Rapport n° 766 (2012-2013) de Mme Michelle DEMESSINE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 16 juillet 2013

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N° 766

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 juillet 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région wallonne du Royaume de Belgique sur l'accueil des personnes handicapées ,

Par Mme Michelle DEMESSINE,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

602 et 767 (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La France et la Belgique ont d'ores et déjà un dispositif conventionnel fort important, notamment en raison de la tradition de mobilité entre les deux pays.

Cette mobilité s'explique par la proximité géographique et linguistique de la Belgique mais aussi, concernant plus spécifiquement l'accord-cadre sur l'accueil des personnes handicapées, du fait du manque de places disponibles dans des établissements en France ainsi que par l'attrait des méthodes belges en matière de prise en charge du handicap.

S'appuyant sur le rapport de Mme Gallez, députée du Nord, de novembre 2008, les ministres français et wallons ont souhaité mettre en place une coopération renforcée qui sécurise l'accueil de ces publics tout en respectant leur libre choix.

C'est la raison pour laquelle des négociations ont été engagées pour aboutir à la signature, le 21 décembre 2011, d'un accord-cadre qui, une fois adopté par le Parlement, permettra d'avoir une meilleure connaissance des flux de personnes handicapées de part et d'autre de la frontière et mettre en place une inspection commune pour assurer un service de qualité et un suivi des personnes handicapées concernées.

I. UN ACCORD-CADRE QUI S'APPUIE SUR UN TRAVAIL DE RÉFLEXION APPROFONDI

L'attention des pouvoirs publics a été appelée il y a quelques années sur la situation des enfants, jeunes et adultes handicapés, contraints de vivre dans les établissements belges faute de place en France.

Le phénomène est apparu suffisamment massif pour que les pouvoirs publics s'en saisissent sans pouvoir mesurer précisément son ampleur, faute de dispositif adapté pour le mesurer.

D'après les premières estimations, environ 6 700 personnes handicapées françaises seraient aujourd'hui accueillies dans les établissements belges :

- environ 1 900 enfants handicapés accueillis en établissements spécialisés et environ 3 000 jeunes enfants accueillis dans l'enseignement adapté belge, originaires en grande majorité des départements frontaliers de la Belgique.

Selon un rapport de l'IGAS de 2005, 42 départements et 17 régions français étaient concernés par ces placements.

- le recensement des adultes handicapés est plus difficile car leur prise en charge relève soit de l'assurance maladie qui ne dispose pas
- comme pour les enfants - de caisse pivot, soit d'un financement par les conseils généraux. Ils seraient environ 1 800.

C'est la raison pour laquelle en 2008, la secrétaire d'État à la solidarité de l'époque avait demandé à Mme Cécile Gallez, députée du Nord, de mener un travail sur les raisons des placements en Belgique.

L'objectif de cette mission était triple : mesurer l'ampleur des efforts à accomplir en France pour développer une offre de places suffisante ; s'inspirer des bonnes pratiques en Belgique pour améliorer qualitativement nos propres prises en charge ; enfin, mettre en place les conditions d'un véritable libre choix pour nos concitoyens.

Les raisons qui conduisent les familles françaises à recourir à cette solution sont apparues plus complexes qu'il n'y paraissait.

La première raison tient à ce que certaines familles ne trouvent pas de place en France et sont obligées d'aller chercher des solutions ailleurs.

Le rapport de Mme Gallez souligne également la tradition d'accueil par les Belges des autistes, des personnes âgées et des jeunes et adultes handicapés français qui est ancienne, tout particulièrement en Wallonie.

En ce qui concerne l'hébergement des personnes âgées, les structures sont, dans l'ensemble, plus petites, plus médicalisées, plus encadrées et plus souples et elles accompagnent davantage qu'en France la personne tout au long de son parcours.

L'étude souligne une plus grande souplesse des établissements, non segmentés comme en France selon l'âge, les différentes catégories de handicap et de statut, une très forte implication des familles, un accompagnement très pragmatique au cas par cas offrant un aspect plus éducatif que médical et un personnel d'encadrement plus polyvalent.

