E. AUDITION DE MME CHRISTINE LAGARDE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI,
LE 8 SEPTEMBRE 2010

Réunie le mercredi 8 septembre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé, au cours d'une seconde séance, à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur le projet de loi n°555 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, de régulation bancaire et financière.

M. Jean Arthuis , président . - Au nom de la commission, je souhaite la bienvenue à Mme Lagarde et la prie de l'excuser de notre retard. Nous entendions , à l'occasion d'une audition organisée conjointement avec la commission de l'économie, M. du Mesnil, président de Réseau Ferré de France (RFF), occasion d'apercevoir une dette perpétuelle, comme si RFF était une structure de défaisance. Et certains de rêver du rétablissement du service annexe de la dette de la SNCF...

Nous poursuivons aujourd'hui nos travaux préparatoires sur le projet de loi de régulation bancaire et financière. Nous nous retrouverons, dès le 14 septembre à 16h15, pour la présentation du rapport et l'examen des amendements de la commission. Je rappelle que ce texte, à la différence des lois de finances, sera examiné selon la nouvelle procédure constitutionnelle : le texte discuté en séance publique à la fin du mois de septembre sera donc celui établi par la commission à l'issue de ses travaux de la semaine prochaine. Mais, revenons sans plus attendre à la réunion d'aujourd'hui.

Le projet de loi, adopté par les députés juste avant l'été, tire les conséquences en droit interne de la crise financière, brutale et inattendue, et de la crise économique que nous vivons encore. Indissociables des travaux européens et internationaux, la cinquantaine d'articles qu'il comprend ne recouvre pas l'intégralité du champ de la régulation. Néanmoins, son premier volet sur la régulation est ambitieux et le second, consacré au financement de l'économie dont la crise a montré qu'il était parfois fragile, original. Heureux hasard, la clôture des travaux du groupe de travail sur le financement des entreprises, que la commission a constitué en son sein, coïncidera harmonieusement avec l'examen de ce projet de loi. Or si les banquiers ont bien fait leur travail, nous ont-ils dit, et que des entreprises ont effectivement connu des processus de reprise, les chefs d'entreprise se font aujourd'hui l'écho d'une certaine inertie des banques devant leurs difficultés à financer leur fonds de roulement.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Merci de m'accueillir. J'apprécie les contacts et la coopération avec votre commission, qui a brillé par ses propositions et sa vision pertinente ces deux dernières années. Elle a su exprimer avec modération et sobriété, mais beaucoup de fermeté, sur le sujet de la régulation bancaire et financière à la suite de la crise qui a ébranlé notre pays, comme toutes les économies du monde, et a imposé une action vigoureuse aux niveaux international, européen et national. Le président, Jean Arthuis, le rapporteur général, Philippe Marini, ainsi que d'autres commissaires ont toujours été au rendez-vous pour avancer des propositions et soutenir celles des positions de la France qui leur paraissaient souhaitables.

Certains se sont émus du délai avec lequel ce projet de loi a été présenté devant l'Assemblée nationale, puis le Sénat. C'est que la France, en qualité de présidente de l'Union européenne et membre extrêmement actif du G20, a concentré ses efforts sur les priorités du moment, soit les niveaux international et européen, face à cette crise globale, enracinée dans des circuits de financement qui, par définition, ne connaissent pas de frontières. Je remercie d'ailleurs le Sénat de son soutien actif aux mesures d'urgence que nous avons prises pour débloquer les circuits de financement, lutter contre les mécanismes d'entraînement de la crise au sein de la zone euro et soutenir notre monnaie unique. Hier soir, mardi 7 septembre, le Conseil européen a approuvé le compromis sur la supervision européenne à Bruxelles, et j'espère que le Parlement européen en fera autant dans les prochains jours. En quelque sorte, ce travail, similaire à celui que la France avait engagé sur la consolidation de ses autorités de supervision en janvier dernier avec l'ordonnance portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance, fait ressortir l'articulation des différents étages de supervision qui, je l'espère, travailleront en étroite harmonie.

