Rapport n° 777 (2012-2013) de Mme Catherine TASCA , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 juillet 2013

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N° 777

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juillet 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi organique portant actualisation de la loi 99 - 209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle - Calédonie (procédure accélérée) et sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (procédure accélérée),

Par Mme Catherine TASCA,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

718, 719, 778 et 779 (2012-2013)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 17 juillet 2013, sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président , la commission des lois, après avoir entendu le 16 juillet 2013 M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, a examiné le rapport de Mme Catherine Tasca sur le projet de loi organique n° 719 (2012-2013) portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et le projet de loi n° 720 (2012-2013) portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

Après avoir rappelé le contexte politique, économique et social de la Nouvelle-Calédonie, la rapporteure a présenté le projet de loi organique dont elle a précisé qu'il s'inscrivait dans l'esprit de l'Accord de Nouméa. Souscrivant aux principes de cette réforme, la commission a néanmoins adopté 12 amendements proposés par sa rapporteure.

Sous réserve de précisions ou d'aménagements, la commission a donc approuvé ces dispositions dont celle permettant à la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes dans ses domaines de compétences. Elle a cependant prévu d'inscrire au sein de loi organique le principe selon lequel leurs membres devraient bénéficier de garanties d'indépendance et qu'ils seraient nommés par arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie après une confirmation par un vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du congrès de la Nouvelle-Calédonie, leur mandat devenant alors irrévocable sauf empêchement ou manquement à leurs obligations constatés par leurs pairs ( article 1 er ). En outre, la commission a rappelé par une disposition expresse la compétence de l'État pour encadrer l'action des autorités administratives indépendantes locales.

Sous réserve des observations de sa rapporteure s'agissant de la ratification d'ordonnances portant sur des matières dont la compétence ne relevait plus à ce jour du ressort de l'État ( article 1er ), la commission a également adopté le projet de loi en le complétant par trois articles dont un issu d'un amendement de M. Daniel Raoul ( article 3 ), ouvrant aux communes calédoniennes la faculté de participer à des sociétés publiques locales.

La commission des lois a adopté le projet de loi organique et le projet de loi ainsi modifiés.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Conformément au droit de priorité que l'article 39 de la Constitution confère au Sénat pour l'examen des projets de loi relatifs à l'organisation des collectivités territoriales, notre assemblée est saisie d'un projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999, constituant ainsi la dixième réforme du statut de la Nouvelle-Calédonie issu de l'Accord de Nouméa conclu le 5 mai 1998.

Pour votre commission, elle est l'occasion de veiller à l'effectivité du processus de l'Accord de Nouméa, à la faveur notamment des récentes transferts de compétences en matière d'enseignement du second de degré, de sécurité civile ou, depuis le début de ce mois de juillet, en matière de droit civil et droit commercial.

En effet, prenant la suite des accords de Matignon-Oudinot signé en 1988 entre les forces politiques indépendantistes et loyalistes sous l'égide des autorités gouvernementales, l'Accord de Nouméa confère à la Nouvelle-Calédonie un statut particulièrement autonome au sein de la République. Cette collectivité sui generis est ainsi régie par les dispositions du titre XIII de la Constitution introduites par la révision du 20 juillet 1998, ce qui a pour effet d'encadrer strictement la liberté d'appréciation du législateur organique.

Socle commun du consensus local sur la question institutionnelle, l'Accord de Nouméa constitue la « feuille de route » des institutions calédoniennes que l'État lui-même se doit se respecter, ses orientations ayant acquis, par la volonté du constituant, valeur constitutionnelle.

Dans ce cadre, le processus calédonien est inédit au sein de la République et se justifie par la nécessité de réussir le pari du destin commun. Au terme de ce processus, après le transfert de l'ensemble des compétences non régaliennes, se posera la question de l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie qu'il appartiendra au corps électoral de trancher.

Dans l'attente de l'achèvement du processus de l'Accord de Nouméa, le législateur organique est appelé à actualiser le statut afin de prendre en compte les souhaits de modification des acteurs calédoniens exprimés, à la lumière de la pratique quotidienne, auprès du Premier ministre lors de la réunion du Xème comité des signataires le 6 décembre 2012.

I. LA NOUVELLE-CALÉDONIE : UNE STABILITÉ INSTITUTIONNELLE RETROUVÉE DANS UN CLIMAT SOCIAL TENDU

Le statut de la Nouvelle-Calédonie a connu des évolutions importantes depuis la fin de la seconde guerre mondiale qui a marqué le début d'un processus de décolonisation qui se poursuit désormais par la politique de rééquilibrage et de réforme foncière. Ces mécanismes de correction doivent permettre de répondre aux antagonismes passés pour construire le « destin commun » qu'appelle de ses voeux le préambule de l'Accord de Nouméa.

Évolution historique du statut de la Nouvelle-Calédonie

A partir de 1942, les États-Unis avaient fait de la Nouvelle-Calédonie une importante base logistique, où plusieurs centaines de milliers de soldats américains, australiens et néo-zélandais ont séjourné. De nombreux néo-calédoniens ont combattu dans le bataillon du Pacifique et les Forces françaises libres.

A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, la Nouvelle-Calédonie connut deux changements aux fortes répercussions. Tout d'abord, la Nouvelle-Calédonie cesse d'être une colonie, pour devenir un territoire d'outre-mer (TOM). Elle gardera ce statut de 1946 à 1998. Ensuite, les Kanak ne sont plus soumis au code de l'indigénat 4 ( * ) et deviennent des citoyens. Le régime de sanction spécifique à ce code est supprimé, de même que les réquisitions et périodes de travail obligatoire et les limitations à la liberté de circuler. Les Kanak bénéficient cependant de la reconnaissance d'un statut civil particulier. L'application du droit commun aurait en effet conduit à la disparition de l'organisation et des règles coutumières, éléments fondamentaux de la culture mélanésienne.

Au cours de l'après-guerre, le débat politique est dominé par l'Union calédonienne (UC), alliance pluriethnique et autonomiste fondée en 1956.

Face à l'affirmation de la revendication indépendantiste, le courant loyaliste, favorable au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République, s'organise avec la création en 1978, par Jacques Lafleur, du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR).

Les forces indépendantistes se fédèrent quant à elles, en 1984, autour du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), dirigé par Jean-Marie Tjibaou.

La Nouvelle-Calédonie connaît au cours des années 1970 et 80 de nombreux changements de statut, par lesquels le Gouvernement, accordant une autonomie tempérée, espère limiter la progression des idées indépendantistes. Les pouvoirs publics nationaux mettent également en oeuvre des réformes structurelles. La réforme foncière conduit à des tensions et à des violences.

En juillet 1983, une table ronde est organisée à Nainville-les-Roches, dans l'Essonne, sur l'évolution du territoire, avec les élus et le conseil des grands chefs coutumiers. La déclaration commune adoptée à l'issue de cette rencontre exprime la « volonté commune des participants de voir confirmer définitivement l'abolition du fait colonial » et envisage de « préparer une démarche vers l'autodétermination qui sera le fait du peuple calédonien ». Un nouveau statut est alors préparé et voté en mai 1984, mais les tensions s'exacerbent à l'approche des élections territoriales. La Nouvelle-Calédonie entre alors dans une période de crise particulièrement grave. Le débat sur l'accès à l'indépendance se radicalise et les tensions entre les communautés s'accentuent.

Entre 1984 et 1988, la Nouvelle-Calédonie a connu quatre des huit statuts successivement adoptés depuis 1946, date de son accession au statut de territoire d'outre-mer. Cette succession de statuts éphémères s'est accompagnée de violences, qui ont atteint leur paroxysme lors de l'embuscade de Hienghène le 5 décembre 1984, au cours de laquelle sont abattus dix Kanak, dont deux frères de Jean-Marie Tjibaou, et de la prise d'otages d'Ouvéa le 22 avril 1988, qui fait quatre victimes parmi les gendarmes, deux parmi les forces d'intervention et dix-neuf parmi les Kanak.

Ce drame conduit les pouvoirs publics à engager un rapprochement entre les communautés et les forces politiques de Nouvelle-Calédonie. Le Premier ministre, M. Michel Rocard, dépêche alors une mission chargée de renouer le dialogue entre le FLNKS et le RPCR et d'élaborer une solution. Cette mission du dialogue parvient tout d'abord à convaincre les protagonistes que la seule issue réside dans la négociation.

Les discussions se poursuivent à Paris entre les délégations conduites par Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur. Elles aboutissent le 26 juin 1988 à une déclaration commune signée à l'hôtel Matignon par le Premier ministre, huit représentants du RPCR et cinq représentants du FLNKS. Le 20 août 1988 intervient l'accord Oudinot, qui fixe le principe d'une consultation sur l'autodétermination à échéance de dix ans et organise un nouvel équilibre institutionnel .

Le nouveau statut découlant des accords de Matignon est soumis à un référendum national le 6 novembre 1988 ; malgré un faible taux de participation, le « oui » l'emporte avec 80 % des suffrages exprimés.

La mise en oeuvre des accords de Matignon permet le rétablissement de la paix civile et donne à la Nouvelle-Calédonie des institutions stables.

Aussi les protagonistes sont-ils convaincus, à l'issue de la période de dix ans, de la nécessité de préserver ces acquis, en repoussant une consultation référendaire sur l'autodétermination susceptible de raviver les antagonismes.

Source : Rapport d'information n° 593 (2010 - 2011) de MM. Christian Cointat et Bernard Frimat, au nom de la commission des lois, Nouvelle-Calédonie : le pari du destin commun - 8 juin 2011

A. UNE STABILITÉ INSTITUTIONNELLE RETROUVÉE

L'actualité politique de la Nouvelle-Calédonie a été marquée en 2011 et 2012 par une forte instabilité gouvernementale qui a nécessité la modification de l'article 121 de la loi organique du 19 mars 1999 par celle n° 2011-870 du 25 juillet 2011 1 ( * ) . Depuis lors, le cycle d'instabilité s'est achevé et le gouvernement devrait se maintenir jusqu'au prochain renouvellement général du congrès lors des élections provinciales de mai 2014.

Le fonctionnement du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, émanation des différentes formations politiques siégeant au sein du congrès de la Nouvelle-Calédonie, est sous-tendu par la logique de la collégialité et du consensus, fidèle en cela à l'esprit de l'Accord de Nouméa.

L'affaire des « deux drapeaux » a conduit à la chute du précédent gouvernement présidé par M. Philippe Gomès depuis 2009. En janvier 2011, des élus de l'Union calédonienne ont ainsi reproché à M. Gomès d'être opposé au choix, initié par M. Pierre Frogier, des deux drapeaux, tricolore et kanak, comme emblème de la Nouvelle-Calédonie.

Les gouvernements successifs du printemps 2011 ont été bloqués dans leur fonctionnement par la démission systématique des membres du gouvernement issus de la formation politique de M. Gomès, Calédonie Ensemble. Face à cette situation, à la suite d'une résolution adoptée le 1 er avril 2011 par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, le législateur organique a modifié l'article 121 de la loi organique pour empêcher les démissions à répétition en prévoyant que si les membres d'un groupe politique ont démissionné en bloc, provoquant la démission du gouvernement, ce mécanisme ne peut plus jouer dans un délai de dix-huit mois. L'actuel gouvernement, élu le 10 juin 2011 et présidé par Harold Martin, est toujours en fonction.

B. UNE PROBLEMATIQUE GRANDISSANTE AUTOUR DE LA « VIE CHÈRE »

La Nouvelle-Calédonie bénéficie d'une économie en plein développement ; essentiellement grâce aux ressources minières dont elle dispose. Avec une croissance soutenue en 2012, le PIB par habitant de la Nouvelle-Calédonie est ainsi supérieur à celui de la Nouvelle-Zélande. L'activité économique est principalement soutenue par l'exploitation et la transformation du nickel, le territoire disposant à lui seul d'un quart des ressources mondiales de ce minerai. À titre d'illustration, en 2008, l'activité « mines et métallurgie » employait directement près de 5,3 % des emplois salariés de l'archipel et représentait plus de 11 % du PIB néo-calédonien, sans compter ses effets indirects sur l'activité économique.

En revanche, la contrepartie de cette situation est une forte dépendance du secteur économique à la volatilité des cours du nickel sur le marché mondial, comme l'a rappelé l'année 2008 et le laissent pressentir les perspectives pour 2014.

Malgré la richesse produite, les difficultés sociales se sont fait jour ces dernières années en raison des particularités de l'économie locale dues à l'insularité de ce territoire et des fortes disparités sociales.

S'agissant des inégalités sociales, la Nouvelle-Calédonie est marquée par une situation plus dégradée qu'en métropole. En prenant en compte, l'indice de Gini 2 ( * ) , la Nouvelle-Calédonie se situe à un niveau intermédiaire (0,32), moins égalitaire que la France (0,42), l'Australie (0,35) et la Nouvelle-Zélande (0,36) de même que Mayotte (0,46) ou Wallis-et-Futuna (0,50).

Sur la structure de l'économie locale, la faible population qu'elle accueille au regard des pays voisins tels que l'Australie et la Nouvelle-Zélande conduit à maintenir la Nouvelle-Calédonie à l'écart des circuits de distribution. Ajouté à des habitudes de consommation tournées vers les produits métropolitains et à des frais de transport maritime ou aérien, ce facteur explique le niveau moyen des prix particulièrement élevé, certains observateurs évoquant le syndrome d'une « économie de comptoir ». Ce phénomène a pu être aggravé par une fiscalité grevant les importations.

Comme le soulignait notre collègue Hilarion Vendegou, sénateur de la Nouvelle-Calédonie, lors de son audition, le niveau élevé des prix est d'autant plus mal vécu pour les produits de première nécessité, notamment au sein des îles Loyauté, de l'île des Pins ou des îles Belep où des difficultés d'acheminement peuvent rendre encore plus délicat l'approvisionnement des denrées.

Cette situation a abouti à des mouvements sociaux en mai 2013 qui se sont traduits par un mouvement général de grève et à des blocages notamment du port de Nouméa. Un sommet social réunissant les syndicats et le patronat aux côtés du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et sous l'égide de l'État a permis d'aboutir à la signature d'un protocole d'accord le 27 mai 2013. Il est prévu une baisse immédiate de 10 % des prix sur 300 produits alimentaires et d'hygiène et sur 200 produits non alimentaires selon des listes établies conjointement entre l'intersyndicale, les distributeurs, les fournisseurs. De même, la liste des produits à marge contrôlée a été étendue à l'ensemble des produits qui bénéficient d'une exonération totale de droits et taxes à l'importation, les représentants des entreprises s'engageant sur la disponibilité de ces produits jusqu'au 31 décembre 2014, et à défaut, à leur remplacement.

En outre, le gel des prix à compter de la signature du protocole, et jusqu'au 31 décembre 2014, de l'ensemble des produits et services offerts en Nouvelle-Calédonie hors alcool, tabacs et boissons et produits sucrés a été décidé, sous réserve de strictes dérogations.

Le protocole prévoit enfin d'autres mesures nécessitant l'adoption de délibération de la part du congrès de la Nouvelle-Calédonie pour compenser les coûts de surenchérissement des produits du fait des coûts de transport du fret hors de l'agglomération de Nouméa, réformer les structures administratives de contrôle des prix et les obligations d'information des entreprises sur les prix qu'ils pratiquent.

