EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, présentée par nos collègues Philippe Marini et Yann Gaillard.

Pour la deuxième fois en dix ans, l'évolution des normes européennes conduit la France à revoir l'organisation de son secteur des ventes aux enchères publiques, dans lequel intervenait autrefois exclusivement la profession de commissaire-priseur.

En effet, la loi du 10 juillet 2000 avait engagé une première étape dans la libéralisation des ventes aux enchères publiques en France, afin de satisfaire aux obligations résultant des principes de libre établissement et de libre prestation de services, posés par le Traité de Rome.

La directive « services » du 12 décembre 2006 comporte de nouvelles dispositions visant à faciliter l'exercice de la liberté d'établissement, sur le territoire des Etats membres, par des prestataires communautaires exerçant dans leur Etat d'origine les mêmes activités. Elle favorise également la libre circulation des services et interdit les restrictions fondées sur des conditions de nationalité ou de lieu du siège statutaire pour les personnes morales, ou sur l'obligation d'exercer sous une forme juridique définie.

Aussi cette directive rend-elle nécessaire une adaptation des dispositions du code de commerce régissant les ventes aux enchères, en particulier pour supprimer tout agrément préalable à l'exercice de cette activité, ainsi que toute prescription relative à la forme juridique des sociétés de ventes.

Les Etats membres devaient se conformer à la directive avant le 28 décembre 2009. Notre pays est donc en retard dans la transcription de ce texte, même si le Sénat a engagé ses travaux sur le sujet dès le printemps 2009. La proposition de loi a été adoptée en première lecture par le Sénat le 28 octobre 2009, puis par l'Assemblée nationale le 25 janvier 2011.

Il devient aujourd'hui urgent d'adopter cette réforme, non seulement pour assurer le respect des textes européens, mais pour donner aux opérateurs français du secteur des ventes aux enchères des conditions d'activité plus compétitives.

Dans un marché en pleine recomposition, les opérateurs français ne disposent pas de moyens adaptés pour faire face à une concurrence internationale très forte. L'évolution du cadre juridique des ventes aux enchères conditionne par conséquent le maintien de la place de la France sur ce marché.

La navette parlementaire devrait désormais faciliter un aboutissement rapide, puisque l'Assemblée nationale a très largement souscrit aux orientations retenues par le Sénat en première lecture.

Il apparaît en effet que les deux assemblées s'accordent sur les grands enjeux du texte, qui visent à libéraliser l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques tout en apportant de fortes garanties aux vendeurs et aux acheteurs.

Aussi votre commission a-t-elle seulement adopté quelques modifications visant à assurer un équilibre dans les modalités d'intervention des différents opérateurs des ventes aux enchères.

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Les chiffres clés des ventes volontaires
de meubles aux enchères publiques en 2010
(données communiquées par le Conseil des ventes)

- 393 sociétés de ventes volontaires aux enchères en France (2 % de plus qu'en 2009) ; 590 commissaires priseurs habilités (1,7 % de plus qu'en 2009)

- 20 % des sociétés n'exercent qu'une activité de ventes volontaires, à l'exclusion donc de toute activité judiciaire, part en constante croissance

- 2 175 millions d'euros : le montant total des adjudications (hors frais) en France soit une baisse par rapport à 2009 (- 2,8 %), mais un rebond par rapport au point bas qu'a été 2008 (+ 6,5 %) et une hausse de 12 % par rapport au montant de 2009 si l'on exclut la vente de la collection « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé ». En 2007, le montant des adjudications avait atteint 2 222 millions d'euros.

- Le secteur « Art et objets de collection » représente 52,5 % du montant total des adjudications, une part relative qui a tendance à baisser depuis plusieurs années

- Les 20% de SVV exclusivement « volontaires » réalisent 48,3% du montant total adjugé

- 1 142 millions d'euros : le montant des adjudications pour le secteur « Art et objets de collection » soit - 6,4 % par rapport à 2009 mais + 24 % si l'on exclut la vente de la collection « Yves Saint Laurent et Pierre Bergé »

- 935 millions d'euros : le montant des adjudications pour le secteur « Véhicules d'occasion et matériel industriel » en progression de 2,1 % sur une année

- 98 millions d'euros : le montant des adjudications pour le secteur « Chevaux », en légère baisse de 4,2 %

- Sur les 20 plus importantes sociétés de ventes françaises, 12 sont spécialisées dans les ventes de véhicules d'occasion et matériel industriel

S'agissant de la répartition des sociétés de ventes sur le territoire national, on dénombre :

- 89 SVV à Paris ;

- 39 SVV en région Ile-de-France ;

- 265 SVV dans les autres régions

Les sociétés de ventes volontaires emploient 2 210 salariés (+7,2 % en 2010)

I. L'ACCORD DES DEUX ASSEMBLÉES SUR UNE RÉFORME DÉTERMINANTE POUR LA RELANCE DU SECTEUR DES VENTES AUX ENCHÈRES EN FRANCE

A l'issue de la première lecture, 15 articles ont été adoptés conformes par l'Assemblée nationale. Il reste 36 articles en discussion. En deuxième lecture, votre commission a adopté sans modification 27 articles.

