNE POLITIQUE DE COOPÉRATION CULTURELLE, SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE ACTIVE

Ces investissements privés sont accompagnés d'un effort soutenu de la France en faveur du développement du Sénégal.

L'aide publique au développement (APD) bilatérale et multilatérale constitue une part significative de la richesse nationale (9 % du PIB) ; le ratio de l'APD par habitant (100 $) fait du Sénégal le pays le plus aidé en Afrique subsaharienne. La Banque mondiale et l'Union européenne sont les deux principaux bailleurs de fonds multilatéraux. La France demeure le premier donateur bilatéral avec 129,1 millions d'euros d'APD nette en 2007, loin devant les Etats-Unis, l'Allemagne, le Japon et l'Espagne.

Les priorités de la coopération française au Sénégal s'inscrivent dans les orientations du Document Cadre de Partenariat (DCP) signé par les autorités françaises et sénégalaises en mai 2006. Il prévoit un montant compris entre 291 et 347 millions d'euros sur la période 2006-2010.

Les trois secteurs de concentration sont l'éducation, le secteur productif et les infrastructures. Le DCP prévoit également des interventions "hors concentration" (santé, développement rural) ainsi que dans des secteurs dits "transversaux" (gouvernance, coopération non gouvernementale, diversité culturelle et promotion du Français).

Sur l'ensemble de ces domaines, la France met en oeuvre huit projets du Fonds de Solidarité Prioritaire. Elle s'appuie sur un réseau important au Sénégal, sur de nombreux opérateurs (notamment les activités de l'Agence Française de Développement AFD) et moyens humains (assistance technique). Ainsi, par exemple :

- dans le domaine éducatif, le réseau de 10 établissements français totalise près de 6 500 élèves. La France accompagne la réforme du secteur universitaire. Elle est également le premier pays d'accueil des étudiants sénégalais : 227 étudiants ont bénéficié de bourses en 2007 ;

- concernant le secteur productif, les infrastructures et le développement rural, les projets mis en oeuvre par l'AFD permettent le renforcement de la compétitivité des entreprises sénégalaises, des réhabilitations d'infrastructures et un accès accru des populations aux services de base ou encore la relance et la structuration de la filière agricole ;

- au titre de nos interventions dans le secteur de la santé, la coopération française soutient notamment l'hôpital principal de Dakar, qui fait figure de référence en matière médicale en Afrique de l'ouest.

Classé parmi les PMA (pays les moins avancés), la République du Sénégal est éligible aux subventions-projets et aux prêts très concessionnels contracycliques de l'AFD, ainsi qu'aux subventions d'ajustement structurel.

Les entreprises publiques et privées peuvent, de leur côté, emprunter en devises à des conditions plus ou moins concessionnelles, en fonction du degré de rentabilité des opérations financées, des points d'application de la bonification et du degré de risque de la contrepartie. Le groupe AFD propose également des mécanismes de garantie innovants.

Le Sénégal est ainsi l'un des premiers bénéficiaires des appuis de l'AFD en Afrique noire, avec des engagements d'environ 20 millions d'euros en subvention chaque année, en sus des engagements non souverains. Depuis 2007, il bénéficie également de prêts souverains contracycliques très concessionnels à hauteur de 30 millions par an.

III. UN ACCORD DE FACTURE CLASSIQUE

L'accord d'encouragement et de protection réciproques des investissements fait partie des quatre-vingt-douze accords du même type actuellement en vigueur qui permettent aux investisseurs français de bénéficier d'une protection juridique contre les risques politiques encourus dans le pays concerné.

Le Sénégal a signé depuis 2000 des accords de protection de l'investissement avec l'Italie (2000), le Mali (2005), l'Ile Maurice (2002), le Maroc (2006) et l'Espagne (2007).

L'accord conclu avec la France ne couvre pas les questions fiscales, traitées notamment par la convention fiscale signée le 29 mars 1974 et qui a fait l'objet d'un avenant entré en vigueur en 1993. Tous les investissements effectués avant ou après l'entrée en vigueur de l'accord de juillet 2007 sont concernés par ses dispositions (art. 2). Cependant, seuls les différends nés après son entrée en vigueur doivent se conformer aux modalités de règlement prévues à l'article 8. Les investissements français bénéficiaient avant cet accord des protections éventuelles prévues par le Code de l'investissement sénégalais de 2004 ainsi que de ce qui est prévu tant par l'OHADA que par l'UEMOA.

Le texte de l'accord de Dakar s'éloigne peu de l'accord type français.

L'accord rappelle dans son préambule son double objectif : renforcer la coopération économique entre les parties et créer des conditions favorables aux investissements réciproques.