Ces mesures répondent à une attente sociale forte qui s'est exprimée pacifiquement. Sur le long terme cependant, la lutte contre la vie chère nécessite des réponses structurelles que le présent projet de loi organique propose justement de rendre possible. En effet, mandaté par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, l'Autorité de la concurrence nationale a dressé, dans ses rapports 3 ( * ) du 21 septembre 2012, un diagnostic qui a confirmé les obstacles à la libre concurrence. Comme le soulignait M. Bruno Lasserre, lors de son audition, les handicaps structurels sont maintenus et renforcés par des comportements anti-concurrentiels comme la « tentation de l'entente ».

II. L'ACTUALISATION DU STATUT DE LA NOUVELLE-CALEDONIE

Aux côtés du projet de loi organique, le Gouvernement a déposé un projet de loi contenant un article unique permettant la ratification de huit ordonnances, prises sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution ou dans le cadre d'une habilitation législative au titre de l'article 38 de la Constitution, concernant plusieurs collectivités ultramarines.

En revanche, le projet de loi organique ne contient que des dispositions relatives à la Nouvelle-Calédonie, le législateur organique intervenant au titre de l'article 77 de la Constitution.

Certaines dispositions contenues au sein de ce projet de loi organique reprennent, sous réserve de modifications marginales, des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel lors de l'examen de la loi n° 2011-918 du 1 er août 2011 pour défaut de lien avec le texte en discussion 4 ( * ) . Faisant pour la première fois et jusqu'à maintenant de manière inédite application de cette règle sur un texte organique, le juge constitutionnel avait estimé ces dispositions comme des « cavaliers » au regard de l'objet du texte centré uniquement sur les institutions de la Polynésie française à l'exclusion de toute autre collectivité ultramarine.

Ce projet de loi organique permet donc à notre assemblée d'examiner sereinement ces dispositions qui, introduites à l'Assemblée nationale en première lecture à la faveur d'amendements, n'avait permis au Sénat de les examiner que dans le cadre de la commission mixte paritaire et de la lecture de ses conclusions devant notre assemblée, en raison de l'engagement de la procédure accélérée.

A. LA CRÉATION DE NOUVELLES STRUCTURES EN NOUVELLE-CALÉDONIE

Mesure principale de ce projet de loi organique, la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes dans le champ de ses compétences lui serait reconnue ( article 1 er ). À la suite de l'adoption d'une loi du pays, une autorité administrative indépendante pourrait se voir reconnaître des pouvoirs de règlementation, de sanctions et d'investigation, ce qui justifie le recours au législateur organique.

Créée par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, chaque autorité administrative indépendante disposerait d'un budget et de moyens affectés par la Nouvelle-Calédonie et pourrait conclure une convention avec les autorités indépendantes nationales pour l'exercice de ses missions.

Parallèlement, pour faciliter l'action en matière de gestion des services publics locaux, la Nouvelle-Calédonie et les provinces seraient autorisées, à côté des sociétés d'économie mixte, à créer des sociétés publiques locales, sur le modèle existant en métropole ( article 13 ), ce qui constituerait une réponse à des demandes des élus calédoniens.

B. LA CLARIFICATION DES COMPÉTENCES ET LA RECONNAISSANCE DE PRÉROGATIVES AUX AUTORITÉS CALÉDONIENNES

Sans bouleverser la répartition de compétences qui a, au demeurant, une assise constitutionnelle, via l'Accord de Nouméa, il est proposé de la clarifier en consacrant explicitement la compétence de la Nouvelle-Calédonie et plus spécialement du congrès de la Nouvelle-Calédonie en matière de règlementation des « éléments de terres rares » ( article 4 ) et précisant le pouvoir de police administrative spéciale en matière de circulation routière du président de l'assemblée de province sur le domaine provincial ( article 3 ).

A la suite des derniers transferts de compétences à la Nouvelle-Calédonie, il est proposé de renforcer les moyens juridiques de la Nouvelle-Calédonie pour les exercer en reconnaissant au président du gouvernement un pouvoir de police administrative générale, dans le respect de celui accordé à d'autres autorités locales, ainsi qu'un pouvoir de réquisition ( article 2 ).

C. L'AMÉLIORATION DU FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS CALÉDONIENNES

Plusieurs dispositions organiques proposées visent à faciliter le fonctionnement des institutions calédoniennes sans remettre en cause les équilibres institutionnels.

Ainsi, le conseil économique et social serait dénommé, à l'image de celui au niveau national depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, conseil économique, social et environnemental ( article 5 ) sans supprimer néanmoins le comité consultatif de l'environnement.

Dans un souci de souplesse dans la gestion quotidienne des affaires publiques, des dispositions existantes généralement dans le droit commun des collectivités territoriales sont étendues aux autorités locales. Il en est ainsi de la possibilité pour l'assemblée de province de déléguer son pouvoir à son président pour passer les marchés publics ( article 8 ), de la subdélégation de signature du président de la Nouvelle-Calédonie aux agents de son administration ( article 2 ) ou encore de la consécration du règlement intérieur du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui existe actuellement mais n'a pas de force juridique opposable ( article 9 ). De même, pour prendre en compte l'évolution technologique, la version électronique du journal officiel de la Nouvelle-Calédonie serait valable pour la publication des actes ( article 11 ).

Enfin, plus formellement, le projet de loi organique contient des dispositions de précision ( article 7 ), visant à remplacer des mentions qui devraient devenir obsolètes ( article 6 ) ou levant des ambiguïtés rédactionnelles ( article 10 ).

D. L'ACTUALISATION DES RÈGLES ADMINISTRATIVES ET FINANCIÈRES EN NOUVELLE-CALÉDONIE.

Tirant les conséquences à la fois des transferts de compétence ayant emporté transferts d'établissements publics et de la mise en place d'instruction budgétaire et comptable M52 en Nouvelle-Calédonie, plusieurs dispositions organiques complètent le cadre financier de la Nouvelle-Calédonie et des provinces : dérogation à l'obligation de dépôt des fonds auprès du Trésor public ( article 12 ), affectation du résultat excédentaire ( article 15 ), dépenses obligatoires inscrites au budget ( article 16 ), règle de l'adoption en équilibre réel des budgets annexes pour les services publics industriels et commerciaux ( article 15 ), ouverture anticipée des crédits d'investissement par l'ordonnateur ( article 17 ), raccourcissement du délai d'organisation du débats d'orientation budgétaire au sein du congrès de la Nouvelle-Calédonie ( article 18 ).

Dans le même esprit, un cadre budgétaire et comptable spécifique et adapté aux établissements publics d'enseignement de second degré relevant désormais de la Nouvelle-Calédonie serait fixé par voie règlementaire ( article 19 ).

Enfin, seraient étendues à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces les dispositions leur permettant d'assurer le contrôle des organismes percevant des subventions de leur part et la transparence de l'usage de cette subvention par cet organisme ( article 14 ).

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : UNE ADAPTATION MESURÉE ET ATTENDUE DU STATUT DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Votre commission s'est montrée favorable dans son principe aux dispositions contenues au sein du projet de loi organique, consciente de la nécessité de revoir ponctuellement le statut de cette collectivité pour prendre en compte les difficultés pratiques qui naissent du fonctionnement normal de ces institutions. La démarche consensuelle de simplification et d'actualisation du droit qu'elle a récemment approuvée en métropole ne peut exclure la Nouvelle-Calédonie, ce à quoi procède le présent projet de loi organique.

Tout en souhaitant conserver la spécificité de l'organisation institutionnelle de l'archipel, votre commission a ainsi approuvé, sous réserve de modifications d'ordre rédactionnel, les dispositions qui, s'inspirant du droit commun des collectivités territoriales, faciliteraient l'activité régulière des institutions calédoniennes.

Votre commission s'est montrée plus particulièrement attentive à la création en Nouvelle-Calédonie des autorités administratives indépendantes et des sociétés publiques locales.

S'agissant du pouvoir reconnu à la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes, il ouvre la voie pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie à la création prochaine d'une autorité locale de la concurrence largement souhaitée au sein des formations politiques calédoniennes. Plutôt que d'inscrire une telle autorité administrative indépendante au sein de la loi organique, ce qui revenait pour l'État à intervenir dans des domaines de compétences transférées de manière définitive à la Nouvelle-Calédonie, le projet de loi organique propose une disposition générale qui paraît d'autant plus sage qu'elle laisse ouverte la création d'autres autorités administratives indépendantes. Votre rapporteure songe ainsi à la mise à place éventuelle d'un Conseil supérieur de l'audiovisuel local lorsque, en application de l'article 27 de la loi organique, la communication audiovisuelle aura été transférée.

Sans ignorer les difficultés juridiques et pratiques liées à la mise en place d'une autorité administrative indépendante, votre rapporteure est consciente des espoirs suscités par l'annonce de la création d'une autorité indépendante locale en charge de la concurrence et que les députés et sénateurs de la Nouvelle-Calédonie, entendus par votre rapporteure, n'ont pu que confirmer. Cette mesure prolonge, dans son esprit, la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer qui avait créé des outils juridiques pour lutter contre la vie chère dans les départements d'outre-mer 5 ( * ) . Dans le cas présent, l'État n'étant plus compétent en matière de régulation économique, il donne les moyens à la Nouvelle-Calédonie de mettre en place un arsenal juridique équivalent au sein de ce territoire.

Lors de son audition par votre rapporteure, M. Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence a confirmé l'existence, au sein d'archipels proches de la configuration de la Nouvelle-Calédonie, d'autorités en charge de la régulation économique disposant d'un collège restreint de membres souvent recrutés, au regard de leurs compétences, à l'extérieur de l'île. L'exemple de Maurice ou de l'Islande démontre qu'environ une vingtaine d'agents sont nécessaires pour assister les membres qui composent cette autorité indépendante. Ces précédents démontrent que la création d'une telle autorité est donc réalisable pourvu que la volonté politique, que votre rapporteure a pu mesurer dans le cadre de ses auditions, soit confirmée.

Votre commission estime que cette volonté locale doit trouver un relais nécessaire dans la détermination de l'État à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans cette voie. S'il est conforme à l'Accord de Nouméa que l'État n'interfère pas dans les compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie, votre commission n'en est pas moins convaincue qu'il joue un rôle de gardien des grands équilibres posés par l'Accord. Cette appui de l'État devrait se traduire naturellement par l'adoption du cadre législatif nécessaire pour conférer aux autorités indépendantes nationales que la Nouvelle-Calédonie souhaiterait créer, à commencer par celle en matière de concurrence, les prérogatives utiles à ses missions (prérogatives devant la justice, pouvoirs coercitifs, etc.).

Dès à présent, votre commission a souhaité apporté des gages de cette indépendance en exigeant, au niveau de la loi organique, que la création de cette autorité administrative indépendante s'accompagne de garanties sur son indépendance effective. Pour renforcer la légitimité de ses membres, elle a également prévu une procédure de confirmation des nominations par un vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du congrès de la Nouvelle-Calédonie à la suite d'une audition publique des candidats. En outre, elle a prévu que les membres de ces autorités seraient irrévocables pour la durée de leur mandat sauf constat d'empêchement ou de manquement à leurs obligations par leurs pairs.

En complément, il appartiendrait à la Nouvelle-Calédonie d'adopter les actes nécessaires pour créer un droit de la concurrence opérationnel dont l'autorité administrative indépendante serait le « bras armé ». Au-delà des structures, la question de la mise à niveau du droit est donc essentielle comme le relevait M. Bruno Lasserre, lors de son audition, prenant pour exemple la nécessité de relever le montant des sanctions pécuniaires plutôt que de privilégier des sanctions pénales peu opérationnelles. À cet égard, la Nouvelle-Calédonie a adopté, après une seconde délibération, une loi du pays le 25 mai 2013 renforçant la législation contre les comportements anti-concurrentiels 6 ( * ) .

Enfin, votre commission a pleinement approuvé, sous réserve d'une meilleure articulation entre la loi organique et la loi ordinaire, l'extension en Nouvelle-Calédonie de la société publique locale dont la création en 2010 sur le plan législatif relève d'une initiative de notre collègue Daniel Raoul.

En conclusion, votre commission s'est donc attachée à donner les moyens juridiques à la Nouvelle-Calédonie et, plus largement aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, de poursuivre le processus engagé par l'Accord de Nouméa.

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi organique et le projet de loi ainsi modifiés.

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

Article 1er (art. 27-1 [nouveau] de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Création d'autorités administratives indépendantes par la Nouvelle-Calédonie

L'article 1 er introduit, au sein du titre II relatif aux compétences de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, un article 27-1 qui autorise, de manière générale, la Nouvelle-Calédonie à créer des autorités administratives indépendantes, l'article 99 de la loi organique étant complété pour rappeler la compétence du congrès de la Nouvelle-Calédonie pour ce faire.

Cet article fait écho à l'article 30-1 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 qui prévoit des dispositions similaires pour la Polynésie française depuis la loi n° 2011-918 du 1 er août 2011 que le Conseil constitutionnel n'avait pas censuré lors de l'examen de conformité à la Constitution de cette loi organique.

L'autorité administrative indépendante ainsi créée devrait assurer des « missions de régulation » dans un secteur qui relève uniquement de la compétence de la Nouvelle-Calédonie, à l'exclusion donc de celles de l'État, des provinces 7 ( * ) et des communes. L'instauration de cette autorité administrative indépendante serait opérée par une loi du pays qui déterminerait alors l'organisation, la composition et les règles de fonctionnement de cette autorité sous réserve des compétences de l'État, notamment en matière de procédure pénale, d'organisation judiciaire et de libertés publiques.

Une telle disposition est née de la volonté exprimée localement par plusieurs formations politiques de créer une autorité indépendante en matière de concurrence qui ne soit ni un simple service de la Nouvelle-Calédonie, ni une commission administrative consultative dépourvue de tout moyen d'action, ce qui appelait l'intervention du législateur organique. Ce voeu a été formellement renouvelé à l'occasion du X ème comité des signataires de l'Accord de Nouméa qui s'est tenu en décembre 2012 à Paris auprès du Premier ministre.

Si, dans l'immédiat, cette disposition organique devrait permettre d'installer une autorité administrative indépendante en charge de la concurrence (concentration des activités économiques, contrôle des prix, lutte contre les ententes et les abus de position dominante, etc.), elle a vocation à connaître d'autres applications.

Comme le confirmait le Conseil d'État dans son avis du 22 décembre 2009, rendu à la demande du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, l'intervention du législateur organique se justifie dès lorsqu'il est prévu de conférer à cette autorité indépendante des pouvoirs coercitifs et normatifs qui dérogent ainsi à la répartition de compétences entre les organes de la Nouvelle-Calédonie. En revanche, les autorités administratives indépendantes ainsi créées ne constitueraient pas des institutions de la Nouvelle-Calédonie au sens de l'Accord de Nouméa mais simplement un démembrement de la Nouvelle-Calédonie de la même manière que les autorités administratives indépendantes nationales forment un démembrement fonctionnel de l'État.

Au demeurant, à la différence des autorités publiques indépendantes, les autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie ne disposeraient pas de la personnalité juridique, leur budget étant d'ailleurs constitué de crédits de fonctionnement inscrits au budget de la Nouvelle-Calédonie, ce qui constituerait pour la collectivité une dépense obligatoire même si le montant de cette dotation n'est pas garanti au sein de la loi organique.