L'étude des structures belges avait conduit la députée à formuler de nombreuses recommandations pratiques, comme la simplification des procédures d'autorisation administrative, pour ouvrir ou rénover un établissement, la formation et la répartition des tâches du personnel soignant.

Cette préférence s'explique également, naturellement, par la proximité géographique et linguistique des deux pays, qui permet aux familles de trouver des solutions près de chez elles.

Par ailleurs, certaines familles françaises préfèrent les méthodes de prise en charge existantes en Belgique. C'est le cas notamment de certaines familles concernées par l'autisme.

Que plusieurs milliers de familles choisissent de placer leurs proches dans des structures géographiquement éloignées de leur domicile est de nature à susciter une réflexion collective sur l'efficacité des politiques publiques mises en oeuvre en France dans le domaine du handicap.

En effet, en dehors du cas des familles qui sont localisées près de la frontière, le recours à des structures belges suppose un éloignement qui est inévitablement une source de longs trajets, souvent mal pris en charge, toujours fatigants, qui créent à terme une distance entre ces familles et leurs proches handicapés ou dépendants. Dans le cas de l'autisme, cette distance ne permet pas une implication quotidienne des familles dans l'accompagnement des enfants alors même qu'il est aujourd'hui reconnu combien cette implication peut être positive. Dans nombre de cas, cet éloignement, qui a été choisi faute de place ou dans l'espoir d'un accompagnement plus adapté, est une source de souffrance.

Du point de vue du financement de la politique du handicap, la situation est également paradoxale.

Du côté français, la sécurité sociale prend en charge des personnes françaises qui pour une large part vont dans des structures privées belges. Ces structures, dont certaines ont été créées pour répondre à cette demande française, vivent ainsi du financement de la sécurité sociale française. A un moment où le gouvernement cherche à redresser la situation de l'emploi, où le chômage grève le financement de la sécurité sociale, le fait de financer ainsi hors de France et parfois loin des familles des structures d'accueil pour les personnes handicapées, dont la qualité est souvent très convenable, mais parfois inégale et en tout cas peu contrôlée, n'est pas satisfaisant.

Du côté Belge cet afflux en provenance de France déstabilise quelque peu le dispositif, notamment quand des familles françaises prennent des places dans des structures publiques financées par l'impôt au moment où certaines familles belges ne trouvent plus de place dans ces mêmes structures.

Enfin l'absence de connaissance des flux et de coordination des structures conduit d'une part à un manque de connaissance des besoins des familles françaises et d'autre part, pour les familles, à une hétérogénéité des procédures et des prises en charge.

A la suite de ce travail de réflexion, les autorités belges et françaises ont affirmé une volonté commune de travailler ensemble, en s'inspirant des bonnes pratiques de chaque côté de la frontière.

Il s'agit d'une démarche inédite dans le champ des personnes handicapées et des personnes âgées.

Les propositions de Mme Gallez s'articulaient autour de quatre priorités que les pouvoirs publics français et belges partagent.

Il est apparu indispensable de mieux connaître les personnes accueillies en Belgique.

Mieux connaître le nombre de personnes handicapées et âgées accueillies sur le sol belge permettra de mieux calibrer l'effort de création de places en France. C'est particulièrement important pour des régions comme le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine ou l'Ile-de-France.

Ainsi donc, il a été décidé de mettre en place une centralisation de l'information sur les personnes âgées dépendantes et handicapées de nationalité française accueillies en Belgique auprès d'une autorité belge et d'une autorité française uniques.

Ensuite, il est apparu nécessaire de faciliter la vie des Français pris en charge en Belgique :

- en mettant en place un dispositif unique de conventionnement et d'autorisation de paiement des prises en charge pour les personnes orientées vers un établissement financé par l'Assurance maladie.