1. Des conditions d'activité plus ouvertes

• Une définition plus ouverte des ventes aux enchères et un régime de déclaration de l'activité

L'Assemblée nationale a adopté sans modification l'article 1 er de la proposition de loi, qui établit le principe de la liberté des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, dans le cadre des dispositions du titre II du livre III du code de commerce.

Elle a validé la définition des ventes aux enchères publiques adoptée par le Sénat en première lecture, en précisant que le bien était adjugé à l'issue d'un procédé de mise en concurrence ouvert au public et transparent (article 2).

Elle a par ailleurs validé la substitution d'un simple régime de déclaration des opérateurs de ventes volontaires au régime d'agrément des sociétés de ventes volontaires (article 6). Ces opérateurs devront seulement porter à la connaissance du public, sur tous documents ou publicités, la date à laquelle ils ont effectué leur déclaration auprès du Conseil des ventes volontaires. La sanction pénale de l'exercice des ventes volontaires sans déclaration préalable remplace par conséquent la sanction de l'exercice de cette activité sans agrément (article 16).

• La possibilité de réaliser des ventes de gré à gré

Les députés ont confirmé la possibilité pour les opérateurs de ventes volontaires de réaliser des ventes de gré à gré (article 7). Pour éviter toutefois que les opérateurs de ventes volontaires ne privilégient la vente de gré à gré, l'Assemblée nationale a précisé qu'ils ne pourraient y recourir qu'après avoir informé par écrit le vendeur de la possibilité de procéder à une vente volontaire aux enchères publiques.

L'Assemblée nationale a étendu l'encadrement de l'achat pour revente à l'activité de vente de gré à gré des opérateurs de ventes volontaires.

Elle a ouvert une nouvelle possibilité d'achat pour revente, lorsque l'opérateur a acquis, après la vente, un bien adjugé, afin de mettre fin à un litige entre le vendeur et l'adjudicataire. L'opérateur pourrait donc se porter acquéreur d'un bien en cas de litige intervenant après la vente. Ce procédé reprend la pratique du « take to house », en vigueur dans les principales places du marché de l'art international, et permettrait de résoudre certaines difficultés.

• Un régime assoupli de « folle » enchère, de vente après la vente ( after sale ) et de garantie de prix

Les députés ont adopté sans modification l'article 15 de la proposition de loi, qui porte de un à trois mois le délai pendant lequel un bien peut être remis en vente dans le cadre d'une « folle » enchère, c'est-à-dire lorsque l'acheteur n'est pas en mesure de payer le bien qui lui a été adjugé.

Le Sénat avait assoupli les modalités de recours à l' after sale , sans les renvoyer pour autant au mandat de vente, mais en supprimant le délai dans lequel la vente de gré à gré doit intervenir, tout en maintenant les conditions assurant l'interdiction de vendre à un prix inférieur à la dernière enchère ou au montant de la mise à prix, obligation d'informer le dernier enchérisseur, s'il est connu (article 12 bis).

L'Assemblée nationale a défini une possibilité de dérogation à ces conditions, en prévoyant que, par avenant au mandat, le vendeur pourrait inscrire, après la vente aux enchères, une stipulation permettant de procéder à la vente de gré à gré du bien non adjugé à un prix inférieur à la dernière enchère portée ou, en l'absence d'enchères, au montant de la mise à prix.

Votre commission souscrit à cette modification.

Par ailleurs, les députés ont confirmé l'assouplissement des modalités de mise en oeuvre de la garantie de prix (article 13). L'opérateur pourra donc proposer cette garantie sans avoir à souscrire un contrat avec une compagnie d'assurance ou un établissement de crédit.

• L'assouplissement des conditions d'exercice des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne

Les députés ont adopté avec de simples modifications rédactionnelles les dispositions relatives aux conditions d'exercice de l'activité de ventes volontaires par les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen (articles 23 bis et 26).

L'Assemblée nationale a par ailleurs adopté sans modification l'article 25 bis de la proposition de loi, qui définit les règles applicables aux prestataires communautaires réalisant des ventes volontaires en France.

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