L'article 1 er définit plusieurs termes récurrents dans l'accord, au premier rang desquels celui d'« investissement ». La définition retenue s'avère suffisamment large pour permettre d'étendre le champ d'application de l'accord à tous les investissements réalisés par les nationaux ou sociétés de chaque partie, qu'ils aient été effectués avant ou après l'entrée en vigueur de l'accord.

En vertu de l'article 2, l'Etat est responsable des actions ou omissions de ses collectivités publiques.

L'article 3 pose le principe général d'admission et d'encouragement par une partie des investissements effectués par les investisseurs de l'autre partie tandis que les articles 4 et 5 en précisent les contours :

- les investissements de l'autre partie bénéficient d'un traitement « juste et équitable » ; chaque partie examine, dans le cadre d'un investissement, avec bienveillance, les demandes d'entrée et d'autorisation de séjour, de circulation ou de travail sur son territoire (art. 4) ;

- les investisseurs ne peuvent être traités moins favorablement que ceux de l'Etat où ils investissent, ou moins favorablement que les investisseurs de la nation la plus favorisée, si le traitement réservé à ceux-ci est plus favorable ; des exceptions sont néanmoins prévues pour les avantages résultant d'accords économiques régionaux, tels que l'Union européenne pour la France, ainsi que pour les questions fiscales (art. 5). Le dernier alinéa de cet article précise que les dispositions relatives au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée ne s'étendent pas aux avantages particuliers accordés aux institutions financières de développement. Cette précision a été ajoutée à la demande sénégalaise afin de ne pas faire bénéficier systématiquement les investisseurs des régimes dérogatoires
- essentiellement des avantages fiscaux - accordés aux institutions financières de développement (l'Agence française de développement par exemple).

En vertu de l'article 6, l'Etat partie dans lequel l'investissement est réalisé assure la protection et la sécurité pleine et entière de celui-ci. Les mesures d'expropriation ou de nationalisation sont prohibées sauf si les conditions suivantes sont réunies : l'existence d'une cause d'utilité publique liée à des exigences internes, le respect de la procédure légale requise et l'absence de toute discrimination ou contradiction avec un engagement particulier.

L'expropriation éventuelle donne lieu au paiement d'une indemnité « prompte et adéquate », calculée et versée selon les modalités prévues par l'accord.

Le traitement national ou celui de la nation la plus favorisée doit être accordé à tout investisseur de l'autre partie, victime de pertes dues à la guerre ou à tout autre conflit armé.

L'article 7 garantit le libre transfert des diverses formes de revenus que peut produire l'investissement, sauf circonstances exceptionnelles (difficultés de balance des paiements, difficultés financières extérieures) exigeant des mesures de sauvegarde, ces dernières étant limitées à une durée de six mois. Les transferts sont « effectués en conformité avec les procédures en vigueur dans la législation de la partie contractante concernée, étant entendu que celles-ci ne sauraient dénier, suspendre ou dénaturer le libre transfert.». Il s'agit d'une spécificité de cet accord. En effet, l'accord-type ne mentionne pas la nécessité que les transferts soient conformes à la législation nationale.

Le mode de règlement des conflits prévu par le présent accord dépend de la nature des différends.

Dans le cas de différends opposant un investisseur et une partie contractante, l'article 8 de l'accord prévoit d'abord un règlement à l'amiable ; si celui-ci n'a pu être obtenu dans un délai de six mois, plusieurs solutions sont envisageables.

L'accord organise le règlement des différends relatifs aux investissements entre un Gouvernement signataire de l'accord et un investisseur de l'autre partie signataire. Il pose le principe de la recherche du règlement amiable avant tout recours à une autre forme de règlement.

A la demande de l'investisseur, si aucun accord n'a pu être trouvé dans un délai de six mois, trois voies d'arbitrage sont ouvertes :

- arbitrage par un tribunal arbitral ad hoc selon les règles de la Commission des Nations unies pour le Droit Commercial (CNUDCI). Le règlement d'arbitrage de la CNUDCI est entré en vigueur le 15 décembre 1976 et concerne les contrats commerciaux internationaux. Il définit la composition du tribunal arbitral, la procédure de l'arbitrage, notamment sa notification, son lieu, la langue utilisée, les conditions de la requête, de la réponse, les preuves, les mesures exécutoires, la clôture des débats et la forme et les effets de la sentence. Le recours à un arbitrage conformément à ce règlement est un accord préalable des parties, convenu par écrit (clause compromissoire) ;