- en invitant, pour les personnes orientées vers un établissement financé par les départements, les conseils généraux qui le souhaitent, à conventionner globalement avec les établissements belges en s'appuyant sur une convention-type qui s'inspirera des bonnes pratiques.

Actuellement, faute de texte spécifique prévoyant la prise en charge des personnes handicapées placées dans des établissements dans un Etat membre de l'Union européenne (Belgique notamment) ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou en Suisse, celle-ci est organisée selon les modalités de remboursement des soins dispensés à l'étranger aux assurés sociaux fixées aux articles R. 332-2 et suivants du code de la sécurité sociale.

L'article R. 332-5 prévoit notamment la possibilité de conclure des conventions entre un établissement de soins étranger et les organismes de sécurité sociale. Une convention générale entre l'assurance maladie et la Belgique existe pour les enfants.

Pour le reste des populations concernées, des conventions sont conclues au cas par cas entre caisses d'assurance maladie et établissements étrangers (hors cas des transfrontaliers).

Sur le champ exclusivement des établissements pour enfants ainsi que pour les jeunes adultes « Creton » originaires de douze départements français maintenus dans ces établissements, la prise en charge s'effectue selon des modalités définies dans les conventions conclues entre les organismes français d'assurance maladie et les établissements belges.

Les dépenses facturées pour les résidents des établissements conventionnés qui relèvent du régime général de sécurité sociale sont centralisées à la CPAM de Roubaix-Tourcoing qui joue le rôle de caisse pivot pour ce régime.

Le montant total des dépenses tous régimes est de l'ordre de 60 M€, dont 1 M€ pour les régimes autres que le régime général.

S'agissant des adultes, la procédure de conventionnement ne leur est pas applicable. Les dépenses étant facturées aux caisses de base dont ils relèvent, il est actuellement impossible de chiffrer le montant de ces dépenses ainsi que la répartition de ces publics entre les différents types d'établissements pour adultes et des dépenses entre assurance maladie et conseil général.

Par rapport à cette situation, le projet d'accord poursuit deux objectifs : une meilleure coordination des échanges de données entre les acteurs français et belges par la mise en place d'une gestion des entrées et des sorties des résidents français par l'AWIPH (agence wallonne pour l'intégration des personnes handicapées) et la retransmission de ces données aux autorités françaises et une coordination plus efficace dans l'inspection des établissements entre les autorités belges et les autorités françaises.

Des réunions techniques seront organisées avec l'AWIPH et les autorités françaises pour délimiter le champ de cette collaboration qui est souhaitée la plus large possible (missions d'inspection communes ou délégation de compétence aux inspecteurs belges), de même que de préciser le cadre juridique de l'accord. Par ailleurs, une facilitation de la vie des Français pris en charge en Belgique va être orchestrée.

En ce qui concerne la qualité des prises en charge dans les établissements, un décret qui encadre le fonctionnement des établissements qui accueillent des personnes très lourdement handicapées a été publié en 2009.

Par ailleurs, le Gouvernement a également demandé à la direction générale de l'action sociale d'entamer la rénovation de l'ensemble des textes qui gouvernent les établissements pour enfants handicapés, pour qu'ils tiennent compte des connaissances nouvelles en matière de bonnes pratiques. Il a enfin décidé d'encourager le développement de nouvelles méthodes de prise en charge, notamment dans le domaine de l'autisme : ces méthodes, déjà pratiquées en Belgique, pourront être mises en oeuvre de façon encadrée et évaluée, dans le cadre de structures expérimentales.

II. UN DISPOSITIF QUI PERMETTRA L'ÉCHANGE D'INFORMATIONS CONCERNANT LES PERSONNES HANDICAPÉES FRANÇAISES RECEVANT DES SOINS EN WALLONIE ET LA MISE EN PLACE DE MISSIONS D'INSPECTION COMMUNES

L'article 1 er présente l'objectif de l'accord-cadre de renforcement de la coopération médico-sociale dans le champ de l'hébergement des personnes handicapées entre la France et la région wallonne du Royaume de Belgique. Les autorités compétentes ont souhaité ce renforcement afin d'assurer un meilleur accompagnement et une prise en charge de qualité des personnes handicapées, de garantir une continuité de cet accompagnement et de cette prise en charge, d'optimiser les réponses aux besoins médico-sociaux en facilitant l'utilisation ou le partage des moyens humains et matériels, et de favoriser l'échange et le transfert de connaissances et de bonnes pratiques.

