Rapport n° 633 (2009-2010) de M. André VANTOMME , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 7 juillet 2010


N° 633

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l' adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute ,

Par M. André VANTOMME,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di  Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1792 , 2242 et T.A. 409

Sénat :

272 et 634 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'organisation maritime internationale (OMI) a réuni, en 2001, à Londres , ville où elle a son siège, une conférence visant à élaborer une convention internationale sur la responsabilité civile découlant de dommages dus aux hydrocarbures de soute.

Cette conférence a abouti à une convention internationale, qui est soumise à la ratification du Parlement français.

Le caractère très marginal des pollutions provoquées par les hydrocarbures dits « de soute », c'est-à-dire ceux utilisés pour la propulsion des navires, ou le fonctionnement de leurs équipements de bord, au regard des autres sources de pollution par hydrocarbures du milieu marin, ne dispense cependant pas de déterminer le système de responsabilité couvrant les dégâts suscités par une pollution de leur fait.

L'OMI assume donc pleinement son rôle en prévoyant ce cas, permettant de compléter les dispositifs déjà existant en matière de responsabilité civile du fait de pollution par hydrocarbures.

I. LA CONVENTION DE 1982 DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER A ÉTÉ SUIVIE DE TROIS TEXTES SPÉCIFIQUES SUR LES POLLUTIONS PAR HYDROCARBURES

Une conférence, réunie par l'ONU à Genève en 1958, avait codifié, pour la première fois, un droit de la mer à l'échelle internationale.

Son actualisation, réclamée notamment par les pays ayant accédé à l'indépendance durant les années 1960, a fait l'objet de longues négociations, échelonnées de 1973 à 1982. Celles-ci ont abouti à l'élaboration de la convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) signée en Jamaïque, à Montego Bay en 1982.

Cette convention a été ratifiée par la plupart des pays industrialisés, dont la France, en 1996, mais pas par les Etats-Unis. Elle constitue le texte fondateur du droit maritime international moderne.

Trois conventions ultérieures la complètent dans le domaine de la réglementation internationale en matière de responsabilité liée à la pollution marine. Il s'agit de la Civil Liability Convention (C.L.C.) de 1992 précisant les modalités de cette responsabilité en cas de dommages consécutifs à une pollution par hydrocarbures. Le Fonds d'indemnisation des pollutions (FIPOL) , créé la même année, est alimenté par une contribution versée par les entreprises importatrices d'hydrocarbures. Enfin, la Convention Hazardous and Noxious Substance (H.N.S.) est conclue en 1996 , et établit des modalités de responsabilité et d'indemnisation des dommages liés au transport maritime de substances nocives et potentiellement dangereuses.

Le cadre juridique résultant de ces textes n'intègre pas le risque découlant d'une pollution marine par des hydrocarbures de soute, pouvant survenir lors d'un accident ou d'un chargement. Or, leur volume circulant sur mer est estimé à une quinzaine de millions de tonnes, ce qui n'est pas négligeable, et peut donc constituer une menace pour le milieu marin.

La convention signée à Londres le 23 mars 2001 vise donc à prévoir un système de responsabilité du propriétaire du navire à l'origine d'une éventuelle pollution par ce type d'hydrocarbures.

Un Conseil de l'Union européenne, réuni le 19 septembre 2002, a autorisé les Etats membres à signer et ratifier la présente convention, et a fixé les conditions de leur adhésion à ce texte.

II. LA PRÉSENTE CONVENTION COMPLÈTE CE DISPOSITIF POUR LES HYDROCARBURES DE SOUTE, DONT LE VOLUME PEUT ÊTRE SOURCE DE POLLUTION NON NÉGLIGEABLE DU MILIEU MARIN

Bien que la présente convention ait été ouverte à la signature des Etats le 1 er octobre 2001, on peut s'étonner que notre pays n'ait soumis à la ratification parlementaire l'autorisation d'y adhérer que le 1 er juillet 2009.

En réalité, l'élaboration de dispositifs préventifs et répressifs des pollutions par hydrocarbures transportés en tant que fret a concentré, dans une première phase, l'attention des pouvoirs publics français, et des autorités européennes.

Ainsi, la loi du 5 juillet 1983 transposant les dispositions de la convention MARPOL (marine pollution) par les dispositions du Code de l'environnement français qui visent la répression des pollutions maritimes volontaires, mais aussi accidentelles, lorsque ces dernières sont commises par imprudence, négligence ou inobservation des lois et des règlements, a été renforcée après des catastrophes écologiques, comme le naufrage de l'ERIKA, puis du PRESTIGE.

Après une première augmentation des sanctions par une loi du 3 mai 2001, la loi du 9 mars 2004 « portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité » a aggravé les sanctions en élevant le maximum encouru à dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende pour les pollutions volontaires commises par les navires de grande taille. L'amende pouvait être portée à une somme équivalente à la valeur du navire ou être accrue proportionnellement à la valeur du fret ou de la cargaison.