J'en viens au premier volet de ce projet de loi, la régulation financière. En cette période de rentrée, nous retrouvons ces « créatures », que nous avons appris à mieux connaître depuis la crise, que sont les ventes à découvert, les ventes à découvert à nu ou encore les produits dérivés, tels les « credit default swaps » ou CDS. Cette période de décantation nous a permis d'appréhender ces « animaux étranges » dans un texte qui présente l'avantage de la sobriété : une cinquantaine d'articles contre les 1 200 pages de la loi Dodd-Franck. Quantité ne rime pas toujours avec qualité... Le texte encadre les ventes à découvert, ces activités non régulées, opaques et obscures, sur lesquelles nous avions peu de prise jusqu'à présent, notamment, concernant les volumes. Dorénavant, l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, pourra les interdire en cas de circonstances exceptionnelles. Rappelons, à ceux qui affirment que l'Allemagne est plus efficace sur ce dossier, que l'AMF avait adopté, dès octobre 2008, une décision visant à interdire les ventes à découvert sur les quinze valeurs financières déterminantes pour le marché français, mesure qui n'a pas été levée.

Ensuite, le texte transpose dans notre droit interne la réglementation européenne relative aux agences de notation, sujet qui continuera de faire couler de l'encre tant le système actuel est source de vicissitudes qu'ont mises en lumière de récents travaux, notamment ceux de Moody's et de Standard & Poor's aux États-Unis. Grâce aux travaux précurseurs de la France, le texte, abouti, précise la manière dont les agences seront agrées, contrôlées, et sanctionnées si nécessaire. Il détaille les questions de leurs règles de fonctionnement, du dépôt de modèles et de la clarification des conflits d'intérêt. S'agissant de la régulation des marchés de produits dérivés, l'AMF pourra désormais sanctionner les abus, je pense notamment aux CDS. Le renforcement des pouvoirs de l'AMF appelle légitimement le renforcement des sanctions financières qu'elle peut prononcer, multipliées par dix, et le doublement de celles décidées par l'Autorité de contrôle prudentiel, issue de la fusion de la Commission bancaire et de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. En outre, le texte rend obligatoire la publicité des sanctions décidées par l'AMF, manière d'ajouter l'opprobre à la pénalité.

Enfin, ce projet de loi rend obligatoire la mise en place d'un comité des risques et d'un comité des rémunérations dans chaque entreprise concernée afin de clarifier la rémunération des opérateurs de marché, plus communément appelés traders. La France s'était montrée très active sur ce dossier au sein du G20 et de l'Union européenne. Entrant en vigueur le 1 er janvier 2011, la directive, dite CRD 3, comporte des mesures sur les bonus garantis, désormais interdits, sur le différé de rémunérations durant une période de trois ans et le versement d'une partie de la part non différée de la rémunération variable sous forme d'actions. Enfin, ce texte ratifie l'ordonnance du 21 janvier 2010 que le Parlement m'avait habilitée à prendre par la loi de modernisation de l'économie. Je rappelle que la création de l'Autorité de contrôle prudentiel avait pour but, non de faire « sauter des chaises », mais d'éviter que certains secteurs, entre autres celui de la distribution du crédit, ne soient dans un angle mort de notre dispositif de contrôle.

Le deuxième volet de ce projet de loi vise à faciliter le financement de l'économie pour appuyer la reprise. Cela est d'autant plus indispensable que les discussions en cours sur les règles dites de « Bâle III » aboutiront à une augmentation et de la quantité et de la qualité des capitaux de toutes les banques, y compris les nôtres. Le Gouvernement français veillera, dans ces négociations, au respect des critères spécifiques à notre économie et aux économies européennes continentales, soit un financement en majorité d'origine bancaire, et non obligataire comme aux États-Unis, avec pour souci d'éviter des disparités de traitement qui pénaliseraient nos banques par rapport à leurs homologues américaines. Cette position, je ne le cache pas, est difficile à faire valoir devant le comité de Bâle, composé d'autorités de contrôle, extrêmement sensibles aux événements de la fin de l'année 2008, considérant qu'il y a eu une insuffisance de supervision, peut-être faute de moyens. Dans ces conditions, nous devons faciliter l'accès des PME et des entreprises intermédiaires aux fonds propres en introduisant sur leur marché boursier, c'est-à-dire Alternext, des mécanismes tels qu'une procédure d'offre publique obligatoire dès lors qu'un investisseur détient plus de 50 % du capital d'une société et, mesure très attendue, une procédure de retrait obligatoire lorsqu'un actionnaire devient fortement majoritaire dans le capital d'une entreprise de ce type. Le texte renforce également OSEO, un acteur qui s'est révélé déterminant dans la gestion des conséquences de la crise sur les PME.