L'article 2 précise le champ d'application personnel, matériel et territorial de l'accord-cadre, à savoir tous les établissements exerçant légalement leur activité en région wallonne du Royaume de Belgique et servant des prestations à toute personne mineure et/ou majeure reconnue handicapée par l'institution française compétente et bénéficiaire, à ce titre, d'une prise en charge financière accordée selon la législation française. L'article 3 pose les modalités de l'échange d'informations administratives. Il énumère le type de données qui seront échangées et indique l'organisme français chargé de les centraliser et les traiter, à savoir l'Agence régionale de santé (ARS) Nord-Pas-de-Calais.

L'article 3 bis rappelle les principales dispositions en matière de protection des données à caractère personnel également applicables dans le cadre de la mise en oeuvre de cet accord et, en particulier, des dispositions de droit interne propres à chaque État partie à l'accord, notamment d'éventuelles autorisations préalables (Commission nationale de l'informatique et des libertés).

L'article 4 autorise la mise en place d'une inspection commune franco-wallonne pour contrôler les établissements d'accueil. C'est le premier accord-cadre qui permet à des inspecteurs français de pouvoir inspecter sur un autre territoire que le territoire français. Le droit applicable à l'inspection est celui sur le territoire duquel sont prodigués les services. Les modalités pratiques de l'inspection commune seront définies selon les termes d'une convention à conclure entre l'ARS Nord-Pas-de-Calais et l'Agence wallonne pour l'intégration des personnes handicapées. Enfin, l'article 4 fixe un cadre, obligatoire et non exhaustif, des points d'inspection.

L'article 5 prévoit la conclusion d'un arrangement administratif entre les autorités compétentes pour déterminer les modalités de mise en oeuvre de cet accord. Cet arrangement administratif identifie les autorités et/ou organismes compétents de part et d'autre de la frontière, cadre les conditions et modalités d'intervention des structures médico-sociales et des organismes financeurs, pose les modalités de prise en charge financière et d'assurance responsabilité civile et impose la mise en conformité de conventions antérieures à la date d'entrée en vigueur de l'accord-cadre.

L'article 6 ouvre la possibilité, pour les organismes définis dans l'arrangement administratif, de conclure des conventions de coopération.

L'article 7 définit les procédures de prise en charge par un régime de sécurité sociale, à savoir l'application du droit communautaire en vigueur (règlements (CE) n° 883/2004, n° 987/2009 et (UE) n° 1231/10 relatifs à la coordination des régimes de sécurité sociale) pour la mise en oeuvre des conventions mentionnées à l'article 6 de l'accord-cadre ; il prévoit la possibilité d'une tarification spécifique, après autorisation des ministres en charge de la sécurité sociale.

L'article 8 renvoie, en matière de responsabilité, au droit de l'État sur le territoire duquel a été prodigué le service. Il impose la souscription d'une assurance responsabilité civile aux établissements et services médico-sociaux pour leur activité dans le cadre des conventions de coopération.

L'article 9 instaure une commission mixte pour assurer le suivi de cet accord.

L'article 10 concerne l'entrée en vigueur de l'accord.

L'article 11 prévoit une durée indéterminée d'application de l'accord et les modalités de sa dénonciation. Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région wallonne du Royaume de Belgique sur l'accueil des personnes handicapées qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution

III. UNE CONVENTION QUI SOULIGNE LA NÉCESSITÉ D'ACCROÎTRE L'OFFRE DE PLACES EN FRANCE ET OFFRIR AUX FAMILLES D'AUTRES TYPES DE PRISES EN CHARGE QU'ELLES NE TROUVENT AUJOURD'HUI QU'EN BELGIQUE

Cet accord met en exergue l'importance d'accroître l'offre de places en France et d'offrir aux familles une large palette de prises en charge.