Pour exercer les missions qui leur seraient confiées par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, chaque autorité administrative indépendante disposerait d'un pouvoir décisionnel, y compris sur le plan règlementaire, ainsi que d'un pouvoir de sanction, d'investigation et de règlement des différends. Le pouvoir règlementaire ainsi conféré n'interviendrait que par dérogation à l'article 126 de la loi organique qui fonde le pouvoir règlementaire de droit commun confié au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Cette faculté laissée au congrès de la Nouvelle-Calédonie ne peut s'exonérer des exigences constitutionnelles développées par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence relative aux autorités indépendantes nationales qui pourrait être transposable aux autorités indépendantes locales.

S'agissant du pouvoir règlementaire, le Conseil constitutionnel, estime que le transfert du pouvoir règlementaire de l'autorité de droit commun - au niveau national, le Premier ministre - vers une autre autorité ne peut s'opérer qu'à « la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu 8 ( * ) ». Cette réserve trouve à s'appliquer dans le cas présent dans la mesure où, telle la loi dérogeant à l'article 21 de la Constitution, la loi du pays créerait une exception à l'article 126 de la loi organique fondant la compétence règlementaire du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

De même, le pouvoir de sanction d'une autorité indépendante n'est possible que « dans la limite nécessaire à l'accomplissement de sa mission 9 ( * ) » et que « si la sanction susceptible d'être infligée est exclusive de toute privation de liberté et [...] l'exercice du pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis 10 ( * ) », ces mesures devant être adoptées, en Nouvelle-Calédonie, par les autorités compétentes en fonction de la répartition de compétences opérées par la loi organique entre l'État et la Nouvelle-Calédonie.

Enfin, les pouvoirs d'investigation et de règlement des différends ne peuvent se concevoir que dans le respect des compétences exclusives de l'autorité judiciaire, seule gardienne de la liberté individuelle en application de l'article 66 de la Constitution.

Enfin, par un complément apporté à l'article 203 de la loi organique, les autorités administratives indépendantes pourraient conclure des conventions avec les autorités administratives indépendantes nationales alors que cette faculté est réservée actuellement et depuis la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009, à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces.

Votre commission a approuvé l'architecture générale proposée par le Gouvernement, tout en souhaitant cependant préciser les conditions d'intervention mutuelle de l'État et de la Nouvelle-Calédonie. Sur ce point, votre commission a scrupuleusement respecté la répartition prévue par la loi organique et qui découle de l'Accord de Nouméa.

Adoptant un amendement de sa rapporteure, votre commission a ainsi précisé que les membres désignés au sein d'une autorité administrative indépendante devraient bénéficier de garanties d'indépendance. Loin d'être purement tautologique, cette précision vise à intégrer au sein de la loi organique un fondement juridique prévoyant expressément l'obligation tant pour la loi que la loi du pays de respecter cette exigence organique, pouvant éventuellement fonder une censure du juge constitutionnel en cas de garanties insuffisantes apportés à cette indépendance structurelle de ses membres. Pour votre rapporteure, il serait particulièrement dommageable qu'une autorité indépendante, tout en se parant de ce nom, ne dispose en réalité d'aucune caractéristique qui lui garantisse cette indépendance : cet amendement souhaite donc conjurer cette hypothèse.

Dans le même esprit, votre commission a adopté un autre amendement de sa rapporteure énonçant que chaque autorité indépendante locale doit exercer ses missions et les prérogatives qui s'y attachent dans le respect des compétences de l'État prévues au 1° et 2° du I de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999, ce qui vise plus particulièrement les libertés publiques et l'organisation judiciaire. Aussi, appartiendrait-il à l'État d'intervenir pour parfaire le cadre légal encadrant l'action de chaque autorité administrative indépendante en prévoyant notamment les prérogatives des autorités administratives indépendantes lorsqu'elles peuvent porter atteinte au respect du domicile, de la vie privée ou de la liberté individuelle mais également les voies de recours contre les décisions de ces autorités ou les procédures de transmission et de saisine de l'autorité judiciaire par ces autorités.

Enfin, un dernier amendement adopté par votre commission à l'initiative de sa rapporteure fixe une procédure de nomination transparente et suffisamment transpartisane, de par la majorité qualifiée qu'elle requiert, pour asseoir la légitimité des futurs membres des autorités administratives indépendantes. Chaque candidat présenté par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie devrait ainsi, avant sa nomination, être confirmé, après une audition publique, par une majorité qualifiée d'au moins trois cinquième des suffrages exprimés au sein du congrès de la Nouvelle-Calédonie pour être nommé. S'inspirant de la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution, ce mécanisme s'en distingue cependant en ce qu'il exige une majorité d'approbation de la candidature présentée et non une majorité de refus pour repousser la candidature. En cela, il respecte l'esprit de l'Accord de Nouméa fondée sur un principe constant de collégialité et de consensus.

Par parallélisme, votre commission, suivant sa rapporteure, a précisé que les membres des autorités administratives indépendantes ainsi nommés, ne seraient pas révocables au cours de leur mandat sauf en cas d'empêchement ou de manquement à leurs obligations, y compris déontologiques en matière de conflits d'intérêts par exemple, ces exceptions devant alors être constatées par les autres membres de l'autorité à l'unanimité.

Votre commission souhaite ainsi qu'à la suite de ces précautions, l'autorité locale de concurrence, qui nourrit beaucoup d'espoirs, soit instaurée sans qu'un soupçon ne puisse naître sur son indépendance effective.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 (art. 134 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Pouvoir de police administrative et de réquisition du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et possibilité de subdélégation de signature de ses actes

Modifiant l'article 134 de la loi organique, l'article 2 confère de nouveaux pouvoirs au président du gouvernement.

Tout d'abord, il est prévu que pour les matières relevant de la compétence de la Nouvelle-Calédonie, il dispose d'un pouvoir propre comme autorité de police administrative générale sans préjudice, logiquement, du pouvoir de police explicitement conféré à d'autres autorités par la loi organique.

De surcroît, le président du gouvernement se verrait explicitement reconnu un pouvoir de réquisition qui s'avère incontournable dans la perspective du transfert de la compétence en matière de sécurité civile à la Nouvelle-Calédonie prévue au 1 er janvier 2014. En effet, comme le relève l'étude d'impact jointe au présent projet de loi organique, « l'État ne disposant pas en propre de moyens aériens de lutte contre l'incendie en Nouvelle-Calédonie est amené à réquisitionner des hélicoptères appartenant à des sociétés privées ». Cette précision apparaît donc particulièrement utile pour permettre l'adoption, en situation de crise, de décisions qui ne nécessitent pas une délibération collégiale au sein du gouvernement.

Ensuite, cet article reprend une disposition censurée en 2011 par le Conseil constitutionnel pour défaut de lien avec le texte en discussion lors de son adoption par l'Assemblée nationale par voie d'amendement. À l'exception de l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire, le Sénat n'a ainsi jamais réellement examiné cette disposition.

Cette disposition permet aux agents de l'administration de la Nouvelle-Calédonie ayant reçu délégation de signature du président du gouvernement de la déléguer à leur tour pour « tous les actes relatifs aux affaires pour lesquelles [ils] ont reçu délégation ». Une telle autorisation est nécessaire au regard du principe selon lequel il ne saurait y avoir de délégation sans texte.

La délégation et a fortiori la subdélégation de signature n'est pas un acte anodin puisqu'il autorise le délégataire ou le subdélégataire à signer au nom et pour le compte du délégant sous sa surveillance, ce dernier devant être en mesure d'en contrôler l'usage afin d'en tirer les éventuelles conséquences pouvant aller jusqu'à son retrait. C'est pourquoi la délégation est encadrée rationae materiae et généralement réservée aux agents titulaires de fonctions d'encadrement. La surveillance du délégant est plus mal aisée s'agissant d'une subdélégation puisque la délégation de signature passe par un intermédiaire ayant lui-même consenti une délégation de second rang.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 134 de la loi organique autorise une délégation pour l'ensemble des pouvoirs du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en limitant cependant cette faculté de délégation « au secrétaire général, aux secrétaires généraux adjoints, aux directeurs, aux directeurs adjoints, aux chefs de service et aux chefs de service adjoints ainsi qu'aux agents publics occupant des fonctions au moins équivalentes » mais sans limitation de périmètre. Le présent article du projet de loi organique propose de permettre une subdélégation qui ne connaîtrait de limitation ni dans son périmètre, ni dans le champ des bénéficiaires. Ainsi, la subdélégation permettrait formellement à tout agent de l'administration de la Nouvelle-Calédonie de signer tous les actes relevant du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Même si la subdélégation est un élément de souplesse dans la gestion administrative quotidienne et que son usage serait certainement encadré par le président de la Nouvelle-Calédonie, votre commission estime qu'à l'instar des dispositions équivalentes au sein des administrations centrales ou des administrations des collectivités territoriales, cette faculté doit être encadrée car elle nuit au contrôle politique sur l'action administrative, multipliant sans limite les centres de décision possibles. Cette question est d'autant plus sensible au sein du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dont le fonctionnement est imprégné par la collégialité, ce qui implique que le président du gouvernement puisse directement rendre compte de l'usage de ses prérogatives.

Aussi, votre commission a adopté un amendement de sa rapporteure précisant que la subdélégation ne peut porter que sur des actes dont la liste est déterminée par décret. Il appartiendrait au pouvoir règlementaire de resserrer le champ de la subdélégation, au besoin par une définition négative écartant du champ de la subdélégation les actes les plus importants incombant au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (comme le pouvoir de réquisition que crée le présent article).

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 (art. 173 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Pouvoir de police de la circulation du président de l'assemblée de province sur le domaine routier provincial

Modifiant l'article 173 de la loi organique, l'article 3 précise les pouvoirs propres du président de l'assemblée de province en matière de gestion du domaine appartenant à la province. Il lève ainsi une ambiguïté qui pourrait résulter de la combinaison de plusieurs dispositions législatives, l'article 22 de la loi organique confiant à la Nouvelle-Calédonie la règlementation de la circulation routière et des transports routiers tandis que l'article L. 131-3 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie confère aux maires un pouvoir de police de la circulation à l'intérieur des agglomérations.

Or, en sa qualité de gestionnaire du domaine provincial que lui confère actuellement le premier alinéa de l'article 173 de la loi organique, le président de l'assemblée de province dispose de pouvoirs de police spéciale sur le domaine routier, sans préjudice des compétences précitées.

Adopté par votre commission, un amendement de sa rapporteure a simplifié la rédaction de cette disposition.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 (art. 22, 40, 41, 42 et 99 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Compétence de la Nouvelle-Calédonie en matière d'éléments de terres rares

Modifiant plusieurs dispositions de la loi organique statutaire, l'article 4 a pour but de préciser la compétence de la Nouvelle-Calédonie dans le domaine minier en indiquant que son pouvoir de règlementation porte également sur les « éléments de terres rares » et que ces règles sont édictées par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, y compris sous forme de loi du pays, après consultation, le cas échéant, du comité consultatif des mines et du conseil des mines prévus respectivement aux articles 41 et 42 de la loi organique.

Cette précision ne présente aucune incidence sur la compétence d'application de la règlementation édictée en la matière (attribution de permis de recherche, de concessions d'exploitation, etc.) et qui relève des provinces en application de l'article 20 de la loi organique. De manière générale, cette disposition n'emporte aucun transfert de compétence qui devrait alors s'insérer dans le cadre constitutionnel des orientations de l'Accord de Nouméa. Le juge constitutionnel a ainsi admis, à l'occasion de l'examen de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009, qu'une modification rédactionnelle dans la répartition des compétences qui n'avait « ni pour objet ni pour effet d'opérer un transfert de compétence en matière de défense non militaire » respectait dès lors l'accord de Nouméa.

Tel est le cas en l'espèce puisque les « terres rares », dont l'importance stratégique s'est récemment révélée, forme un groupe de métaux aux propriétés voisines dont il est admis qu'il se compose du scandium, de l'yttrium, du lutécium et des quinze lathanides, selon l'étude d'impact jointe au présent projet de loi. Votre commission relève que cette précision est propice à la sécurité juridique dans la seule mesure où l'expression de « terres rares » s'entend selon cette définition objective, ne prêtant ainsi pas à des interprétations multiples et à des conflits de compétence que le présent article se propose justement d'éviter.

Votre commission adopté l'article 4 sans modification .

Article 5 (art. 153 et 155 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Dénomination et compétence du conseil économique social et environnemental

A l'instar de la modification de dénomination adoptée à l'article 69 de la Constitution lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l'article 5 propose de modifier l'intitulé du conseil économique et social au profit de conseil économique, social et environnemental.

En conséquence, sans modifier l'effectif total de 29 membres de cette instance, il est proposé d'étendre le périmètre des personnalités qualifiées qui le composent aux personnes représentatives en matière de protection de l'environnement.

Outre un amendement rédactionnel, votre commission a adopté un amendement de sa rapporteure poursuivant la logique ainsi engagée et prévoyant que le conseil économique, social et environnemental est consulté également sur les projets ou proposition de textes portant sur la matière environnementale. Comme pour les textes en matière économique ou sociale, la consultation serait obligatoirement sollicitée par les autorités de la Nouvelle-Calédonie sur les projets de loi du pays ou de délibération du congrès tandis que la consultation serait une simple faculté pour les assemblées de provinces, le sénat coutumier ou le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour les autres catégories de projets ou de propositions. La faculté ouverte aux assemblées de province est d'autant plus justifiée dans la mesure où l'environnement relève de leur compétence. Ce faisant, votre commission a ainsi souhaité répondre à une réserve soulevée par le congrès de la Nouvelle-Calédonie dans son avis du 24 juin 2013 sur le présent projet de loi organique.

Votre rapporteure entend néanmoins poursuivre sa réflexion sur l'articulation entre le comité consultatif de l'environnement prévu, depuis 1999, à l'article 213 de la loi organique et le conseil économique, social et environnemental doté de sa nouvelle compétence en matière environnementale ainsi que sur la date d'entrée en vigueur de la modification de la composition du conseil économique, social et environnemental.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 6 (art. 125 et 163 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Plafond des indemnités mensuelles des membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et des assemblées de province

L'article 6 actualise une référence aux articles 125 et 163 de la loi organique qui traitent des indemnités dues au titre du mandat respectivement des membres du gouvernement et des membres des assemblées de province.

Cette indemnité fixée respectivement par le congrès et l'assemblée de province est calculée par référence au montant du traitement « de chef d'administration principal de première classe », référence à laquelle il est proposé de substituer celle de traitement « le plus élevé dans le corps les plus élevé du cadre d'administration générale de la Nouvelle-Calédonie ». Cette modification supprimerait ainsi la mention d'un corps qui est actuellement en cours d'extinction.

Ce changement aurait pour effet, selon l'estimation contenu au sein de l'étude d'impact jointe au présent projet de loi organique, une hausse des indemnités de 1 300 euros environ, par mois, pour chaque membre du gouvernement et de l'ordre de 1 000 euros pour chaque membres d'assemblée province.

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .

Article 6 bis (nouveau) (art. 78 et 163 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Indemnités de fonction du président de la commission permanente du congrès de la Nouvelle-Calédonie et des vice-présidents des assemblées de province

Introduit par votre commission à l'initiative de sa rapporteure, l'article 6 bis réintroduit des mentions supprimées lors de l'adoption de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle Calédonie et de Mayotte, à l'initiative de l'Assemblée nationale. Cette suppression a eu pour effet de priver le président de la commission permanente du congrès de la Nouvelle-Calédonie et les vice-présidents des assemblées de province de leurs indemnités de fonction.