Autre élément, la création d'obligations de financement de l'habitat, comparables mais non similaires au régime juridique des obligations foncières en ce qu'elles ne présentent pas l'inconvénient d'être situées hors bilan ou de procéder de mécanismes de titrisation qui pourraient être dangereux. Nous n'avons pas l'intention d'introduire les « subprimes » en France... Le secteur immobilier, ou plutôt les banques, ont besoin d'un tel mécanisme de financement, compte tenu du risque. Enfin, dernier sujet, la régulation des intermédiaires financiers qui, aujourd'hui, tient de la mosaïque, améliorera la protection du consommateur par une meilleure information sur le champ de compétence des « commercialisateurs ». Voilà les grandes lignes de ce projet de loi.

M. Jean Arthuis , président . - Merci de ces précisions. Nous avons effectivement besoin d'une vraie coordination et d'une articulation adéquate entre la réglementation européenne et ce projet de loi.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Réservant l'analyse du projet de loi à la discussion de ses articles en commission qui aura lieu en présence de Mme Lagarde, je m'en tiendrai aujourd'hui à des considérations générales et politiques, au sens fort du terme. L'examen de ce texte est forcément un exercice délicat à l'heure où la place des parlements est de plus en plus difficile à apprécier, pour ne pas dire de plus en plus étroite. Deux raisons à cela. Tout d'abord, la régulation bancaire et financière étant de nature internationale et, a fortiori, communautaire, la tentation est grande de dire : « Mes bons amis, ne faisons rien ! Nous sommes en train de négocier ». Au contraire, il revient au Parlement de fixer un cap pour conforter la position de notre pays dans les discussions. Si nous devons avoir conscience que nous voterons, avec ce texte, des articles virtuels, du moins provisoires, il ne faut pas y voir une raison de ne rien faire, mais une raison supplémentaire d'agir.

L'exercice est donc particulier en ce que ce texte a vocation à s'articuler avec le droit communautaire. Or l'Union européenne ne fonctionne pas comme les Etats-Unis où la négociation est complexe mais le pouvoir fédéral. L'Union est cette chose qui comprend la Grande-Bretagne... Laquelle n'a pas les mêmes intérêts que l'Europe continentale en matière de régulation bancaire et financière. C'est une réalité géostratégique. Point n'est donc besoin de se voiler la face. Il nous faudra donc essayer d'aller le plus loin possible tout en conservant à l'esprit que le résultat de la mécanique poly-synodique et poly-institutionnelle européenne est souvent imprévisible, quel que soit le talent de nos ministres...

La seconde raison est liée à la compétitivité de la place de Paris. Interdire, réglementer, sanctionner, nous pouvons nous faire plaisir en expliquant, lorsque nous rentrons dans nos communes, combien nous avons été rigoureux mais « quid » des conséquences sur la localisation des activités ? Quel est l'intérêt supérieur à poursuivre ? Soyons volontaristes et lucides : évitons les postures qui provoqueraient une hémorragie des activités sur la place de Paris. Nouveau paradoxe : la place de Paris ne se porte pas si mal que cela ! Prenons les obligations foncières qui représentent aujourd'hui un énorme marché, cette réforme financière structurelle, parmi les plus fructueuses, a été faite par la place de Paris. En matière de règlement-livraison et de compensation, soit pour toutes les activités « post-marché », nous avons des chances réelles de fédérer à Paris les grands acteurs de l'industrie financière et bancaire. L'un des trois nouveaux organes européens sera d'ailleurs à Paris, et non l'un des moindres, celui qui s'occupera du marché des actions ! S'agissant de l'industrie de la gestion collective, il nous appartient de discipliner son cadre, d'affirmer sa régulation, mais aussi de conforter son rôle de leader européen.