- arbitrage du CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, créé par la Convention de Washington du 18 mars 1965 que la France a signée en décembre de la même année et le Sénégal en septembre 1966). L'objet du CIRDI, institution à vocation internationale, est « d'offrir des moyens de conciliation et d'arbitrage pour régler les différends relatifs aux investissements opposant des États contractants à des ressortissants d'autres États contractants ». La compétence du Centre est définie par l'article 25 de la convention de Washington qui stipule que « la compétence du Centre s'étend aux différends d'ordre juridique entre un État contractant (ou telle collectivité publique ou tel organisme dépendant de lui qu'il désigne au Centre) et le ressortissant d'un autre État contractant qui sont en relation directe avec un investissement et que les parties ont consenti par écrit à soumettre au Centre. Lorsque les parties ont donné leur consentement, aucune d'elles ne peut le retirer unilatéralement. Un arbitrage par le CIRDI peut ainsi intervenir non seulement pour les actes de l'État lui-même mais également des collectivités publiques ou d'organismes dépendant de lui, à condition que l'État concerné ait donné son approbation à un tel consentement (alinéa 3 de l'article 25 de la Convention). Le dernier paragraphe de l'article 8 de l'accord signé entre la France et le Sénégal permet explicitement la participation des collectivités publiques à une telle forme d'arbitrage, à condition bien entendu qu'elles y consentent. Ceci est d'autant plus important que le Sénégal a mis en oeuvre depuis longtemps une politique de décentralisation mais aussi de création d'agences autonomes, dont l'APIX (agence nationale pour la promotion des investissements et des grands travaux). Par ailleurs, en vertu de l'article 9 de l'accord de Dakar, un investisseur qui aurait bénéficié d'une garantie pour les investissements effectués à l'étranger et qui aurait de ce fait reçu des versements ne verrait pas son droit à recourir au CIRDI affecté, nonobstant la subrogation dans ses droits et actions au profit de l'État garant ;

- arbitrage par la Cour commune de Justice et d'arbitrage de l'OHADA, lorsque les parties relèvent de ce Traité. Selon l'article 21 du Traité de Port-Louis qui traite de l'arbitrage en son titre 4, la CCJA « ne tranche pas elle-même les différends. Elle nomme ou confirme les arbitres, est informée du déroulement de l'instance, et examine les projets de sentences ». Peuvent relever de la procédure d'arbitrage prévue par le titre 4 « toute partie à un contrat, soit que l'une des parties ait son domicile ou sa résidence habituelle dans l'un des États-Parties, soit que le contrat soit exécuté ou à exécuter en tout ou partie sur le territoire d'un ou plusieurs États-Parties. ».

Enfin, les dispositions de l'article 8 de l'accord de Dakar relatif à l'arbitrage s'appliquent même en cas d'engagement spécifique prévoyant la renonciation à l'arbitrage international ou désignant une autre instance que ce qui est prévu par cet article (art. 10).

Aux termes de l'article 11, le règlement des différends opposant les parties contractantes sur l'interprétation ou l'application de l'accord privilégie la voie diplomatique. Si cette dernière n'aboutit pas à une solution dans un délai de six mois, le différend peut être soumis, à la demande de l'une ou l'autre partie, à un tribunal d'arbitrage. Si la constitution de ce tribunal n'intervient pas dans un délai de deux mois, l'une des parties peut solliciter le secrétaire général des Nations unies afin qu'il désigne les membres du tribunal. Prises à la majorité des voix, les décisions du tribunal d'arbitrage sont définitives et exécutoires de plein droit.

L'article 12 prévoit que lorsque les parties apportent des modifications législatives ou réglementaires, des mesures pour protéger l'environnement peuvent être adoptées, à condition qu'elles n'entravent pas l'application des dispositions de l'accord.

Alors que les points contenus dans l'accord de Dakar ne diffèrent pas sensiblement de ce que l'on peut rencontrer dans les quatre-vingt autres accords de protection des investissements que la France a conclus, cet article 12 introduit des dispositions relatives à l'environnement ne figurant pas dans l'accord-type de protection des investissements que la France a coutume de signer. Il s'agit d'une demande forte du Sénégal qui suspendait la conclusion de l'accord à la prise en compte de cette question. La rédaction finale de consensus est celle proposée par la partie française. Cet article, intitulé Interdictions et restrictions, stipule que les parties contractantes peuvent, lorsqu'elles élaborent ou modifient leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger l'environnement, à condition que ces mesures n'entravent pas l'application des dispositions du présent accord.