En 2009, les trois présidents des assemblées de province, par un courrier commun, ont ainsi sollicité le rétablissement de ces dispositions qui permettaient, comme dans le droit commun des collectivités territoriales, de verser une indemnité aux vice-présidents d'une assemblée délibérante dont le rôle est d'autant plus important que leur nombre, pour les provinces de la Nouvelle-Calédonie, est limité à trois par l'article 161 de la loi organique du 19 mars 1999.

Votre commission a adopté l'article 6 bis ainsi rédigé .

Article 7 (art. 138-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Précision sur l'incompatibilité entre les fonctions de sénateur coutumier et de membre du conseil économique, social et environnemental

Modifiant l'article 138-1 introduit par la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009, l'article 7 apporte une précision à l'incompatibilité qu'il fixe entre la fonction de sénateur coutumier et de membre du conseil économique et social qu'il est désormais proposé de dénommer conseil économique, social et environnemental par l'article 5 du présent projet de loi organique.

En effet, l'article 153 de la loi organique prévoit parmi les 39 membres du conseil, la présence ès-qualité de deux sénateurs désignés par le sénat coutumier en son sein. Or, cette disposition déroge expressément et nécessairement à l'incompatibilité édictée à l'article 128-1. L'articulation serait mieux assurée par la disposition proposée qui, sans être absolument indispensable, participe à l'intelligibilité du texte organique.

Votre commission a adopté l'article 7 sans modification.

Article 8 (art. 177-1 [nouveau] 177-2 [nouveau] et 177-3 [nouveau] de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Pouvoir de délégation du président de l'assemblée de la province pour la passation des marchés publics

Introduisant trois nouveaux articles après l'article 177 de la loi organique, l'article 8 facilite la passation des marchés publics provinciaux en ouvrant plusieurs voies de délégation de pouvoir de l'assemblée de province à son président.

En effet, actuellement, à défaut de disposition organique expresse, l'assemblée de la province exerce la compétence en matière de passation des marchés publics en vertu de sa compétence de droit commun s'agissant des affaires provinciales prévue par l'article 177 de la loi organique.

L'article proposé a été censuré par le Conseil en 2011 pour défaut de lien avec le texte organique au sein duquel il avait été introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, le Sénat n'ayant donc connu de cette disposition que lors de la commission mixte paritaire et de la lecture de ses conclusions.

Ainsi, le président de l'assemblée de la province pourrait être habilité par l'assemblée pour la durée de son mandat de prendre l'ensemble des décisions relatives aux marchés publics (préparation, passation, exécution, modification, etc.) sous réserve d'en rendre compte lors de la plus proche réunion utile de l'assemblée afin qu'elle puisse contrôler l'usage de cette délégation.

Parallèlement, à défaut de cette délégation générale, l'assemblée de province pourrait, avant l'engagement de la procédure de passation d'un marché public, autoriser son président à souscrire le marché en définissant l'étendue du besoin et le montant prévisionnel.

Adoptant un amendement de son rapporteure, votre commission a supprimé des dispositions redondantes au sein du présent article.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 9 (art. 128 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Règlement intérieur du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Modifiant l'article 128 de la loi organique, l'article 9 consacre, au niveau de la loi organique, l'existence d'un règlement intérieur dont s'est actuellement volontairement doté le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

A l'instar de l'article 98 de la même loi organique dont elle reprend la rédaction, cette disposition prévoit que ce règlement intérieur préciserait les modalités d'organisation et de fonctionnement non fixées par la loi organique. De même, publié au journal officiel de la Nouvelle-Calédonie, il serait contestable devant le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie.

Se bornant à fonder la compétence du gouvernement, cette disposition n'indique pas le contenu du règlement intérieur qui ne pourrait cependant pas contredire des dispositions organiques.

Compte-tenu de son caractère règlementaire, cet acte administratif devrait relever, en application de l'article 128 de la loi organique, d'une décision collégiale du gouvernement prise à la majorité de ses membres.

Votre commission a adopté l'article 9 sans modification .

Article 10 (art. 166 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Information des membres des assemblées de province sur les délibérations examinées

S'inspirant directement de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales applicable aux conseillers municipaux, l'article 10 prévoit le droit à l'information de tout membre d'une assemblée de province dans le cadre de ses fonctions sur les délibérations qui sont soumises à la délibération de l'assemblée. De jurisprudence constante, un défaut d'information vicie la procédure et constitue un motif d'illégalité de la décision adoptée au terme de cette délibération 11 ( * ) .

Cette disposition propose simplement de rédiger différemment l'article 166 de la loi organique sans en modifier le fond afin de lever une ambiguïté rédactionnelle liée à la notion de « proposition » de délibération.

Votre commission a adopté l'article 10 sans modification .

Article 11 (art. 204 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Modalités de publication au journal officiel de la Nouvelle-Calédonie par voie électronique

Modifiant l'article 204 de la loi organique, l'article 11 permet d'effectuer la publication au journal officiel de la Nouvelle-Calédonie par voie électronique sous réserve de garantir l'authenticité de l'acte.

Prenant en compte l'évolution technique, une disposition similaire a été introduite par la loi n°2007-223 du 21 février 2007 à l'article 8 de la loi n° 2004-192 du 27 février 2004 pour les actes des autorités locales en Polynésie française.

Votre commission a adopté l'article 11 sans modification .

Article 12 (art. 52-1 [nouveau] de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Dérogation à l'obligation pour la Nouvelle-Calédonie et ses établissements publics de dépôt des fonds publics auprès du Trésor

Créant un nouvel article 52-1 au sein de la loi organique, l'article 12 étend à la Nouvelle-Calédonie et à ses établissements publics la dérogation à l'obligation de dépôt des fonds publics auprès du Trésor.

Datant d'un décret impérial du 27 février 1811, la règle d'obligation de dépôt au Trésor des « fonds libres » des collectivités territoriales a été confirmée par l'article 26 de la loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1 er août 2001. Ce principe implique l'absence de rémunération des dépôts mais connaît des dérogations qui, depuis 2001, relève de la loi de finances.

Introduit par la loi n° 2003-1311 de finances pour 2004, l'article L. 1618-2 du code général des collectivités territoriales énumère ces exceptions. Sont ainsi concernés les fonds provenant de libéralités, de l'aliénation d'un élément de leur patrimoine, d'emprunts dont l'emploi est différé pour des raisons indépendantes de la volonté de la collectivité ou de l'établissement public et de recettes exceptionnelles dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État. Le présent article propose de renvoyer à cette disposition codifiée pour fixer les conditions de cette dérogation à l'obligation de dépôts, ce qui a pour effet de rendre applicable les dispositions législatives ordinaires auxquelles la loi organique renvoie dans leur rédaction en vigueur à la date de l'adoption définitive du projet de loi organique en application de la jurisprudence constitutionnelle dite de « cristallisation » 12 ( * ) . Ainsi, toute modification ultérieure de la disposition législative ordinaire à laquelle il est renvoyé ne s'appliquerait pas automatiquement en Nouvelle-Calédonie, nécessitant une actualisation du renvoi par le législateur organique lui-même.

Enfin, la décision de déroger, dans les conditions fixées par la loi organique, relèverait du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, justifiant ainsi une modification de l'article 127 de la loi organique en ce sens.

Une disposition similaire existe, depuis la loi n° 2003-969 du 3 août 2009, pour les provinces à l'article 184-1 de la loi organique. Dans un souci d'harmonisation rédactionnelle, votre commission a adopté un amendement de sa rapporteure.

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (art. 53-1 [nouveau] de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Création de sociétés publiques locales par la Nouvelle-Calédonie, les provinces et leurs établissements publics

L'article 13 permet la création de sociétés publiques locales (SPL) par la Nouvelle-Calédonie, les provinces et leurs établissements publics. Lors de l'examen en septembre 2012 par le Sénat de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 de régulation économique outre-mer, notre collègue Daniel Raoul avait justement appelé l'attention du Gouvernement sur la nécessité de cette extension en Nouvelle-Calédonie.

La SPL est une forme de société anonyme devant comporter au moins deux actionnaires - et non sept comme une société anonyme traditionnelle - qui doivent obligatoirement être des personnes publiques. Ainsi, contrairement à la société d'économie mixte (SEM), son capital est entièrement détenu par des personnes publiques. Compétentes pour réaliser des opérations d'aménagement, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général, la SPL exerce ses missions uniquement pour le compte de ses actionnaires et sur le territoire de ses actionnaires.

Ces deux caractéristiques - capital exclusivement public et service uniquement envers ses actionnaires publics - permettent à cette forme sociale d'entrer dans le critère développé par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne dite « in house », évitant ainsi lorsqu'un de ses actionnaire lui confie l'exercice d'une mission la mise en concurrence avec d'autres structures 13 ( * ) . Cette souplesse a indéniablement fait le succès de la SPL, créée à l'initiative de notre collègue Daniel Raoul par la loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 adoptée à l'unanimité de notre assemblée.

Votre commission ne peut donc que se féliciter de l'extension de cet outil de développement local en Nouvelle-Calédonie, selon les conditions de droit commun reprises au sein de la loi organique, répondant ainsi à une demande exprimée par les élus calédoniens.

Cependant, votre commission a adopté un amendement de son rapporteure visant à supprimer des dispositions dont elle a estimé qu'elles relevaient de la loi ordinaire. En effet, si le principe de la création et les caractéristiques essentielles de la SPL relève, à l'instar de la SEM, de la loi organique, ses règles d'organisation et de fonctionnement peuvent être fixées par la loi ordinaire.

Votre rapporteure admet qu'il est possible de s'interroger sur la nécessité de faire intervenir le législateur organique pour fixer l'ensemble des règles relatives aux SPL en Nouvelle-Calédonie. Néanmoins, le transfert, intervenu au 1 er juillet 2013, de la compétence du droit commercial à la Nouvelle-Calédonie est sans incidence dans la mesure où la SPL n'est pas un outil commercial bien qu'il emprunte une forme sociale. Comme le relevait notre collègue Jean-Jacques Hyest, alors rapporteur de la loi organique n° 1999-209, la création de SEM - et a fortiori de SPL - relève de la loi organique dans la mesure où il fixe des règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie mentionnées à l'article 77 de la Constitution, la SEM - tout comme la SPL - étant une modalité de coopération interinstitutionnelle.

Aussi la SPL n'appartient-elle pas stricto sensu au domaine du droit commercial, le raisonnement contraire conduisant à priver l'État de la possibilité d'intervenir en tant que législateur ordinaire ou organique. Au titre de sa compétence constitutionnelle pour déterminer les relations entre institutions de la Nouvelle-Calédonie, le législateur organique est donc compétent pour fixer les règles essentielles de la SPL notamment sur sa composition et sa compétence, ce qui, en l'espèce, confirme qu'elle est réservée aux collectivités publiques pour leurs seuls besoins hors du champ concurrentiel.

Une fois admis la compétence de l'État, l'ensemble des règles encadrant l'activité des SPL ne relèvent pas de la loi organique. Admettre un tel raisonnement devrait, par cohérence, conduire à faire de même s'agissant de la SEM. Or, le Conseil constitutionnel a admis le renvoi à la loi ordinaire pour les règles de fonctionnement et d'organisation des SEM 14 ( * ) . La loi ordinaire est donc compétente vis-à-vis des SPL pour édicter les mêmes règles.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .

Article 14 (art. 84-4 [nouveau] et 183-4 [nouveau] de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Contrôle des bénéficiaires de subventions publiques de la Nouvelle-Calédonie et des provinces

L'article 14 étend en Nouvelle-Calédonie des dispositions de droit commun énoncées à l'article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales et à l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000. Ces dispositions ont été rendues applicables seulement à l'État et ses établissements publics en Nouvelle-Calédonie.

Reprenant directement des dispositions précitées, le présent article les étend, sous réserve des adaptations nécessaires, à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces en créant respectivement un article 84-4 et un article 183-4 de la loi organique, rédigés en termes identiques.

Ainsi, dans le respect de la liberté d'organisation et de fonctionnement de la personne morale bénéficiant de la subvention, la personne publique pourrait contrôler cette dernière a posteriori en sollicitant la communication de documents budgétaires et comptables. Ce pouvoir de contrôle des associations, oeuvres ou entreprises subventionnées s'exercerait, non de manière générale, mais en contrepartie de la subvention ainsi versée. Les bénéficiaires ne pourraient logiquement employer la subvention au profit d'une autre personne morale sans autorisation de l'autorité locale.

En outre, l'autorité locale qui attribuerait une subvention, dont le montant dépasserait un seuil défini par décret, devrait conclure une convention avec le bénéficiaire, en définissant l'objet, le montant et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée, ce qui est un gage de la transparence et de la sécurité juridique des relations, y compris financières, qui lie la collectivité publique et le bénéficiaire.

Pour une subvention affectée à une dépense particulière, le bénéficiaire produirait, dans les six mois suivant la fin de l'exercice pour lequel elle a été attribuée, un compte rendu financier qui attesterait du respect de l'objet de la subvention.

Enfin, le budget et les comptes des bénéficiaires de subvention, la convention les liant à la collectivité publique et le compte rendu financier de la subvention seraient communicables par l'autorité locale à toute personne qui en ferait la demande. De même, le budget, les comptes, les conventions et, le cas échéant, les comptes rendus financiers des subventions reçues par une personne morale bénéficiaire devrait être déposés auprès des services de l'État pour permettre leur consultation.

Votre commission a adopté l'article 14 sans modification .

Article 15 (art. 209-16-1 [nouveau] de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Modalités d'affectation des résultats et prise en compte éventuelle par anticipation avant l'adoption du compte administratif

Participant de la consolidation de l'application de l'instruction budgétaire et comptable M52 en Nouvelle-Calédonie en vigueur depuis le 1 er janvier 2012 à la suite de l'arrêté du 22 avril 2011, l'article 15 détermine les modalités de l'affection des résultats et le cas échéant leur prise en compte par anticipation avant l'adoption du compte administratif. Il crée à cet effet un nouvel article 209-16-1 au sein de la loi organique.

Sous réserve des adaptations mineures rendues nécessaires, il reprend l'article L. 2311-5 du code général des collectivités territoriales. Il prévoit ainsi les modalités et les délais d'affectation du résultat excédentaire ou déficitaire de la section de fonctionnement du budget de la Nouvelle-Calédonie et des provinces par l'assemblée délibérante.

Votre commission a adopté l'article 15 sans modification .

Article 16 (art. 84, 183 et 209-26 [nouveau] de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Règle d'adoption en équilibre réel des services publics industriels et commerciaux et listes des dépenses obligatoires

Créant un article 209-26 et modifiant les articles 84 et 183 au sein de la loi organique, l'article 16 prévoit, comme pour la Nouvelle-Calédonie et les provinces, la règle du vote en équilibre réel des budgets des services publics industriels et commerciaux (SPIC) de la Nouvelle-Calédonie, sous réserve de trois exceptions.

Préalablement, le présent article précise la structure du budget de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, à savoir d'une section de fonctionnement et d'une section d'investissement en recettes comme en dépenses.

Le principe budgétaire d'équilibre réel entre les recettes et les dépenses mais aussi entre les deux sections du budget est rappelé, cette règle s'appliquant également aux budgets annexes au sein desquels figurent obligatoirement les SPIC. Cette règle permet ainsi que les SPIC ne soient financés essentiellement que par l'usager et non pas l'impôt et donc le contribuable. Toute hausse des coûts se traduit donc, comme pour un service classique par une augmentation du tarif et non une prise en charge par le budget principal.