Sur tous ces sujets, il convient de trouver le juste équilibre entre les objectifs quelque peu contradictoires que sont, d'une part, le maintien et le développement de la place de Paris et, d'autre part, la garantie de la sécurité et de la moralité financières - n'ayons pas honte de ce dernier mot que la crise nous impose d'utiliser.

Ce projet de loi est un texte utile. L'Assemblée nationale a bien travaillé. Le Sénat y apportera sa contribution. Il est, pour m'en tenir à un seul exemple, possible de créer de nouvelles techniques sur le marché obligataire pour mieux animer le marché secondaire des obligations. C'est un enjeu de place et d'emploi. En outre, les quotas de CO 2 , que Fabienne Keller a beaucoup étudiés, sont des objets techniques et financiers échangés sur des marchés, marchés à la fois primaire et secondaire. Il est essentiel de définir les principes et les compétences de régulation en la matière pour éviter des scandales et affirmer le rôle leader de l'industrie financière et de la place de Paris.

Pour conclure, dans cette phase de concertation avec vos collaborateurs, madame la ministre, chacun espère des concessions réciproques. Puissions-nous trouver un juste milieu !

Mme Christine Lagarde . - Sans vouloir faire l'article de la place de Paris, permettez-moi une anecdote. Lors des débats hier soir à Bruxelles sur une taxe européenne sur les transactions financières défendue par la France, l'actuel Chancelier de l'Echiquier, M. Osborne, à qui n'a pas échappé qu'une telle taxe pèserait de manière non négligeable sur les établissements financiers, a rappelé que la City de Londres doit sa bonne fortune à l'imposition de charges excessives par l'administration Kennedy qui avait entraîné un déplacement des opérations au détriment de New York. Il ne faudrait pas, a-t-il dit, rééditer cet exploit aux dépens de Londres en favorisant Zurich, Genève ou « accessoirement » Paris...

M. Aymeri de Montesquiou . - Ces « animaux étranges » que sont les CDS et les ventes à découvert sont-ils en voie de disparition aux Etats-Unis ? Y a-t-il un risque qu'ils se reproduisent chez nous par insémination ? Ensuite, le contrôle des agences de notation ne risque-t-il pas de jeter le doute sur leur indépendance quand celles-ci sont déjà suspectées de conflits d'intérêts ?

Mme Nicole Bricq . - Je commencerai par un satisfecit sur le paquet européen de supervision financière. Pour autant, sa réussite dépendra de l'harmonisation, de l'articulation entre les trois autorités, dépourvues de pouvoir supranational, le conseil du risque systémique et les autorités nationales. En effet, dès qu'il y a des failles dans le marché européen unique, des divergences d'appréciation apparaissent qui alimentent la spéculation. Le rapporteur général a raison de souligner la place délicate du Parlement dans l'examen de ce projet de loi qu'il faut adapter à la directive et à la réglementation européenne en préparation.

La France a des divergences avec l'Allemagne sur l'encadrement des ventes à découvert, qui a beaucoup agité l'Assemblée nationale : où en est-on de la possibilité d'une harmonisation sur les délais de livraison, sources de spéculation à outrance ?

Autre sujet, la rémunération des opérateurs de marché : allez-vous profiter de cette loi pour adapter notre réglementation à la directive CRD 3, qui diffère de l'arrêté que vous avez pris en novembre 2009 ?

Pour terminer, permettez-moi de vous demander des éclaircissements sur des points que vous n'avez pas abordés. Le marché des quotas de CO 2 devait, selon une annonce gouvernementale, être étudié au Sénat à l'automne : qu'en est-il ? Avez-vous l'intention d'introduire dans la prochaine loi de finances la taxe bancaire, que l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont déjà adoptée ? Enfin, quelle position défendra la France à l'occasion de la révision de la directive « Epargne » de 2003 quant aux exceptions dont bénéficient nos paradis fiscaux européens, entre autres le Luxembourg et l'Autriche ?