La partie sénégalaise avait exprimé le souhait que les conséquences des mesures adoptées pour protéger l'environnement soient exclues du champ d'application de l'accord. Une telle exclusion pourrait priver les investisseurs français du droit à être indemnisé des pertes subies en conséquence de telles mesures, lesquelles, en l'absence d'une clause d'exception, peuvent dans certains cas constituer des mesures d'expropriation indirecte. La France n'avait, jusqu'à présent, jamais accepté d'introduire de clause « environnementale » dans un API et ce, bien que ce soit une demande récurrente de ses partenaires. En effet, sa position traditionnelle, notamment à l'OCDE, est que ces clauses ne doivent pas être traitées dans le cadre de conventions bilatérales d'investissement afin de ne pas risquer d'entraîner des distorsions de concurrence. Accepter d'exclure totalement de l'accord les litiges qui pourraient survenir de l'adoption de mesures environnementales créerait un précédent dans notre politique conventionnelle qui est susceptible d'influencer de façon négative la sécurité économique des investissements dans le secteur industriel. Toutefois, pour prendre en compte le souhait du Sénégal de mettre en avant sa politique dans la matière, la France a proposé une rédaction alternative qui prévoit que les Etats sont libres d'adopter de telles règles, tout en respectant les obligations vis-à-vis des investisseurs qui découlent de l'accord. L'article 12 de l'accord reconnaît ainsi le droit des parties contractantes d'adopter des mesures environnementales à condition que ces mesures n'entravent pas l'application des autres dispositions de l'accord, notamment l'obligation d'indemnisation en cas d'expropriation indirecte.

CONCLUSION

L'accord entre la France et le Sénégal reprend les clauses classiques du droit international en matière de protection des investissements étrangers.

Il offrira aux investisseurs français au Sénégal une protection contre le risque politique.

Il permettra ainsi de renforcer la présence économique française dans ce pays qui représente un partenaire privilégié de la France en Afrique.

Votre rapporteur vous recommande donc son adoption selon la procédure simplifiée.

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EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 3 février 2010, sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi.

Evoquant l'accord de défense qui lie la France au Sénégal, M. Didier Boulaud a souhaité que, conformément aux discussions qui avaient eu lieu lors de l'élaboration du Livre blanc sur la défense nationale, le Parlement, et en particulier la commission, ait une plus ample connaissance du contenu des accords de défense conclus par la France.

M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que ce point pourra être évoqué lors de la prochaine audition du ministre de la défense.

M. Jean-Louis Carrère a souhaité, à ce propos, que, lors des auditions des ministres, plus de temps soit consacré aux questions des commissaires et a proposé que celles-ci soient posées avant l'exposé du ministre.

M. Josselin de Rohan, président, a souhaité que, lors des auditions, un juste équilibre soit trouvé entre l'introduction au débat, que constituait l'exposé des ministres, et le débat lui-même.

Evoquant la présence française en Afrique sub-saharienne, M. Jacques Berthou a souligné l'importance de la présence chinoise dans ces pays. Soulignant le lien entre développement et démocratie, il a estimé souhaitable que l'on soutienne, dans ce contexte, les pays comme le Sénégal et le Mali, dans lesquels la France est bien implantée et qui constituent, par ailleurs, des pays où la gouvernance démocratique est satisfaisante. Il s'est enfin interrogé sur l'existence de projets de liaison terrestre entre Bamako et Dakar susceptibles de désenclaver le Mali.

M. René Beaumont, rapporteur, a approuvé la nécessité d'apporter un soutien massif au Mali. Il a indiqué que le moyen de transport le plus usité entre Bamako et Dakar était l'avion.

Mme Bernadette Dupont s'est demandé si l'implication grandissante des pays du Golfe au Sénégal dans tous les domaines ne constituait pas une menace pour les positions françaises.

M. René Beaumont, rapporteur, a indiqué que cette implication constituait une concurrence pour les entreprises française et, par ailleurs, favorisait indéniablement la diffusion et le rôle de la religion musulmane dans un pays où 80 % de la population est de confession musulmane.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a approuvé les propos de son collègue Didier Boulaud sur la nécessité de mieux connaître le contenu des accords de défense signés par l'exécutif. Par ailleurs, elle a souhaité qu'un point soit fait sur le sort de l'hôpital militaire français dont la gestion devait être transférée aux autorités sénégalaises.

Après que MM. Didier Boulaud et Josselin de Rohan, président, eurent évoqué la situation du Mali, M. André Vantomme a indiqué qu'il se rendrait dans ce pays, en juin 2010, avec M. Christian Cambon, au titre de leur mission de co-rapporteurs des crédits de l'aide au développement, afin d'y évaluer l'efficacité de la politique française de coopération et d'aide au développement.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance plénière.

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