Rapport n° 604 (2009-2010) de M. Serge LAGAUCHE , fait au nom de la commission de la culture, déposé le 1er juillet 2010

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N° 604

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er juillet 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à l' équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques , et sur la proposition de loi de MM. Jean-Pierre LELEUX et Jacques LEGENDRE relative à l' équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques,

Par M. Serge LAGAUCHE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Pierre Plancade, Jean-Claude Carle , vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Béatrice Descamps , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mlle Sophie Joissains, Mme Marie-Agnès Labarre, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, M. Alain Le Vern, Mme Christiane Longère, M. Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Roland Povinelli, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2486 , 2620 et T.A. 490

Sénat :

411, 563 et 605 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission a exprimé ses préoccupations concernant la projection cinématographique à l'heure du numérique dès 2003. En effet, son rapport d'information 1 ( * ) intitulé « Exploitation cinématographique : le spectacle est-il encore dans la salle ? » en établissait déjà l'état des lieux et s'interrogeait tant sur les modalités de sa mise en place que sur ses conséquences potentielles.

Évoquant l'urgence d'un dispositif de soutien à la numérisation des salles dans son rapport budgétaire sur le secteur du cinéma, présenté au nom de votre commission à l'occasion du projet de loi de finances pour 2010, votre rapporteur s'exprimait dans ces termes : « l'heure n'est plus aux atermoiements, si l'on veut éviter que ne se développe un réseau à deux vitesses, au risque d'une marginalisation puis d'une disparition des petites salles non numérisées, et d'effets pervers sur la programmation, la distribution et la diversité des films en salles. »

Cette menace s'est amplifiée avec le développement de l'équipement numérique d'un nombre croissant de salles, pour la plupart membres de grands réseaux. Cette situation a permis à l'Observatoire européen de l'audiovisuel de saluer la France comme disposant du marché le mieux équipé de l'Union européenne, avec environ le quart des salles numérisées. Mais elle portait en germe un double risque de disparition des petites salles en incapacité de s'équiper et de grave bouleversement des rapports de force en présence, au détriment des objectifs constants de notre politique culturelle.

Votre rapporteur se réjouit donc aujourd'hui du dispositif à trois étages qui se met en place en vue de généraliser et d'encadrer la numérisation de l'ensemble des salles de cinéma de notre pays, au moyen :

- de la présente proposition de loi 2 ( * ) , qui fait l'objet d'un large consensus de la part des professionnels comme des élus. Issue d'une collaboration étroite entre le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), les professionnels concernés et les parlementaires, députés et sénateurs, membres du comité de suivi relatif aux ordonnances sur le cinéma 3 ( * ) , elle trace la ligne d'équilibre entre les intérêts respectifs de chacun et le respect de l'intérêt général. Ce dernier est notamment lié à l'impérieux souhait de maintenir le dense maillage de notre territoire en établissements de spectacles cinématographiques et de préserver notre diversité culturelle, enviée par nos partenaires étrangers ;

- des dispositifs spécifiques d'aides publiques mis en place par le CNC, ainsi que par certaines collectivités territoriales, pour permettre l'équipement de l'ensemble des salles sur tout le territoire, quelle que soit la taille des établissements ;

- des décrets, récemment parus ou en cours d'élaboration, afin de réglementer le domaine des engagements de programmation et celui de la diffusion de programmes dits « hors film » (spectacles vivants, programmes audiovisuels, manifestations sportives, etc.) dans les salles de cinéma numérisées.

En définitive, cette « fusée à trois étages » crée les conditions permettant à l'ensemble des acteurs concernés - les professionnels mais aussi les spectateurs - de bénéficier pleinement des avancées permises par la technologie numérique, tout en évitant les effets potentiellement pervers de cette mutation.

C'est pourquoi la présente proposition de loi, ainsi que la mise en oeuvre des mesures non législatives qui viennent la compléter, sont très attendues par les professionnels.

Votre commission vous propose d'adopter ce texte dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA NUMÉRISATION DE TOUTES LES SALLES DE CINÉMA : UN DÉFI ENFIN RELEVÉ

Depuis plusieurs années, votre rapporteur exprime dans ses rapports successifs sur le secteur du cinéma, établis au nom de votre commission à l'occasion des projets de lois de finances, ses préoccupations relatives à la problématique de la numérisation des salles de cinéma.

Dès 2005, il évoquait ce défi de l'émergence du cinéma numérique et, en 2006, il évaluait son impact potentiel sur l'organisation de la filière du cinéma ainsi que les conflits d'intérêt en présence.

A. UN RAPPEL DES ENJEUX DE LA « RÉVOLUTION NUMÉRIQUE » : UN CONSTAT PARTAGÉ DÈS 2005

En effet, si la question est enfin en voie d'être traitée, votre rapporteur tient à rappeler que dès 2005, le constat relatif à l'urgence de décisions, tant au plan national qu'européen, était partagé et relayé par votre commission.

Le constat était bien identifié. Comme l'avait exposé votre rapporteur 4 ( * ) à l'époque : « La distribution est, bien entendu, directement concernée par l'émergence de la technologie numérique appliquée au cinéma. En effet, dans la chaîne des coûts de production et de diffusion d'un film, c'est la distribution qui prend en charge aujourd'hui le prix de la duplication des copies 35 mm et de leur transport vers les salles de cinéma. Dans l'hypothèse d'une diffusion numérique, notamment par le biais du satellite, c'est donc ce secteur qui ferait les économies les plus spectaculaires.

Mais pour autant, le modèle économique reste à identifier pour que les économies réalisées puissent être partagées par l'ensemble de la chaîne de production et de diffusion des films, l'objectif étant que, quels que soient les acteurs qui prendront en charge le financement de l'investissement initial, l'économie globale réalisée profite au cinéma, et que les moyens dégagés soient réinvestis dans le secteur. Il s'agit de créer les conditions pour que la pénétration du numérique dans la distribution des films permette une meilleure diffusion des films en France, notamment des films indépendants ou destinés aux circuits d'art et essai. La complexité du dossier réside dans le fait qu'un risque existe de voir le numérique favoriser mécaniquement les productions lourdes, si celui-ci est capté par les gros investisseurs, et qu'il nuise gravement à la diversité culturelle.

A l'inverse, il semble que l'utilisation des technologies numériques pour la diffusion de films pourrait autoriser de nouvelles souplesses de programmation et réduire la prise de risque unitaire. Dans tous les cas, le métier de diffuseur pourrait être profondément modifié par le développement de la technologie numérique.

Par ailleurs, il apparaît que certains freins au développement de la projection numérique en salles sont en passe d'être levés depuis mi-2005 :

- en premier lieu, le contexte normatif est en train d'être stabilisé (...) ;

- en second lieu, des déploiements d'équipements numériques ont été engagés dans différents pays. En Europe, 238 salles en Grande-Bretagne seront équipées d'ici fin 2007 et 100 l'ont déjà été, grâce à un soutien public, mais avec un risque de développer des réseaux à deux vitesses.

En outre, le réseau Europa-Cinémas a mis en place, en 2005, une aide plafonnée à 7 500 € par écran pour soutenir l'équipement des salles européennes ; ce soutien dépendra du nombre de séances numériques que les salles proposeront en faveur des films européens.

Enfin, des modèles économiques ont vu le jour aux États-Unis : des industriels équipent les salles et ils récupèrent progressivement leurs investissements en faisant payer aux distributeurs un surcoût sur le prix des copies numériques. 1 300 salles ont déjà été équipées, (...)

Il est essentiel de veiller à ce que de telles démarches n'entravent pas la liberté de certains acteurs de la filière.

Il est évident que l'émergence du cinéma numérique offre les moyens de « rebattre les cartes » entre les différentes catégories d'acteurs ; elle pourrait entamer gravement la liberté de certains (les exploitants) et, si l'on n'y prenait garde, nuire à la diffusion des films français, donc à la diversité culturelle. »

B. LE RAPPORT GOUDINEAU DE 2006 : DES PROPOSITIONS NOVATRICES

Dans ce contexte, votre rapporteur tient à rappeler l'excellent travail réalisé par M. Daniel Goudineau, en août 2006, à la demande du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC ). Son rapport, intitulé : « Adieu à la pellicule ? Les enjeux de la projection numérique », avait mis en lumière les bouleversements profonds que le développement de la projection numérique allait entraîner pour l'ensemble de la filière cinématographique. Ses propositions étaient novatrices, l'accompagnement de ces mutations soulevant alors des questions de régulation publique et appelant une adaptation du soutien financier géré par le CNC.

Ce dernier avait alors engagé une concertation avec les professionnels sur la base de ces recommandations , dont votre rapporteur rappellera ci-dessous les principales :

- une évolution du dispositif de soutien du CNC : le rapport suggérait tout d'abord de faire évoluer le dispositif de soutien aux exploitants pour inciter au passage progressif au numérique et favoriser la diversification des salles.

Afin de préserver l'exposition du film français et européen, il estimait nécessaire d'exiger des producteurs, dans un avenir proche, que tous les films français disposent d'un support numérique pour la distribution en salles et il suggérait de sensibiliser la Commission européenne à la nécessité de soutenir le développement de la post-production numérique des films européens.

- la mise en place d'un modèle de régulation spécifique : il proposait, par ailleurs, un modèle de régulation du secteur intermédiaire entre la régulation publique et la gestion par le marché. Concrètement, la projection numérique en salle nécessite de livrer à une salle donnée un ensemble de fichiers cryptés et de faire correspondre les clés de lecture de ces fichiers aux clés publiques propres aux équipements de chaque salle.

Sous l'autorité du CNC, la Commission supérieure technique aurait été dépositaire d'un registre de ces clés publiques. Un prestataire privé, sélectionné par voie d'appel d'offres et contrôlé par le CNC, aurait été chargé de générer les clés de lecture et de solliciter le gestionnaire du registre des clés publiques, sur ordre du distributeur. Ainsi aurait été assurée l'indépendance de l'ensemble des acteurs de la chaîne.

S'ils étaient convaincus de la nécessité d'une régulation de la gestion des clés, tous les professionnels auditionnés par votre rapporteur n'étaient cependant pas favorables à ce type de centralisation .

- un modèle économique fondé sur la solidarité professionnelle : la démarche était similaire s'agissant des aspects économiques. A une gestion par le marché ou à une implication forte des pouvoirs publics, le rapport préférait un modèle fondé sur la solidarité interprofessionnelle.

Le financement de l'équipement des salles serait assuré pour l'essentiel par la redistribution aux exploitants des économies faites par les distributeurs sur l'édition des copies, selon un mécanisme mis en place par accord interprofessionnel.

L'équilibre ex post entre économies et dépenses, pour peu qu'il soit vérifié dans les faits, ne réglait cependant pas la question des capacités d'investissement initiales des salles. C'est pourquoi il était proposé de constituer un pool d'investisseurs garanti par l'institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), afin d'aider les exploitants indépendants dans l'équipement de leurs salles.

C. 2010 : L'IMPASSE AYANT CONDUIT À L'ÉLABORATION DE LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI

1. Parmi les facteurs à prendre en compte : l'évolution du marché

Tous les acteurs en présence s'accordent sur le fait que la question de la numérisation des salles de cinéma recouvre plusieurs volets indissociables :

- un volet culturel et d'aménagement du territoire , les deux étant liés. En, effet, il s'agit de favoriser la diversité culturelle et de veiller à ce que les exploitants gardent toute liberté en matière de programmation des films dans leurs salles ; il faut aussi aider les cinémas de petite et moyenne taille à acquérir les équipements numériques au même rythme que les grandes salles. A défaut, elles ne survivraient pas à la concurrence de ces dernières ;

- un volet financier, car la diffusion des films sous forme de fichiers numériques en salle de cinéma nécessite des investissements importants de la part des exploitants de salles. Elle suppose l'acquisition d'un nouveau matériel beaucoup plus coûteux que le matériel traditionnel de projection de pellicules « 35 mm » et la réalisation, le plus souvent, de travaux architecturaux pour l'adaptation des cabines de projection. Ces investissements sont estimés à 80 000 euros en moyenne . Notre pays comptant plus de 5 400 écrans actifs, le montant total des investissements requis s'élève ainsi à plus de 430 millions d'euros ;

- et un volet social , car la révolution numérique implique une formation, et parfois une reconversion, des personnels concernés : les projectionnistes mais aussi les personnels des laboratoires. A cet égard, votre rapporteur insiste sur la nécessité d'accompagner les mutations qu'entraîne la « révolution numérique » pour l'ensemble des acteurs, y compris pour les industries techniques .

Or, le passage à la projection numérique profite très inégalement aux différents « maillons » de la filière cinématographique.


• Les avantages tirés de la projection numérique pour les exploitants sont variables :

- peu de gain de qualité sauf pour certains films (notamment les films d'animation ou à effets spéciaux) et pour les films qui font l'objet d'une exploitation dans la durée (en raison de l'usure des copies « 35 mm ») ;

- mais une souplesse de programmation et un changement de films d'une séance à l'autre facilités ;

- un accès à l'offre de films en relief, qui augmente sensiblement avec l'avènement de la 3D ;

- la possibilité de diversifier la programmation avec la diffusion d'oeuvres non disponibles en « 35 mm », telles que des documentaires, la retransmission d'événements culturels (spectacles vivants, opéras, concerts) ou sportifs 5 ( * ) ;

- et l'automatisation partielle des projections permettant des gains de productivité.


• A contrario, le passage à la diffusion numérique présente des avantages financiers très conséquents pour les distributeurs :

- forte réduction du coût de tirage des copies (entre 150 à 300 euros en numérique, contre 600 à 2 000 euros en 35 mm) ;

- réduction des frais de transport et de stockage des copies.

Cette forte dichotomie entre les charges supportées par les exploitants et les avantages financiers pour les distributeurs a eu rapidement pour conséquence la tenue de négociations entre ces deux secteurs pour qu'une partie de l'économie réalisée par les distributeurs soit reversée aux exploitants pour couvrir une partie du financement de l'équipement.

Sans attendre l'élaboration d'un dispositif public, de nouveaux acteurs privés - appelé « tiers investisseurs » - ont proposé leur intermédiation et mis en place un modèle économique permettant la numérisation d'un certain nombre de salles, d'établissements surtout de grande taille mais aussi de plus petites ayant adhéré à un groupement permettant une mutualisation.

Ils ont suivi en cela les États-Unis , où est apparu le principe des frais de copie virtuelle ( VPF ou « Virtual Print Fee ») : pour chaque film distribué en numérique dans un établissement, le distributeur paye une somme forfaitaire représentant une partie de la différence entre le coût d'une copie « 35 mm » et celui d'une copie numérique. Ce principe d'une « contribution numérique » des distributeurs s'est par la suite imposé partout et il est aujourd'hui largement accepté par les distributeurs en France. La numérisation des exploitants les plus importants peut ainsi être financée par le marché.

