TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 28 février 2012 , sous la présidence d' Annie David, présidente , la commission examine le rapport en nouvelle lecture de Claude Jeannerot sur la proposition de loi relative à l' organisation du service et à l' information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passager s et à diverses dispositions dans le domaine des transports.

Annie David, présidente, en remplacement de Claude Jeannerot, rapporteur . - Je vous prie de bien vouloir excuser notre rapporteur Claude Jeannerot, retenu à l'étranger par ses obligations de président de conseil général. En première lecture, le 15 février, le Sénat a opposé la question préalable à cette proposition de loi. La commission mixte paritaire, réunie à l'Assemblée nationale la semaine dernière, s'est séparée sur un constat de désaccord. Il y a plusieurs principes sur lesquels la majorité sénatoriale ne peut transiger, au premier rang desquels figure la préservation des droits sociaux des salariés. Ce texte prétend concilier ceux-ci avec les droits des passagers, qui peuvent subir les effets d'une grève. C'est un exercice délicat, dont le résultat nous a paru déséquilibré, plus favorable aux entreprises de transport aérien de passagers qu'à leurs employés.

Deux points nous ont paru particulièrement inacceptables. Tout d'abord, on ne peut envisager de transposer au transport aérien, presque à l'identique, la loi du 21 août 2007 relative au dialogue social dans les transports terrestres car il y a d'importantes différences entre ces deux secteurs. Imposer aux salariés de déclarer à leur employeur leur intention de faire grève quarante-huit heures à l'avance aura pour principal effet de rendre l'exercice du droit de grève plus malaisé. Or la situation souvent précaire des dizaines de milliers de salariés de l'assistance en escale les empêche d'obtenir par la négociation une amélioration de leurs conditions de travail ; leur voix risque de devenir inaudible si, du fait de pressions de leur employeur, ils ne peuvent plus défendre leurs droits par la grève.

Ensuite, obliger, sous peine de sanction disciplinaire, les salariés grévistes ou qui ont fait part de leur intention de faire grève à informer leur employeur, vingt-quatre heures à l'avance, qu'ils renoncent à faire grève ou veulent reprendre le travail, porte atteinte à leur capacité de libre détermination. Cette contrainte serait d'ailleurs inopérante dans le secteur aérien, puisqu'il serait impossible de rétablir l'activité dans un si court délai. Elle pourrait même conduire les salariés à poursuivre la grève un jour de plus, de manière purement artificielle : un salarié qui renoncerait à faire grève un soir ne pourrait pas reprendre son service le lendemain matin. Est-ce vraiment l'intérêt des passagers ?

Les modifications apportées par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture ne suffisent pas à emporter notre adhésion. Il est désormais prévu que le délai de dédit de vingt-quatre heures ne s'appliquera pas « lorsque la grève n'a pas lieu ou lorsque la prise du service est consécutive à la fin de la grève ». Une telle formulation traduit une méconnaissance du déroulement réel des mouvements sociaux dans les entreprises. La « fin de la grève » relève avant tout de la décision de chaque salarié, qui ne dépend pas des décisions syndicales. Insuffisante, aussi, est l'atténuation par les députés de la sanction du manquement à l'obligation d'information en cas de dédit : elle ne s'appliquerait que si le salarié refuse « de façon répétée » de s'y soumettre.

Tous les constats faits par notre rapporteur en première lecture restent valables, sur le fond, la forme et la méthode. Il faut cesser d'opposer systématiquement les salariés aux passagers qui seraient des victimes collatérales d'un désaccord auquel ils sont étrangers. Est-il besoin de le rappeler, la grève n'est pas un choix fait à la légère, mais le dernier recours des salariés lorsque le fil du dialogue social est rompu et que l'employeur refuse de négocier. Je note au passage qu'un accord a finalement été trouvé entre Air France et ses pilotes, ce qui montre que le dialogue social peut aboutir. Cet accord ôte d'ailleurs tout son sens à cette proposition de loi puisqu'il prévoit que les pilotes non grévistes ne pourront pas remplacer les grévistes.

On dit que les pilotes sont des privilégiés. Mais ce texte concerne avant tout les dizaines de milliers d'employés de l'assistance en escale dont la situation contractuelle et salariale est des plus précaire.

Un dernier mot sur la procédure d'adoption à marche forcée de cette proposition de loi, à une semaine de la clôture de la dernière session parlementaire du quinquennat. Comme l'Assemblée nationale n'a pas fait jouer son protocole de consultation des partenaires sociaux, il n'y a pas eu de concertation formelle avec eux, comme c'est l'usage dans notre commission, alors qu'il s'agit d'un texte qui encadre le droit de grève. Le Conseil d'Etat n'a pas eu à rendre d'avis à son propos, alors qu'il soulève de sérieuses questions de constitutionnalité. Enfin, nous ne disposons d'aucune étude d'impact.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que réitérer fermement notre position de première lecture. Le texte transmis par l'Assemblée nationale ne corrige en rien les défauts que nous avions mis en lumière. Je vous propose donc d'adopter la motion tendant à opposer la question préalable.

Isabelle Debré . - Le groupe UMP n'est absolument pas d'accord avec ces arguments et votera contre la motion.

La motion n° 1 tendant à opposer la question préalable est adoptée .

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