La France a pris du retard dans la gestion du handicap et en particulier dans le domaine de l'autisme.

Ce retard, ce sont les familles qui en souffrent et singulièrement les familles les plus modestes. Le quotidien de ces familles qui élèvent des enfants handicapés est particulièrement éprouvant. Les progrès de ces enfants sont des joies quotidiennes, mais également une attention de tous les instants.

Malgré la détérioration des finances publiques, la société se doit d'aider ces familles.

C'est pourquoi, il faut saluer le plan pluriannuel de créations de places en maisons de retraite médicalisées (EHPAD) en cours pour pallier cette insuffisance.

Il va dans le bon sens, même si les moyens restent encore insuffisants pour combler le retard pris.

La mise en oeuvre du programme pluriannuel 2008-2016 de création de places en établissements et services pour personnes handicapées constitue un engagement majeur.

Les principaux objectifs visent la réduction progressive des listes d'attente, l'amélioration de l'accompagnement des handicaps lourds et la prise en compte de l'avancée en âge de la population accueillie en établissements. Les crédits notifiés représentent 39 540 places (soit 1 216.5 millions d'euros).

Au regard des délais de mise en oeuvre, l'ouverture de ces places est échelonnée jusqu'en 2016.

Sur le champ de l'enfance handicapée plus particulièrement, au 31 décembre 2011, on comptait 1 246 IME, représentant 68 736 places (sur un total de 2 222 établissements et 105 817 places) et 1 568 SESSAD pour 44 970 places.

En 2012, 1 582 places nouvelles, dont 986 places de SESSAD ont été autorisées. Au 31 décembre 2012, 15 983 places nouvelles avaient été autorisées entre 2008 et 2012, dont 13 000 places nouvelles avaient été notifiées au titre de la période 2008-2012.

Par ailleurs, l'installation de 23 380 places nouvelles d'établissements et services médico-sociaux pour jeunes handicapés a été programmée d'ici 2016 dans le cadre des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (PRIAC).

Cet accroissement substantiel de l'offre médico-sociale s'accompagne d'évolutions notables.

Ainsi, la part des SESSAD s'accroît, accompagnant l'augmentation de l'accueil en milieu scolaire ordinaire des jeunes élèves handicapés à la faveur de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

De même, comme le montre l'enquête « ES handicap » réalisée par la DREES en 2010 les modalités de l'accueil en établissement se sont diversifiées depuis la précédente enquête réalisée en 2006. Cette diversification dans les caractéristiques de l'accueil se traduit globalement par une baisse de l'internat au profit d'une augmentation de l'accueil de jour. Par ailleurs, dans les IME, la majorité des places restent réservées aux enfants souffrant de déficience intellectuelle ou psychique, mais leur proportion baisse au profit d'une part plus élevée consacrée à l'accueil spécifique d'enfants autistes ou souffrant d'autres troubles envahissants du développement.

Au-delà de l'effort en termes de création de places, il est en effet essentiel d'adapter l'offre médico-sociale pour répondre aux besoins et permettre l'accompagnement personnalisé des jeunes handicapés, conforme à leurs projets et propice à construire leurs parcours de vie, comme y invite la loi du 11 février 2005.

Le Gouvernement souhaite ainsi accompagner l'évolution des structures dans les modalités de prise en charge proposées et mettre au service de la transformation de l'offre et de la recherche d'efficience des structures, l'outil contractuel (contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens), la rénovation des formations des travailleurs sociaux dans le cadre des réflexions engagées en vue des assises nationales.

De la même façon le Gouvernement souhaite appuyer le nécessaire décloisonnement entre les différents intervenants dans l'accompagnement des jeunes handicapés vers leur autonomie et leur inclusion sociale. Cette adaptation passe notamment par la coopération accrue entre les établissements scolaires et les structures médico-sociales afin de favoriser des interventions conjointes et coordonnées au mieux, répondant aux besoins des jeunes.

