N° 525

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 avril 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne présentée par MM. Gérard CÉSAR, Jacques GILLOT et Serge LARCHER, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur le renouvellement du régime fiscal applicable au rhum traditionnel des départements d' outre - mer,

Par M. Gérard CÉSAR,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour, président ; MM. Alain Bertrand, Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient et Roland Ries, vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin et Richard Yung, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Eric Bocquet, Yannick Botrel, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mme Sophie Joissains, MM. Jean René Lecerf, Jean Louis Lorrain, Jean-Jacques Lozach, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca

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Sénat :

448 (2012-2013)

Mesdames, Messieurs,

À la suite des travaux de la délégation du Sénat à l'outre-mer, Jacques Gillot, Serge Larcher et votre rapporteur ont déposé le 28 mars dernier une proposition de résolution européenne tendant à renouveler le régime fiscal applicable au rhum traditionnel des départements d'outre-mer (DOM).

Effectivement, les rhums traditionnels des DOM bénéficient d'un régime fiscal propre, qui facilite leur accès au marché national. Cette aide fiscale a été notifiée dans le cadre des aides d'État et a fait l'objet d'autorisation de la part du Conseil et de la Commission européenne. Or cette autorisation arrive à échéance le 31 décembre 2013.

Le caractère très intégré de la filière canne-sucre-rhum dans ces territoires fait que la fiscalité préférentielle bénéficie aux différents acteurs de cette filière, qui est importante puisque la surface cannière occupe 34 % de la surface agricole utile des DOM. En effet, en application du règlement du Conseil qui a défini en 2008 les boissons spiritueuses dans l'Union européenne, le rhum traditionnel doit être produit uniquement à partir de matières premières locales : ainsi, les producteurs de rhum des DOM doivent se fournir sur place en canne ou en mélasse. Ils ne peuvent donc pas profiter du coût plus bas de la canne ou de la mélasse sur d'autres marchés, parfois subventionnés : ainsi, une distillerie des DOM peut payer sa canne jusqu'à six fois plus cher que ne le font ses homologues brésiliennes. La production est d'autant plus coûteuse dans les DOM qu'elle doit respecter des normes sociales, environnementales et sanitaires. Enfin, l'accès au marché du rhum provenant des DOM est freiné par le prix plus élevé de ses bouteilles : elles sont frappées d'une fiscalité plus élevée, car celle-ci est proportionnelle au volume d'alcool pur, or le volume d'alcool pur dans une bouteille de rhum des DOM est parfois le double de celui que l'on trouve dans les plus petites bouteilles de rhum moins alcoolisé provenant des pays tiers. Cela s'explique notamment par le fait que le rhum est commercialisé dans les DOM par bouteilles d'un litre, alors qu'il l'est dans des bouteilles de 75 cl par de nombreux concurrents des pays tiers.

C'est pourquoi le rhum des DOM ne profite pas autant que les pays tiers et ACP de la croissance mondiale du marché du rhum. C'est pour maintenir l'accès du rhum des DOM au marché national qu'a été mis en place un régime fiscal dérogatoire : le rhum traditionnel produit dans les DOM bénéficie d'un droit d'accise inférieur aux autres alcools.

Cette aide repose sur l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui prévoit la possibilité d'arrêter des mesures spécifiques aux régions ultrapériphériques, notamment en matière de politique fiscale et d'aides d'État, tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces territoires.

Ce régime fiscal dérogatoire est encadré par une décision du Conseil du 9 octobre 2007, complétée par une nouvelle décision du Conseil du 19 décembre 2011, et par une décision de la Commission européenne du 27 juin 2007, au titre des aides d'État.

Ces décisions prévoient notamment que le taux d'accise ne peut être inférieur de plus de moitié à celui pratiqué sur les autres alcools, qu'il s'applique uniquement au rhum traditionnel selon sa définition communautaire et qu'il s'applique dans la limite d'un contingent.

Le montant de l'aide initialement notifié à la commission, en 2007, s'élevait à 66,4 millions d'euros. En 2011, le différentiel de taxation entre le rhum des DOM et celui des pays tiers s'élevait à 42 % et le montant de l'aide à 78,6 millions d'euros.

Cette fiscalité applicable au rhum des DOM a été modifiée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, complétée par la première loi de finances rectificative pour 2012.

Les montants des droits d'accise ont été relevés, ce qui a accru le différentiel au bénéfice du rhum des DOM. Parallèlement, la vignette de sécurité sociale, précédemment assise sur le volume, a été augmentée et assise sur la quantité d'alcool pur, comme le droit d'accise. Elle a également fait l'objet d'un plafonnement à 40 % du droit d'accise, ce plafonnement ne s'appliquant en fait qu'aux rhums traditionnels des DOM.