Il est cependant essentiel que les pouvoirs publics s'assurent que la totalité du parc de salles puisse passer au numérique, en maintenant leur liberté et diversité de programmation. Les modèles de financement ne doivent pas interférer avec la liberté de programmation des exploitants et la maîtrise du plan de sortie des distributeurs ou exclure une partie des salles.

2. La proposition du CNC en 2009 : un fonds de mutualisation

Sur le fondement du rapport Goudineau précité et prenant en compte l'évolution de la situation, le CNC a engagé des réflexions et concertations avec les professionnels. Tous n'étaient cependant pas convaincus de l'urgence d'engager la transition numérique des salles de cinéma.

C'est à l'automne 2009 que le CNC a proposé la création d'un fonds de mutualisation, dont le principe avait recueilli l'accord des professionnels et qui avait l'avantage de la simplicité.

Ce fonds devait être alimenté par les contributions des distributeurs, afin de couvrir une partie des investissements des exploitants qui y auraient adhéré. Le CNC aurait alors joué le rôle d'un « tiers » public, la mutualisation fondant depuis ses origines le système français de soutien au cinéma.

3. Février 2010 : l'avis défavorable de l'Autorité de la concurrence

Saisie par le ministère de l'Économie le 27 octobre 2009, l'Autorité de la concurrence a émis, le 1 er février 2010, un avis défavorable à la création de ce fonds.

Elle a reconnu l'objectif d'intérêt général du projet et la nécessité d'une intervention publique pour assurer la transition de l'ensemble du parc français de salles vers le cinéma numérique, car « une solution reposant sur les seuls mécanismes de marché ne permettrait pas d'atteindre l'objectif d'intérêt général identifié par le CNC ».

L'Autorité de la concurrence a posé alors la question de la proportionnalité de cette intervention publique, les atteintes à la concurrence devant s'avérer nécessaires et proportionnées à l'objectif d'intérêt général, et la question de l'éventuelle « existence d'une solution alternative moins restrictive de concurrence » que le projet envisagé par le CNC et, par ailleurs, neutre pour les finances publiques.

Elle a considéré que la création d'un fonds de mutualisation tel que proposé par le CNC risquerait d'entraîner des distorsions de concurrence trop importantes avec les acteurs privés opérant sur le marché, voire « d'éliminer toute concurrence sur le marché du financement du cinéma numérique ». En effet, ce mode d'intervention « repose sur un mécanisme de subventions croisées » et « serait voué à l'échec sur un marché concurrentiel, en raison des phénomènes d'écrémage des exploitants les plus rentables pour les concurrents privés du CNC. »

Elle a préconisé la création d'un fonds de numérisation, alimenté par une taxe sur les contributions numériques versées par les distributeurs aux exploitants, appelées aussi VPF virtual print fee »). Ce fonds finançait le versement d'aides directes en cas de défaillance du marché.

4. La renonciation à créer une taxe

Suite à cet avis de l'Autorité de la concurrence, le CNC s'est penché sur la possibilité de mettre en place une telle taxe sur les contributions numériques. D'après les informations fournies à votre rapporteur par le CNC, cette solution se heurtait cependant aux difficultés suivantes :

« - un calendrier tendu : une notification du dispositif auprès de la Commission européenne était indispensable et aurait très probablement déclenché une enquête approfondie avant une éventuelle autorisation, ouvrant un délai incompressible, sans décision possible, de 18 à 24 mois. Alors que les grands groupes d'exploitants seront tous équipés entre 2011 et 2012, un tel retard aurait été préjudiciable pour les acteurs les plus fragiles ;

- une incertitude : l'autorisation de la Commission européenne n'était en rien acquise, la Commission privilégiant des aides ciblées, comme évoqué précédemment ;

- l'opposition des distributeurs : la plupart des distributeurs étant déjà amenés à verser des contributions à certaines salles et à des tiers investisseurs auraient refusé de payer deux fois. L'instauration d'une telle taxe risquait donc d'avoir un effet immédiat, à la baisse, sur le taux de location, les distributeurs tentant de compenser le coût d'une telle taxe ;

- une répartition totalement inégalitaire du produit de la taxe : une telle taxe aurait été prélevée sur toutes les recettes, y compris celles des circuits et des salles finançant leur équipement par le biais de VPF, sans que ces établissements n'en perçoivent le moindre retour. »

5. La méthodologie retenue pour l'élaboration de la présente proposition de loi

Dans ces conditions, le CNC a réfléchi dans de brefs délais, en concertation avec les professionnels les plus concernés et avec les parlementaires membres du groupe de suivi sur les ordonnances relatives au cinéma 6 ( * ) , à une solution alternative satisfaisante et respectueuse de l'avis de l'Autorité de la concurrence.

L'adoption d'une disposition législative visant à garantir le caractère automatique et généralisé des contributions numériques est apparue comme la formule la mieux à même de réaliser une transition numérique équitable pour tous les acteurs, distributeurs comme exploitants.

Compte tenu de l'urgence à agir, une proposition de loi a été déposée dans les mêmes termes au Sénat - par nos collègues Jean-Pierre Leleux et Jacques Legendre - et à l'Assemblée nationale, l'idée étant que la chambre qui disposerait la première d'une « fenêtre » à l'ordre du jour l'examinerait en premier lieu, en pleine concertation avec l'autre assemblée. C'est ainsi que l'Assemblée nationale a adopté le texte le 16 juin 2010, à la quasi unanimité - le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) s'abstenant -, largement complété et enrichi grâce à ses travaux à la fois en commission et en séance publique.

Consulté comme convenu, en amont, votre rapporteur approuve pleinement la proposition de loi qui est désormais soumise à l'adoption du Sénat.

Le large consensus dont elle fait l'objet a été obtenu grâce à la poursuite de la concertation avec les professionnels et avec le CNC, dont votre rapporteur tient à saluer ici le travail remarquable. Certes, certains professionnels, (le GNCR notamment) regrettent que n'ait pas été retenue l'option de la création d'une taxe destinée à financer le passage des salles au numérique, pour les raisons évoquées précédemment. Sous cette réserve, la proposition de loi est très attendue par les professionnels, ainsi que la mise en oeuvre des mesures non législatives qui viennent la compléter.

En effet, votre rapporteur insiste sur le fait que le présent texte constitue un volet essentiel d'un dispositif cependant beaucoup plus large : il s'agit en quelque sorte de l'étage législatif d'une fusée à trois étages.

II. LA PROPOSITION DE LOI : L'ÉTAGE LÉGISLATIF D'UNE FUSÉE À TROIS ÉTAGES

Trois types de mesures complémentaires s'avèrent ainsi nécessaires :

- en premier lieu, pour encadrer la mise en place de la contribution numérique . En effet, les principaux réseaux ont déjà engagé la mutation numérique de leurs salles. Ils y sont d'ailleurs fortement incités par la multiplication des films en numérique et le développement de la 3D, le succès du film « Avatar » en étant l'une des récentes illustrations.

Selon Cinego.net, à ce jour, 1 436 salles sont numérisées en France , réparties dans 469 établissements (sur un total de 5 470 écrans exploités par 2 066 établissements) ;

- en second lieu, pour permettre l'équipement de l'ensemble des salles . Les petits et moyens exploitants, notamment ceux qui exploitent les films plusieurs semaines après leur sortie ou qui disposent de peu d'écrans, peuvent aujourd'hui difficilement entrer dans ce type de montage contractuel, car ils ne génèrent pas suffisamment de contributions en vue de financer leurs investissements. Certaines dispositions de la proposition de loi, et surtout un dispositif spécifique d'aides publiques vont dans ce sens ;

- enfin, pour réglementer le domaine des engagements de programmation et celui de la diffusion de programmes dits « hors film » dans les salles numérisées.

En définitive, il s'agit de créer les conditions permettant à l'ensemble des acteurs concernés - les professionnels mais aussi les spectateurs - de bénéficier pleinement des avancées permises par la technologie numérique, tout en évitant les effets potentiellement pervers de cette mutation.

A. LA PROPOSITION DE LOI POUR GÉNÉRALISER ET ENCADRER LE DISPOSITIF DE LA CONTRIBUTION NUMÉRIQUE

La proposition de loi vise à généraliser et à encadrer le système de la contribution numérique contractuelle. Elle ne crée pas de nouvelle taxe, mais organise la redistribution d'une partie des économies réalisées par les distributeurs en direction des exploitants. Il ne s'agit pas d'une contribution pérenne, puisqu'elle ne sera plus versée une fois la couverture du coût de la transition numérique assurée dans l'ensemble des salles.

L'encadrement du dispositif de contribution numérique a pour double objectif de maintenir la liberté de programmation des exploitants et de garantir la maîtrise par les distributeurs de leurs plans de diffusion des films, c'est-à-dire le libre accès aux films pour les uns et le libre accès aux salles pour les autres.

En effet, le système contractuel actuel pourrait favoriser le placement de copies numériques au détriment des autres films pendant la période de transition et entraîner une accélération de la rotation des films, ce qui serait préjudiciable à leur bonne exposition. Les films les plus fragiles seraient bien sûr les premiers touchés.

A cette fin, le texte veille à assurer l'étanchéité entre d'une part, les contrats de contribution numérique et, d'autre part, la négociation sur les conditions de location et d'exposition d'un film.

Le respect de ce cadre s'exercera sous le contrôle du CNC et du Médiateur du cinéma.

Les dispositions essentielles du texte sont les suivantes :

- la contribution numérique est exigible, par salle, durant les deux premières semaines suivant la sortie nationale du film, et - comme l'a précisé l'Assemblée nationale - au-delà lorsque l'oeuvre est mise à disposition dans le cadre d'un élargissement du plan initial de sortie du film. Elle est donc fixée sur le pic du tirage des copies. Les professionnels que nous avons rencontrés lors du Festival de Cannes nous ont convaincus de la pertinence de cette solution ;

- en revanche, la contribution n'est pas exigible lorsque les films sont mis à disposition pour une exploitation dite « en continuation », c'est-à-dire lorsqu'une salle reprend une copie déjà existante ;

- comme l'a précisé l'Assemblée nationale, la contribution n'est due que pour l'installation initiale des équipements de projection numérique, et non pour leur renouvellement. Elle ne sera plus requise une fois assurée la couverture du coût des équipements, compte tenu des autres financements de l'exploitant et, en tout état de cause, au delà d'un délai de dix ans après l'installation initiale des équipements de projection numérique, sans que ce délai ne puisse excéder le 31 décembre 2021 ;

- l'Assemblée nationale a précisé qu'elle serait due aux salles homologuées avant le 31 décembre 2012 ;

- elle a, en outre, prévu que le financement de l'équipement puisse être mutualisé (entre exploitants ou par des intermédiaires financeurs) ; en effet, en l'absence d'un système généralisé et obligatoire, seules les salles les plus « rentables » pourraient s'équiper, les plus petites salles étant dans l'incapacité d'attirer les investisseurs pour assurer leur numérisation. C'est pourquoi, en permettant leur regroupement en vue de mutualiser la collecte des contributions, le texte leur permet de s'organiser pour assurer cette transition, avec ou sans l'aide de tiers ;

- elle a aussi prévu que la contribution numérique sera également due par les personnes qui soit mettent à la disposition de l'exploitant soit lui louent une salle de projection en vue de diffuser des programmes dits « hors film », comme la captation de spectacles vivants ou la retransmission de compétitions sportives ou d'émissions audiovisuelles.

En contrepartie de ces obligations, des garanties sont apportées à la fois aux distributeurs et aux exploitants :

- le montant de la contribution doit rester inférieur à la différence entre le coût de la mise à disposition d'une oeuvre sur support photochimique et celui de la mise à disposition d'une oeuvre sous forme de fichier numérique.

Le Médiateur du cinéma - qui a la confiance de tous les professionnels - pourra être saisi de tout litige relatif à la contribution numérique. Sur la proposition de nos collègues députés Patrick Bloche et Franck Riester, l'Assemblée nationale a précisé qu'il pourra demander la transmission du contrat de location des films, ce qui garantira davantage la transparence et l'étanchéité du dispositif.

- par ailleurs, toute clause contractuelle qui ferait dépendre du versement de la contribution, soit les choix de distribution ou de programmation, soit le taux de location, serait nulle de plein droit, ceci « afin de préserver la diversité de l'offre cinématographique » ;

- un comité de concertation professionnelle est chargé d'élaborer des recommandations de bonne pratique. Comme le demandaient les professionnels, l'Assemblée nationale a prévu qu'il puisse s'ouvrir aux autres acteurs du secteur si l'ordre du jour l'exigeait ;

- à la suite des réunions de concertation auxquelles votre rapporteur a participé, l'Assemblée nationale a aussi adopté un article additionnel après l'article 2, prévoyant une clause de rendez-vous un an après la promulgation de la loi ainsi qu'un comité de suivi parlementaire composé de deux députés et de deux sénateurs chargé d'évaluer le fonctionnement du nouveau dispositif. Ce comité disposera du concours du CNC, lequel devra produire un rapport sur la mise en oeuvre de la loi.

Le comité de suivi, le comité de concertation professionnelle et le Médiateur du cinéma devront, chacun dans son rôle, vérifier l'étanchéité entre le versement de la contribution numérique et la programmation, ainsi que le respect des engagements de programmation et des plans de diffusion des films.

- par ailleurs, l'Assemblée a adopté un amendement de notre collègue député Marcel Rogemont tendant à lier le principe du versement par le CNC d'une aide financière destinée à financer l'équipement numérique d'un établissement au respect d'engagements de programmation. Ceci est essentiel ;

- enfin, avec l'article 5 (nouveau), l'Assemblée a répondu à la forte demande des exploitants concernant la fixation de la valeur locative des locaux monovalents, compte tenu de la nécessité de maintenir des cinémas en centre ville. Ainsi, la référence aux usages de la profession pour fixer le loyer des salles de cinéma sera obligatoire, et non plus facultative.

La proposition de loi est donc globalement consensuelle, sur les principes et sur l'urgence à les mettre en oeuvre. Même s'il est évident que, le secteur étant composé d'acteurs aux intérêts parfois violemment divergents et l'aventure numérique emportant de légitimes inquiétudes, il a été un peu compliqué de trouver un texte d'équilibre. Votre rapporteur estime néanmoins qu'il est aujourd'hui atteint.

Le dispositif doit garder une certaine souplesse afin que les acteurs le fassent vivre. Il conviendra de suivre avec vigilance son application et de se remettre à l'ouvrage si cela s'avérait nécessaire.

Néanmoins, il convient de faire confiance aux professionnels, au comité de concertation professionnelle, au CNC et au Médiateur du cinéma pour qu'une application intelligente du texte permettent d'en satisfaire tous les objectifs.

Votre commission s'est certes interrogée sur la question du formalisme du contrat de location de films, les professionnels privilégiant la forme orale à l'écrit. Comme précisé dans la seconde partie du présent rapport, elle a préféré, à ce stade, en rester aux dispositions prévues sur ce point par l'ordonnance n° 2009-1358 du 5 novembre 2009.