Comme à l'article L. 2224-2 code général des collectivités territoriales, des exceptions permettent de subventionner un SPIC dans des cas limitativement énumérés et à la condition que l'assemblée délibérante l'ait décidé par une délibération motivée.

En outre, à l'instar de l'article L. 221-2 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, cet article énonce les dépenses obligatoires de la Nouvelle-Calédonie comme des provinces, s'agissant des dépenses qui ne sont pas obligatoires du simple fait de l'application d'une loi.

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification .

Article 17 (art. 84-1, 183-1, 209-6 et 209-17 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Modalités d'engagement des crédits budgétaires par anticipation

Complétant l'article 84-1 de la loi organique, l'article 17 souhaite faciliter l'exécution budgétaire en conciliant, selon les termes de l'étude d'impact jointe au présent projet de loi organique, « continuité et souplesse budgétaire ».

L'article L. 1612-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi étendu à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces. Le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou le président d'une assemblée de province, ordonnateurs respectifs de leur collectivité, pourraient engager des dépenses d'investissement dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l'exercice précédent et sur autorisation de l'assemblée délibérante.

Votre commission s'est bornée à adopter un amendement de précision, reprenant une demande du congrès de la Nouvelle-Calédonie formulée dans son avis du 24 juin 2013, s'agissant de la délibération à prendre en compte pour déterminer la limite des crédits de paiement ouverts pour que le président du gouvernement liquide ou mandate des dépenses à caractère pluriannuel.

Enfin, l'article 209-6 de la loi organique est abrogé en raison des modifications apportées par le présent article, l'amendement adopté par votre commission assurant à l'article 209-17 de la loi organique une coordination rendue nécessaire par cette abrogation.

Votre commission a adopté l'article 17 ainsi modifié .

Article 18 (art. 84-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Délai d'organisation du débat d'orientation budgétaire de la Nouvelle-Calédonie

L'article modifie l'article 84-1 de la loi organique, introduit par la loi n° 2009-969 du 3 août 2009. Notre collègue Christian Cointat, alors rapporteur de cette loi, soulignait le renforcement des pouvoirs du congrès de la Nouvelle-Calédonie qu'opérait cette disposition en instaurant des débats sur les orientations budgétaires (DOB), portant tant sur l'exercice à venir que sur la stratégie pluriannuelle envisagée par le gouvernement, à l'instar des assemblées délibérantes métropolitaines 15 ( * ) ou des assemblées de province, tel qu'il en résulté de l'article 183-2 de la loi organique. Le DOB a ainsi lieu quatre mois avant l'examen du budget primitif ; il est proposé de ramener ce délai à deux mois, ce qui avait été au demeurant la position du Sénat en première lecture lors de l'examen de la loi n° 2009-969 du 3 août 2009.

Cette réduction a été critiquée par le congrès de la Nouvelle-Calédonie dans son avis du 24 juin 2013. Il considérait alors que le délai actuel « permet ainsi aux assemblées de province de disposer d'éléments prospectifs nécessaires à l'élaboration de leur propre document d'orientation budgétaire ». Votre rapporteure relève cependant que le délai de deux mois est celui de droit commun en métropole pour les communes et les départements et celui applicable aux assemblées de province. Ce rapprochement entre le DOB et la discussion du budget primitif devrait permettre au congrès de la Nouvelle-Calédonie d'avoir connaissance des orientations budgétaires des provinces dont il faut rappeler que les dotations transitent par le budget de la Nouvelle-Calédonie.

Votre commission a adopté l'article 18 sans modification .

Article 19 (art. 209-25 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Règles financières et comptables des établissements publics d'enseignement du second degré de la Nouvelle-Calédonie

Modifiant l'article 209-25 de la loi organique, l'article 19 renvoie à un décret le soin de déterminer les règles d'organisation financières et comptables adaptées à la nature des activités des établissements publics d'enseignement du second degré de la Nouvelle-Calédonie, dérogeant ainsi aux règles générales budgétaires et comptables applicables aux établissements publics de la Nouvelle-Calédonie.

Une disposition similaire existe, à l'article 209-25 de la loi organique, pour les établissements publics industriels et commerciaux de la Nouvelle-Calédonie et d'une ou des provinces.

Cette disposition est rendue nécessaire par le transfert de la compétence de l'enseignement du second degré qui, en application de la loi du pays n° 2009-09 du 28 décembre 2009 a eu lieu au 1 er janvier 2012. À cette date, les établissements publics d'enseignement sont devenus des établissements publics administratifs de la Nouvelle-Calédonie, ce qui a eu pour effet de les soumettre aux dispositions organiques financières et comptables.

Le Gouvernement envisage d'user de cette possibilité de dérogation pour permettre l'application de l'instruction budgétaire et comptable M9 et notamment écarter le comptable de la Nouvelle-Calédonie comme comptable de ces établissements au profit des agents comptables qui sont y affectés.

Cette situation a été provisoirement résolue par un courrier du 23 août 2012 du ministre chargé du budget qui a accepté, selon les termes de l'étude d'impact jointe au présent projet de loi organique, de maintenir l'organisation antérieure au transfert. Cependant, un simple courrier d'un membre du Gouvernement ne saurait durablement faire obstacle à des dispositions organiques, ce qui justifie pleinement l'intervention du législateur organique pour prévoir un fondement juridique valable à cette dérogation.

Sous réserve de l'adoption d'un amendement de simplification rédactionnelle de sa rapporteure, votre commission a donc approuvé cette dérogation au cadre budgétaire et comptable fixé par la loi organique.

Votre commission a adopté l'article 19 ainsi modifié .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi organique ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

Article 1er - Ratification d'ordonnances relatives à l'outre-mer

L'article 1er ratifie huit ordonnances, trois d'entre elles ayant été adoptées sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution tandis que les autres ont été édictées dans le cadre d'une habilitation de l'article 38 de la Constitution.

La procédure prévue par l'article 74-1 de la Constitution permet ainsi d'étendre dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, sous réserve d'adaptations, des dispositions applicables en métropole. À la différence de la procédure de l'article 38 de la Constitution, l'habilitation du Gouvernement est permanente, sous réserve que la loi ne l'exclut pas expressément, et ne requiert par une habilitation législative ponctuelle. En revanche, la ratification doit intervenir dans le délai de 18 mois sous peine de caducité, le dépôt du projet de loi de ratification ne suffisant pas à assurer la validité de l'ordonnance édictée.


• Les ordonnances adoptées au titre de l'article 74-1 de la Constitution

Sont ainsi prises sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution trois ordonnances. La ratification de ces ordonnances qui étendent bien des règles dans les collectivités d'outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie intervient, pour l'instant, dans le délai de 18 mois à compter de leur publication.

La première ordonnance n° 2012-1222 du 2 novembre 2012 étend et adapte à la Nouvelle Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, les dispositions relatives à la protection juridique des majeurs. En ce sens, elle modifie le code civil pour en adapter les formulations à celles applicables localement pour désigner les établissements sociaux ou médico-sociaux, et faire référence aux règles locales, lorsque le droit applicable diffère du droit métropolitain - par exemple pour le code de procédure civile en Nouvelle Calédonie ou en Polynésie française - (articles 1 er à 4) et supprimer toute référence au mandat de protection future en Polynésie française (article 2) ;

Elle modifie ensuite le code de l'action sociale et des familles, pour adapter l'organisation administrative des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (articles 5 à 7) et impose aux personnes morales précédemment habilitées à ce titre à se conformer aux nouvelles règles en vigueur.

La seconde ordonnance est celle n° 2013-421 du 23 mai 2013 qui a pour objet de rendre applicable en Polynésie française un mécanisme d'inscription des débiteurs surendettés au fichier national des incidents de remboursement, équivalent à celui prévu, en métropole, pour les commissions départementales de surendettement des particuliers à l'article L. 333-4 du code de la consommation.

Toutefois, ce dispositif, conçu comme décalque du précédent, fait référence à une « commission de surendettement des particuliers instituée par la Polynésie française », alors que, contrairement à ce qui est prévu pour la Nouvelle Calédonie (articles L. 334-4 du même code) ou Wallis et Futuna (articles L. 334-8), aucune disposition légale n'impose ni n'encadre la création d'une telle commission, ceci relevant de la compétence de la Polynésie française.

Enfin, la troisième correspond à l' ordonnance n° 2013-516 du 20 juin 2013 qui procède à certaines coordinations requises pour garantir l'application, dans le dernier état du droit en vigueur, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna :

- de la réforme de la publicité foncière (ordonnance n° 2010-638 du 10 juin 2010 portant suppression du régime des conservateurs des hypothèques), qui a conduit à la suppression des conservateurs des hypothèques (articles 1, 2, 3 et 12) ;

- des règles du code civil applicables à la vente d'immeuble à construire ou au débordement des arbres et arbrisseaux sur les fonds mitoyens (articles 1) et de celles de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (article 10) ;

- des règles applicables, en matière d'accident de la circulation, s'agissant du recours du tiers payeur contre l'auteur du dommage ou son assureur (articles 5 à 9) ;

- du dispositif des sociétés de participations financières de professions libérales (articles 11).

Votre rapporteure relève que les ordonnances n° 2012-1222 et n° 2013-516 en ce qu'elles modifient des règles de droit civil en Nouvelle-Calédonie conduisent à s'interroger sur la compétence du Parlement pour procéder à leur ratification. En effet, en application de la loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012 et à la suite de l'arrêté n° 20413-1631/GNC du 29 juin 2013 pris par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie constatant l'actualisation du droit civil effectuée par l'État en Nouvelle-Calédonie, le droit civil a été transféré à la Nouvelle-Calédonie le 1 er juillet 2013 conformément à l'article 21 de la loi organique. Aussi pourrait-on s'interroger si le transfert de compétence ne fait pas obstacle à la ratification par le Parlement de cette ordonnance dans les matières qui lui échappent désormais. Cette observation est d'autant plus vraie que la ratification peut s'accompagner de modifications du contenu de l'ordonnance par le législateur. Au-delà de son aspect théorique, ce questionnement est crucial dans la mesure, où les ordonnances concernées ont été adoptées sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution qui fait de la ratification une condition de validité de l'acte. Au terme de sa réflexion, votre commission a estimé que l'article 74-1 de la Constitution, qui prévoit une procédure de délégation qui doit connaître son terme par la ratification, permettait de considérer que par dérogation à l'article 77 qui fonde le transfert de compétences à la Nouvelle-Calédonie, l'État retenait partiellement sa compétence sur le seul point de la ratification tant qu'il n'y avait pas procéder. Aussi, soit le Parlement ne ratifiait pas cette ordonnance, conduisant ainsi à sa caducité, soit il y procédait permettant ainsi à la procédure prévue à l'article 74-1 de la Constitution d'aller à son terme sans porter préjudice aux prérogatives constitutionnelles du Parlement.


• Les ordonnances adoptées au titre de l'article 38 de la Constitution

Parallèlement, il est proposé la ratification de cinq ordonnances qui ont été adoptées par le Gouvernement en application de l'article 38 de la Constitution.

Tout d'abord, l' ordonnance n° 2011-866 du 22 juillet 2011 , prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 94 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP), a été édicté dans les derniers jours du délai de 12 mois accordé au Gouvernement. Le Gouvernement était ainsi autorisé à adapter aux départements d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy les dispositions des articles 85 à 88 de cette loi (schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine, conditions de la première vente des produits de la pêche maritime débarqués en France par des navires français, autorisations des activités de pêche maritime, organisation professionnelle de la pêche maritime et des élevages marins). A la suite de son adoption, un projet de loi de ratification a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

Outre des modifications dans la structure du code rural et de la pêche maritime ou des adaptations rédactionnelles liées aux spécificités institutionnelles de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, l'ordonnance adapte les missions, la composition des comités régionaux situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion ainsi que les autorisations de pêche qu'ils peuvent délivrer sous le contrôle de l'autorité administrative et la règlementation de la pêche maritime (article 2). En outre, il est accordé au président du conseil régional ou au président du conseil général à Mayotte le pouvoir d'exercer dans ces départements la compétence normalement attribuée au préfet en matière d'élaboration du schéma régional de développement de l'aquaculture. Un délai d'un an est fixé à compter de la publication de l'ordonnance pour permettre aux collectivités ultramarines concernées (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon) d'établir les schémas régionaux de développement de l'aquaculture martine.

À la suite du rapport de juin 2012 de notre collègue Serge Larcher sur la proposition de résolution visant à obtenir la prise en compte par l'Union européenne des réalités de la pêche des régions ultrapériphériques françaises, votre rapporteure souligne l'adaptation opportune des dispositions de droit commun qui motive sa ratification.

Ensuite, deux ordonnances ont été adoptées dans le cadre de l'habilitation conférée au Gouvernement par l'article 15 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 dans le délai de 18 mois qui lui était accordé : l'ordonnance n° 2012-1397 du 13 décembre 2012 et l'ordonnance n° 2012-1398 du même jour déterminent les nouvelles règles financières et comptables les conditions de transfert des personnels, des biens et des finances. Ces ordonnances sont le prolongement de la réforme en Guyane et Martinique pour la mise en place de la collectivité unique à la suite des résultats positifs aux consultations locales du 24 janvier 2010.

Lors de l'examen de la loi du 27 juillet 2011, notre collègue Christina Cointat, alors rapporteur du projet de loi, relevait la nécessité d'élaborer un plan comptable spécifique à cette collectivité unique, les règles différant entre un département et une région. Il en serait de même pour la gestion du personnel (comités techniques paritaires, régime indemnitaire...). Notre collègue Christian Cointat soulignait « la grande inquiétude des personnels sur leur avenir, dans l'attente de la collectivité unique, tant en Guyane qu'en Martinique », appelant à une concertation sur ce sujet. Le Gouvernement a déposé, dans le délai requis, le 13 février 2013 un projet de loi de ratification des deux ordonnances. Votre rapporteure relève que le Gouvernement a souhaité le déposer devant l'Assemblée nationale, ce qui peut paraître étonnant au regard du droit de priorité que l'article 39 de la Constitution confère au sénat pour examiner les projets de loi en matière d'organisation des collectivités territoriales, ceux portant ratification d'ordonnances ne pouvant a priori être exclus de cette catégorie de projets de loi.

Il n'existe pas d'obstacles à la ratification de ces deux ordonnances qui sont un préalable nécessaire et attendu à l'instauration de la collectivité unique en Guyane et en Martinique.

En outre, l' ordonnance n° 2013-80 du 25 janvier 2013 a été prise en application de l'article 15 la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 qui prévoit le rapprochement des règles législatives applicables à Mayotte de celles applicables en métropole ou dans les collectivités territoriales relevant de l'article 73 de la Constitution pour les allocations de logement sociales et familiales et leur financement.

Le régime juridique de l'allocation de logement familiale (ALF) à Mayotte est aligné sur celui applicable dans les départements d'outre-mer sous réserve d'adaptations en matière de barème de calcul de l'allocation, de conditions de décence et de peuplement du logement ainsi que de pièces justificatives à fournir pour bénéficier de l'allocation (article 1 er ). De surcroît, l'allocation de logement sociale (ALS) est créée à Mayotte avec un alignement sur celui de l'ALF, sauf en ce qui concerne la procédure de récupération des prestations indûment versées, calquée sur celle applicable à Mayotte pour les prestations familiales.