En plus de la responsabilité du capitaine du navire, celle du propriétaire, de l'exploitant ou de toute autre personne exerçant un contrôle dans la gestion ou la marche du navire peut désormais être recherchée.

Géographiquement, les capacités de constatation des infractions s'appliquent dans les zones sous la souveraineté la juridiction française, c'est-à-dire jusqu'aux limites des zones économiques exclusives. Le cas spécifique de la Méditerranée, où les zones économiques exclusives n'étaient pas définies, a été réglé par la loi du 15 avril 2003, instituant une « zone de protection écologique en Méditerranée », et permettant ainsi à l'action répressive de l'Etat de s'exercer au-delà de la mer territoriale.

Puis la loi sur la responsabilité environnementale du 1er août 2008 a modifié le régime juridique existant. Les amendes susceptibles d'être prononcées sont désormais plafonnées à 15 millions d'euros dans les cas les plus graves, alors qu'antérieurement, l'indexation de l'amende s'effectuait sur la valeur de la cargaison, pouvant valoir à un pétrolier transportant des centaines de milliers de tonnes de pétrole une amende de plusieurs milliards d'euros en cas de pollution, ce qui était irréaliste. Il n'est donc plus fait référence à la valeur de la cargaison ou du navire. L'emprisonnement maximum encouru demeure 10 ans.

La loi a introduit le concept communautaire de « négligence grave » : il s'agit de la « faute caractérisée qui expose l'environnement à un risque d'une particulière gravité que son auteur ne peut ignorer ».

Afin d'accroître l'efficacité du traitement judiciaire des rejets polluants en mer, la loi du 3 mai 2001 et le décret du 11 février 2002 ont institué 6 juridictions du littoral maritime spécialisées (JULIS) . Elles sont situées au Havre, à Brest, à Marseille, à Fort-de-France, à Saint-Denis de la Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

La loi du 15 avril 2003 relative à la création d'une zone de protection écologique en Méditerranée, et la loi du 9 mars 2004 déjà mentionnée ont accru la compétence de ces juridictions, qui s'étend désormais aux pollutions involontaires et volontaires commises dans les eaux territoriales, et aux pollutions volontaires en zone économique exclusive et en zone de protection écologique. La compétence conférée à ces juridictions spécialisées permet aux autres juridictions normalement saisies, au titre des critères du droit commun, de se dessaisir à tout moment de la procédure. Ainsi, ces juridictions spécialisées assurent désormais l'essentiel du traitement judiciaire des pollutions marines.

Ce n'est qu'au terme de ces avancées juridiques sur les pollutions par hydrocarbures de fret, dont on estime le volume annuel transporté à 150 millions de tonnes, qu'est apparue la nécessité de réglementer celle pouvant être induite par les hydrocarbures de soute , comme celles survenues en 2008 et 2009. Le Japon a ainsi subi les conséquences d'un incident survenu le 5 mars 2008 dans le détroit d'Akashi, où l'abordage de trois navires avait provoqué le naufrage de l'un d'eux, ainsi qu'une pollution grave. En l'espèce, les dommages subis par les pêcheries avaient été estimés à 48,7 millions de dollars US, dépassant largement le montant des 7 millions de dollars couverts par l'assurance.

Le 11 mars 2009, le « Pacific Adventurer », cargo battant pavillon chinois (Hong-Kong), qui avait perdu 31 conteneurs qui ont endommagé des citernes à combustible au large des côtes du Queensland, en Australie, a occasionné des coûts de nettoyage de 25 millions de dollars US pour seulement 270 tonnes d'hydrocarbures de soutes déversés.

*

* *

L'adhésion à la Convention de la France permettra, s'il venait à se produire une pollution dans des eaux sous souveraineté ou sous juridiction française par un navire immatriculé dans un Etat n'ayant pas ratifié la convention, que le régime de responsabilité appliqué par les tribunaux français soit celui de la Convention, à savoir celui d'une responsabilité sans faute, sous réserve des cas d'exonération limitativement prévus. L'application du régime de responsabilité par les Etats parties n'est, en effet, pas dépendante du pavillon.

En matière d'assurance, tout navire faisant escale dans un port français, après l'entrée en vigueur de la Convention pour la France, devra présenter un certificat d'assurance conforme à la Convention, que l'Etat du pavillon de ce navire ait ou non ratifié la Convention. Si l'Etat du pavillon n'est pas Partie à la convention, le certificat devra être délivré par un Etat Partie. Si le navire ne cherchait pas à se procurer un tel certificat pour faire escale dans un port français, il s'exposerait à ce qu'un tribunal français lui impose une amende.