Pour toutes les raisons évoquées précédemment, votre commission a adopté la présente proposition de loi sans modification dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

B. UN DISPOSITIF D'AIDES PUBLIQUES POUR PERMETTRE LE FINANCEMENT DE L'ÉQUIPEMENT NUMÉRIQUE DE L'ENSEMBLE DU PARC DE SALLES

1. Le décret du 1er septembre 2010 relatif aux aides directes du CNC...

Ce dispositif législatif est complété par des aides du CNC, via un fonds d'aide spécifique , destinées aux exploitations de 3 écrans ou moins, voire de 4 écrans si cela s'avérait nécessaire, par dérogation. En effet, ces salles - dites de continuation - obtenant très rarement les films à leur sortie, ne généreront que peu de contribution numérique.

Les salles de 3 écrans ou moins représentent 734 établissements, soit environ 95 % de ceux qui ne percevront pas assez de contribution numérique pour financer leur équipement numérique. Le CNC évalue au maximum à 35 le nombre des établissements de plus de 3 écrans concernés. En outre, l'aide est réservée aux établissements n'appartenant pas à un circuit de plus de 50 écrans.

Les aides du CNC, qui seront versées sous forme de subventions ou d'avances, s'adressent donc aux établissements qui ne sont pas, du fait de leur programmation, susceptibles de générer suffisamment de contributions des distributeurs pour couvrir au moins les trois quarts du coût de leurs investissements. Elles sont placées sous le régime d'exemption de minimis , qui autorise les États européens à accorder une aide de cette nature à condition qu'elle ne dépasse pas le montant de 200 000 euros sur trois exercices fiscaux consécutifs. Ce montant s'apprécie en cumulant toutes les aides perçues par un bénéficiaire donné, tous dispositifs publics confondus.

Le nombre de ces salles, considérées comme moins rentables, et pour lesquelles les solutions fournies par le marché paraissent insuffisants, peut être estimé à 3 000 environ sur un nombre total de 5 400 écrans . Or, elles assurent la diffusion des films auprès du plus large public (moyennes et petites villes, zones rurales) et constituent un élément stratégique de l'aménagement du territoire et de l'équipement culturel et social des communes. Elles constituent également une clef de la diversité de l'offre cinématographique en assurant, par ailleurs, la diffusion des autres films, « art et essai », plus pointus, hors des centres urbains.

Par ailleurs, votre rapporteur tient à préciser que les établissements qui ont moins de cinq séances hebdomadaires en moyenne sur l'année et les circuits itinérants feront l'objet d'un soutien spécifique. Le CNC est en train d'instruire ce dossier. Il a adressé à l'ensemble des fabricants et installateurs, en juillet 2010, un cahier des charges relatif aux spécificités logistiques et techniques des circuits itinérants. Il leur a été demandé d'indiquer, en retour, quels matériels étaient disponibles ou susceptibles de l'être à moyen terme répondant à ces spécificités (soit en étant strictement conformes aux normes ISO, soit y dérogeant dans des limites précisées dans le cahier des charges).

Le décret n° 2010-1034 fondant cette aide publique à la numérisation des salles a été publié au Journal Officiel du 1 er septembre 2010 7 ( * ) . Sans attendre la publication de ce décret, le CNC avait mis en ligne, fin juillet, les informations sur cette aide et le modèle de dossier à constituer pour que les exploitants puissent commencer à préparer leur demande. Dès sa publication, l'application permettant le dépôt de dossier en ligne a été ouverte.

Le CNC a précisé à votre rapporteur qu'une première réunion de la commission d'examen des demandes était prévue mi-octobre 2010. La commission siègera ensuite à un rythme mensuel pour faire face à l'afflux prévisible de dossiers de demande.

Précisons que les organisations professionnelles regroupant les exploitants [fédération nationale des cinémas français (FNCF), groupement national des cinémas de recherche (GNCR) et association française des cinémas d'art et d'essai (AFCAE)] ont approuvé ce dispositif d'aide conçu en totale complémentarité de la présente proposition de loi.

2. ... en complément d'éventuelles aides des collectivités territoriales

Ces aides du CNC viendront en complément des apports propres des exploitants et, le cas échéant, de la contribution numérique et des aides des collectivités territoriales qu'elles auront pu percevoir.

En effet, toutes tiennent à préserver l'aménagement culturel de notre territoire ainsi que la diversité culturelle et cinématographique unique de notre pays. Rappelons que le parc de salles français est le premier d'Europe et le quatrième du monde. C'est pourquoi notre pays refuse de baisser les bras, contrairement à de nombreux pays étrangers, qui admettent que le numérique entraînera la fermeture de nombreuses salles de cinéma...

D'ores et déjà, les collectivités territoriales, et plus particulièrement les régions, sont nombreuses à mettre en place des dispositifs d'aide à la numérisation des salles conçus en concertation avec le CNC et en complément de son dispositif. Les régions Aquitaine et Ile-de-France ont notamment déjà lancé leur dispositif. La région Rhône-Alpes est en passe de le faire.

C. DES TEXTES RÉGLEMENTAIRES POUR ENCADRER LES ENGAGEMENTS DE PROGRAMMATION ET LE « HORS FILM »

1. Le décret du 8 juillet 2010 pour préciser les engagements de programmation

Le décret n° 2010-781 du 8 juillet 2010 relatif aux groupements, ententes et engagements de programmation cinématographique 8 ( * ) détermine notamment les différents types d'engagements de programmation et les objectifs poursuivis. Ces engagements doivent ainsi contribuer à :

- promouvoir le cinéma européen ;

- favoriser, d'une part la diversité des entreprises de distribution, notamment par la promotion des oeuvres de distributeurs indépendants et, d'autre part, la diffusion d'oeuvres d'art et d'essai ;

- limiter, au sein d'un même établissement, la multidiffusion des oeuvres, quels que soient leur support et la version dans laquelle elles sont projetées, notamment au vu des possibilités ouvertes par la projection numérique, qui renforce la possibilité de multidiffusion au sein des établissements.

Ce type d'engagements, qui concernera désormais tous les établissements comportant chacun huit écrans au moins, a pour objet de garantir la diversité dans l'exposition des oeuvres et le pluralisme de toutes les formes d'exploitation.

Par ailleurs, le décret (articles 22 à 25) prévoit que certains projets de programmation valent engagements de programmation. Tel est notamment le cas des exploitants de cinémas qui, dans le cadre du bénéfice des aides financières du CNC pour la numérisation des salles, doivent présenter un projet de programmation.

Ce projet vaut alors engagement de programmation, annexé à la convention d'aide conclue avec le CNC. Il est précisé qu'il s'agit des aides à la création et à la modernisation des établissements de spectacles, les aides à la diffusion ne pouvant être concernées dans la mesure où elles sont, quant à elles, accordées annuellement au vu d'une programmation antérieure.

Ces engagements donnent lieu à un examen par le président du CNC, dans le cadre prévu par la convention d'aide. Le Médiateur du cinéma est associé au suivi du dispositif.

En outre, des mesures de publicité sont prévues pour assurer la plus grande transparence quant aux opérateurs concernés et à leurs engagements de programmation.

Parallèlement, l'article L. 213-23 (nouveau) introduit par l'Assemblée nationale dans le code de l'industrie cinématographique et de l'image animée à l'article premier de la proposition de loi. Celui-ci soumet les aides du CNC en faveur de la numérisation des salles à des engagements de programmation contrôlés par son président.

2. Un décret en cours d'élaboration pour encadrer la diffusion en salle du « hors film »

Par ailleurs, certains acteurs de la filière s'inquiètent du risque de voir d'autres programmes que les oeuvres cinématographiques occuper les établissements de spectacles cinématographiques et se substituer à celle des films, au détriment donc de la filière cinématographique.

En effet, de telles diffusions de programmes dits « hors films » (spectacles vivants, séries télévisées, compétitions sportives, etc.) sont rendues possibles par la technologie numérique, qui permet une diffusion en 3D relief, et par la souplesse de programmation qu'elle offre.

Ainsi, en 2009 , ces programmes ont représenté plus de 137 000 entrées en salles (2,21 millions d'euros de recettes guichet). Ils représentent plus de 106 000 entrées sur les 7 premiers mois d'exploitation 2010 (1,8 million d'euros de recettes guichet). Même si quelques opéras sont programmés, il s'agit plus particulièrement de la diffusion en salles de manifestations sportives ou bien encore de programmes audiovisuels dits de « flux » (variétés, jeux, etc.).

Un décret est donc en cours d'élaboration pour encadrer la diffusion de ces programmes et on pourrait imaginer une diminution du soutien du CNC en cas de projection de « hors film », notamment pour les salles non fragiles. En effet, s'ils apportent une réelle diversification de l'offre et un soutien indispensable aux salles situées notamment en zones rurales, ils peuvent aussi constituer une aubaine pour des exploitants qui, tout en bénéficiant des contributions numériques et du système d'aides publiques voudraient privilégier ces programmes rémunérateurs pour eux 9 ( * ) , au détriment de leur mission de diffusion du cinéma. Il faut donc encadrer cette faculté et trouver un équilibre permettant de tirer le maximum de la technologie numérique sans fragiliser le marché.

* *

*

Compte tenu de l'ensemble de ces dispositifs et mesures, votre commission vous demande d'adopter la présente proposition de loi dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier - (article L. 213-16 à L. 213-23 (nouveau) du code du cinéma et de l'image animée) - Modalités de l'équipement numérique des cinémas

I - Le droit en vigueur

Afin qu'une partie de l'économie réalisée par les distributeurs grâce à la numérisation des films soit reversée aux exploitants pour couvrir une partie du financement de l'équipement numérique des salles, un dispositif a été créé aux États-Unis : le principe des frais de copie virtuelle (VPF ou « Virtual Print Fee »). Ainsi, pour chaque film distribué en numérique dans un établissement, le distributeur paye une somme forfaitaire représentant une partie de la différence entre le coût d'une copie « 35 mm » photochimique, et celui d'une copie numérique. Ce principe d'une « contribution numérique » des distributeurs s'est, par la suite, imposé partout. La numérisation des exploitations les plus importantes peut ainsi être financée par le marché.

Néanmoins, en l'état actuel du droit, le versement d'une telle contribution est uniquement régi par le droit des contrats et donc par les dispositions contractuelles que peuvent signer certains exploitants, les tiers investisseurs et certains distributeurs. Il ne fait donc l'objet d'aucune réglementation spécifique.

C'est pourquoi la présente proposition de loi vise à encadrer le financement de l'équipement des établissements de spectacles cinématographiques en matériels de projection numérique ainsi que les conséquences de cette mutation sur la diffusion des oeuvres et sur les rapports entre exploitants et distributeurs.

II - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

L'article premier du présent texte crée une nouvelle section 4 dans le chapitre III du titre I er du livre II du code du cinéma et de l'image animée, intitulée « Équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques ». Cette section comporte huit articles, L. 213-16 à L. 213-23, l'Assemblée nationale ayant ajouté à la proposition de loi initiale les articles L. 213-21 à L. 213-23.

Rappelons que l'article L. 212-1 de ce code définit un établissement de spectacles cinématographiques comme « toute salle ou tout ensemble de salles de spectacles publics spécialement aménagées, de façon permanente, pour y donner des représentations cinématographiques, quels que soient le procédé de fixation ou de transmission et la nature du support des oeuvres ou documents cinématographiques ou audiovisuels qui y sont représentés ». Un établissement peut donc compter une ou plusieurs salles - ou écrans - de cinéma.

Le cadre légal ainsi proposé répond à plusieurs objectifs :

- rendre obligatoire pour les distributeurs le versement d'une contribution numérique aux exploitants sous certaines conditions (articles L. 213-16, L. 213-17 et L. 213-19) ;

- élargir les compétences du Médiateur du cinéma aux litiges pouvant résulter de l'application de ces dispositions (article L. 213-18) ;

- créer un comité de concertation professionnelle, sous l'égide du président du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), chargé d'élaborer les recommandations de bonne pratique relatives à l'équipement numérique des salles de cinéma (article L. 213-20) ;

- renforcer les obligations des exploitants :

. d'une part, en garantissant la transparence du dispositif (articles L. 213-21 et L. 213- 22 nouveaux) ;

. et, d'autre part, en soumettant les aides sélectives à la numérisation des salles à des engagements de programmation de la part des exploitants concernés (article L. 213-23 nouveau).

A - L'article L. 213-16 : généraliser la contribution numérique

Le texte proposé pour l'article L. 213-16 du code de la cinématographie et de l'image animée comporte trois paragraphes :

- le paragraphe I rend obligatoire, sous réserve d'une exception, le principe de versement aux exploitants de salles de cinéma d'une contribution numérique par les distributeurs de fichiers ou données numériques, ou par les locataires de salles équipées numériquement ;

- le paragraphe I bis (nouveau), introduit par l'Assemblée nationale, couvre les cas de mutualisations d'établissements cinématographiques ;

- et le paragraphe II prévoit la durée et les modalités de versement de la contribution ainsi qu'un compte rendu au distributeur ou à l'intermédiaire portant sur l'amortissement de l'investissement de l'exploitant.

1 - Paragraphe I de l'article L. 213-16 (alinéas 4 à 7 du texte) : le principe, le champ d'application et les modalités de la contribution numérique

Le paragraphe I rend obligatoire le versement d'une contribution numérique au bénéfice des exploitants et établit la liste des acteurs ainsi tenus de contribuer au financement de la numérisation des salles.

? En application de l'alinéa 4, il s'agit ainsi de contribuer au financement des « investissements nécessaires à l'installation initiale des équipements de projection numérique », ce qui recouvre les coûts liés à l'acquisition des matériels de projection numérique (serveur et projecteur notamment), les éventuels frais annexes (tels que l'extension de garantie de ces matériels, les frais d'installation et les frais financiers en cas d'emprunt), ainsi que les coûts liés à la transformation technique des cabines de projection (climatisation, extension du hublot de projection, etc.).

Le CNC a établi, pour les salles bénéficiant d'une aide, une liste des coûts éligibles et un plafond. Pour les autres salles, le comité de concertation professionnelle - évoqué ci-après - devra dès que possible établir une recommandation sur la liste des coûts éligibles, à titre indicatif de bonne pratique, la liberté commerciale s'appliquant.

Est concernée l'installation initiale des équipements de projection numérique :

- d'une part, des salles de cinéma existantes à la date de promulgation du présent texte ;

- et, d'autre part, des salles homologuées avant le 31 décembre 2012. Il s'agit ainsi de prévoir le cas des exploitations ou des salles créées après l'entrée en vigueur de la loi mais homologuées par le CNC avant le 31 décembre 2012, afin que les projets engagés puissent être conduits dans des conditions équitables et économiques viables.

Par conséquent, les frais de renouvellement des équipements ne sont pas couverts par le dispositif. On estime leur durée de vie à environ 7 ans.