Des décrets et arrêtés spécifiques sont prévus pour revaloriser les montants des deux prestations dans la perspective d'un rattrapage progressif des départements d'outre-mer.

Enfin, l' ordonnance n° 2013-81 du 25 janvier 2013 , adoptée par habilitation de l'article 15 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 dans le délai de 18 mois accordé au Gouvernement, confère la qualité d'agents permanents de droit public aux agents non titulaires de l'État et des circonscriptions territoriales, nommés par l'État dans un emploi permanent, exerçant leurs fonctions sur le territoire des îles Wallis et Futuna (article 1 er ). Elle les soumet aux chapitres II et IV de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui forme le titre Ier du statut général de la fonction publique (article 2) ; les adaptations rendues nécessaires par les spécificités du territoire de même que les conditions générales de recrutement, d'emploi, de rémunération et de cessation d'activité de ces agents sont renvoyées au pouvoir règlementaire (article 3).

Article 2 (nouveau) (art. 8-3 [nouveau] de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Règles financières et comptables des établissements publics d'enseignement du second degré de la Nouvelle-Calédonie

Introduit par votre commission à l'initiative de sa rapporteure, l'article 2 introduit des dispositions spécifiques aux sociétés publiques locales (SPL) en Nouvelle-Calédonie.

Le présent article reprend ainsi partiellement des dispositions figurant initialement au sein de l'article 13 du projet de loi organique et que votre commission, suivant sa rapporteure, a supprimé en jugeant qu'elle relevait plutôt de la loi ordinaire.

Cette disposition précise donc que les SPL sont des sociétés anonymes mais que le nombre minimal de ses actionnaires est fixé à deux et non sept comme pour les sociétés anonymes de droit commun 16 ( * ) . Pour déterminer les règles de fonctionnement et d'organisation, le présent article renvoie également à l'article 8-1 de la loi du 19 mars 1999 qui assure d'ores et déjà les adaptations nécessaires en Nouvelle-Calédonie de la législation de droit commun pour les sociétés d'économie mixte.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé .

Article 3 (nouveau) (art. L. 381-1 [nouveau] du code des communes de la Nouvelle-Calédonie) - Participation des communes de la Nouvelle-Calédonie et de leurs groupements à des sociétés publiques locales

Introduit par votre commission à l'initiative de notre collègue Daniel Raoul, l'article 3 permet aux communes et à leurs groupements de participer à des sociétés publiques locales (SPL) dans les conditions fixées pour la Nouvelle-Calédonie et les provinces comme le prévoit l'article 13 du projet de loi organique que votre commission a approuvé.

Il est apparu logique à votre commission d'ouvrir cette faculté aux communes calédoniennes comme à leurs homologues métropolitaines, ce qui lui est apparu d'autant plus cohérent dès lors que la Nouvelle-Calédonie et les provinces pouvaient créer et participer à des SPL.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé .

Article 4 (nouveau) (art. 8-1 [nouveau] de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Correction d'une erreur de référence

Introduit par votre commission à l'initiative du Gouvernement, l'article 4 substitue, à l'article 8-1 de la loi n° 99-210 relatif au régime juridique des sociétés d'économie mixte, la référence à l'article L. 1525-5 du code général des collectivités territoriales celle de l'article 8-2 de la même loi.

En effet, l'ordonnance n° 2009-538 du 14 mai 2009 qui aurait dû insérer deux nouveaux articles spécifiques à la Nouvelle-Calédonie au sein du code général des collectivités territoriales qui ont été, après l'avis du Conseil d'État, introduit au sein de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 sous la forme des articles 8-1 et 8-2. Il convient donc de supprimer la référence à l'article L. 1525-5 du code général des collectivités territoriales qui n'a finalement jamais été créé pour la remplacer par celle à l'article 8-2 de loi du 19 mars 1999.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi rédigé .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

AUDITION DE M. VICTORIN LUREL MINISTRE DES OUTRE-MER

Mardi 16 juillet 2013

M. Jean-Pierre Sueur , président. - Nous sommes heureux d'accueillir M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer qui va nous présenter le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer . - A titre liminaire, je tiens à remercier la commission des lois d'avoir accepté d'examiner les deux projets de loi que le Gouvernement a transmis au Sénat après leur adoption en Conseil des ministres le 3 juillet dernier.

Je connais les conditions difficiles dans lesquelles votre commission travaille en cette fin de session parlementaire et je n'en apprécie que mieux l'honneur qui m'est fait d'être devant vous aujourd'hui.

Le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie est le fruit d'un travail qui a débuté le 6 décembre 2012, lors du dixième comité des signataires de l'Accord de Nouméa. À cette occasion, les partenaires calédoniens de l'État ont émis le souhait d'un toilettage de la loi organique statutaire pour prendre notamment en compte les conséquences pratiques des derniers transferts de compétences effectués en faveur de la Nouvelle-Calédonie.

Ce projet peut apparaître technique, mais il doit être inscrit dans une période plus large, qui a commencé il y a 25 ans et qui se poursuivra après 2014. Certaines dispositions du projet sont particulièrement emblématiques des défis cruciaux auxquels la Nouvelle-Calédonie est confrontée. Ainsi, l'article 1er, qui permet à la collectivité de créer, dans les domaines qui relèvent de sa compétence, des autorités administratives indépendantes dotées de pouvoirs allant au-delà des fonctions de médiation, de recommandation et d'évaluation.

Les autorités administratives indépendantes que la Nouvelle-Calédonie décidera de créer dans ce nouveau cadre auront la capacité d'assumer des missions de régulation et disposeront d'un pouvoir décisionnaire voire réglementaire. Elles pourront prononcer des sanctions administratives et se voir dotées de pouvoirs d'investigation et de règlement des différends.

La genèse de cet article résulte de la définition des causes d'un problème commun à l'ensemble des outre-mer que nous avions évoqué l'an passé à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer : la lutte contre la « vie chère » et contre les défaillances structurelles des marchés ultramarins qui empêchent l'émergence d'une concurrence effective. Nos partenaires calédoniens ont souhaité que soit créée, dans la loi organique statutaire, une autorité de la concurrence locale de plein exercice ou que cette faculté soit désormais reconnue à la collectivité.

C'est fort de cette préoccupation que nous avons travaillé depuis six mois. Les dispositions de l'article 1er du projet fournissent désormais à la Nouvelle-Calédonie tous les moyens nécessaires à une régulation des marchés dans la législation locale. D'ailleurs, sur cette question de la concurrence, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté une loi du pays relative à la concurrence qui fixe le droit que devra appliquer cette nouvelle autorité calédonienne de la concurrence, en matière de pratiques anticoncurrentielles, d'équipement commercial ou de régulation des marchés de gros.

Il conviendra toutefois de veiller à ce que ces nouvelles autorités administratives indépendantes présentent toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance nécessaires à leur mission. Je ne doute pas que le projet de loi pourra être utilement enrichi sur ce point par le Sénat. Ces autorités administratives indépendantes auront à exercer leur mission dans le respect des compétences de l'État, s'agissant notamment de la protection des libertés fondamentales et du respect des procédures administratives et contentieuses.

L'article 2 vise à doter le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de pouvoirs spécifiques de police administrative nécessaires à l'exercice des compétences qui lui ont été récemment transférées ou qui sont en voie de l'être, comme en matière de sécurité maritime et de circulation aérienne, déjà transférées au 1 er janvier 2013, ou encore en matière de sécurité civile, transférables au 1 er janvier 2014.

Dans ces trois domaines emblématiques, il importe que le président du gouvernement dispose du pouvoir de police, faute duquel la Nouvelle-Calédonie n'aurait à exercer, en définitive, qu'une compétence virtuelle dans des domaines où sa responsabilité est susceptible d'être engagée.

Plutôt que de poursuivre cette énumération des articles du projet de loi et d'anticiper sur son examen en commission, puis en séance publique, il me semble, à ce stade, opportun de replacer ce dispositif dans son contexte. 2013 est en effet marqué par deux dates anniversaires : les 25 ans des accords de Matignon-Oudinot et les 15 ans de l'Accord de Nouméa.

Nous devons ainsi à nos précurseurs, qui ont posé les jalons humains et juridiques de la Nouvelle-Calédonie d'aujourd'hui, la sérénité qui préside à l'examen à de texte. En effet, nous avons tous ici en mémoire les événements passés, nous avons tous vu ce que la division avait de fatal pour nos sociétés, mais aussi ce qu'il fallait de courage et d'abnégation, de part et d'autre, pour s'engager ensemble sur le long chemin, parfois parsemé d'obstacles et d'embûches, de la réconciliation, de l'espoir et pour bâtir un destin commun.

Nous sommes tous ici, Gouvernement et Parlement national, héritiers et redevables de la poignée de mains de MM. Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou et, à ce titre, responsables de l'édification d'un avenir commun entre les deux grandes communautés. Nous sommes ainsi les continuateurs de cette idée, qui n'allait au départ pas de soi et selon laquelle la force et la ténacité de tous peuvent être mobilisées pour le meilleur de la Nouvelle-Calédonie.

J'accompagnerai le Premier ministre en Nouvelle-Calédonie dans les prochains jours ; celui-ci doit y rendre hommage à ceux qui, brisant les chaînes de la fatalité, ont décidé qu'un avenir partagé était bel et bien possible entre communautés. Il y verra aussi le fruit du travail de rééquilibrage économique en faveur des Kanak qui a été conduit depuis 25 ans et il inaugurera la première coulée de nickel de l'usine de Koniambo laquelle, avec près de quatre milliards d'euros investis, représente le projet industriel le plus important mené en France de ces quinze dernières années !

Le comité des signataires de l'Accord de Nouméa veille scrupuleusement à la mise en oeuvre des engagements souscrits par ses trois parties : les non-indépendantistes, les indépendantistes et l'État. En cela, il convient de saluer l'action de Pierre Frogier qui s'est souvent inscrite dans la continuité de ce qui s'était fait avant elle.

L'État s'est d'ailleurs toujours tenu aux côtés de ses partenaires calédoniens, et le Gouvernement auquel j'appartiens entend aujourd'hui respecter la lettre et l'esprit de l'Accord de Nouméa à trois égards : d'une part, réaffirmer les liens avec, et entre, ses partenaires calédoniens ; d'autre part, soutenir la Nouvelle-Calédonie en lui apportant, en tant que de besoin, l'expertise de l'État en matière notamment de transfert de compétences ; enfin, aider à restaurer la confiance, qui demeure fragile et que l'approche des échéances électorales de 2014 pourrait ébranler.

En effet, le congrès qui sera élu en mai 2014 disposera, à la majorité des trois-cinquièmes de ses membres, de la faculté de demander à l'État d'organiser la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté prévue par l'article 77 de la Constitution. Faute d'une majorité suffisante pour ce faire, il incombera à l'État, lequel aura compétence liée à partir de mai 2018, d'organiser cette consultation. En cas de réponse défavorable, une seconde, puis une troisième consultation devraient être organisées en 2020 et 2022.

Ainsi, 2014 ne marque nullement la fin d'un processus, mais représente plutôt le début d'une période sensible où il faudra faire preuve de modération, d'inventivité et de courage.

C'est avec la conscience de l'ensemble de ces aspects que je vous présente ce projet de loi organique dont le caractère technique ne saurait occulter la finalité : contribuer au meilleur fonctionnement des institutions locales et à une meilleure prise en main de son destin par la Nouvelle-Calédonie.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je vous remercie, Monsieur le Ministre, de nous avoir parlé avec beaucoup de force et de conviction, comme à votre habitude.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Je tiens également à vous remercier pour les échanges fructueux que nous avons eus avec vos services et votre cabinet, en dépit du calendrier très serré.

Ces deux textes, loi organique et loi ordinaire, ne peuvent se comprendre que si on garde en mémoire les choix opérés en 1988, lors des accords de Matignon-Oudinot. On ne peut d'ailleurs que se féliciter du souci du Gouvernement de respecter les termes de l'Accord de Nouméa qui leur a succédé en 1998. Je voulais souligner l'importance du travail d'accompagnement qui est mis en oeuvre pour mettre en place effectivement les transferts de compétences. Tout le monde connaît la spécificité du processus calédonien. Malgré son caractère technique, l'enjeu fondamental de ce projet est d'accompagner la Nouvelle-Calédonie dans le processus de paix.

L'article 1er du projet de loi autorise la Nouvelle-Calédonie à créer des autorités administratives indépendantes. C'est d'ailleurs le coeur de ce projet avec un objectif à court terme : la mise en place d'une autorité administrative indépendante en charge de la concurrence. C'est un problème que vous aviez déjà abordé mais qui est particulièrement aigu en Nouvelle-Calédonie, en raison de l'étroitesse et de l'éloignement de son territoire, et des habitudes de consommation qui sont liées aux structures du marché qui sont largement anticoncurrentielles. Initialement, il était envisagé de laisser à l'État le soin de mettre en place cette autorité à la demande des acteurs locaux. Cette possibilité a finalement été abandonnée en raison des transferts de compétences déjà effectués dans plusieurs domaines. Comment l'État pourra aider la Nouvelle-Calédonie à mettre en oeuvre concrètement cette autorité administrative indépendante dont la création est attendue par l'ensemble des acteurs ? Aussi proposerons-nous un amendement qui permette d'assurer l'indépendance effective de cette AAI.

Lorsque cette autorité sera créée, envisagez-vous un projet de loi destiné à encadrer l'action de cette autorité dans les domaines qui relèvent encore de l'État ?

Je vous ferai part d'une interrogation plus générale : quel jugement portez-vous sur les transferts de compétences et leur déroulement, en particulier en droit civil et commercial et en matière de sécurité civile ? La Nouvelle-Calédonie dispose-t-elle des ressources matérielles et humaines suffisantes pour assumer ces nouvelles compétences ?

Enfin, quel jugement portez-vous sur la mission interministérielle dont la mission est d'accompagner la Nouvelle-Calédonie dans le cadre des transferts de compétences ?

M. Thani Mohamed Soilihi . - Le processus statutaire que connaît la Nouvelle-Calédonie peut faire penser à celui que connait également Mayotte, bien que la finalité soit différente puisque Mayotte se rapproche du droit commun. À terme, les citoyens de Nouvelle-Calédonie devront prendre une décision sur leur avenir, indépendance ou non, de façon parfaitement éclairée.

Pour cela, il convient de clarifier les relations entre la Nouvelle-Calédonie et l'État. En outre, l'évolution qui sera choisie doit assurer le développement de ce territoire. C'est pour toutes ces raisons que j'ai souhaité suivre les travaux de ce projet de loi car les conclusions seront importantes pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

M. Christian Cointat . - Quand la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie a été modifiée en 2009 pour adapter les transferts de compétences, nous l'avons fait avec une extrême prudence. Nous estimions qu'il faudrait de nouveaux ajustements : c'est l'objet du présent projet de loi organique. C'est pourquoi, à titre personnel, je le voterai.

La complexité des problématiques auxquelles est confrontée la Nouvelle-Calédonie est importante. Nous devons faire face à des difficultés auxquelles nous n'avions pas songé. Nous transférons des compétences, encore faut-il qu'elles soient ensuite assumées. Par exemple, en matière d'assurances, malgré un transfert de la compétence, on constate aujourd'hui de nombreuses difficultés ; le système assurantiel d'aujourd'hui est équivalent à celui que nous avions il y a quarante ans, une expérience personnelle m'ayant récemment confirmé cet état de fait. Il ne faut pas seulement transférer des compétences mais il faut ensuite les exercer !

