C. UN PARTENAIRE PRIVILÉGIÉ DANS UN CONTEXTE INCERTAIN

Jusque dans les années 1950, l'Argentine était l'un des pays les plus riches du monde. Son PIB par habitant la plaçait alors au douzième rang mondial. Après la dictature et les crises financières des années 2000, elle a su se reconstruire 18 ( * ) et reconquérir une place essentielle dans le commerce mondial, forte de ses nombreux atouts. Elle constitue un partenaire privilégié de la France en Amérique latine.

1. Des relations fructueuses

Les relations économiques entretenues par la France avec l'Argentine la place au huitième rang des investisseurs étrangers 19 ( * ) . Quelque deux cents groupes français y sont implantés ou représentés, essentiellement dans les secteurs de l'agroalimentaire 20 ( * ) , de l'automobile 21 ( * ) , de la production d'hydrocarbures 22 ( * ) , de la distribution 23 ( * ) , du tourisme et de l'hôtellerie 24 ( * ) , de la santé 25 ( * ) , des cosmétiques 26 ( * ) et des transports 27 ( * ) . Ces entreprises représentent 65 000 emplois directs.

Il convient de noter que certaines d'entre elles ont été particulièrement affectées par la crise de 2001-2002. La dévaluation ainsi que le gel des tarifs ont remis en cause certains plans d'investissement ambitieux sur le long terme qui avaient été décidés dans un cadre monétaire stable de la parité peso/dollar.

Si peu d'entre elles ont choisi de cesser leurs activités sur place 28 ( * ) , d'autres ont, en revanche, entrepris de soit renégocier leur contrat, soit solliciter l'arbitrage international du Centre international de règlement des différends liés à l'investissement (CIRDI) 29 ( * ) .

En outre, la France est le septième fournisseur de l'Argentine . Cette dernière a absorbé 8,7 % des ventes des entreprises françaises dans cette région, après le Brésil (32,4 %), le Mexique (17,2 %) et la Colombie (11,1 %). Au total, la France conserve un solde excédentaire dans ses échanges avec ce pays de 423 millions d'euros en 2010 30 ( * ) contre 174 millions d'euros en 2009 .

2. ... dans un contexte économique porteur

L'Argentine constitue un partenaire privilégié , compte tenu de son essor économique. Après avoir été confrontée à la crise de 2001-2002 et en dépit de la crise financière internationale de l'automne 2008 31 ( * ) , elle a connu une croissance rapide et stable d'environ 7,5 % en moyenne annuelle, sur la période 2003-2011 , ce qui l'a hissée à la position de deuxième économie de l'Amérique du Sud en 2011.

Cet envol s'explique non seulement par le dynamisme de sa demande intérieure mais surtout par ses exportations , comme l'illustre le graphique ci-dessous.

Exportations et importations de l'Argentine en millions de dollars

Source: Chart byam.Charts.com in Gecodia.fr

En effet, l'augmentation des prix des matières premières agricoles qui représentent 55 % de ses exportations ainsi que le dynamisme de l'économie brésilienne (première cliente de l'Argentine) ont contribué de manière significative à la croissance du pays.

Sa trajectoire de croissance semble, cependant, s'infléchir à la baisse depuis l'an dernier. Après un taux de 9,2 % en 2010 et de 8,9 % en 2011 , celui-ci s'établirait à 3,4 % en 2012 et serait estimé à 3,1 % en 2013 32 ( * ) .

Indicateurs de croissance de l'Argentine

Indicateurs de croissance

2009

2010

2011

2012

2013 e

PIB (milliards USD)

310,35

367,57e

444,61e

474,81e

495,07

PIB (croissance annuelle en %, prix constant)

0,9

9,2e

8,9e

2,6e

3,1

PIB par habitant (USD)

7.733e

9.162e

10.959e

11.573e

11.932

Solde des finances publiques (en % du PIB)

-1,7

-1,0e

-4,2e

-4,9e

-2,3

Endettement de l'Etat (en % du PIB)

58,7

49,2e

44,9e

45,2e

42,8

Taux d'inflation (%)

6,3

10,5e

9,8e

9,9e 33 ( * )

9,7

Taux de chômage (% de la population active)

8,7

7,8

7,2

7,2

7,2

Balance des transactions courantes (milliards USD)

7,54e

2,42e

-0,30e

1,26e

-0,36

Balance des transactions courantes (en % du PIB)

2,5e

0,7e

-0,1e

0,3e

-1,1

Source : FMI - World Economic Outlook Database - dernières données disponibles

(e = estimation )

3. ... mais sous menace protectionniste

Si les relations commerciales franco-argentines s'inscrivent dans un contexte économique globalement favorable, compte tenu du développement du pays, elles sont cependant menacées par les tentations protectionnistes argentines . En effet, grand exportateur de matières premières agricoles, principalement de soja 34 ( * ) et de viande, le pays bénéficie d'un excédent commercial qui constitue la seule voie de financement, en l'absence d'accès aux marchés financiers internationaux.