Ainsi, le différentiel total de fiscalité (droit d'accise et vignette de sécurité sociale) dont bénéficie le rhum des DOM a été porté à 111,4 millions d'euros en 2012.

De ce fait, le montant de l'aide sur le droit d'accise dépasse le cadre de l'autorisation européenne consentie au titre des aides d'État, rendant nécessaire une nouvelle notification. De plus, une nouvelle aide d'État a été créée par le plafonnement de la vignette de sécurité sociale, sans notification préalable : ces mesures ne respectent donc pas les règles de concurrence européennes.

La notification a finalement été envoyée le 7 août 2012 à la Commission européenne. Mais celle-ci remet en cause le montant de l'augmentation de l'aide depuis 2011, qu'elle juge excessif.

Le Gouvernement français a donc transmis une proposition alternative à la Commission européenne le 18 février 2013. Il entend déplafonner la vignette de sécurité sociale, ce qui la rendrait identique pour tous les alcools. Il propose de porter le différentiel du taux d'accise au maximum autorisé par la décision du Conseil, c'est-à-dire 50 %. Enfin, il envisage un mécanisme spécifique pour les petites distilleries, qui seraient les plus touchées par la nouvelle vignette, du fait du haut degré alcoolique de leur production.

Avec un tel dispositif, le montant de l'aide serait ramené à 103 millions d'euros, donc à mi-chemin entre les niveaux de 2011 et de 2012. La délégation à l'outre-mer estime que ce dispositif équilibré permettrait de résoudre le différend avec la Commission pour la période courant depuis le 1 er janvier 2012. Il pourrait donc préfigurer le régime fiscal applicable au rhum des DOM après le 1 er janvier 2014. Ceci permettrait de consolider durablement la filière canne-sucre-rhum qui joue un rôle majeur pour la vitalité économique, l'emploi, le maillage des territoires et même la préservation de l'environnement dans les DOM.

Il est important que nous apportions notre soutien à cette approche. C'est pourquoi il vous est proposé d'adopter sans modification la proposition de résolution européenne qui a été soumise à votre commission.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le mercredi 17 avril 2013 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur M. Gérard César, le débat suivant s'est engagé :

M. André Gattolin . - Cette proposition de résolution ne me pose aucune difficulté sur le fond, mais je reste perplexe devant les paradoxes des mécanismes européens : d'un côté, l'Union européenne apporte une contribution financière et des facilités commerciales aux pays ACP, de l'autre, un État membre fondateur de l'Union européenne, à travers ses départements d'outre-mer, se trouve confronté à la concurrence de ces mêmes pays ACP ; ainsi, l'Union européenne dit vouloir préserver le développement équilibré des territoires, mais soumet les DOM à une politique commerciale qui les met en difficulté. On a le sentiment d'une absence de vue d'ensemble.

M. Philippe Leroy . - Les régions ultrapériphériques de l'Union européenne ont aussi besoin de régimes périphériques. Par leur appartenance au territoire européen, elles sont soumises aux règles européennes. Pourtant, elles sont de fait soumises à la concurrence des pays qui leur sont géographiquement voisins, tels Cuba, qui vendent la canne à sucre à vil prix. Or le tiers des surfaces cultivées dans les DOM sont consacrées à la canne : c'est dire l'enjeu pour ces territoires.

Mme Colette Mélot . - Monsieur le Rapporteur, pouvez-vous préciser quelle est exactement l'importance de la production de canne à sucre dans la production agricole des DOM ?

M. Yann Gaillard . - Du temps où je travaillais à l'Inspection générale des finances, j'ai pu réaliser combien la filière du rhum était vitale pour l'outre-mer.

M. Gérard César . - Pour répondre à Mme Mélot, j'indiquerais que la surface cannière dans les DOM occupe 34 % de la surface agricole utile, soit 40 000 hectares. La concurrence vient des pays alentour qui ne connaissent pas les mêmes conditions sociales et environnementales. Le Gouvernement français est donc obligé de compenser ces contraintes par une aide ; c'est cette différenciation fiscale avec les pays producteurs tiers (Cuba, le Brésil, mais aussi les États-Unis) qui a été accrue.

M. André Gattolin . - Il n'est pas logique que l'Union européenne signe des accords commerciaux bilatéraux avec le Brésil et d'autres États tiers et expose en même temps ses RUP à la concurrence déloyale de ces pays.

M. Gérard César . - L'objectif de cette proposition de résolution européenne est de soutenir le Gouvernement dans ses négociations avec la Commission européenne, qui doivent aboutir sans délai puisque le régime actuel expire fin 2013. J'espère que la commission des finances, à qui cette proposition va ensuite être soumise, pourra se prononcer rapidement.

La commission des affaires européennes a adopté à l'unanimité, sans modification, la proposition de résolution européenne n° 448.

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