Un pays qui devient indépendant doit exercer des compétences qui représentent la vie même du territoire. Avez-vous prévu les moyens destinés à accompagner les autorités locales à prendre en main leur destin et à assumer pleinement les compétences qui leur sont et leur seront transférées dans le respect de l'Accord de Nouméa ?

M. Pierre-Yves Collombat . - Je ferai deux observations. Pour la première, qui porte sur le court terme, je peine à voir comment une autorité, fût-elle indépendante, pourrait créer les conditions de la concurrence là où elles n'existent pas, notamment en matière de distribution ? Cela ne suffira pas à régler le problème.

Ma deuxième observation porte sur le long terme : dans le cadre du processus institutionnel actuel, que deviendrait la gendarmerie ? En effet, je n'ai jamais vu autant de gendarmes qu'en Nouvelle-Calédonie.

M. Louis-Constant Fleming . - Mon collègue Christian Cointat a évoqué la problématique des transferts de compétences et l'incapacité de certaines collectivités à pouvoir les exercer. C'est également ce qui se passe à Saint Martin.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Cette difficulté s'applique à l'ensemble des outre-mer !

M. Victorin Lurel, ministre . - Vous avez eu raison de rappeler l'historique, mais il faut également évoquer la difficulté à décoloniser la Nouvelle-Calédonie. C'est un processus qui se fait dans la concorde - une concorde qu'il faut préserver avant les échéances prochaines. C'est pourquoi l'État doit rester à équidistance des différents acteurs. On constate ainsi un dialogue permanent au niveau local.

Le coeur de la loi organique, vous l'avez dit, est la mise en oeuvre de la concurrence. L'objectif est de créer non une concurrence pure et parfaite, mais une concurrence plus libre. C'est ce à quoi tendra cette nouvelle autorité administrative indépendante.

Cette compétence ayant été irréversiblement transférée, la création de cette autorité se fera par une loi du pays. Cependant la garantie de l'exercice des libertés publiques relevant de l'État, c'est à lui que revient de mettre en oeuvre l'indépendance de cette autorité par le biais de la loi organique. C'est ainsi que doivent être assurés les moyens de fonctionnement de cette autorité administrative - d'où l'inscription des crédits de celle-ci comme dépense obligatoire au budget de la Nouvelle-Calédonie. Il nous faudra également, et je sais que le Sénat nous y aidera, encadrer les procédures qui seront suivies devant cette autorité pour imposer la règle du contradictoire, éviter les conflits d'intérêt... L'État va également apporter des aides concrètes à la Nouvelle-Calédonie, que ce soit par un apport d'expertise pour la rédaction de la loi du pays ou la signature d'une convention entre l'autorité de la concurrence nationale et l'autorité locale.

Au-delà de cet aspect, nous préparons activement la prochaine réunion du comité des signataires qui se tiendra le 11 octobre, autour de trois axes.

Concernant les transferts de compétence déjà effectués, il nous faut veiller à l'actualisation du droit. M. Cointat citait le droit des assurances et de fait, il nécessite une mise à jour, certains automobilistes ou entreprises préférant se faire assurer en Australie.

La question du transfert des compétences prévu à l'article 27 de la loi organique de 1999 se pose désormais : l'enseignement supérieur, la communication audiovisuelle... Faut-il ou non les opérer avant la fin de l'année 2014 ?

Enfin, nous accordons une attention particulière au suivi du transfert des ressources pour mettre en oeuvre les compétences transférées.

Par ailleurs, nous anticipons d'ores et déjà de nouveaux chantiers, comme par exemple, en matière de droit civil, le travail qu'il nous faudra accomplir pour régler le conflit de normes qui se profile concernant le droit des personnes. Nous n'avons pas encore abouti à un projet de loi. Les enjeux sont également de taille concernant la sécurité civile ou la circulation maritime et aérienne.

M. Thani Mohamed Soilihi dressait un parallèle avec Mayotte. Mutatis mutandis, il est vrai que le mécanisme à l'oeuvre depuis la départementalisation est un peu similaire : il nous faut prendre de nombreux textes pour rendre applicables à Mayotte des dispositions en vigueur dans l'hexagone, en essayant de ne pas trop abuser des ordonnances. C'est un peu le même exercice de clarification des compétences.

Après 2014-2018, que restera-t-il qui ne soit pas transféré ? La monnaie, la sauvegarde de l'ordre public - M. Collombat évoquait la gendarmerie -, les relations internationales et la défense. Ainsi, quel que soit le résultat de la consultation, la Nouvelle-Calédonie sera de fait quasi souveraine.

Chacun souligne la formule inédite appliquée en Nouvelle-Calédonie, qu'il nous faut effectivement saluer, mais il ne faut pas en sous-estimer la complexité. C'est pourquoi on prend le temps d'accompagner la décolonisation, ce qui nécessite la mise en place d'une ingénierie de l'accompagnement et la formation de nombreux cadres.

Je suis pour ma part impressionné par la modération de tous les partis calédoniens qui sollicitent tous l'aide de l'État sans y voir un relent de colonialisme. Le Haut-commissaire est bien accepté et ses arbitrages sont même recherchés.

Pour répondre à M. Collombat, l'autorité de la concurrence ne changera pas du jour au lendemain structurellement le système économique calédonien. Dans tous les outre-mer, des facteurs historiques expliquent la forte concentration économique. Mais, introduire la concurrence revient à instiller un ferment révolutionnaire, au sens positif du terme. C'est le rôle d'un État fort de montrer le chemin.

M. Pierre-Yves Collombat . - Mais concrètement, existe-t-il des acteurs économiques à mettre en concurrence ?

M. Victorin Lurel, ministre . - La véritable difficulté réside dans les secteurs pour lesquels existent des monopoles, ou au mieux des duopoles, comme dans le domaine du trafic aérien. Mais prenez l'exemple du transport de fret maritime : l'autorité de la concurrence nationale a imposé à CMA-CGM plus de transparence et cela a permis de développer de la concurrence. L'arme existe, il faut l'utiliser.

Lorsqu'on parle de retour de l'État dans les outre-mer, ce n'est pas simplement un slogan. Un point très précis : sans pour autant créer des lois, on peut le faire en Nouvelle-Calédonie. Voilà un pays où les prix sont administrés et c'est là qu'ils sont les plus élevés, c'est là où les marges progressent le moins, comme en Polynésie française. L'administration des prix n'est donc pas forcément la solution sauf en cas de guerre, de catastrophe, de pénurie où il faut éviter la spéculation et réglementer.

Avec l'Autorité locale de la concurrence, il y aura une connaissance plus précise des mécanismes économiques comme la formation des prix, pour mieux réguler. C'est ce qu'on essaye de faire par exemple avec le congrès et les assemblées de province, afin de créer des centrales d'achat, des groupements d'achat de détaillants, des coopératives d'intérêt collectif... Le tiers-secteur, l'économie solidaire est solvable. Il faut donner un coup de pouce, non de l'État mais des autorités locales tout en respectant les lois du marché. On a commencé à le faire en Guadeloupe et à La Réunion. Dans tout l'outre-mer, cela commence à créer une émulation.

Pour répondre à la rapporteure, il est important de garantir l'indépendance et d'éviter les conflits d'intérêt pour empêcher que le cumul d'activités politiques, économiques ou sociales freine la prise de décision.

Dans les sociétés dites d'interconnaissance, où chacun a l'impression de connaître chacun et tout le monde en même temps, on est un peu gêné pour avoir parfois quelque indépendance.

C'est pourquoi dans le texte en cours de discussion, il faut donner aux membres de ces autorités quelque distance, quelle indépendance dans la durée, dans leur statut, leur engagement, pour qu'ils puissent décider en toute liberté et, je l'espère, en toute vérité.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Pour répondre au scepticisme légitime de certains de nos collègues, il faut insister sur la spécificité du cas calédonien avec la présence du souvenir des années noires, c'est un moteur de consensus. Personne ne veut revenir à ce qui s'est passé avant 1988.

On n'a pas la même situation que dans les autres outre-mer. Il est donc vraiment de l'intérêt commun des partenaires en Nouvelle-Calédonie de naviguer sur cette crête qui est difficile mais qui implique que personne ne se sente lésé par les décisions prises. Cela nécessite donc de mettre en place des instruments et l'appui de l'État sera nécessaire encore quelque temps.

Je reste optimiste sur cette évolution car il n'y a pas d'autre avenir pour la Nouvelle-Calédonie que d'affronter ses problèmes dans le débat collégial.

M. Victorin Lurel, ministre . - Chaque fois que je rencontre tel et tel élu, ou tel ou tel responsable de parti, tous me disent : « Nous sommes condamnés à vivre ensemble, autant le faire dans la concorde et dans la paix ».

Il y a deux grandes communautés qui se comprennent et ont décidé de travailler ensemble. La difficulté sera au terme du processus, si l'architecture est telle qu'elle est aujourd'hui dessinée, c'est-à-dire la répartition du pouvoir politique entre les communautés et du pouvoir économique entre les provinces. La difficulté sera un jour de sortir du gouvernement collégial, qui crée une légère inertie, pour basculer dans une logique majoritaire.

La question la plus difficile sera de fixer les clés de répartition des ressources budgétaires entre les provinces. Tant qu'elle reposait sur un critère de population, personne ne voulait mettre la question à l'ordre du jour. Partout, il y a le besoin de construire des logements sociaux, d'entretenir des linéaires de route... L'aménagement du territoire, le rééquilibrage du développement consiste là aussi à intégrer d'autres indicateurs physico-financiers.

J'ai rarement vu, même si c'est compliqué, des élus aussi conscients de leur responsabilité : il y a des difficultés mais nous sommes condamnés à réussir ensemble ou à sombrer ensemble.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - C'est une belle conclusion.

Nous vous remercions, Monsieur le ministre.

EXAMEN EN COMMISSION

Mercredi 17 juillet 2013

EXAMEN DU RAPPORT

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - On aurait tort de ne voir dans ces deux textes qu'une série de dispositions techniques visant à améliorer le fonctionnement des institutions calédoniennes et à mettre en oeuvre les transferts de compétences à venir. Cette dixième modification de la loi organique de 1999 est une étape importante dans le processus - engagé en 1988 sous Michel Rocard et scellé en 1998, sous Lionel Jospin, avec l'Accord de Nouméa - conduisant la Nouvelle-Calédonie vers une plus large autonomie. Le choix du dialogue et de la concorde a été privilégié, d'où le rôle accordé au comité des signataires de l'Accord de Nouméa. Il fallait prendre le temps nécessaire pour aboutir à une solution pacifiée.

« Depuis vingt-trois ans, la Nouvelle-Calédonie connaît la paix et la stabilité. Elle a ouvert une nouvelle étape de son histoire lorsque, pour mettre un terme aux affrontements et aux violences, à la fin des années 1980, des hommes ont choisi le dialogue. Ils ont eu la force et le courage de dépasser les antagonismes pour inventer autre chose qu'un simple « statut répartissant les compétences et définissant les rapports entre pouvoirs publics, et pour « trouver le consensus et l'apaisement », écrivaient notre collègue Christian Cointat et notre ancien collègue Bernard Frimat dans leur rapport d'information de juin 2011 sur la situation en Nouvelle-Calédonie.

En vertu de l'article 39 de la Constitution, le Sénat est saisi en premier du projet de loi organique, dixième réforme du statut de la Nouvelle-Calédonie fixé par la loi du 19 mars 1999, dont Jean-Jacques Hyest était rapporteur. Ce statut est la traduction de l'Accord de Nouméa, « feuille de route » des institutions calédoniennes et socle du consensus local sur la question institutionnelle. Faisant suite à la demande du Xème comité des signataires de l'Accord de Nouméa de décembre 2012, le projet de loi organique montre que l'État, fidèle à sa parole, accompagne la Nouvelle-Calédonie en recherchant la meilleure adéquation entre son statut et les aspirations locales.

Le projet de loi organique « toilette » le statut et le modifie à la marge pour améliorer le fonctionnement des institutions, clarifier les compétences et moderniser les dispositions budgétaires et comptables. Sur le fond, ces mesures n'appellent que quelques amendements de précision et de correction. Restent quelques questions sur lesquelles je solliciterai les éclaircissements du Gouvernement en séance publique, comme l'articulation entre le comité consultatif de l'environnement actuel et la nouvelle compétence environnementale du conseil économique et social de la Nouvelle-Calédonie.

Ces modifications statutaires interviennent alors que le transfert des compétences non régaliennes se poursuit ; il devra être achevé avant le référendum d'auto-détermination prévu, en application de l'article 217 de la loi organique, « au cours du mandat du congrès qui commencera en 2014 ». L'État n'en demeure pas moins, aux yeux des acteurs locaux, un médiateur dont l'autorité morale s'est encore manifestée lors des récents mouvements sociaux et des négociations qui s'en sont suivies : il est le « gardien des grands équilibres ». Les auditions ont confirmé cette demande convergente des acteurs locaux.

L'enseignement primaire privé et secondaire a été transféré au 1 er janvier 2012, les compétences de police et de sécurité de la circulation aérienne intérieure au 1 er janvier 2013. Les compétences en matière de droit civil, d'état civil et de droit commercial l'ont été au 1 er juillet 2013, ce qui n'est pas sans incidence sur la ratification des ordonnances sollicitée par le Gouvernement dans le projet de loi qui accompagne le projet de loi organique.

Un transfert de compétences aussi massif est-il soutenable pour la Nouvelle-Calédonie ? La nouvelle compétence en matière de droit civil et de droit commercial pose la question de l'actualisation et de la mise à niveau du droit, gage de sécurité juridique et d'attractivité économique. L'exemple du droit des assurances, « fossilisé » depuis son transfert, doit inciter l'État à mettre à la disposition de la Nouvelle-Calédonie les moyens humains pour exercer ses nouvelles compétences, en renouvelant notamment la mise à disposition de magistrats auprès du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Outre des souplesses de gestion - pouvoir de réquisition et de police administrative du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, possibilité de subdélégation, précision et dérogation aux règles budgétaires et comptables -, le texte contient une mesure emblématique : l'autorisation générale pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes, accordée en 2011 à la Polynésie française. Dans un contexte de « vie chère », il s'agit de permettre à la Nouvelle-Calédonie de créer une autorité locale de la concurrence.

Si l'économie calédonienne est en plein essor grâce à ses ressources minières, des difficultés sociales se sont fait jour ces dernières années en raison des particularités économiques dues à l'insularité et de fortes disparités sociales. À la suite des mouvements sociaux de 2011, un groupe de travail a réuni l'intersyndicale et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sous l'égide de l'État. La mise en oeuvre de ses préconisations, jugée peu satisfaisante par la population, a entraîné de nouveaux mouvements sociaux qui ont bloqué l'aéroport et le port de Nouméa. Un protocole a été signé le 27 mai dernier, à l'initiative du représentant de l'État, entre les syndicats, le patronat et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui prévoit notamment une baisse du coût des produits de première nécessité et une prise en charge du fret par les provinces. Toutefois, ces correctifs transitoires ne dispenseront pas des nécessaires réformes structurelles.

Malgré sa proximité avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie reste à l'écart des circuits de distribution. Les habitudes de consommation tournées vers les produits métropolitains, les frais de transport maritime ou aérien sont autant de facteurs expliquant un niveau moyen des prix particulièrement élevé, certains observateurs évoquant une « économie de comptoir ». D'autres mettent en cause une fiscalité grevant les importations. Aux handicaps structurels s'ajoute ce que le président de l'Autorité nationale de la concurrence appelle la « tentation de l'entente ».

