III. UNE PROPOSITION DE LOI QUI ORGANISE LE RETOUR DES ATOLLS DE MORUROA ET DE FANGATAUFA AU SEIN DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

A. LE STATUT JURIDIQUE DES ATOLLS ET LES CONDITIONS D'UNE RÉTROCESSION

En 1964, les deux atolls ont reçu la qualité de terrain militaire. Un arrêté du 1 er août 1980 a classé en « zone protégée de défense nationale » 16 ( * ) la partie terrestre des atolls ainsi que la totalité des lagons. Le code pénal punit de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende le fait de s'introduire sans autorisation dans ces zones.

Les anciens sites d'expérimentations nucléaires du Pacifique ont le statut d'installations nucléaires intéressant la défense (INID) , dont le statut est défini par le code de la défense 17 ( * ) .

En particulier, ces installations ne sont pas soumises aux dispositions de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire 18 ( * ) . Elles sont donc dispensées des régimes d'autorisation ou de déclaration prévus par le code de l'environnement (articles L. 214-1 et suivants) et le code de la santé publique (articles L. 1333-4 et suivants).

La délibération de 1964 de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française (voir texte intégral supra ) prévoit la rétrocession du territoire des deux atolls au terme des activités du CEP « dans l'état où ils se trouveront à cette époque, sans dédommagement ni réparation d'aucune sorte de la part de l'État ».

Comme le faisait observer notre collègue député Christian Bataille en 1996, dans son rapport précité fait au nom de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur la gestion des déchets nucléaires, cette cession est une « procédure peut-être légale dans la forme mais quelque peu douteuse quant au fond ».

Une application à la lettre des termes de cette délibération aurait en effet pu conduire l'État à remettre les deux atolls à la Polynésie française en laissant les Polynésiens s'occuper des déchets nucléaires et de l'ensemble des conséquences environnementales des essais.

Ce n'est bien entendu pas le choix fait par l'État, qui assume le suivi des conséquences environnementales des essais. Il est indispensable, en cas de retour des deux atolls à la Polynésie, que l'État conserve la charge de traiter les conséquences des essais nucléaires .

B. LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE LOI

L' article premier prévoit la rétrocession des atolls de Morurua et de Fangataufa au domaine public de la Polynésie française à compter du 1 er janvier 2014. Il dispose que l'État poursuivra la réhabilitation environnementale ainsi que la surveillance radiologique et géomécanique des deux atolls.

L' article 2 interdit toute activité de recherche à des fins militaires sur ces deux atolls, toute infraction étant punie de quinze années de détention criminelle et de 300 000 euros d'amende.

L' article 3 précise que le dispositif de surveillance radiologique et géomécanique de ces deux atolls est assuré par l'État en coopération avec la Polynésie française et les quatre communes environnantes.

L' article 4 prévoit l'intégration des risques environnementaux dans les plans de prévention des risques majeurs en Polynésie française, en coopération avec la Polynésie française et les quatre communes environnantes.

L' article 5 crée une commission nationale de suivi des essais nucléaires, placée auprès du Premier ministre. Sont représentés dans cette commission :

- les ministres chargés de la défense, de la santé et de l'environnement ;

- le président du gouvernement de la Polynésie française ;

- le président de l'Assemblée de la Polynésie française ;

- deux députés et deux sénateurs de la Polynésie française ;

- les maires des quatre communes environnantes.

- les associations représentatives des personnels civiles ou militaires en Polynésie française ;

- les associations de protection de l'environnement.

L' article 6 confie à la commission précitée le suivi des questions relatives à l'environnement des atolls de Moruroa et Fangataufa.

Cette commission assurera également le suivi de la présente loi, ainsi que le suivi des impacts et effets du réchauffement climatique sur la stabilité géomécanique et le relâchement de nucléides radioactifs dangereux.

L' article 7 prévoit un gage en indiquant que les dépenses de l'État résultant des dispositions de cette loi sont compensées par une majoration à due concurrence des droits de consommation sur le tabac.


* 16 Arrêté ministériel du 1er août 1980 portant classement « zones protégées de défense national », publié au Journal officiel de la Polynésie française du 30 septembre 1980, p. 996.

* 17 Articles R*1333-67 et suivants du code de la défense.

* 18 Voir la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, article 2.

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