A titre d'exemple, le plan Autisme prévoit ainsi des mesures orientées tant vers l'accompagnement au changement des structures et leurs professionnels et l'appropriation des recommandations de bonnes pratiques, que vers le développement d'unités d'enseignement en milieu scolaire ordinaire visant à une action précoce coordonnée et décloisonnée. Il est prévu sur la durée du plan autisme la création de 700 places sur ce modèle et l'évaluation du dispositif ainsi développé.

Votre rapporteure se félicite, à ce propos, de la diversification des méthodes de prise en charge reconnues par la haute autorité de santé. Elle souhaite néanmoins attirer l'attention sur la nécessité d'adapter les financements aux besoins des différentes méthodes utilisées, y compris celles mises en oeuvre dans le cadre expérimental.

En 2013, près de 9 milliards d'euros seront consacrés aux établissements et services médico-sociaux pour personnes handicapées au titre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, soit 286 millions d'euros de plus qu'en 2012 (+ 3,3%).

Une part significative de ces moyens ira aux IME. Outre les rebasages, ces crédits supplémentaires se répartissent entre les mesures nouvelles (126 millions d'euros) et la reconduction des moyens des structures existantes (122 millions d'euros), ce qui permettra d'améliorer l'accompagnement offert aux quelque 70 000 enfants accueillis en IME.

S'agissant plus spécifiquement de l'accueil des personnes avec autisme ou autres TED, selon l'enquête ES 2010 de la DREES, on comptait au 31 décembre 2010, 26 700 jeunes autistes accueillis en établissement ou service médico-social, et 48 500 adultes.

Le programme pluriannuel de création de places prévoyait pour l'autisme la création de 1 500 places en établissement pour enfants et 600 places de SESSAD ainsi que la création de 2 000 places de MAS et FAM et le développement des SAMSAH.

Au 31 décembre 2012, au titre du programme pluri-annuel, 4 043 places dont 2 503 places pour enfants étaient autorisées, et 2 757 places dont 1 915 places pour enfants étaient installées.

Les places d'ores et déjà autorisées sur les cinq premières années du programme dépassent les prévisions en matière de SESSAD : 994 places étaient autorisées au 31 décembre 2012, alors que le programme en prévoyait 600 sur toute sa durée. 97 % des places prévues au programme en IME sont également autorisées au 31 décembre 2012.

Compte tenu des 3 166 places dédiées d'ores et déjà inscrites dans les PRIAC 2012-2016 et outre les 700 places consacrées au développement d'unités d'enseignement en milieu scolaire ordinaire mentionnées ci-dessus, le plan autisme 2013-2017 fixe des objectifs de création de places nouvelles : 850 places de SESSAD, 1 500 places pour adultes et 350 places d'accueil temporaire pour enfants, adolescents ou adultes.

Les moyens répondant à ces objectifs ont vocation à être adaptés par les ARS et combinés avec le renforcement et la transformation de l'existant pour répondre aux besoins tels qu'appréciés à travers le diagnostic territorial. La création de places et le renforcement de l'offre médico-sociale dans le cadre du troisième plan autisme devrait représenter un effort de 195 millions d'euros.

Dans le contexte actuel des finances publiques, il convient de rester vigilant. Les promesses faites par le Gouvernement dans ce domaine aux familles, aux associations et aux élus devront être tenues.

Ces crédits doivent avoir un impact très concret sur le quotidien de ces enfants et adultes handicapés.

Votre rapporteure souhaite cependant souligner que même en l'état, ces plans, pour ambitieux qu'ils soient, ne suffiront pas à répondre aux besoins exprimés par les familles. A titre d'exemple, la création de 850 places de SESSAD de 2013 à 2017 pour toute la France aboutira, si la planification est respectée, à 170 places par an, soit, pour une région comme le Nord-Pas-de-Calais, moins de 20 places par an !