Par ailleurs, la prise en charge des frais de maintenance des équipements - plus élevés que pour des équipements en 35 mm - relève de négociations contractuelles entre exploitants et distributeurs, le cas échéant via les tiers intermédiaires. En outre, ces frais sont éligibles au titre du soutien automatique à l'exploitation attribué par le CNC et certaines collectivités territoriales allouent aux salles des aides de fonctionnement.

Enfin, l'alinéa 4 précise que la contribution numérique peut être versée directement par les professionnels concernés ou indirectement , c'est-à-dire par un intermédiaire. Dans ce dernier cas, la contribution n'est pas versée à l'exploitant mais à ce dernier. Cet intermédiaire peut être :

- un tiers investisseur, qui acquiert et finance le matériel de projection numérique des exploitants, en tout ou partie, et recouvre son investissement et ses frais de gestion, plus une marge, en collectant les contributions des distributeurs pour les salles qu'il a équipées ;

- un tiers collecteur, qui - comme son nom l'indique - collecte les contributions des distributeurs pour les salles avec lesquelles il a contracté et à qui il verse, de manière régulière et pendant une durée donnée, une somme destinée à couvrir une part de l'investissement des exploitants concernés ;

- un regroupement d'exploitants, établi sous la forme de coopérative ou de société commerciale, qui récolte les contributions des distributeurs pour l'ensemble des salles adhérentes et redistribue celles-ci de manière mutualisée.

? Les alinéas 5 et 6 de l'article L. 213-16 fixent la liste des professionnels devant ainsi contribuer au financement de la numérisation des salles de cinéma. Plusieurs types d'acteurs sont concernés :

- les distributeurs d'oeuvres cinématographiques de longue durée inédites en salles, c'est à dire les films de long métrage 10 ( * ) , transmis sous forme de fichiers numériques 11 ( * ) :

. lors des deux premières semaines de diffusion suivant leur date de sortie nationale, cette dernière étant définie par les usages professionnels ;

. au-delà de ce délai en cas de mise à disposition de l'oeuvre dans le cadre d'un  « élargissement » de ce plan de sortie.

Cette notion d'élargissement recouvre le cas du retirage d'une nouvelle copie numérique et donc d'augmentation du nombre total de copies en circulation. En revanche, aucune contribution numérique ne sera due en cas de « continuation », c'est-à-dire de circulation d'une copie existante.

Ces termes font partie du « jargon » professionnel. C'est pourquoi l'alinéa 5 renvoie utilement aux usages professionnels la définition des notions de « date de sortie nationale » 12 ( * ) , d'« élargissement du plan initial de sortie » et d'« exploitation en continuation ». Relevons que le comité de concertation professionnelle, dont la création est prévue par l'article L. 213-20, pourra veiller à leur bonne compréhension et interprétation par tous.

La contribution numérique sera donc due sur le pic maximal du nombre de copies en circulation, c'est-à-dire sur le pic de diffusion des films et non exclusivement sur une période de référence. Le fait de fonder le calcul sur la semaine au cours de laquelle le nombre maximum d'écrans est occupé par un film permet de rester au plus près de la logique économique actuelle de diffusion en 35 mm Cette disposition permettra donc de préserver l'exposition des films en salles. Ce raisonnement logique est fondé sur les économies réalisées par les distributeurs sur le coût des copies numériques, grâce au passage du photochimique à la technologie numérique. On calculera donc le nombre total d'établissements programmant un film une semaine donnée : s'il est supérieur à celui de la semaine de sortie nationale, il y a eu élargissement du plan de sortie ; sinon, il s'agit d'une exploitation en continuation, des établissements pouvant programmer le film pour la première fois grâce au déplacement d'une copie venant d'un autre établissement.

Ceci signifie que la contribution du distributeur est seulement due lors de la première mise à disposition d'une copie numérique, puisque l'économie n'est réalisée - par rapport à une copie photochimique - qu'en cas de retirage d'une copie nouvelle. La circulation ultérieure de cette copie ne génère pas, quant à elle, une telle économie.

Par ailleurs, le texte précise utilement que la contribution est due au titre de chaque salle . En effet, la multidiffusion, c'est-à-dire la diffusion simultanée d'un même film dans plusieurs des salles d'un établissement s'avère très facile à organiser avec la technologie numérique, qui donne une grande liberté de programmation à l'exploitant. Il est donc nécessaire que la contribution s'impose pour chaque écran occupé par la même oeuvre cinématographique ;

- les autres acteurs bénéficiant de l'équipement numérique des salles, soit qu'ils mettent à disposition de l'exploitant des oeuvres ou documents audiovisuels ou multimédia ou des oeuvres à caractère publicitaire, à l'exception notable des bandes annonces, soit qu'ils louent une salle de cinéma. La contribution numérique est due au titre de chaque projection (alinéa 6) ou de chaque location (alinéa 7).

Il s'agit ainsi de viser ce qu'il est convenu d'appeler le « hors film ». Ceci recouvre :

- d'une part, les oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles autres que le film de long métrage, telles que des séries audiovisuelles, des programmes télévisés divers ou des publicités. Les bandes annonces sont exclues du champ d'application de la contribution numérique dans la mesure où elles contribuent à la promotion des oeuvres cinématographiques. Ces oeuvres sont transmises sous forme de fichiers numériques (pour les films) ou de données numériques 13 ( * ) ;

- d'autre part, la diffusion de spectacles d'une autre nature, telle que la représentation - qui peut être en direct ou en différé - de spectacles vivants (pièces de théâtre, opéras, etc.) ou de manifestations sportives.

Ainsi, par exemple, des opéras du Metropolitan de New York sont proposés en semi-différé dans des cinémas Gaumont et Pathé les samedis soirs. Mais, comme indiqué précédemment, à l'heure actuelle, le « hors film » est, pour l'essentiel, constitué de manifestations sportives.

? Paragraphe I bis (nouveau) de l'article L. 213-16 (alinéas 8 à 11) : cas de la mutualisation du financement des équipements numériques

Ce paragraphe vise à autoriser et à encadrer la mutualisation du financement de l'installation initiale des équipements numériques qui pourrait être opérée entre un ensemble de salles afin de permettre à des salles de se regrouper pour percevoir les contributions jusqu'à amortissement de l'équipement de l'ensemble des salles appartenant à ce groupement.

La mutualisation est une formule intéressante qui permet à des établissements de taille parfois très variable de peser davantage dans le rapport de force à l'égard notamment des distributeurs. Votre rapporteur a pu recueillir le témoignage de petites exploitations qui, grâce à elle, peuvent s'enorgueillir à la fois d'une programmation riche, avec la diffusion de films dans de brefs délais suivant leur sortie nationale, et de la numérisation de leurs salles depuis l'automne 2009.

Ceci étant, la mutualisation doit être assurée dans la transparence et dans le respect des objectifs de la loi, notamment l'affectation de la contribution au financement effectif de la transition numérique et le maintien de la liberté de programmation.

Tel est l'objet de ce paragraphe qui prévoit que les contrats entre exploitants et distributeurs relatifs à la mutualisation et les contrats relatifs au financement de l'équipement passés entre tiers et exploitants devront, en cas de mutualisation, obligatoirement contenir des clauses bien définies par les alinéas 10 et 11 :

- les contrats relatifs au montant et aux conditions de versement de la contribution numérique devront fixer d'une part, la liste des établissements concernés et les modalités de leur mutualisation (notamment la répartition des contributions entre eux) et, d'autre part, les conditions dans lesquelles il sera rendu compte de l'affectation de cette contribution. Il est, en effet, essentiel que les autres acteurs concernés puissent avoir accès à ces informations pour assurer le suivi et le bien fondé de la poursuite du versement de leur contribution au groupement ;

- les contrats relatifs au financement des équipements numériques entre les exploitants et les intermédiaires ne sont soumis qu'à la première de ces obligations de transparence, les intermédiaires n'étant pas soumis à contribution.

3 - Paragraphe II de l'article L. 213-16 (alinéas 12 à 14 du texte) : conditions du terme du versement de la contribution numérique

Ce paragraphe répond, lui aussi, à une nécessité de précision et de transparence en fixant les conditions de versement de la contribution numérique ainsi que les modalités de l'information des distributeurs sur l'état de l'amortissement de l'investissement des exploitants.

Ainsi, l'alinéa 12 prévoit que la contribution n'est plus requise une fois que la couverture du coût des équipements de l'établissement concerné est assurée. Il est, en effet, logique que la contribution n'ait plus à être versée au terme de la transition numérique.

Néanmoins, la contribution n'ayant pas vocation - comme l'indique son nom a contrario - à couvrir l'intégralité du coût de l'investissement, il sera tenu compte, pour évaluer le degré de couverture de ce coût, des autres financements, notamment d'éventuelles aides publiques (du CNC ou des collectivités territoriales notamment).

Le texte prévoit un terme au dispositif, que la transition numérique soit complètement achevée ou non, avec une double fourchette :

- au maximum dix ans après l'installation des équipements ;

- en tout état de cause, pas au-delà du 31 décembre 2021.

Il s'agit ainsi de limiter la durée de cette transition coûteuse, dans le respect de la réalité observée par le CNC s'agissant à la fois des montants des contributions des distributeurs, des investissements dans les salles et des contrats déjà conclus.

L'alinéa 13 fixe les nécessaires conditions de la transparence du déroulement de l'opération à l'égard des distributeurs. Le suivi de l'état d'amortissement des équipements numériques sera assuré, les contrats conclus entre distributeurs et exploitants ou entre distributeurs et intermédiaires relatifs au versement de la contribution, ainsi que ceux relatifs au financement des équipements, conclus entre exploitants et intermédiaires, devant fixer les conditions dans lesquelles les distributeurs seront informés - directement par les exploitants ou indirectement par les intermédiaires - du coût restant à couvrir.

Précisons qu'en application de l'article L. 213-18 (alinéa 17), le Médiateur du cinéma pourra, en cas de litige, requérir toute information nécessaire, en particulier lesdits contrats.

Par ailleurs, en cas de litige, ces informations sur l'état de l'amortissement, comme les contrats relatifs aux contributions numériques, seront portés à la connaissance du Médiateur du cinéma.

Cette transparence apparaît de nature à rassurer les distributeurs sur la légitimité de la poursuite du versement de leur contribution.

Afin que tous les distributeurs, quelle que soit leur taille, soient à même de prendre connaissance et de vérifier la sincérité de ces informations, sans avoir nécessairement à recourir à un audit externe, l'alinéa 14 prévoit que l'exploitant comme le distributeur puissent demander le concours du CNC pour l'analyse des rendus de compte sur le financement et le remboursement de l'équipement numérique. En outre, le président du CNC pourra demander communication de tout renseignement ou document utile.

Cette rédaction de compromis devrait permettre de répondre aux inquiétudes légitimes des professionnels en la matière. Certains ont exprimé auprès de votre rapporteur le souhait que ces informations soient systématiquement transmises au CNC. Cependant, il ne serait pas satisfaisant de « noyer » le CNC sous un flot d'informations qui seraient inutiles si les professionnels n'exprimaient pas le besoin d'un tel soutien. En outre, les contrats passés entre sociétés étrangères n'auraient pas pu y être assujettis.

B - L'article L. 213-17 (alinéa 15 du texte) : exiger équité, transparence et objectivité pour la négociation du montant de la contribution

L'article L. 213-17 est essentiel car il vise à répondre aux plus grandes inquiétudes exprimées par les professionnels, compte tenu des rapports de force parfois très rudes qui caractérisent ce secteur :

- d'une part, la crainte - surtout des acteurs de petite taille - que la négociation du contrat portant sur la contribution soit en quelque sorte liée à celle du contrat relatif à la diffusion d'un film (taux de location ou conditions de programmation). Ceci nuirait bien entendu au respect à la fois de la liberté de programmation de l'exploitant et de la liberté du choix du plan de sortie d'un film par le distributeur, ainsi qu'au maintien de la diversité de l'offre cinématographique. Ce risque est réel, le CNC ayant observé que le montant des contributions variait essentiellement selon la durée d'engagement ;

- d'autre part, la crainte de certains distributeurs que l'économie réalisée par le passage à la projection numérique soit entièrement captée par les exploitants.

Pour empêcher la réalisation de ces risques, le texte prévoit que la négociation du montant de la contribution entre les parties devra être effectuée « à des conditions équitables, transparentes et objectives ».

Cette formule, classique, constitue en quelque sorte une règle de bonne conduite à respecter par les professionnels.

Le critère d'équité peut être apprécié par le traitement semblable qui doit être logiquement réservé à des salles comparables.

Quant aux critères de transparence et d'objectivité, ils pourraient être considérés comme satisfaits dès lors que, par exemple, les offres de contrats seront proposées sur la base de critères généraux déterminés à l'avance, liés à la durée, au calendrier d'exposition au public du film, etc.

L'article précise que ces critères doivent notamment permettre de fixer un montant de contribution « inférieur à la différence entre le coût de la mise à disposition d'une oeuvre sur support photochimique et celui de la mise à disposition d'un film sous forme de fichier numérique ». En effet, le distributeur a vocation à garder une partie de l'économie réalisée grâce au passage à la projection numérique.

Là aussi, les calculs afférents devront être réalisés dans le respect des critères susmentionnés, notamment en toute transparence.

Précisons qu'en application de l'article L. 213-18, le Médiateur du cinéma pourra être saisi en cas de litige relatif à l'application du présent article.

C - L'article L. 213-18 (alinéas 16 et 17 du texte) : renforcer les missions du Médiateur du cinéma

? Le droit en vigueur

Autorité administrative indépendante instituée en 1982 , le Médiateur du cinéma est chargé, en application des articles L. 213-1 à L. 213-8 du code du cinéma et de l'image animée, d'une mission de médiation et de conciliation préalable pour « tout litige relatif à l'accès des exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques aux oeuvres cinématographiques et à l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles, ainsi que, plus généralement, aux conditions d'exploitation en salle de ces oeuvres, qui a pour origine une situation de monopole de fait, de position dominante ou tout autre situation ayant pour objet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence et révélant l'existence d'obstacles à la plus large diffusion des oeuvres cinématographiques conforme à l'intérêt général ».

La notion de « plus large diffusion » peut viser à la fois les lieux d'exploitation comme la durée d'exploitation d'un film. Celle « d'intérêt général » vise notamment la diversité de l'offre de films, de leur distribution et de leur exploitation en salle, les conditions de la concurrence et du pluralisme de l'expression cinématographique.

Précisons que l'ordonnance du 6 novembre 2009 est venue renforcer sensiblement les pouvoirs du Médiateur du cinéma : outre qu'elle précise sa mission de médiation et de conciliation préalable à tout litige relatif à l'exploitation d'un film, elle lui permet aussi désormais d'être saisi pour tout litige relatif aux conditions d'exploitation des oeuvres liées au contrat (comme la durée d'exposition du film ou le choix de la salle) ou à la modification de la chronologie des médias. Le Médiateur est désormais chargé de la mise en oeuvre des engagements de programmation. S'il reste un conciliateur, l'ordonnance lui reconnaît aussi un rôle dans la régulation du secteur et assure l'articulation entre ses missions et le droit de la concurrence.

