EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à se prononcer sur la proposition de loi n° 264 présentée par M. Raymond Couderc et plusieurs membres du groupe UMP tendant à modifier la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Ce texte prévoit, d'une part de sanctionner les propos injurieux ou diffamatoires envers les harkis, d'autre part de permettre aux associations chargées de défendre les intérêts moraux et l'honneur des anciens combattants harkis d'exercer, dans le cas d'injure ou de diffamation à l'encontre de cette communauté, les droits reconnus à la partie civile.

I. UNE RECONNAISSANCE PROGRESSIVE DES DROITS DES HARKIS

Les harkis 1 ( * ) ont été, entre 1954 et 1962, les membres des forces supplétives françaises en Algérie. Beaucoup d'entre eux ont payé du prix de leur vie, lors de l'indépendance, leur choix en faveur de l'ancienne puissance coloniale. Ceux qui ont pu gagner la France ont généralement été accueillis dans des conditions très précaires. Comme le relevait M. Alain Gournac lors de l'examen au Sénat de la loi du 23 février 2005, ils ont été installés dans des « hameaux de forestage » ou des « cités urbaines ». Leur nombre demeure mal appréhendé : selon une étude du service central des rapatriés en 1965, il s'élevait alors à 66.000 personnes. En 1997, le nombre de harkis de la première et de la deuxième génération aurait atteint 154.000 2 ( * ) .

• Des contreparties matérielles acquises par étapes

D'abord bénéficiaires de simples mesures d'urgence, les harkis ont obtenu à compter des années soixante dix une reconnaissance plus étendue. En premier lieu, le statut d'ancien combattant et les avantages qui lui sont associés leur a été reconnu en 1977. La loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés, la première, a prévu des mesures spécifiques en faveur des harkis, sous la forme d'une allocation forfaitaire de 60.000 francs.

La loi n° 94-488 du 11 juin 1994 a complété ce dispositif : institution d'une allocation complémentaire de 110.000 francs, mise en place de différentes aides au logement (aide à l'acquisition de la résidence principale, aide à l'amélioration de la résidence principale, aide à la résorption du surendettement résultant d'une opération d'accession à la propriété), aide spécifique aux veuves de harkis.

La loi de finances rectificative du 30 décembre 1999 a créé une rente viagère transformée en allocation de reconnaissance sans condition de ressource par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2002 -le nombre de bénéficiaires doublant presque pour atteindre 12.600.

• Une reconnaissance morale tardive

La reconnaissance morale des sacrifices consentis par les harkis est intervenue plus tardivement.

La loi du 11 juin 1994 a rendu un premier hommage aux harkis : « La République française témoigne sa reconnaissance envers les rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie pour les sacrifices qu'ils ont consentis » (article premier).

Par la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999, le Parlement a reconnu l'état de guerre en Algérie en substituant l'expression « guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc » à celle « d'opérations effectuées en Afrique du Nord ».

Par ailleurs le décret du 31 mars 2003 a instauré la journée d'hommage national aux harkis fixée au 25 septembre de chaque année.

Le décret n° 2003-925 du 26 septembre 2003 a érigé le 5 décembre en journée nationale d'hommage aux morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie. Un an auparavant, le 5 décembre 2002, M. Jacques Chirac, alors Président de la République, inaugurait un mémorial commémorant ces évènements.

La loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés a constitué une nouvelle étape dans cette reconnaissance. Elle comporte deux volets principaux :

- la revalorisation de l'allocation de reconnaissance dont les harkis bénéficient depuis la loi du 1 er janvier 2003 (les titulaires de cette allocation pouvant par ailleurs opter pour le versement d'un capital, en lieu et place de la poursuite du versement trimestriel de l'allocation). Conformément à la jurisprudence relative à l' égalité devant la loi appliquée dans les premières décisions de question prioritaire de constitutionnalité à la cristallisation des personnes 3 ( * ) ou à l'attribution de la carte de combattant 4 ( * ) , le Conseil constitutionnel a estimé que le critère de nationalité retenu pour l'octroi des allocations ou rentes prévues par ce texte ainsi que par les précédentes lois de 1987, 1994, 1999 et 2002, était contraire à la Constitution ;

- l' interdiction de toute injure ou diffamation commise envers les harkis en raison de cette qualité ainsi que de toute apologie des crimes commis envers cette communauté (article 5).


* 1 Mot arabe dérivé de « harka » : expédition ou opération militaire.

* 2 Alain Gournac, rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, n° 104, Sénat, 2004-2005.

* 3 Conseil constitutionnel, n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010.

* 4 Conseil constitutionnel, n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010.

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