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 16 juillet 2013 sous la présidence de M. Jean-Louis Carrère, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a procédé à l'examen du présent projet de loi.

Mme Michelle Demessine, rapporteure . - Monsieur le Président, mes chers collègues, vous m'avez chargée de rapporter devant vous une convention relative à la coopération entre la France et le gouvernement de la région wallonne du Royaume de Belgique sur l'accueil des personnes handicapées. Cela peut paraître étonnant de devoir passer un accord international avec la Wallonie. Mais nous assistons depuis plusieurs années à une situation assez paradoxale : un nombre croissant d'enfants, de jeunes ou d'adultes handicapés sont contraints d'aller vivre dans des établissements belges, faute de place en France et aussi, il ne faut pas se le cacher, en raison de l'attrait des établissements belges réputés pour leur accueil et leur prise en charge du handicap et notamment de l'autisme.

Quelle est l'ampleur du phénomène ? C'est difficile de le savoir faute d'un dispositif adapté pour le mesurer. C'est d'ailleurs l'un des objets de la convention. On estime environ à 6.700 personnes handicapées françaises aujourd'hui accueillies dans des établissements belges. Ces familles vont chercher en Belgique des places disponibles, des structures qui sont dans l'ensemble plus petites, plus médicalisées, plus encadrées, et plus souples. Il y a en Belgique une véritable tradition de l'accompagnement des personnes handicapées et singulièrement des autistes. Ce phénomène est évidemment facilité par la proximité et la langue, il ne concerne cependant pas seulement les départements riverains, mais selon les données disponibles, plus de 42 des départements français.

Que plusieurs milliers de familles choisissent de placer leurs proches dans des structures géographiquement éloignées de leur domicile a suscité la perplexité, parce que c'est souvent une source de souffrance pour ces familles de se couper d'un enfant, c'est une cause de longs trajets, souvent mal pris en charge, en plus dans le cas de l'autisme, ces distances ne permettent pas une implication quotidienne des familles dans l'accompagnement des enfants, alors que l'on sait que la présence des parents est nécessaire aux progrès des enfants.

Du point de vue du financement de la politique du handicap, la situation est également paradoxale. Du côté français la Sécurité sociale prend en charge des familles françaises, qui s'adressent pour une large part à des structures privées belges. Certaines de ces structures ont été même créées pour répondre à cette demande française. Autrement dit, on a un secteur privé qui se développe en Belgique grâce au financement de la Sécurité sociale française. A un moment où le gouvernement cherche à redresser la situation de l'emploi, où la montée du chômage grève le financement de la Sécurité sociale, la situation est pour le moins paradoxale.

Ces établissements sont de qualité souvent très satisfaisante mais parfois inégale, et en tout cas, peu contrôlées. Un des objets de cette convention est de créer des inspections communes avec les autorités belges.

Du côté belge, cet afflux en provenance de la France déstabilise quelque peu le dispositif belge, dans certains cas les familles françaises s'adressent à des structures publiques belges financées par l'impôt alors que certaines familles belges ne trouvent plus de place dans ces structures.

Dans ce contexte, cet accord permet premièrement un échange de données sur les personnes accueillies en Belgique, cela permettra notamment de mieux estimer le besoin de places en France, et deuxièmement de faciliter la vie des Français pris en charge en Belgique en mettant en place un dispositif unique de conventionnement pour les personnes financées par l'Assurance maladie, et une convention type pour les personnes financées par les conseils généraux. On espère que cela permettra à terme à la fois de simplifier les procédures et de réduire les inégalités de prise en charge. Cet accord permet troisièmement une coordination dans l'inspection des établissements entre les autorités belges et françaises. Nos inspections permettront d'épauler les inspections belges pour s'assurer de la qualité de la prise en charge, notamment dans le secteur privé.

Cet accord, qui a été préparé par un travail de réflexion de Mme Gallez en 2008, va dans le bon sens. Nous avons toutes les raisons de le voter.