En cas d'échec de la conciliation, le Médiateur dispose d'un pouvoir d'injonction. Dans les deux mois suivant la saisine, il peut prendre une décision qui s'impose aux parties et met fin au litige. En outre, il dispose d'un pouvoir de saisine de l'Autorité de la concurrence en cas de constatation de pratiques anticoncurrentielles.

Le Médiateur est l'objet d'un nombre croissant de saisines. D'une petite dizaine par an lors de sa création, ce sont à présent plus de 90 dossiers qui sont officiellement ouverts chaque année : difficultés d'accès aux films, problèmes de concurrence entre salles indépendantes et grands circuits, questions tarifaires, conflits entre entreprises privées et entreprises soutenues par les pouvoirs publics, litiges liés à des initiatives à caractère non commercial, conséquences de la modernisation ou de l'extension du parc cinématographique sur une zone de chalandise, cartes illimitées ou encore mise en oeuvre des dispositifs scolaires.

Près des deux tiers des cas qui lui sont soumis trouvent une issue positive, que ce soit par conciliation ou injonction. La médiation est rapide : les réunions de conciliation se tiennent dans les jours qui suivent les demandes, permettant ainsi de suivre au plus près l'actualité cinématographique et les « sorties » du mercredi.

Depuis sa création, cette autorité administrative indépendante s'est imposée comme l'un des acteurs importants du paysage cinématographique français. Par ses médiations et injonctions, il contribue, de manière discrète mais efficace, au règlement des conflits et participe à la régulation du marché. Par ses avis et ses recommandations, il veille au respect des règles du jeu et du droit de la concurrence. Le Médiateur du cinéma joue ainsi un rôle essentiel en faveur de la préservation de la diversité de l'offre cinématographique.

Le décret n° 83-86 du 9 février 1983 précise qu'il est nommé pour un mandat de quatre ans renouvelable. Cette nomination intervient par décret pris après avis de l'Autorité de la concurrence et sur le rapport du ministre de l'économie et des finances et du ministre chargé du cinéma. Il est choisi parmi les membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes.

? Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article L. 213-18 tend à élargir le rôle du Médiateur du cinéma :

- au cas de conflit sur les modalités et sur le principe même du versement de la contribution ;

- au cas de litiges relatifs au montant de la contribution.

Il pourra donc être saisi par les parties à ce titre, sur le fondement de l'article L. 213-1 du code, c'est-à-dire dans le cadre de sa mission de conciliation préalable.

Précisons que les compétences du Médiateur concernant le « film », mais non le « hors film », un litige sur une contribution due pour la diffusion d'évènements « hors film »  relèverait du droit commun de l'arbitrage ou de la compétence du juge du contrat, selon le choix des parties.

Par ailleurs, l'alinéa 17 rend obligatoire la communication au Médiateur de « tout renseignement ou document qu'il estime utile », notamment :

- des contrats relatifs au montant et aux conditions de versement de la contribution numérique (prévus au II de l'article L. 213-16) ;

- et des contrats de concession des droits de représentation cinématographique (visés à l'article L 213-14). Cette précision a été adoptée par l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Patrick Bloche et Franck Riester, avec le soutien de M. Christian Kert et avec l'avis favorable de la commission et du ministre.

Il s'agit ainsi de mieux garantir l'étanchéité complète entre les négociations menées autour de la fixation du montant de la contribution numérique et celles entourant les conditions de location des films, le Médiateur du cinéma pouvant notamment s'assurer du respect de l'article L. 213-19.

A défaut, on ne pourrait exclure une entente orale dans le cadre de la location du film prévoyant des clauses illégales sans que celles-ci ne soient visibles dans le contrat détaillant la fixation de la contribution numérique. Pour éviter ce risque, le Médiateur pourra donc demander la transmission du contrat de location du film.

Cette disposition vient donc compléter celles du décret du 9 février 1983 précité, qui permet déjà au Médiateur du cinéma de requérir toutes les précisions qu'il estime nécessaires afin de lui permettre de mener à bien ses missions.

Au cas présent, et outre les contrats susmentionnés, le Médiateur pourrait notamment souhaiter disposer d'éléments comptables de la part des exploitants (aides publiques obtenues pour le financement des équipements numériques, taux de remboursement de ces derniers, etc.), comme des distributeurs (frais de copie en photochimique et en numérique, par exemple), ou encore des tiers intermédiaires.

D - L'article L. 213-19 (alinéa 18 du texte) : garantir l'étanchéité entre le contrat relatif à la contribution numérique et le contrat de location d'un film

Ainsi qu'il a été dit précédemment, le dispositif présente le risque d'un effet pervers majeur : le déplacement du rapport de force entre distributeurs et exploitants, du dispositif de contribution numérique vers le terrain habituel des négociations commerciales liées au placement d'un film.

C'est pourquoi cet article a pour vocation de garantir l'autonomie de chacun des acteurs : la programmation des salles pour les exploitants et le plan de sortie des films pour les distributeurs. Il s'agit là de la condition sine qua non de la préservation de la diversité de l'offre cinématographique.

A cette fin, il impose la distinction absolue entre les deux types de contrats , en prohibant toute pratique et en frappant de nullité toute clause contractuelle qui ferait dépendre les choix de distribution ou de programmation en salles des films, ou leur taux de location 14 ( * ) , des conditions de fixation ou de versement de la contribution numérique. Si l'existence d'une telle clause était constatée par le juge, elle serait donc censée n'avoir jamais existé.

E - L'article L. 213-20 (alinéas 20 à 22 du texte) : créer un « comité de concertation professionnelle » chargé d'élaborer des recommandations de bonne pratique

? Le droit en vigueur

Les professionnels ont exprimé le souhait de pouvoir se concerter afin d'assurer au mieux le passage de la technologie photochimique à la technologie numérique, sans pour autant être en infraction par rapport au droit de la concurrence.

En effet, l'équilibre entre régulation concertée et droit de la concurrence s'avère parfois difficile à trouver.

Rappelons ainsi qu'en 1999, un code de bonne conduite 15 ( * ) avait été adopté, qui pouvait servir de référence pour la mise en oeuvre des diverses politiques tarifaires des salles de cinéma. Le Conseil de la concurrence s'était saisi d'un dossier relatif à la situation de la concurrence dans le secteur de l'exploitation des salles de cinéma portant sur cet accord. Et, le 10 octobre 2006, le Conseil avait exprimé des préoccupations de concurrence relatives à plusieurs dispositions du code de bonne conduite et à leur mise en oeuvre.

Ce code ayant été ainsi invalidé, une mission sur le thème « cinéma et droit de la concurrence » avait été confiée, par les ministres respectivement chargées de l'économie et de la culture et de la communication, à Mme Anne Perrot et à M. Jean-Pierre Leclerc. Son objectif était d'explorer tout moyen permettant de restaurer une forme de régulation des pratiques tarifaires des exploitants et de leur relation aux distributeurs, qu'assurait en partie le code de bonne conduite précité et remis en cause par le Conseil de la concurrence, cette régulation pouvant passer par la mise en oeuvre de normes de droit sectoriel adaptées aux particularités du marché du cinéma.

C'est dans le cadre d'une telle démarche que s'inscrit le présent article.

? Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article L. 213-20 prévoit la faculté pour le président du CNC de réunir un comité de concertation professionnelle, dont la mission consistera à élaborer des recommandations de bonne pratique permettant de satisfaire à un triple objectif, dans le cadre de la projection numérique, consistant à assurer :

- la plus large diffusion des oeuvres cinématographiques conforme à l'intérêt général ;

- le maintien de l'aménagement culturel du territoire ;

- ainsi que la diversité des films et des salles de cinéma.

La notion d'intérêt général est importante car elle caractérise bien l'objet de cette nécessaire concertation. Cette instance de dialogue ne sera pas, a contrario , une entente à vocation commerciale.

L'alinéa 20 prévoit que ce comité sera composé de représentants :

- des syndicats professionnels représentatifs des exploitants ;

- des syndicats professionnels représentatifs des distributeurs.

Précisons que la représentativité des organisations professionnelles du secteur est définie par les usages.

L'alinéa 21 permet au président du CNC, « en tant que de besoin », de convier à des réunions du comité les organisations professionnelles représentatives d'autres acteurs du secteur. Cette faculté pourra, en effet, être ponctuellement utile pour traiter des sujets auxquels d'autres acteurs du secteur - notamment les producteurs ou les auteurs - seraient partie prenante.

Enfin, l'alinéa 22 stipule que la composition et l'organisation du comité de concertation professionnelle seront précisées par décision du président du CNC. Il s'inscrit dans le cadre des compétences du président du CNC fixées par le 2° de l'article L. 111-3 du code, qui dispose que cette autorité « fixe, lorsque ceux-ci le prévoient, les modalités réglementaires d'application des textes relatifs au cinéma et autres arts et industries de l'image animée ».

Le comité pourra donc être institué dans de brefs délais.

F - L'article L. 213-21 (nouveau) (alinéas 23 à 25 du texte) : exiger, dans un souci de transparence, la transmission des informations relatives au fonctionnement des équipements numériques

Cet article a été adopté par la commission de l'Assemblée nationale sur initiative conjointe de son rapporteur et de M. Marcel Rogemont, dans un souci de transparence.

Il impose la transmission des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique, plus communément appelés « logs », aux distributeurs et au CNC.

Ces données sont donc un facteur de transparence et l'amélioration de l'information du distributeur est indispensable dans le cadre du nouveau dispositif législatif prévu. L'obligation de communication de l'ensemble de ces données au CNC permettra de donner une visibilité complète sur l'utilisation des équipements numériques et facilitera la mission de contrôle du CNC.

L'alinéa 25 confie au président du CNC le soin de fixer les modalités la périodicité de transmission de ces données, tant aux distributeurs qu'à lui-même.

G - L'article L. 213-22 (nouveau) (alinéa 26 du texte) : imposer le respect des normes ISO

Introduit dans la proposition de loi initiale par la commission de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, cet article soumet au respect des normes internationales ISO pertinentes, les équipements de projection numérique et les fichiers ou données numériques, leurs conditions d'utilisation et les journaux de fonctionnement, mentionnés dans le texte.

Par conséquent, la contribution numérique ne sera due que pour les équipements respectant ces normes internationales.

Par ailleurs, le respect de cette disposition permettra d'assurer l'interopérabilité puisqu'ainsi, l'ensemble des maillons de la chaîne et des matériels utilisés respecteront les normes en vigueur.

H - L'article L. 213-23 (nouveau) (alinéas 27 et 28 du texte) : subordonner les aides sélectives du CNC pour la numérisation des salles au respect d'engagements de programmation

Cet article a été introduit à l'initiative du rapporteur de la commission de l'Assemblée nationale et complété par un amendement présenté par M. Marcel Rogemont et les membres du groupe socialiste.

Il soumet à la souscription d'engagements de programmation toute aide sélective du CNC destinée à contribuer au financement de l'équipement numérique des salles.

Il complète donc le dispositif d'aides du CNC 16 ( * ) créant des aides sélectives pour aider certains exploitants au passage à l'équipement numérique de leurs salles.

De tels engagements de programmation ont pour objet d'assurer la diversité de l'offre cinématographique et la plus large diffusion des oeuvres cinématographiques, conformément à l'intérêt général. Ils sont déjà exigés par la région Ile-de-France et par le projet européen du programme Media concernant l'aide des salles au numérique. Ce dernier prévoit un engagement à diffuser, dans les cinémas bénéficiaires de l'aide, 51 % d'oeuvres produites sur le territoire de l'Union européenne.

En effet, il est essentiel si l'on veut que les nouveaux équipements numériques des exploitants ne conduisent pas à modifier en profondeur la programmation, que les aides destinées à financer l'équipement numérique soient conditionnées par la prise d'engagements de programmation, qui pourront faire l'objet d'un contrôle du Médiateur du cinéma dans les conditions prévues par les articles L. 212-19 à L. 212-25 du code du cinéma et de l'image animée et des textes pris pour leur application.

L'alinéa 28 prévoit que ces engagements de programmation seront contrôlés pendant une durée de 5 ans à compter de la date de la dernière aide financière allouée pour cet équipement numérique.

Votre rapporteur souscrit pleinement à cette disposition.

III - La position de votre commission

Votre commission soutient pleinement la rédaction proposée pour l'article 1 er du texte. La poursuite de la concertation avec les professionnels ainsi qu'avec le CNC a ainsi permis d'aboutir à un meilleur équilibre entre les intérêts de chacun des acteurs et d'assurer une prise en compte satisfaisante de l'intérêt général.

En l'occurrence, votre commission attache beaucoup d'importance à ce que le nouveau dispositif, avec ses différents volets - comme présentés dans la première partie du présent rapport - permette le maintien du maillage de notre territoire en salles de cinéma et de la diversité de l'offre cinématographique dont notre pays peut s'enorgueillir.

? S'agissant du champ d'application du dispositif de la contribution numérique, les amendements adoptés par l'Assemblée nationale à la proposition de loi initiale permettent de soumettre à la contribution numérique tous les programmes diffusés en salle, quelle que soit leur nature. Votre commission partage le souhait qu'en soient néanmoins exclus :

- les bandes annonces, car elles contribuent à la promotion du cinéma ;

- le court et le moyen métrage, en raison de leur économie fragile, tout du moins à l'heure actuelle ;

- les films de longue durée non inédits, car ils visent notamment la diffusion des films de patrimoine et sont, pour partie, destinés à un public scolaire.

? S'agissant de la programmation du « hors film », votre commission souhaite qu'un équilibre soit trouvé entre :

- d'une part, la volonté que la salle de cinéma ne soit pas détournée de sa vocation première, à savoir la diffusion d'oeuvres cinématographiques dans toute leur diversité. Telle est sa raison d'être, cet objectif justifiant d'ailleurs le dispositif d'aides à l'exploitation ;

- d'autre part, le souhait de saisir l'opportunité donnée par les nouvelles technologies numériques pour mieux diffuser le spectacle vivant sur les territoires et pour renforcer l'attractivité des petites salles, notamment en zone rurale.

En tout état de cause, le « hors film » doit représenter une activité complémentaire subsidiaire, de nature à enrichir l'offre notamment culturelle des salles, sans exclure les oeuvres cinématographiques de leur premier lieu de diffusion.

Or, ainsi que votre rapporteur l'a déjà souligné dans ses rapports sur le secteur du cinéma, élaborés pour votre commission à l'occasion de l'examen des projets de lois de finances, de nombreux films trouvent difficilement à être diffusés en salles, compte tenu notamment de la richesse de l'offre cinématographique. La rotation des films étant extrêmement rapide, la faible durée de programmation d'un film détériore ses conditions d'exposition (jusqu'à 3,5 fois).