M. Jean-Pierre Fourcade . - A examiner la candidature d'une deuxième banque canadienne pour devenir spécialiste en valeurs du Trésor que l'Agence France Trésor a reçue, on comprend pourquoi les banques américaines, canadiennes et australiennes sont opposées à toute réglementation internationale. Elles appliquent des règles complètement différentes des nôtres en matière de ratios et de composition des fonds propres. Un seul exemple : pour elles, le ratio est de 12 %-13 % ; pour nous, de 7 %-8 %. Dans le cadre de l'Union et des négociations de Bâle III, quelles décisions a-t-on prises sur le calcul des ratios et sur l'évolution des fonds propres du système bancaire ? Dans le cadre du G20, peut-on trouver un accord avec les banques américaines, canadiennes et australiennes ?

M. François Marc . - La commission a entendu plusieurs représentants des agences de notation. Je fais partie de ceux qui estiment que les agences font bien leur travail, mais auraient dû tirer la sonnette d'alarme plus tôt, entre autres, dans l'affaire Enron. Ce texte prévoit que les Etats vont réguler les agences de notation qui, de plus en plus, sont amenées à apprécier leur dette publique - je vous renvoie à l'épisode irlandais il y a deux jours. Bref, il pose avec acuité la question de leur indépendance...

M. Jean Arthuis , président . - A l'occasion des différents travaux du « G24 » et de ceux de la commission, qui s'est déplacée en mission aux Etats-Unis, il est apparu que, pour encadrer les marchés, prévenir les déconvenues et contenir la spéculation, il serait bon de standardiser les produits et de privilégier des chambres de compensation. Où en est-on sur ce dossier au niveau européen ?

Mme Christine Lagarde . - Monsieur de Montesquiou, ces « étranges animaux » ne sont pas en voie de disparition... La créativité financière est-elle un mal en soi ? Non, à condition d'être contrôlée, régulée et, en cas d'abus, sanctionnée. Air France, notamment, a besoin de ces produits pour couvrir ses risques sur le marché pétrolier.

Au sein du G20, monsieur le président Arthuis, nous défendons l'enregistrement des produits dérivés sous la forme de « trade repositories » et la compensation obligatoire sur les chambres de compensation. Pour moi, il est indispensable que nous en ayons une dans la zone euro.

L'indépendance des agences de notation, question soulevée par MM. Montesquiou et Marc, est garantie par la réglementation européenne que nous transposons : il est notamment interdit à une agence de conseiller une entreprise ou un État qu'elle note. Les règles sont très précises afin d'éviter tout conflit d'intérêt. Défendre l'indépendance des agences n'empêche pas de leur imposer des règles de fonctionnement. En matière de pertinence et de qualité des évaluations, des progrès restent à faire. Celles-ci faisaient parfois montre d'une absence de scrupules et de rigueur. Souvenez-vous de la dégradation brutale de la note de la Grèce, malgré le lancement du plan de soutien européen. D'où la nécessité de règles en matière de calendrier et de révision des notations. Enfin, un marché dominé par trois agences de notation, c'est comme un ménage à trois : cela ne fonctionne pas ! Il faudrait agréger certains mécanismes de notation existants, adossés aux banques centrales, pour faire émerger de nouveaux acteurs tels que la Coface.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Qui va noter les notateurs ?

Mme Christine Lagarde . - N'oublions pas que la crise a eu un effet d'accélération...

M. Jean Arthuis , président . - Au fond, mieux vaudrait que les banques et les investisseurs comprennent ce qu'ils achètent sans recourir à des agences...