Il faut souligner que, à l'origine de ce phénomène il y a le manque de places en France. Le gouvernement actuel, comme le gouvernement précédent, essaie de remédier à la situation avec un plan pluriannuel de création de places. Il faut bien savoir que la France a pris beaucoup de retard dans le domaine du handicap et notamment dans le domaine de l'autisme et dans le domaine de l'accueil des personnes âgées. Derrière ce retard, il y a la souffrance des familles. Nous vivons évidemment une période difficile sur le plan budgétaire, mais il y a dans ce domaine des besoins considérables.

Sous réserve de ces observations, que j'aurais voulu évidemment plus longues, car je pense qu'il y a là un vrai sujet, si je m'en tiens à l'examen de cette convention internationale, je ne peux que vous recommander de l'adopter.

Je souhaite néanmoins que l'on adresse à la commission des affaires sociales un message pour qu'elle suive avec attention l'application de cette convention.

M. Daniel Reiner. - Je savais que ce phénomène concernait la Lorraine mais j'ignorais qu'elle touchait également d'autres départements. Cette situation met en lumière la faiblesse de notre capacité d'accueil des handicapés, mais aussi des personnes âgées. Nombre de retraités vont s'installer dans des maisons en Belgique, qui sont bien meilleur marché.

M. Jean-Louis Carrère, président . -Le coût et la qualité des EPAD dépendent très largement de la politique menée par les départements. Dans les Landes, une politique volontariste du conseil général a conduit à une réduction substantielle du prix de journée pour des établissements de très bonne qualité.

M. Alain Gournac. - Dans mon département où j'ai eu la responsabilité de ces dossiers, nous avons construit de nombreux établissements sans pouvoir pour autant répondre à l'intégralité de la demande. Force est de constater que les maisons de retraite belges sont 15 à 17 % moins chères.

M. Gilbert Roger. - J'observe la même situation en Seine-Saint-Denis. Il n'y a pas assez de places pour accueillir les handicapés et les autistes. Nous avons construit un équipement destiné à ces derniers après 7 ans de pure négociation avec les administrations. Nous avons même dû affronter l'opposition des riverains. Ce sujet sensible mériterait un véritable débat national.

M. Alain Néri. - La France doit créer des accueils de qualité pour les personnes dépendantes, les handicapés et les autistes à des prix convenables. Nous avons un retard considérable dans ce domaine. En revanche, la réussite de la politique de maintien à domicile a permis, il faut le reconnaître, de repousser l'âge moyen d'entrée dans les maisons de retraite. Mais nous sommes maintenant confrontés à un nouveau problème. Avec une entrée vers les 86 ans dans des maisons de retraite, ces personnes âgées ont elles-mêmes des enfants à la retraite, avec un pouvoir d'achat limité et des difficultés de financement sensibles. La commission des affaires sociales du Sénat devrait suivre ce sujet avec attention et nous devrions pouvoir avoir le débat national sur la dépendance que le Président de la République s'était engagé à ouvrir.

M. André Vallini. - Il me semble que François Hollande a déjà indiqué que ce débat s'ouvrirait à l'automne.

M. Marcel-Pierre Cléach. - Dans mon département, j'ai pu, grâce à la double casquette de responsable de l'Office HLM et de responsable des politiques en faveur des personnes âgées, favoriser la création d'établissements de qualité à des prix convenables.

M. Jean-Claude Peyronnet. - La difficulté c'est moins le financement de l'investissement que les coûts de fonctionnement.

M. Jean-Louis Carrère. - C'est vrai. D'ailleurs le prix de journée varie du simple au double selon les départements.

Mme Michelle Demessine. - La question de l'autisme et celle des personnes âgées ne doivent pas être confondues. Les problématiques sont différentes, les modalités de financement le sont également. Je suis heureuse que cette convention ait été l'occasion d'un débat sur ce thème. Ce débat doit être pris en charge par la commission des affaires sociales. En attendant, je vous invite à adopter cette convention sous une forme simplifiée de façon à accélérer sa ratification.

Puis la commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.

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