Cette première fenêtre d'exposition d'un film au public est pourtant fondamentale et elle conditionne largement sa carrière sur les autres modes d'exploitation ultérieurs, dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler la « chronologie des médias ». En revanche, la diffusion en salles d'événements sportifs ou culturels représente un marché annexe. Ce dernier n'en est pas moins très attractif pour les exploitants, compte tenu notamment des prix facturés pour de tels événements, très sensiblement plus élevés que ceux des films.

Pour toutes ces raisons, votre commission souhaite que le décret qui fixera le cadre de ces projections de « hors film » soit clair et équilibré.

? Votre commission attache, par ailleurs, beaucoup d'importance à l'article L. 213-17 qui pose le principe d'une négociation du montant de la contribution numérique à des conditions équitables, transparentes et objectives. En effet, il est essentiel que les professionnels opèrent une totale et claire distinction entre l'évaluation du montant de la contribution numérique (qui dépend notamment du besoin de financement de l'exploitant et de l'économie du distributeur) et la négociation commerciale relative à la diffusion d'un film en salle (qui porte notamment sur le taux de location et les conditions de programmation du film et dépend du potentiel commercial du film ou de la salle).

? Outre le CNC, deux institutions garantiront la bonne mise en place et le caractère équitable du dispositif :

- le comité de concertation professionnelle, prévu par l'article L. 213-20, les acteurs concernés assumant donc une responsabilité majeure à cet égard. Votre commission se réjouit que la notion « d'aménagement culturel du territoire » ait été introduite à l'initiative de notre collègue député François Asensi, au titre des objectifs devant inspirer les travaux de ce comité ;

- et le Médiateur du cinéma dont les pouvoirs sont élargis en application de l'article L. 213-18.

Cette institution a fait ses preuves. Elle permet une régulation souple, rapide et efficace du secteur. En outre, votre rapporteur tient à saluer les qualités d'impartialité et les compétences du Médiateur, unanimement reconnues par les professionnels concernés.

Cependant, il souhaite qu'il puisse bénéficier d'un renforcement de ses moyens , compte tenu de l'alourdissement de sa charge de travail qu'entraineront ses nouvelles missions. Le CNC - qui continuera bien entendu, lui aussi, à accompagner le dispositif avec toute la compétence qui est également la sienne - devrait pouvoir mettre à sa disposition le personnel nécessaire.

? La question du formalisme du contrat de location de films

L'une des questions largement débattues entre votre rapporteur et les professionnels concerne une spécificité du secteur : les contrats de location de films conclus chaque début de semaine entre exploitants et distributeurs le sont très généralement par voie orale .

Il n'y avait, jusqu'à l'ordonnance n° 2009-1358 du 5 novembre 2009, pas de règles quant à la formalisation de la relation commerciale entre exploitants et distributeurs à l'occasion de la représentation d'un film en salles.

Certes, une décision réglementaire n° 68 du 25 mars 1993 du CNC relative aux contrats écrits, récemment abrogée à l'occasion de la refonte du droit sectoriel par l'ordonnance n° 2009-901 du 24 juillet 2009, imposait que les contrats de concession des droits de représentation cinématographique - c'est-à-dire les contrats de location - soient constatés par un écrit comportant, au minimum, certaines mentions obligatoires.

Mais cette réglementation , qui pouvait donner lieu en théorie à l'application de sanctions administratives, est restée inappliquée , les professionnels ayant pris l'habitude, avec l'accroissement du nombre de sorties en salles et l'accélération corrélative de l'exploitation des oeuvres cinématographiques, de ne recourir au contrat écrit que de manière exceptionnelle.

Certes, le code civil n'impose pas un tel formalisme. En effet, son article 1101 stipule que : « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. » Et son article 1108 n'impose pas de forme particulière pour la validité d'une convention, les quatre conditions essentielles qu'il fixe à cet égard étant : « le consentement de la partie qui s'oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; une cause licite dans l'obligation . » Le consentement suppose la rencontre d'une offre et d'une acceptation. En principe, l'acceptation de l'offre suffit à former le contrat sans qu'aucune forme ne soit nécessaire.

Si un contrat oral est donc juridiquement valide, il n'en reste pas moins qu'il rend plus difficile la preuve de l'intégrité des consentements, c'est-à-dire le fait qu'ils soient donnés par des volontés libres et éclairées, et au cas présent, le respect du nouveau dispositif.

En effet, comment s'assurer du respect des dispositions de l'article L. 213-19, qui vise à garantir l'étanchéité entre le contrat relatif à la contribution numérique et le contrat de location d'un film, si ce dernier n'est pas formalisé par écrit ?

En outre, le retour à l'exigence d'un écrit a déjà été préconisé comme pouvant constituer l'une des réponses à certaines pratiques abusives existant dans le secteur de l'industrie cinématographique par le rapport « Cinéma et concurrence » de Mme Anne Perrot et de M. Jean-Pierre Leclerc, remis en mars 2008 aux ministres de la culture et de l'économie. Le Médiateur du cinéma a également formulé la même recommandation, afin d'améliorer la transparence entre les différents opérateurs économiques du secteur et, par là même, faciliter la résolution des litiges.

Pour autant, les professionnels ont fait valoir la multiplicité des transactions, chaque semaine, pour plus de 5 400 écrans et la nécessité de ne pas formaliser l'immense majorité des relations commerciales qui ne posent pas de difficulté. En outre, une majorité des professionnels concernés ont indiqué à votre rapporteur y être opposés pour des raisons tenant, outre à ces considérations matérielles - qui devraient toutefois être surmontables - mais surtout à la réalité des rapports de force en présence.

Dès lors, votre commission n'a pas souhaité, à ce stade, aller au-delà des termes de l'ordonnance du 5 novembre 2009 , laquelle se borne à imposer que le contrat de concession conclu entre le distributeur et l'exploitant d'établissement de spectacles cinématographiques comporte certaines stipulations, sans imposer l'écrit comme condition de validité du contrat. Si le contrat oral reste admis, une formalisation du contrat de concession, comportant les stipulations prévues par l'ordonnance, pourra permettre aux parties, en cas de litige portant sur les conditions d'exploitation de l'oeuvre en salle, de s'en prévaloir à titre probatoire devant le médiateur du cinéma dans le cadre de sa nouvelle compétence en matière contractuelle ou, le cas échéant, devant les juridictions civiles et commerciales.

C'est pourquoi votre commission se réjouit des compléments apportés à l'article L. 213-18. Le fait de permettre au Médiateur du cinéma d'exiger le contrat de location de film en cas de litige lié au nouveau dispositif de contribution numérique, devrait fortement inciter les professionnels à respecter les prescriptions réglementaires et à favoriser une plus grande transparence des conditions de location des films. Votre commission en forme le voeu.

Le contrat pourra en effet constituer, dans ce cadre, un outil efficace d'administration de la preuve. En outre, à l'inverse, la pratique différenciée d'un même opérateur selon la partie avec laquelle il contracte pourrait témoigner, dans certains cas, de situations concurrentielles déséquilibrées. Le texte, tout en étant pragmatique, donne ainsi aux professionnels des outils adaptés pour les cas litigieux.

En outre, le rapport d'application de la loi prévu par l'article 6 de la proposition de loi devra permettre d'évaluer l'évolution des pratiques en la matière.

Votre commission a adopté l'article 1 er sans modification.

Article 2 - Application aux contrats antérieurement conclus

Cet article prévoit que l'article L. 213-19, qui comporte les dispositions relatives à l'étanchéité entre le contrat relatif à la contribution numérique et le contrat de location, s'appliquera à tous les contrats déjà conclus avant la promulgation de la présente loi.

Ces dispositions répondant à des objectifs fondamentaux d'intérêt général et de défense de la diversité de l'offre cinématographique, il est en effet nécessaire qu'elles s'imposent à tous.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (nouveau) - (article L. 213-1 du code du cinéma et de l'image animée) - Coordination

Cet article, adopté par la commission de l'Assemblée nationale sur la proposition de son rapporteur, introduit une simple coordination technique relative aux pouvoirs du Médiateur du cinéma. Celle-ci concerne les dispositions prévues au 1° du I de l'article L. 213-16 et à l'article L. 213-17.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (nouveau) - (article L. 421-1 du code du cinéma et de l'image animée) - Sanctions administratives

Cet article, introduit par la commission de l'Assemblée nationale sur la proposition de son rapporteur et de M. Marcel Rogemont, vise à élargir la liste des pratiques soumises à sanctions administratives par le code du cinéma en cas de non respect :

- des dispositions du I de l'article L. 213-16 relatives à l'obligation de versement de la contribution à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques ;

- des dispositions de l'article L. 213-21 relatives à l'obligation de transmission de données.

L'objectif est donc de préserver la diversité de l'offre cinématographique en prévoyant un mécanisme efficace de sanction pour s'assurer que la contribution est bien versée aux exploitants et que les « logs » sont bien transmis.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (nouveau) - (article L. 145-36 du code de commerce) - Loyers monovalents dans le secteur du cinéma

Cet article a été introduit par la commission de l'Assemblée nationale sur la proposition de son rapporteur, de M. Franck Riester et de M. Marcel Rogemont. Il vise à rendre obligatoire, et non plus facultative, la référence aux usages de la profession cinématographique pour fixer le loyer des salles de cinéma.

En l'état actuel du droit, la fixation par le juge, lors de la révision ou du renouvellement des baux, de la valeur locative des locaux monovalents en fonction des « usages » d'une profession déterminée est autorisée par le code du commerce. Dans le secteur cinématographique, la jurisprudence a établi que ces usages lient le loyer au chiffre d'affaires (recettes de billetterie et recettes annexes) pouvant être réalisé dans la salle de cinéma.

En effet, si la référence retenue n'est pas celle du chiffre d'affaires, mais celle des loyers pratiqués dans le voisinage, le niveau de loyer, notamment en centre ville, est souvent beaucoup trop élevé pour être supportable par une salle de cinéma.

Cet article répond donc à une forte demande des exploitants, qui subissent des loyers souvent exorbitants, ne correspondant pas aux « usages » de la profession susmentionnés.

Il est en effet nécessaire de réguler ces baux si l'on veut préserver les cinémas qui ont pu rester, souvent avec difficulté, dans les centres-villes. La problématique du maillage culturel de notre territoire ne concerne pas que les zones rurales ; elle se pose aussi avec beaucoup d'acuité dans nos villes.

Certains chiffres ont ainsi été cités à votre rapporteur à titre d'exemple : à Paris, des loyers de 190 000 euros et de 285 000 euros (qui pourraient être respectivement de 60 000 euros et 177 000 euros si on appliquait la monovalence) ; à Lille, un loyer de 90 000 euros (qui serait de 50 000 euros avec la monovalence) ou à Lyon, un loyer de 88 000 euros (qui serait de 40 000 euros avec la monovalence).

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 (nouveau) - Comité de suivi

Cet article, introduit par la commission de l'Assemblée nationale sur la proposition de son rapporteur, prévoit une clause de rendez-vous un an après la promulgation de la loi , un comité de suivi étant chargé d'évaluer l'application du dispositif et de s'assurer qu'il répond aux exigences de diversité culturelle de l'offre cinématographique et d'aménagement culturel du territoire. Ce comité de suivi parlementaire pourra s'appuyer sur le CNC qui élaborera un rapport sur la mise en oeuvre de la loi.

Il s'agit de faire un point objectif, de vérifier que les nouvelles dispositions sont bien en adéquation avec les objectifs de départ et qu'elles n'entraînent pas d'effet pervers. À l'issue de cet examen, il pourra être proposé, le cas échéant, une évolution du droit.

Le deuxième alinéa de l'article précise que ce comité de suivi comprendra deux députés et deux sénateurs désignés par le président de leur assemblée respective, comme c'est d'ailleurs le cas du comité de suivi des ordonnances relatives au cinéma 17 ( * ) , ainsi que le Sénat l'avait souhaité.

Le dernier alinéa renvoie à un décret le soin de fixer les modalités d'application du présent article.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

* *

*

La proposition de loi a été adoptée sans modification dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du jeudi 1 er juillet 2010, la commission a procédé à l'examen du rapport et à l'élaboration du texte proposé par la commission pour la proposition de loi n° 563 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques et la proposition de loi n° 411 (2009-2010) relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques .

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jack Ralite . - Bien des questions demeurent. Pour la première fois, le système qui a fait l'originalité et le maintien même de notre cinéma, ce système mis en place au lendemain de la guerre, tout entier se trouve mis en cause. Car la solution qu'on nous propose, n'est rien d'autre que la copie conforme du système américain, qui ne compte que des grandes salles. En France, grâce en particulier à l'action des agences pour le développement régional du cinéma (ADRC), nous avons encore un réseau très dynamique de salles en milieu rural, en particulier le cinéma itinérant, qui vit bien !

Or, ce texte va aider les salles d'importance, en laissant de côté les plus petites et le cinéma itinérant : c'est la conséquence de l'introduction d'un tiers opérateur, d'un tiers financier, dont on a su se passer depuis la guerre en faisant travailler ensemble le public et le privé, dans l'intérêt du public et du cinéma. Le tiers financier va constituer un groupement financier, qui ne tardera pas, comme c'est partout le cas avec la finance, à prendre le pouvoir : c'est un tournant historique dans l'histoire de notre politique cinématographique !

Les grands exploitants se sont opposés farouchement à l'idée pourtant très bonne d'une taxe, qui aurait abondé un fonds de soutien à l'équipement numérique, ils ont mis en avant tous les investissements qu'ils avaient réalisés pour faire leurs multiplexes, puis l'Autorité de la concurrence est venue à leur secours, pour interdire un véritable fonds de mutualisation. Reste une redistribution, qui serait estimée à 10 millions, certaines rumeurs évoquent même 40, voire 70 millions. Mais ce qu'il faudrait, pour aider toutes les petites salles à s'équiper, c'est une enveloppe de 120 millions : en dessous de 100 millions, il y aura des victimes.

Quand les grands distributeurs ont vu que certaines salles étaient peu rentables et qu'ils ont concentré leur diffusion en centre-ville, ils ont fermé systématiquement leurs salles de banlieue, et il a fallu que les municipalités les rachètent, qu'elles maintiennent les équipements. Rien qu'en Seine-Saint-Denis, 17 salles ont été sauvées, c'est un succès, mais que vont-elles devenir si elles ne peuvent s'équiper ? Les collectivités territoriales, on le sait, n'ont plus les moyens d'intervenir, et la loi que le Gouvernement fait passer ces jours-ci va aggraver la situation. Il faut aider les salles, toutes les salles !

Le Médiateur, ensuite, n'a pas les pouvoirs qu'il lui faut...

M. Jacques Legendre, président . - Ses pouvoirs augmentent.

M. Jack Ralite . - Oui, mais ce n'est pas suffisant. Et il faut veiller aussi à la bonne application de la règle européenne de minimis : la pression est trop forte ! Le CNC lui-même ne s'est pas assez battu pour les petites salles... Je proposerai donc des amendements en séance.