Mme Christine Lagarde . - Concernant les ventes à découvert, la prise de position de l'Allemagne pose effectivement des problèmes à l'Agence France Trésor et à l'ensemble des opérateurs puisqu'elle a des répercussions sur l'ensemble des titres émis dans la zone euro. C'est pourquoi j'ai fait des propositions à M. Barnier pour que l'écart se réduise entre nos positions : il faut trouver un mécanisme de coordination et d'alerte, au moins entre les membres de la zone euro.

Nous examinons, avec M. le rapporteur général, la question des délais de livraison et j'espère que nous parviendrons rapidement à une solution qui rende hommage à la créativité de votre collègue.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Et qui prendra en compte l'essentiel des préoccupations de Mme Bricq.

Mme Christine Lagarde . - Avec mon arrêté du 5 novembre 2009, la France a été le premier pays à réglementer la rémunération des opérateurs de marché, et je suis déterminée à adapter nos règles à la directive CRD 3 dès qu'elle sera publiée, très prochainement, afin que tout soit en règle au 1 er janvier 2011.

Sur le marché du CO 2 , nous travaillons de concert pour que l'Autorité des marchés financiers dispose des pouvoirs de supervision, de régulation, et, éventuellement, de sanction sur ce marché.

Quant à la taxe bancaire, son dispositif vous sera présenté dans la loi de finances, conformément à l'engagement du président de la République d'éviter toute dispersion des dispositions fiscales.

S'agissant de la révision de la directive de 2003 sur la fiscalité de l'épargne, la France maintient sa demande d'un échange automatisé d'informations entre Etats. Il faut l'unanimité, mais l'Autriche comme le Luxembourg ne sont pas disposés à renoncer à leur régime actuel. La France tente de faire évoluer leur position.

M. Jean Arthuis , président . - La position du Luxembourg devient intenable, quand le président Junker demande à tous les Etats membres de respecter leurs obligations et nous fait les poches...

Mme Christine Lagarde . - S'agissant du calcul des ratios, je vous rejoins, Monsieur Fourcade : les banques canadiennes sont en position de force, pour avoir appliqué rigoureusement leur ratio de levier, ce qui leur fait aborder confortablement les nouvelles normes, alors que les banques européennes doivent lever des dizaines de milliards pour s'y conformer. Notre position, sur ce dossier, est des plus délicates. Nous faisons face, en quelque sorte, à la revanche du superviseur-régulateur, qui veut éviter cette fois-ci d'être mis en cause en cas de pépin !

M. Jean Arthuis , président . - Les prélèvements éventuels sur les banques et les assurances ne vont-ils pas compliquer leur tâche pour renforcer leurs fonds propres ?

Mme Christine Lagarde . - En l'état actuel, ces prélèvements ne les exonèrent pas de leurs obligations de constitution de capitaux. Dans les négociations en cours au comité de Bâle, ce n'est pas prévu.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Et sur les délais ?

Mme Christine Lagarde . - Ils ne sont pas arrêtés, on envisage environ cinq ans, quoique les Britanniques souhaiteraient aller au-delà de 2018.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Nous souhaiterions que le Gouvernement nous informe régulièrement des avancées de la négociation sur ces questions centrales et nous explique sa stratégie, car nous ne pouvons pas nous en tenir aux informations que nous communique la Fédération bancaire française, laquelle ne saurait être neutre. Nous voyons trop souvent ces questions par les yeux des banquiers et, tout en respectant cette profession, nous avons besoin d'une information neutre sur les négociations et les solutions possibles.

Mme Christine Lagarde . - J'accède d'autant plus volontiers à votre requête que je sais combien les agents du Trésor s'attachent à faire primer en tout l'intérêt général et le financement de l'économie française.

M. Jean Arthuis , président . - Où en est-on sur la question de la finance islamique ? Avez-vous progressé, notamment au plan européen ?

Mme Christine Lagarde . - Londres n'a pas le monopole de la finance islamique. En prenant des instructions fiscales appropriées, je crois avoir rempli ma feuille de route pour que Paris puisse être utilisée comme place de la finance islamique.

M. Jean Arthuis , président . - Je vous remercie et j'invite chacun à venir la semaine prochaine pour entendre notre rapporteur général présenter son rapport.

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