Pour ce qui est d'un navire transitant dans les eaux françaises dans le respect du droit de passage inoffensif prévu dans le Droit de la mer, c'est-à-dire sans avoir pour objectif de faire escale dans un port français, ce navire ne sera pas soumis à l'obligation d'assurance et de certificat. Il peut se trouver que le propriétaire du navire ne soit pas assuré : l'indemnisation des dommages, dont il pourrait être responsable, dépendra alors de sa solvabilité.

Dans la majorité des cas, le propriétaire devrait être assuré, mais son navire pourrait ne pas disposer du certificat requis par la Convention; l'absence de ce certificat émis conformément à la convention signifie alors que les victimes ne disposeront pas d'un droit de recours direct contre l'assureur. Ce dernier pourra alors opposer à la victime toutes les défenses qu'il aurait pu opposer au propriétaire du navire, tel que le non- paiement des primes d'assurance, ou le non respect par l'exploitant de toutes les conditions contenues dans la police d'assurance quand au respect des conditions de sécurité par le navire.

Ce dernier point souligne les limites du présent texte, qui contient des avancées significatives, mais devront être ultérieurement complétées pour englober toutes les situations pouvant survenir.

Conclusion

La France, qui se veut exemplaire en matière de lutte contre les pollutions affectant le milieu marin, comme l'a illustré la réunion, au cours de l'année 2009, d'un « Grenelle de la mer », doit se joindre à la quarantaine de pays 1 ( * ) , dont une moitié est membre de l'Union européenne, qui ont déjà adhéré à cette convention.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 juillet 2010, sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi.

Après l'exposé de M. Christian Cambon, remplaçant M. André Vantomme, rapporteur, empêché, M. Josselin de Rohan, président, a souligné que cette convention était utile pour couvrir les dommages entraînés par les pollutions découlant des hydrocarbures de soute, qui sont, pour la plupart, d'origine accidentelle. En revanche, les dégazages en mer étaient, eux, intentionnels, et produisaient des dégâts beaucoup plus importants. Il serait donc opportun que des moyens renforcés soient affectés à leur détection.

Puis la commission a adopté le projet de loi et a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

ANNEXE I -
ETUDE D'IMPACT

I - Objectifs poursuivis par la Convention

Garantir l'indemnisation des victimes de pollutions marines par hydrocarbures de soutes.

Ses conséquences financières

Sans objet

Ses conséquences sociales

Sans objet

Ses conséquences économiques et environnementales

La Convention, en tant qu'elle touche au régime de responsabilité civile en matière d'indemnisation de la pollution marine par hydrocarbures de soute, est un élément essentiel du dispositif juridique international de protection du milieu marin.

Ses effets sur l'ordre juridique français.

Formalités administratives nouvelles liées au certificat visé à l'article 7 de la Convention (délivrance et contrôle)

II - Historique des négociations.

La limitation de responsabilité des opérateurs est un principe traditionnel en droit maritime où il n'existe pas, sauf pour certains risques, d'obligation d'assurance. La Convention du 19 novembre 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes (dite Convention LLMC, Limitation of Liability for Maritime Claims) modifiée par le protocole de 1996 est l'instrument de référence pour le règlement des créances pour le transport maritime.

Les Etats membres de l'organisation maritime internationale (OMI) se sont mis d'accord pour compléter ce dispositif.

Réunie à Londres du 19 au 23 mars 2001, une conférence diplomatique convoquée par l'Organisation maritime internationale (OMI) a adopté la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus aux hydrocarbures de soute.

III- Etat des ratifications

La convention est entrée en vigueur le 21 novembre 2008, un an après l'adhésion de 18 Etats dont 5 Etats ayant chacun des navires dont la jauge brute totale n'est pas inférieure à 1 million. Au 21 novembre 2008, 33 Etats l'avaient déjà ratifié dont 18 Etats communautaires (Allemagne, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pologne, Royaume-Uni, Slovénie).

Ont également adhéré à la convention, depuis son entrée en vigueur, à la date du 20 février 2009 : Antigua, Bahamas, Chine, Iles Cook, Jamaïque, Libéria, Malaisie, Iles Marshall, Norvège, Macao, Saint-Vincent, Samoa, Sierra Leone, Singapour, Salomon, Tonga, Tuvalu, Vanuatu.

Deux autres Etats membres (Italie, Pays-Bas) ont indiqué que leur processus de ratification était en cours.

IV - Déclarations (conformément à la décision du Conseil 2002/762/CE du 19 septembre 2002)

La France déclare que les décisions portant sur des matières couvertes par la convention, lorsqu'elles sont rendues par un tribunal d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France et le Danemark sont reconnues et exécutées en France conformément à la réglementation communautaire interne pertinente en la matière.


* 1 Voir étude d'impact

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