M. Serge Lagauche, rapporteur . - Les règles ont été fixées au lendemain de la guerre, mais l'Europe, depuis, est passée par là ! Nous devons en tenir compte... Les grandes salles s'équipent, nous avons cherché à ce que les salles plus petites puissent suivre.

Le projet d'aide du CNC s'adresse aux établissements qui ne sont pas, du fait de leur programmation, susceptibles de générer suffisamment de contributions des distributeurs pour couvrir au moins les trois quarts du coût de leurs investissements. Elle est placée sous le régime d'exemption de minimis , qui autorise les Etats à accorder une aide de cette nature à condition qu'elle ne dépasse pas le montant de 200 000 euros sur trois exercices fiscaux consécutifs. Ce montant s'apprécie en cumulant toutes les aides perçues par un bénéficiaire donné, tous dispositifs publics confondus.

L'aide est réservée aux établissements n'appartenant pas à un circuit ou groupement de plus de 50 écrans, elle est destinée en priorité aux établissements de un à trois écrans, et sont exclus les établissements qui ont moins de cinq séances hebdomadaires en moyenne sur l'année et les circuits itinérants, qui feront l'objet d'un soutien spécifique.

Le CNC se mobilise, les collectivités territoriales également, et les autres dispositifs de modernisation des salles sont en vigueur.

Des distributeurs se sont inquiétés pour la programmation, car la concurrence est particulièrement vive sur les nouveaux films, mais la numérisation diminue de beaucoup les coûts de copie, dans une proportion considérable.

Sur la gestion, ensuite, je crois que le CNC est consolidé par les ordonnances, et le Médiateur dispose de pouvoirs nouveaux, en particulier sur l'investigation.

Enfin, le comité de concertation professionnelle pourra s'ouvrir à toute personnalité, et le comité de suivi parlementaire sera très vigilant sur le devenir des petites salles. Nous ferons un premier bilan dans un an, nous mesurerons alors quelles sont les difficultés.

Nous avons donc dû composer avec un système libéral, pour équiper notre réseau de salles au mieux que nous pouvons, mais nous n'allons pas cependant faire comme si les règles de concurrence n'existaient pas, ni revoter sur le traité européen...

Nous avons utilisé nos possibilités d'action, la régulation par les pics de copies a été obtenue à l'arraché, nous adaptons un système libéral, pour protéger la diversité de notre programmation. C'est le sens également des mesures sur le « hors film » et sur les territoires ruraux.

M. Jean-Pierre Leleux . - Puisque j'ai eu l'honneur d'être le cosignataire de notre proposition de loi, monsieur le président, je veux aussi rassurer M. Ralite. Le CNC se préoccupe de la diversité, ce texte en porte témoignage.

Cette loi est nécessaire, urgente mais pas suffisante : il faut la compléter par une aide aux salles de moins de trois écrans, aux salles en territoire rural et au cinéma itinérant. Cette aide complémentaire est en préparation, les premiers éléments dont nous avons connaissance sont rassurants.

Ce texte respecte l'avis de l'Autorité de la concurrence et les regrets du CNC sont, en quelque sorte, le gage de ce qu'il se mobilisera pour aider les plus petites salles. Nous facilitons donc l'adaptation à cette mutation technologique du numérique, c'est très important.

Mme Bernadette Bourzai . - Les professionnels étaient satisfaits par la proposition d'un fonds de mutualisation, l'intervention de l'Autorité de la concurrence les préoccupe vivement, car l'avenir des petites salles est en jeu. Le cinéma accessible est le résultat d'efforts très importants, qui sont nécessaires pour que les petites salles jouent le rôle d'animation qui est le leur. Les collectivités territoriales se mobilisent. En Limousin, nous avons lancé la numérisation de six écrans, avec un subventionnement de moitié : la région finance 15 %, l'État aussi, et le reste des subventions vient de l'Union européenne, à travers le programme opérationnel Massif central, qui concerne aussi l'Internet à haut débit. Venez le constater au cinéma de Neuvic, qui est passé au numérique ! Dans une région comme le Limousin, où la moitié de la population est rurale, l'investissement pour le cinéma a toute son importance.

M. Serge Lagauche . - La situation des territoires ruraux doit être prise en compte, c'est ce que fait ce texte.

M. Jack Ralite . - On a évoqué la somme de 10 millions, puis de 40 à 70 millions, saura-t-on bientôt ce qu'il en est ?

L'ADRC, où j'ai longtemps siégé, s'attachait à prendre en compte la création et le pluralisme de la programmation, d'un cinéma pour tous les publics et tous les territoires : puisse cette philosophie qui a prévalu depuis soixante ans et fait travailler ensemble le public et le privé, puisse cette belle oeuvre collective ne pas être oubliée !

La proposition de loi est adoptée sans modification dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

ANNEXES

Liste des personnes auditionnées

- Bureau de liaison des organisations du cinéma (BLOC) : MM. Frédéric GOLDSMITH, Association des producteurs de cinéma (APC), délégué général, Mme Anne POULIQUEN, Distributeurs indépendants réunis européens (DIRE), M. Stéphane POZDÉREC, Syndicat national des techniciens de la production cinématographique et télévisuelle (SNTPCT), délégué général, Mme Juliette PRISSARD, Syndicat des producteurs indépendants (SPI), déléguée générale, M. Emmanuel de RENGERVÉ, Syndicat national des auteurs et des compositeurs (SNAC), délégué général, M. Cyril SMET, Syndicat des producteurs indépendants (SPI), délégué cinéma, Mme Laure TARNAUD, Société des réalisateurs de films (SRF), déléguée générale

- Centre national de la cinématographie et de l'image animée (CNC) : Mmes Véronique CAYLA, présidente, Anne DURUPTY, directrice générale déléguée, Audrey AZOULAY, directrice financière et juridique, et M. Olivier WOTTLING, directeur du cinéma

- Fédération nationale des cinémas français (FNCF) : MM. Jean LABÉ, président, et Marc-Olivier SEBBAG, délégué général adjoint

- Fédération nationale des distributeurs de films (FNDF) : MM. Victor HADIDA, président, Antoine VIRENQUE, délégué général, et Mme Julie LORIMY, déléguée générale

- Médiateur du cinéma : M. Roch-Olivier MAISTRE, conseiller d'État à la Cour des comptes, et Mme Isabelle GÉRARD, chargée de mission auprès du médiateur du cinéma

- Screenvision Europe : M. Thierry PASQUET, président-directeur général

- Société civile des auteurs réalisateurs producteurs (ARP) : Mme Florence GASTAUD, déléguée générale, M. Eric BUSIDAN, délégué général adjoint, M. Bertrand van EFFENTERRE, réalisateur, Mme Coline SERREAU, réalisatrice productrice, et M. Djamel BENSALAH, réalisateur producteur

- Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) : MM. Pascal ROGARD, directeur général, et Guillaume PRIEUR, directeur des relations institutionnelles

- Société des réalisateurs de films (SRF) : Mmes Pauline DURAND-VIALLE, déléguée adjointe, et Anne ZINN-JUSTIN, auteur-réalisatrice

- Syndicat de la Vidéo Numérique (SEVN) : MM. Jean-Yves MIRSKI, délégué général, Aurélien POZZANA, Affaires publiques consultants, conseil du SEVN

- UGC / Association des producteurs indépendants (API) : M. Guy VERECCHIA, président-directeur général d'UGC et co-président de l'API

Décret n° 2010-781 du 8 juillet 2010 relatif aux groupements, ententes et engagements de programmation cinématographique

10 juillet 2010 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 60 sur 141

. .

Décrets, arrêtés, circulaires

TEXTES GÉNÉRAUX

MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

Décret n° 2010-781 du 8 juillet 2010 relatif aux groupements,

ententes et engagements de programmation cinématographique

NOR : MCCK1003558D

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de la culture et de la communication et de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi,

Vu le code du cinéma et de l'image animée, notamment ses articles L. 212-2 et L. 212-19 à L. 212-26 ;

Vu le code de commerce, notamment son article L. 430-2 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu l'avis de l'Autorité de la concurrence en date du 19 mai 2010 ;

Le Conseil d'État (section de l'intérieur) entendu,

Décrète :

CHAPITRE I er

L'agrément des groupements
et ententes de programmation

Art. 1 er . - I. - Pour l'application des articles L. 212-19 à L. 212-26 du code du cinéma et de l'image animée, tout groupement d'exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques doit être constitué en personne morale.

Les ententes de programmation résultent de conventions conclues entre exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques.

II. - Les statuts des groupements ou les conventions constitutives des ententes garantissent la fourniture de prestations effectives aux membres du groupement ou de l'entente et définissent les conditions dans lesquelles ceux-ci engagent leur responsabilité pécuniaire.

III. - La convention constitutive d'une entente de programmation doit, en outre :

1° Désigner un membre qui joue le rôle d'entreprise pilote ;

2° Prévoir que l'entreprise pilote se trouve déléguée dans la mission de contracter avec les distributeurs d'oeuvres cinématographiques pour l'ensemble des membres de l'entente et que cette délégation est assortie d'une responsabilité pécuniaire concernant la bonne exécution des contrats ou, à défaut, d'une responsabilité solidaire de chacun des membres de l'entente à l'égard des engagements contractés envers les distributeurs d'oeuvres cinématographiques ;

3° Prévoir la réunion, au moins une fois par an, d'une assemblée générale au cours de laquelle est examiné un rapport moral, administratif et financier sur l'exercice écoulé.

Art. 2. - Un groupement ou une entente de programmation ne peut être agréé que si sont remplies les conditions suivantes :

1° Tous les membres sont titulaires de l'autorisation d'exercice de la profession d'exploitant prévue par l'article L. 212-2 du code du cinéma et de l'image animée ;

2° Le groupement ou l'entente ne peut comporter plus d'un membre ayant réalisé, dans l'ensemble de ses établissements, au cours de l'année précédente, plus de 0,5 % des entrées sur le territoire métropolitain ;

3° Le groupement ou l'entente ne peut comporter un membre ayant réalisé dans l'ensemble de ses établissements au cours de l'année précédente plus de 0,5 % des entrées du territoire métropolitain, qui serait déjà membre d'un autre groupement ou entente ;

4° Aucun accord de programmation ne lie le groupement ou l'entente à un autre groupement ou entente ;

5° Tous les membres sont liés au groupement ou à l'entente par le contrat de programmation prévu par l'article L. 212-21 du même code ;

6° Les engagements de programmation souscrits par le groupement ou l'entente sont homologués dans les conditions prévues au chapitre II.

Art. 3. - Le contrat de programmation prévu par l'article L. 212-21 du code du cinéma et de l'image animée, conclu entre un groupement et les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques qui en sont membres ou entre les membres d'une entente, prévoit :

1° Une durée d'exécution qui ne peut être supérieure à trois ans, ainsi que les conditions de sa reconduction ;

2° Un délai de dénonciation et un délai de préavis en cas de non-reconduction ;

3° Les conditions de détermination de la redevance de programmation prévue à l'article L. 212-21 du code du cinéma et de l'image animée ;

4° Des stipulations propres à assurer la défense des intérêts des exploitants qui, après avoir été membres d'un groupement ou d'une entente, cessent d'en faire partie.

Art. 4. - La demande d'agrément d'un groupement ou d'une entente de programmation est adressée au président du Centre national du cinéma et de l'image animée.

Cette demande est accompagnée :

1° Des statuts du groupement ou de la convention constitutive de l'entente ;

2° Des contrats de programmation conclus entre le groupement et les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques qui en sont membres ou entre les membres de l'entente ;

3° Des engagements de programmation que le groupement ou l'entente soumet à homologation.

Art. 5. - L'agrément est délivré, en ce qui concerne le groupement de programmation, à la personne morale que constitue le groupement et, en ce qui concerne l'entente de programmation, à l'entreprise pilote de l'entente.

Art. 6. - Le silence gardé pendant trois mois par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée sur la demande vaut agrément.

Art. 7. - L'agrément est délivré par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée pour la durée de l'homologation des engagements de programmation.

Art. 8. - Toute modification intervenue dans la composition, les statuts ou la convention constitutive d'un groupement ou d'une entente de programmation est déclarée dans un délai qui ne peut excéder quinze jours par le titulaire de l'agrément au président du Centre national du cinéma et de l'image animée, qui délivre un agrément modificatif dans les conditions prévues au présent chapitre.

Art. 9. - Le renouvellement de l'agrément d'un groupement ou d'une entente de programmation est demandé trois mois au moins avant son expiration.

Art. 10. - Une liste des groupements et ententes de programmation agréés, ainsi que des établissements de spectacles cinématographiques qui en sont membres, est établie annuellement par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée qui en assure la publicité.

Tout intéressé peut obtenir, sur sa demande, communication des statuts ou conventions constitutives des groupements et ententes de programmation agréés.

Art. 11. - Le président du Centre national du cinéma et de l'image animée peut prononcer le retrait de l'agrément en cas de méconnaissance par le titulaire de l'agrément de l'une des conditions auxquelles sa délivrance est subordonnée.

CHAPITRE II

Les engagements de programmation

Section 1

Engagements de programmation soumis à homologation

Art. 12. - Sont soumis à homologation par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée :

1° Les engagements de programmation souscrits en vue de leur agrément par les groupements et ententes de programmation mentionnés au chapitre Ier ;

2° Les engagements de programmation que sont tenus de souscrire les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques mentionnés au II de l'article L. 212-24 du code du cinéma et de l'image animée :

a) Pour tout établissement comportant au moins huit salles ;

b) Pour leurs autres établissements qui recueillent ensemble, annuellement, dans leur zone d'attraction, au moins 25 % des entrées, dès lors qu'ils ont réalisé au cours de l'année précédente au moins 0,5 % des entrées sur le territoire métropolitain. Le seuil est ramené de 25 % à 8 % pour les établissements situés dans les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, qui sont regardés comme une zone d'attraction unique. Sont soumis à la même obligation les exploitants qui ont des liens de nature à établir entre eux une communauté d'intérêts économiques, et qui remplissent ensemble ces conditions, notamment les exploitants qui ont un associé, un actionnaire majoritaire ou un dirigeant commun.

Le président du Centre national du cinéma et de l'image animée établit annuellement la liste des exploitants tenus de souscrire des engagements de programmation. Chaque exploitant reçoit notification de la décision d'inscription qui le concerne.

Art. 13. - I. - Pour être homologués, les engagements de programmation doivent contribuer à :

1° Favoriser l'exposition et la promotion des oeuvres cinématographiques européennes et des cinématographies peu diffusées, notamment en leur réservant une part significative dans les établissements de spectacles cinématographiques ;

2° Garantir le pluralisme dans le secteur de la distribution cinématographique, notamment en favorisant le maintien d'un tissu diversifié d'entreprises de distribution et la diffusion d'oeuvres cinématographiques d'art et d'essai ;

3° Garantir la diversité des oeuvres cinématographiques proposées au spectateur et le pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique, notamment par la limitation de la diffusion simultanée d'une oeuvre cinématographique au sein d'un même établissement de spectacles cinématographiques, de façon adaptée lorsque la projection est numérique.

