ARTICLE 5 D
(Art. L. 612-39, L. 612-40 et L. 612-41 du code monétaire et financier)

Adaptation de la procédure de sanction
devant l'Autorité de contrôle prudentiel

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative de notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, tend à relever le plafond des sanctions pécuniaires applicables par l'Autorité de contrôle prudentiel et prévoit un principe de publication systématique de ses sanctions sous réserve de ne pas perturber gravement les marchés financiers ou de ne pas porter un préjudice disproportionné aux parties en cause.

I. LE DROIT EXISTANT

Aux termes de l'article L. 612-1 du code monétaire et financier, l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), autorité administrative indépendante, « veille à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle ». Ainsi, l'ACP, « pour l'accomplissement de ses missions, [...] dispose, à l'égard des personnes mentionnées à l'article L. 612-2, d'un pouvoir de contrôle, du pouvoir de prendre des mesures de police administrative et d'un pouvoir de sanction ».

Son pouvoir disciplinaire est régi par les articles L. 612-38 à L. 612-41 du code monétaire et financier et s'étend sur toutes les personnes mentionnées à l'article L. 612-2 .

Article L. 612-2 du code monétaire et financier

I. - Relèvent de la compétence de l'Autorité de contrôle prudentiel :

A. - Dans le secteur de la banque, des services de paiement et des services d'investissement :

1° Les établissements de crédit ;

2° Les personnes suivantes :

a) Les entreprises d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille ;

b) Les entreprises de marché ;

c) Les adhérents aux chambres de compensation ;

d) Les personnes habilitées à exercer les activités de conservation ou d'administration d'instruments financiers mentionnées aux 4° et 5° de l'article L. 542-1 ;

3° Les établissements de paiement ;

4° Les compagnies financières et les compagnies financières holding mixtes ;

5° Les changeurs manuels ;

6° Les organismes mentionnés au 5 de l'article L. 511-6 ;

7° Les personnes morales mentionnées à l'article L. 313-21-1.

Le contrôle de l'Autorité s'exerce sur l'activité de prestation de services d'investissement des personnes mentionnées aux 1° et 2° sous réserve de la compétence de l'Autorité des marchés financiers en matière de contrôle des règles de bonne conduite et autres obligations professionnelles.

Aux fins du contrôle des personnes mentionnées au 3°, l'Autorité peut solliciter l'avis de la Banque de France, au titre des missions de surveillance du bon fonctionnement et de la sécurité des systèmes de paiement, qui lui sont conférées par le I de l'article L. 141-4. La Banque de France peut porter dans ce cadre toute information à la connaissance de l'autorité.

B. - Dans le secteur de l'assurance :

1° Les entreprises exerçant une activité d'assurance directe mentionnées à l'article L. 310-1 du code des assurances ;

2° Les entreprises exerçant une activité de réassurance dont le siège social est situé en France ;

3° Les mutuelles et unions régies par le livre II du code de la mutualité et les unions gérant les systèmes fédéraux de garantie mentionnés à l'article L. 111-6 du code de la mutualité, ainsi que les unions mutualistes de groupe mentionnées à l'article L. 111-4-2 du même code ;

4° Les mutuelles et unions du livre I er qui procèdent à la gestion des règlements mutualistes et des contrats pour le compte des mutuelles et unions relevant du livre II, pour les seules dispositions du titre VI du livre V du présent code ;

5° Les institutions de prévoyance, unions et groupements paritaires de prévoyance régis par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ;

6° Les sociétés de groupe d'assurance et les sociétés de groupe mixte d'assurance mentionnées à l'article L. 322-1-2 du code des assurances ;

7° Le fonds de garantie universelle des risques locatifs mentionné à l'article L. 313-20 du code de la construction et de l'habitation ;

8° Les véhicules de titrisation mentionnés à l'article L. 310-1-2 du code des assurances.

II. - L'Autorité peut soumettre à son contrôle :

1° Toute personne ayant reçu d'une entreprise pratiquant des opérations d'assurance un mandat de souscription ou de gestion ou souscrivant à un contrat d'assurance de groupe, ou exerçant, à quelque titre que ce soit, une activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance mentionnée à l'article L. 511-1 du code des assurances ;

2° Toute personne qui s'entremet, directement ou indirectement, entre un organisme mentionné au 3° ou au 4° du B et une personne qui souhaite adhérer ou adhère à cet organisme ;

3° Tout intermédiaire en opération de banque et en services de paiement.

[...]

Le pouvoir d'enquête est mis en oeuvre par le collège et le secrétariat général de l'ACP. En revanche, les sanctions sont prononcées par une commission des sanctions indépendante 132 ( * ) , à l'instar de la procédure en vigueur à l'AMF .

Les sanctions applicables sont énumérées aux articles L. 612-39, L. 612-40 et L. 612-41 du code monétaire et financier. Le premier article constitue le droit commun pour les personnes soumises de plein droit au contrôle de l'ACP tandis que les deux autres articles établissent des régimes particuliers pour certaines personnes (compagnies financières ou compagnies financières holding mixtes, changeurs manuels, mutuelles et unions qui procèdent à la gestion des règlements mutualistes et des contrats pour le compte des mutuelles et unions pratiquant des opérations d'assurance, de réassurance et de capitalisation et personnes soumises facultativement au contrôle de l'ACP).