En effet, le défaut record de 76 milliards d'euros en 2011 a placé l'Argentine, en effet, en marge de la communauté financière 35 ( * ) . Or, son excédent commercial tend se contracter. Il a ainsi été réduit de en 2011 de 11 % par rapport à 2010 36 ( * ) .

Il convient également de mentionner que le pays doit non seulement faire face aux échéances de la dette publique , mais aussi à une baisse des réserves monétaires 37 ( * ) , à la fuite des capitaux, aux pressions inflationnistes ainsi qu'au chômage et à la pauvreté 38 ( * ) .

La tentation protectionniste, à l'instar du Brésil dans les années 1980 , est présente comme l'illustre le plan stratégique industriel 2020 annoncé en 2011. Celui-ci prévoit de diminuer les importations de 45 % d'ici 2020 39 ( * ) . Or, toute initiative protectionniste, voire même informelle, serait non seulement dommageable pour ses partenaires mais également pour le pays lui-même dont le repli conduirait à une certaine asphyxie par manque d'approvisionnement des entreprises argentines.

Rappelons que l'Argentine constitue un acteur essentiel du commerce international , intra zone et hors zone. Ainsi le Mercosur (Paraguay, Brésil et Uruguay) représente 25 % des exportations argentines et 31 % des importations. La part de l'Union européenne dans les exportations argentines est de 17 % et de 16 %, s'agissant des importations.


* 18 Le double mandat de M. Carlos Menem, dans les années 1990, a été caractérisé par la libéralisation de l'économie et d'importantes privatisations. Ses atouts résident dans l'exportation de céréales et de viande. En Amérique latine, elle est le quatrième producteur de pétrole et le premier producteur de gaz. Le développement du secteur primaire s'est corrélativement accompagné de celui du secteur secondaire qui contribue à plus du tiers du PIB. Il concerne essentiellement le conditionnement des aliments (l'emballage de la viande...). Quant au secteur tertiaire, il participe à plus de la moitié du PIB. Investissant dans des services de secteurs de pointe, l'Argentine s'est spécialisée dans le développement de logiciels, des call centers , du nucléaire et du tourisme. Source : Le Moniteur du commerce international (Moci).

* 19 Le stock d'IDE français s'élève à 2,5 milliards d'euros en 2012, contre 4,9 milliards d'euros en 2000.

* 20 Danone, Lesaffre, Louis Dreyfus.

* 21 PSA, Renault.

* 22 Total.

* 23 Carrefour, Casino.

* 24 Accor.

* 25 Sanofi Aventis, Servier.

* 26 L'Oréal, Pierre Fabre.

* 27 Alstom.

* 28 Groupes bancaires, Suez.

* 29 Une dizaine de contentieux sont en cours. Le pays ne reconnaît toutefois pas, dans la pratique, les décisions du CIRDI.

* 30 Ce solde excédentaire est estimé par l'INSEE à 0,5 milliard d'euros en 2011.

* 31 L'économie argentine a connu en 2009 une contraction du PIB en 2009, sous le double effet d'une baisse importante de la demande interne et d'une réduction sensible de la demande externe, qui s'est accompagnée d'une diminution de l'excédent de la balance des paiements courants (autour de l'équilibre) et des finances publiques (déficit de l'ordre de 2 % par rapport au PIB). Hormis cette année là, l'excédent budgétaire argentin a représenté 1,5 % du PIB en moyenne sur la période 2004-2009. Son rebond a été notable. Le pays a affiché un taux de croissance de 9,2 % en 2010 et 8,9 % en 2011 avant de retomber à 3,4 % en 2012.

* 32 Cf . Le Moci.

* 33 L'inflation demeure élevée. Elle est estimée officiellement à 9,9 % mais elle atteindrait 25 % selon l'ensemble des instituts privés qui se basent sur les indices de prix de provinces ayant conservé un instrument de mesure propre.

* 34 L'Argentine est le premier exportateur mondial de produits dérivés du soja. Source : Le Moci.

* 35 L'Argentine a cependant payé sa créance au FMI et a restructuré en deux fois sa dette privée. Des négociations sont en cours depuis décembre 2010 pour le remboursement de la dette publique, dans le cadre du Club de Paris. La résolution en cours de la dette publique argentine devrait ainsi permettre de rétablir l'accès au crédit pour l'Argentine.

* 36 Les exportations ont crû de 24 % tandis que les importations ont augmenté de 31 % en 2010.

* 37 Le pays a besoin de réserves en dollars non seulement pour financer ses politiques publiques mais également pour soutenir sa monnaie, menacée par la fuite des capitaux. A cette fin, la banque centrale intervient en achetant des pesos.

* 38 Il y aurait deux millions de pauvres, selon les données officielles, contre une dizaine de millions, selon les instituts privés.

* 39 Source : Le Moci.

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