II. - Pour l'homologation des engagements de programmation, le président du Centre national du cinéma et de l'image animée tient compte de la position du souscripteur dans la ou les zones d'attraction dans lesquelles il exerce son activité, en particulier lorsque le souscripteur est doté d'une position dominante au sens de l'article L. 420-2 du code de commerce.

Art. 14. - Les propositions d'engagements de programmation au titre du 1° de l'article 12 sont jointes à la demande d'agrément.

Les propositions d'engagements de programmation au titre du 2° de l'article 12 sont adressées par chaque exploitant d'établissement de spectacles cinématographiques inscrit sur la liste prévue au dernier alinéa du même article dans les deux mois suivant la notification prévue à l'article 12.

Art. 15. - Le président du Centre national du cinéma et de l'image animée consulte le médiateur du cinéma sur les propositions d'engagements de programmation. Les observations du médiateur du cinéma sont communiquées au souscripteur par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée.

Art. 16. - Le silence gardé par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée pendant trois mois à compter de la réception de la demande d'agrément contenant les engagements de programmation mentionnés au 3° de l'article 4 ou des propositions d'engagements de programmation prévues au second alinéa de l'article 14 vaut homologation.

Art. 17. - Lorsque l'exploitant d'un établissement de spectacles cinématographiques entrant dans le champ du 2° de l'article 12 n'a pas adressé ses propositions dans les deux mois suivant la notification ou lorsque ces propositions ne sont pas conformes aux objectifs énumérés à l'article 13, le président du Centre national du cinéma et de l'image animée le met en demeure de présenter ses propositions dans le délai d'un mois.

Si, à l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent, l'exploitant n'a pas présenté de propositions ou si les propositions présentées ne sont pas conformes aux objectifs énumérés à l'article 13, le président du Centre national du cinéma et de l'image animée détermine les engagements de programmation de l'exploitant, après consultation du médiateur du cinéma, conformément à ces objectifs.

Art. 18. - Le président du Centre national du cinéma et de l'image animée assure la publication des engagements de programmation homologués.

Art. 19. - Les engagements de programmation sont homologués par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée pour une durée qui ne peut être inférieure à un an et qui ne peut excéder trois ans.

Art. 20. - Les engagements de programmation donnent lieu à l'établissement, par les opérateurs concernés, d'un rapport annuel d'exécution remis au président du Centre national du cinéma et de l'image animée.

Art. 21. - Pour l'examen de la mise en oeuvre des engagements de programmation mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 212-23 du code du cinéma et de l'image animée, le président du Centre national du cinéma et de l'image animée saisit chaque année le médiateur du cinéma. Il lui transmet le rapport annuel d'exécution des engagements de programmation établi par chacun des opérateurs concernés.

Le médiateur du cinéma peut entendre toute personne qu'il juge opportun de consulter. Il peut également obtenir du président du Centre national du cinéma et de l'image animée et des opérateurs communication de tout document utile à l'examen de la mise en oeuvre des engagements de programmation.

Les principales observations et recommandations formulées par le médiateur du cinéma sont présentées dans son rapport annuel d'activité.

Section 2 - Les projets de programmation valant engagements de programmation

Art. 22. - Vaut engagement de programmation de l'exploitant d'un établissement de spectacles cinématographiques qui n'y est pas tenu en vertu des dispositions de la section 1, pour ceux de ses éléments qui satisfont aux objectifs énumérés à l'article 13 :

1° Tout projet de programmation mentionné au 3° de l'article L. 212-23 du code du cinéma et de l'image animée, dès sa notification au président du Centre national du cinéma et de l'image animée en application du III de l'article L. 212-24 du même code. La notification du projet de programmation est effectuée dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision d'autorisation ne peut plus faire l'objet d'aucun recours ;

2° Tout projet de programmation mentionné au 4° de l'article L. 212-23 du même code qui est notifié au président du Centre national du cinéma et de l'image animée en vue de l'attribution d'une aide sélective à la création et à la modernisation d'un établissement de spectacles cinématographiques. Cet engagement de programmation est annexé à la convention d'aide conclue avec le Centre national du cinéma et de l'image animée.

Une copie des projets de programmation est transmise par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée au médiateur du cinéma.

Art. 23. - Une liste des exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques qui ont notifié un projet de programmation est établie chaque année par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée qui en assure la publicité. Il assure également la publication des éléments des projets de programmation valant engagements de programmation.

Art. 24. - Les engagements de programmation mentionnés au 1° de l'article 22 donnent lieu à un examen annuel par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée, sur la base d'un rapport annuel d'exécution établi par l'exploitant. Le président du Centre national du cinéma et de l'image animée consulte le médiateur du cinéma, sur le respect de l'engagement de programmation.

Le médiateur du cinéma peut émettre des recommandations sur la nécessité d'adapter l'engagement de programmation au vu de l'évolution de l'offre cinématographique dans la zone d'attraction concernée.

Art. 25. - Les engagements de programmation mentionnés au 2° de l'article 22 donnent lieu à un examen par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée dans le cadre prévu par la convention d'aide. Pour cet examen, le président du Centre national du cinéma et de l'image animée peut consulter le médiateur du cinéma.

CHAPITRE III

Dispositions diverses, transitoires et finales

Art. 26. - La violation par un groupement de programmation, par l'entreprise pilote d'une entente, par une entreprise membre d'un groupement ou d'une entente de programmation ou par l'exploitant d'un établissement de spectacles cinématographiques des règles fixées par le présent décret est passible des sanctions prononcées en application des dispositions du titre II du livre IV du code du cinéma et de l'image animée.

Art. 27. - Les groupements ou ententes de programmation agréés antérieurement à la date de publication du présent décret et dont les agréments arrivent à échéance au 30 juin 2010 adressent au président du Centre national du cinéma et de l'image animée, leur nouvelle demande d'agrément dans un délai qui ne peut excéder un mois à compter de la date de publication du présent décret.

Art. 28. - Les opérateurs mentionnés au 2° de l'article L. 212-23 du code du cinéma et de l'image animée dont les engagements de programmation ont été souscrits antérieurement à la date de publication du présent décret et qui arrivent à échéance au 30 juin 2010, adressent au président du Centre national du cinéma et de l'image animée, dans un délai qui ne peut excéder un mois à compter de la date de publication du présent décret, leurs propositions d'engagements de programmation en vue de l'homologation prévue à la section 1 du chapitre II.

Art. 29. - Le décret n° 83-13 du 10 janvier 1983 portant application des dispositions de l'article 90 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et relatif à la programmation des oeuvres cinématographiques en salle est abrogé.

Art. 30. - La ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et le ministre de la culture et de la communication sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 8 juillet 2010.

. .

Par le Premier ministre :

FRANÇOIS FILLON

Le ministre de la culture La ministre de l'économie,

et de la communication, de l'industrie et de l'emploi,

FRÉDÉRIC MITTERRAND CHRISTINE LAGARDE

Décret n° 2010-1034 du 1er septembre 2010 modifiant le décret n° 98-750 du 24 août 1998 relatif au soutien financier à la diffusion de certaines oeuvres cinématographiques en salles de spectacles cinématographiques et au soutien financier à la modernisation et à la création des établissements de spectacles cinématographiques

2 septembre 2010 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 30 sur 106

. .

Décrets, arrêtés, circulaires

TEXTES GÉNÉRAUX

MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

Décret n° 2010-1034 du 1 er septembre 2010 modifiant le décret n° 98-750 du 24 août 1998 relatif au soutien financier à la diffusion de certaines oeuvres cinématographiques en salles de spectacles cinématographiques et au soutien financier à la modernisation et à la création des établissements de spectacles cinématographiques

NOR : MCCK1018748D

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de la culture et de la communication,

Vu le règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis ;

Vu le code du cinéma et de l'image animée, notamment ses articles L. 111-2 et L. 112-2 ;

Vu le décret n° 98-750 du 24 août 1998 modifié relatif au soutien financier à la diffusion de certaines oeuvres cinématographiques en salles de spectacles cinématographiques et au soutien financier à la modernisation et à la création des établissements de spectacles cinématographiques ;

Vu le décret n° 2002-568 du 22 avril 2002 portant définition et classement des établissements de spectacles cinématographiques d'art et d'essai ;

Vu le décret n° 2010-654 du 11 juin 2010 relatif au Centre national du cinéma et de l'image animée, notamment son article 5,

Décrète :

Art. 1 er . - Le décret du 24 août 1998 susvisé est modifié conformément aux articles 2 et 3 du présent décret.

Art. 2. - L'article 19 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 19. - Des subventions peuvent être accordées pour la modernisation et la création d'établissements de spectacles cinématographiques implantés dans des zones géographiques dont les agglomérations sont insuffisamment équipées ou dans des agglomérations insuffisamment équipées en établissements de spectacles cinématographiques classés dans les catégories prévues à l'article 4 du décret n° 2002-568 du 22 avril 2002 portant définition et classement des établissements de spectacles cinématographiques d'art et d'essai.

« Ces subventions ne sont pas accordées aux personnes qui sont propriétaires, ou assurent l'exploitation dans les conditions prévues à l'article 13, de plus de cinquante salles.

« Les décisions relatives à l'octroi de ces subventions sont prises par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée, après avis d'une commission dénommée «commission du soutien financier sélectif à l'exploitation cinématographique» dont la composition ainsi que les modalités d'organisation et de fonctionnement sont fixées par arrêté du ministre chargé de la culture. »

Art. 3. - Après l'article 19, sont insérés les articles 19-1 et 19-2 ainsi rédigés :

« Art. 19-1. - Des subventions et des avances peuvent être accordées afin de concourir au financement de l'installation initiale des équipements de projection numérique des salles des établissements de spectacles cinématographiques.

« Ces subventions et avances, dont les parts respectives sont déterminées en fonction des possibilités pour le demandeur de réunir d'autres financements, sont accordées aux établissements de spectacles cinématographiques qui, sauf dérogation du président du Centre national du cinéma et de l'image animée, ne comportent pas plus de trois salles. Elles ne sont pas accordées aux personnes qui sont propriétaires, ou assurent l'exploitation dans les conditions prévues à l'article 13, de plus de cinquante salles.

« Les dépenses d'installation initiale des équipements de projection numérique des salles des établissements de spectacles cinématographiques donnant lieu à l'octroi des subventions et avances sont déterminées par décision du président du Centre national du cinéma et de l'image animée.

« Pour l'examen des demandes de subventions et d'avances, le président du Centre national du cinéma et de l'image animée peut demander tout renseignement et tout document qu'il estime utile, notamment en ce qui concerne les conditions de financement de l'installation initiale des équipements de projection numérique.

« Les décisions relatives à l'octroi de ces subventions et avances sont prises par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée après consultation d'un comité d'experts constitué au sein de la commission du soutien financier sélectif à l'exploitation prévue à l'article 19. Le comité d'experts est présidé par le président de la commission. Les autres membres du comité d'experts sont désignés par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée parmi les membres titulaires ou suppléants de la commission.

« Le bénéfice de ces subventions et avances est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« Art. 19-2. - Les subventions et avances prévues aux articles 19 et 19-1 font l'objet d'une convention conclue entre le Centre national du cinéma et de l'image animée et le bénéficiaire.

« Cette convention fixe notamment les engagements de programmation souscrits par le bénéficiaire ainsi que les modalités de versement des subventions et des avances, les modalités de remboursement des avances et les circonstances dans lesquelles ces subventions et ces avances donnent lieu à reversement. »

Dispositions transitoires et finales

Art. 4. - Les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques qui ont procédé à l'installation initiale d'un équipement de projection numérique dans leurs salles depuis le 1 er octobre 2009 et jusqu'à la date de publication du présent décret peuvent, jusqu'au 31 décembre 2010, demander le bénéfice des dispositions de l'article 19-1 du décret du 24 août 1998 susvisé dans sa rédaction issue du présent décret.

Art. 5. - Le ministre de la culture et de la communication est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 1 er septembre 2010.

Par le Premier ministre
François FILLON

Le ministre de la culture et de la communication,
Frédéric MITTERRAND


* 1 Rapport n° 308 (2002-2003) de la mission d'information présidée par Marcel Vidal et dont les rapporteurs étaient Michel Thiollière et Jack Ralite.

* 2 Initialement déposée dans les mêmes termes par nos collègues sénateurs Jean-Pierre Leleux et Jacques Legendre, et par nos collègues députés Michel Herbillon et Michèle Tabarot.

* 3 Votre rapporteur et notre collègue Jean-Pierre Leleux au titre du Sénat.

* 4 Voir le rapport pour avis n° 79 Tome 9 (2006-2007) de Serge Lagauche et Louis de Broissia sur la loi n° 2006-1666 de finances pour 2007.

* 5 Qui relèvent de ce qu'il est convenu d'appeler le « hors film ».

* 6 Au sein duquel votre rapporteur et notre collègue Jean-Pierre Leleux représentent le Sénat.

* 7 Ce décret est annexé au présent rapport.

* 8 Ce décret est annexé au présent rapport.

* 9 Le prix d'un billet pour un spectacle dit « hors film » peut atteindre jusqu'à 3,5 fois celui d'un film.

* 10 Le décret n° 99-130 du 24 février 1999 relatif aux aides du CNC définit les oeuvres de longue durée comme des oeuvres dont la durée de projection est supérieure à une heure. La distribution du court métrage n'est pas soumise à contribution compte tenu de la fragilité de son économie.

* 11 Les oeuvres projetées en numérique sont, au préalable, enregistrées sur le serveur relié au projecteur de chaque salle.

* 12 Précisons que les usages professionnels la considèrent comme la date de sortie indiquée sur le matériel publicitaire (affiches et bandes annonces).

* 13 La transmission de « données » permet notamment le « streaming », système de visionnage en direct au fil de l'arrivée des données, sans que le fichier entier ne soit stocké sur le serveur.

* 14 Le « taux de location » d'un film correspond au « taux de la participation proportionnelle aux recettes d'exploitation » mentionné aux articles L. 213-9 à L. 213-11 du code du cinéma et de l'image animée.

* 15 Accord du 6 janvier 1999 intitulé « code de bonne conduite sur les politiques promotionnelles des salles de cinéma », conclu entre la Fédération nationale des distributeurs de films, la Fédération nationale des cinémas français, la Chambre syndicale des producteurs et exportateurs de films français (désormais dénommée la Chambre syndicale des producteurs de films) et le Syndicat des producteurs indépendants.

* 16 Voir les développements dans la première partie du présent rapport.

* 17 Outre votre rapporteur, notre collègue Jean-Pierre Leleux en est membre.

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