L'article L. 612-39 prévoit ainsi que, en fonction de la gravité du manquement , la commission des sanctions peut prononcer l'une ou plusieurs des sanctions disciplinaires suivantes :

- le blâme ;

- l'avertissement ;

- l'interdiction d'effectuer certaines opérations et toutes autres limitations de l'exercice de l'activité ;

- la suspension temporaire d'un ou plusieurs agréments ;

- la démission d'office d'un ou plusieurs dirigeants, avec ou sans nomination d'administrateur provisoire ;

- le retrait partiel d'agrément ;

- la radiation des personnes agréées, avec ou sans nomination d'un liquidateur.

A la place ou en sus de ces sanctions, la commission peut également prononcer une sanction pécuniaire « au plus égale à cinquante millions d'euros » .

Aux termes de l'article L. 612-40, les mêmes sanctions s'appliquent aux compagnies financières ou aux compagnies financières holding mixtes, à l'exception de celles relatives aux agréments et à l'interdiction d'effectuer certaines opérations.

L'article L. 612-41 établit une échelle de sanctions disciplinaires sensiblement équivalente pour certaines mutuelles et unions (qui procèdent à la gestion des règlements mutualistes et des contrats pour le compte des mutuelles et unions pratiquant des opérations d'assurance, de réassurance et de capitalisation) et les personnes soumises facultativement au contrôle de l'ACP. En revanche, la sanction pécuniaire ne peut dépasser le plafond d'un million d'euros . Il en va de même pour les changeurs manuels.

Par ailleurs, les trois articles prévoient que l'ACP peut rendre sa décision publique « dans les journaux, publications ou supports qu'elle désigne ». Les frais sont supportés par la personne sanctionnée.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte d'un amendement de notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, adopté par la commission des finances. Il modifie les articles L. 612-39, L. 612-40 et L. 612-41 du code monétaire et financier afin, d'une part, de relever le plafond des sanctions pécuniaires applicables et, d'autre part, de prévoir le principe d'une publicité systématique des décisions de la commission des sanctions .

Le présent article et l'article 2 quater du présent projet de loi permettent d'aligner le plafond des sanctions applicables par l'AMF et l'ACP.

A. LE RELÈVEMENT DU PLAFOND DES SANCTIONS

Les alinéas 2, 7 et 11 du présent article portent le montant des sanctions applicables, pour toutes les personnes soumises au contrôle de l'ACP, à cent millions d'euros , à l'exception des changeurs manuels pour qui les sanctions demeurent inchangées.

B. LA SYSTÉMATISATION DE LA PUBLICITÉ DES DÉCISIONS DE LA COMMISSION DES SANCTIONS

La commission avait adopté, après avis défavorable du rapporteur, un sous-amendement de notre collègue député Charles de Courson tendant à supprimer les deux exceptions à l'obligation de publier les sanctions.

Par cohérence avec les dispositions adoptées à l'article 2 quater du présent projet de loi et applicables à l'AMF, notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, a présenté un amendement adopté en séance publique avec l'avis favorable du Gouvernement, tendant à rétablir ces exceptions.

Ainsi, les alinéas 4, 9 et 13 du présent article prévoient qu'une décision « de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux, supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. [...] Toutefois, lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause , la décision de la commission peut prévoir qu'elle ne sera pas publiée ». Par ailleurs, la publication aux frais des personnes sanctionnées est maintenue .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Comme indiqué plus haut, dans le commentaire sur l'article 2 quater , le relèvement du plafond des sanctions a essentiellement une vertu dissuasive et symbolique .

En 2009, la sanction la plus élevée imposée par la Commission bancaire atteignait le montant de 20 millions d'euros, soit moins de la moitié du plafond applicable 133 ( * ) , alors même qu'elle a été infligée pour des « carences en matière de contrôle interne dans le domaine des opérations de marché ». D'ailleurs, la sanction rappelait explicitement que « ce montant doit s'apprécier au regard des dispositions de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 qui a relevé le plafond des sanctions pécuniaires ».

De fait, cette sanction apparaît d'ores et déjà élevée au regard des pratiques étrangères . Par exemple, au Pays-Bas, l'amende maximale infligée à un établissement ne peut dépasser 480 000 euros. La Banque d'Espagne peut prononcer une sanction pécuniaire pour les fautes très graves qui s'élève à hauteur de 1 % des fonds propres : pour atteindre le plafond fixé par le présent article, une banque doit ainsi disposer de 10 milliards d'euros de fonds propres. Seule la Financial Services Authority (FSA) britannique pourrait être potentiellement plus sévère que l'ACP car il n'existe aucun plafond aux sanctions pécuniaires qu'elle peut imposer.

Par ailleurs, de même que pour l'AMF, votre rapporteur est favorable à l'introduction d'un principe de publication systématique des décisions de la commission des sanctions, tout en préservant la possibilité d'une exception lorsque les circonstances l'exigent : « l'ordre public financier » ou un risque de préjudice de réputation disproportionné pour la personne sanctionnée.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.


* 132 Aux termes de l'article L. 612-9 du code monétaire et financier, la commission des sanctions de l'ACP est composée de cinq membres, qui ne peuvent siéger au sein des collèges de l'ACP.

* 133 L'article 159 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a décuplé le plafond applicable en le relevant à hauteur de cinquante millions d'euros.

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