Dans la lignée de la loi relative à la régulation économique outre-mer, adoptée par le Sénat à l'automne 2012, ce texte lutte également contre la « vie chère ». L'État autorise ainsi la Nouvelle-Calédonie à créer une autorité de la concurrence locale pour lutter contre les comportements anticoncurrentiels en devenant le « bras armé » de la législation locale. La loi du pays du 23 mai 2013, qui institue des règles anti-trust, pourrait être renforcée, par exemple avec l'injonction structurelle qui existe dans les départements et collectivités d'outre-mer de l'Atlantique.

La création d'une autorité administrative indépendante répond à une attente locale très forte, exprimée lors du dernier comité des signataires et que mes auditions ont confirmée. Ces autorités seraient créées pour les seules compétences de la Nouvelle-Calédonie et instaurées par une loi du pays. Un large consensus se dégage localement pour que l'État soit garant de cette indépendance car, bien que non compétent dans ce domaine, il lui revient d'encadrer les pouvoirs de l'autorité qui mettraient en cause les libertés publiques ou heurteraient la liberté individuelle ou le droit de propriété, et de déterminer les voies de recours contre les décisions de l'autorité. La mise en place de telles autorités suppose donc une collaboration entre l'État et la Nouvelle-Calédonie. Je vous proposerai des amendements visant à renforcer les garanties d'indépendance des membres des autorités administratives indépendantes et à rappeler les compétences de l'État.

Autre motif de satisfaction : le texte autorise la constitution en Nouvelle-Calédonie de sociétés publiques locales (SPL), qui sont une initiative sénatoriale. Un amendement de M. Daniel Raoul propose de parachever le dispositif prévu en ouvrant cette faculté non seulement à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces mais aussi aux communes.

Enfin, l'article unique du projet de loi ordinaire propose au Parlement de ratifier des ordonnances relatives à plusieurs collectivités ultra-marines. Je ne vois pas d'obstacle à la ratification de ces ordonnances qui ont été adoptées dans les délais et selon les modalités prévues aux articles 38 et 74-1 de la Constitution. Deux d'entre elles, qui actualisent le droit civil en Nouvelle-Calédonie, ont été adoptées avant le 1 er juillet 2013, lorsque l'État était compétent en matière de droit civil, or il nous est demandé de les ratifier après le transfert de compétences. Le législateur peut-il ratifier des ordonnances dans des domaines où il n'est plus compétent ? Ces ordonnances, prises sur le fondement de l'article 74-1, doivent être ratifiées ; à défaut, elles deviendraient caduques. Il paraît raisonnable de considérer que le transfert de compétences à la Nouvelle-Calédonie n'atteint pas le pouvoir de ratifier, qui appartient au seul Parlement national. Le processus de ratification devant être mené à son terme, il peut être dérogé ponctuellement au transfert irréversible de compétences prévu par l'Accord de Nouméa et la loi organique. Je vous propose donc d'adopter le projet de loi de ratification.

M. Christian Cointat . - Ce projet de loi nécessaire, grandement amélioré par le Conseil d'État et par notre rapporteure, paraît aujourd'hui tout à fait raisonnable. En Nouvelle-Calédonie comme dans les autres territoires ultramarins, la cherté de la vie est au centre des préoccupations. L'éloignement, l'insularité, le morcellement du marché n'expliquent pas tout, et certains prix sont aberrants. Seule une autorité de la concurrence indépendante peut répondre au problème, vu les interactions entre pouvoir politique, économique et social... Une véritable transparence sur la formation des prix rendrait visibles les marges bénéficiaires anormales. Je voterai le texte que nous propose notre rapporteure, que je félicite pour son travail.

M. Pierre-Yves Collombat . - Ce texte, nouvelle étape dans un long processus, donne à la Nouvelle-Calédonie les outils pour assumer ses responsabilités. La possibilité de créer des SPL et des autorités indépendantes est une bonne chose. Je doute qu'une autorité administrative parvienne à créer de la concurrence là où il n'y en a pas, mais elle apportera un peu de régulation et évitera les débordements. Ce texte va dans le bon sens, nous le voterons.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je salue le travail de notre rapporteure, qui a beaucoup amélioré un texte très attendu par les Calédoniens. Ceux-ci comptent sur l'État pour mettre en place cette autorité de la concurrence ; s'il peut sembler paradoxal de réclamer plus d'État à l'aube d'un référendum d'auto-détermination, c'est à lui de donner à la Nouvelle-Calédonie les moyens et les garanties pour assurer son avenir. L'unanimité qui semble se dégager sur ces textes est de bon augure.

Oui à la ratification des ordonnances, mais n'abusons pas de ce procédé qui empiète sur les prérogatives du parlement.

M. Alain Richard . - J'admire l'agilité intellectuelle des porteurs de ce projet, notamment du président Raoul : dans un territoire qui manque de concurrence, on propose de créer des SPL, outil qui permet aux collectivités locales de ne pas faire d'appels à concurrence en matière d'ingénierie publique ! La concurrence va sans doute prospérer... Décidément, un chaînon du raisonnement m'échappe.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Je remercie M. Cointat d'avoir qualifié ce texte de « raisonnable ». Toutes les forces actives de Nouvelle-Calédonie réclament une autorité administrative de la concurrence véritablement indépendante qui assure la transparence de la formation des prix, au service des consommateurs.

M. Collombat a parlé d'une étape importante, je m'en réjouis. Les moyens d'investigation dont disposera l'autorité indépendante lui permettront d'apporter un éclairage objectif sur la formation des prix et de limiter ainsi les excès notoires.

Comme l'a rappelé M. Mohamed Soilihi, c'est à l'État de garantir à la Nouvelle-Calédonie les moyens d'exercer pleinement ses nouvelles compétences. La mission interministérielle d'accompagnement des transferts de compétence mise en place par le ministre des outre-mer fonctionne et apporte des réponses concrètes aux problèmes que soulèvent les transferts de compétence.

Monsieur Richard, je fais confiance à l'analyse de M. Raoul sur les SPL. Les responsables calédoniens souhaitent, comme des dirigeants locaux me l'ont confirmé, pouvoir peser sur les monopoles privés locaux, par exemple en matière de transport scolaire, en assumant eux-mêmes la responsabilité du service au sein d'une SPL. Cela peut être un élément de persuasion pour faire baisser les prix...

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU PROJET DE LOI ORGANIQUE
PORTANT ACTUALISATION DE LA LOI DU 19 MARS 1999 RELATIVE
À LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Article 1 er

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 1 prévoit que l'indépendance des membres des autorités administratives indépendantes doit être garantie. Cette prescription vaut également pour la loi du pays qui créera ces instances. Condition essentielle pour les protéger des pressions locales, les membres des autorités administratives indépendantes ne pourront être révoqués. Cet amendement rappelle en outre la compétence de l'État pour encadrer l'action de l'autorité administrative indépendante, qui découle de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999.

L'amendement n° 1 est adopté.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 2 vise également à renforcer la légitimité et l'indépendance des membres des autorités indépendantes. Une nomination à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés suppose un consensus des formations politiques locales autour de noms offrant notoirement toutes les garanties d'indépendance.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - L'idée de nominations à la majorité des trois cinquièmes progresse de texte en texte, je m'en réjouis.

M. Christian Cointat . - J'y suis moi aussi favorable.

L'amendement n° 2 est adopté.

Article 2

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Le champ des actes pouvant faire l'objet d'une subdélégation de la signature du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'est pas limité dans son champ par le projet de loi organique, ce qui empêche un véritable contrôle par le délégant de son usage. L'amendement n° 5 l'encadre en renvoyant à un décret le soin de fixer la liste des actes ne pouvant être subdélégués.

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 3

L'amendement n° 6, de simplification rédactionnelle, est adopté.

Article 5

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 3 élargit les compétences du conseil économique et social de Nouvelle-Calédonie aux questions environnementales, comme le préconise l'avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

M. Christian Cointat . - Je voterai cet amendement. La dénomination des conseils économiques et sociaux d'outre-mer varie d'un territoire à l'autre. Une harmonisation serait bienvenue, car la fonction doit être la même partout.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Pourquoi ne pas harmoniser les appellations, en effet, mais sur le fond, nous avons admis une certaine singularité de nos outre-mer. Je précise que l'élargissement des compétences du conseil économique et social aux questions environnementales ne fait pas abstraction du comité consultatif de l'environnement qui existe, depuis 1999, et que les élus calédoniens ne souhaitent pas voir disparaître. La réflexion se poursuit sur l'articulation entre les deux instances : une solution pourrait être que le comité consultatif délègue deux représentants au conseil économique et social, à l'instar du Sénat coutumier.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Nouvel exemple de la tendance à la polysynodie, largement illustrée par la loi de décentralisation ! Nous avions lutté contre, mais les députés ne résistent pas à la tentation de multiplier les conseils et autres comités...

M. Christian Cointat . - J'en reviens à la dénomination des conseils économiques et sociaux. Harmonisation ne signifie pas uniformité : en Guyane, les instances existantes ont été regroupées au sein du conseil économique, social et environnemental. Il est important que tous ces conseils prennent en compte l'environnement sans nier les structures existantes.

L'amendement n° 3 est adopté.

Article additionnel après l'article 6

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 12 rectifie une erreur commise par l'Assemblée nationale, ce dont M. René Dosière convient, lors de l'adoption de la loi organique du 3 août 2009 qui prive le président de la commission permanente du congrès de la Nouvelle-Calédonie et les vice-présidents des assemblées de province de leurs indemnités de fonction. Les trois présidents d'assemblée de province avaient d'ailleurs adressé une demande en ce sens auprès de Mme Penchard en 2009.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Pour une fois que M. Dosière souhaite augmenter une indemnité !

M. Christian Cointat . - Il ne s'agissait pas simplement d'une erreur de l'Assemblée nationale, mais d'une suppression volontaire.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Il y a eu une erreur d'appréciation sur la nature de ces indemnités, qui correspondent bien à la rémunération de ces élus et non à une quelconque enveloppe pour remboursement de frais.

L'amendement n° 12 est adopté.

Article 8

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 7 supprime un doublon dans le texte.

L'amendement n° 7 est adopté.

Article 12

L'amendement rédactionnel n° 8 est adopté.

Article 13

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 4 supprime une disposition fixant le régime des sociétés publiques locales (SPL) qui doit figurer dans le projet de loi. Si le principe de création de ces SPL doit être fixé au niveau de la loi organique, ses modalités relèvent en effet du législateur, de même que pour les sociétés d'économie mixte (SEM). Admettre que seul le législateur organique est compétent justifierait alors que l'ensemble de la législation en matière de SEM doive également être relevé au niveau organique.

Je précise que l'État est compétent pour étendre les SPL en Nouvelle-Calédonie. La nouvelle compétence de la Nouvelle-Calédonie en matière de droit commercial est sans incidence puisque la SPL, bien qu'elle emprunte une forme commerciale - celle de la société anonyme -, est conçue comme un mode de relations entre les institutions calédoniennes, ce qui justifie d'ailleurs la compétence du législateur organique. Si cette question relevait de la Nouvelle-Calédonie, le législateur organique ne serait pas plus compétent que le législateur pour traiter de ce point car les transferts de compétence en faveur de la Nouvelle-Calédonie sont irréversibles en application de l'article 77 de la Constitution. En outre, si ce raisonnement était suivi, cela justifierait alors que l'ensemble de la législation en matière de SEM doive également être relevé au niveau organique.

L'amendement rédactionnel n° 4 est adopté.

Article 15

L'amendement rédactionnel n° 10 est adopté.

Article 17

L'amendement de coordination n° 9 est adopté.

Article 19

L'amendement rédactionnel n° 11 est adopté.

Le projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de commission.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU PROJET DE LOI
PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES AUX OUTRE-MER

Articles additionnels après l'article unique

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 3 est de conséquence.

L'amendement n° 3 est adopté.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 2 de M. Raoul étend aux communes de la Nouvelle-Calédonie le dispositif des SPL, qui est déjà rendu accessible à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces par l'article 13 du projet de loi organique. Il aligne le régime des communes de Nouvelle-Calédonie sur leurs homologues métropolitaines. Je vous propose son adoption, quitte à le modifier pour apporter les coordinations nécessaires en séance publique .

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Christian Cointat . - L'amendement n° 1 corrige un déséquilibre : l'île de Saint-Martin étant devenue une collectivité, il faut lui donner les moyens nécessaires à son développement.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement permet de confier de nouvelles compétences à la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin. Je l'ai dit hier à son auteur, M. Fleming : je comprends l'esprit de cet amendement, mais je préfèrerais limiter, au stade de la commission, ce texte à la Nouvelle Calédonie. Peut-il le retirer et le représenter en séance ?

M. Christian Cointat . - Je transmettrai le message.

L'amendement n° 1 est retiré

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 4 du Gouvernement corrige une erreur matérielle de légistique à l'article 8-1 de la loi du 19 mars 1999 créée par l'ordonnance du 14 mai 2009.

L'amendement n° 4 est adopté.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 5 vise à habiliter le Gouvernement, dans le cadre de l'article 38 de la Constitution, à prendre des ordonnances pour étendre, au besoin en l'adaptant, à Mayotte, aux collectivités d'outre-mer et en Nouvelle Calédonie la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques. Comme l'a souligné le ministre des outre-mer, le Parlement, à commencer par notre commission, n'aime guère les ordonnances, mais elles sont justifiées dans ce cas. J'émets donc un avis favorable.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Le sujet est sensible : il concerne la limite entre la propriété coutumière et la zone des pas géométriques, par exemple. Il mériterait l'intervention du législateur, ou au moins une étude d'impact. Je suis donc assez réservé.

M. René Vandierendonck . - Je suis d'accord avec mon collègue: les enjeux économiques liés à la délimitation du régime de la domanialité publique maritime relèvent du travail parlementaire.

M. Alain Richard . - Pour ma part, je suis favorable aux ordonnances. Quand j'entends le concert de protestation, devenu le bruit de fond de cette maison, sur la surcharge du calendrier législatif, je me dis que si nous débattions de tout ce qui passe en ordonnance, nous aurions un curieux spectacle ! Et tous les gouvernements adaptent par ordonnance les législations applicables dans les collectivités d'outre-mer parce qu'il est impossible de faire autrement.

Cela dit, j'ai un doute : L'État est-il compétent ? Les questions de domanialité sont de la compétence locale, et je ne suis pas sûr qu'il soit possible d'habiliter le législateur à faire cette transposition. Il me semble qu'il revient aux collectivités territoriales d'agir.

M. Jean-Jacques Hyest . - Pour répondre à M. Richard, il y a toujours un domaine public de l'État, même  dans les collectivités d'outre-mer : routes nationales, bâtiments publics, gendarmeries, préfectures... Et seul l'État fixe les règles qui s'y appliquent. Je relève qu'une habilitation a été délivrée pour Mayotte, et les délais n'ont pas été tenus. Transcrire ces règles, avec des adaptations, me semble indispensable. Mais il serait préférable d'adapter la loi aux collectivités d'outre-mer au moment de son élaboration ; les ordonnances résultent souvent de la faiblesse des services juridiques du ministère de l'outre-mer.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Il faut avancer sur ces sujets qui, il faut l'avouer, n'intéressent pas grand monde. Je reste réservé : l'idéal serait que le Gouvernement se rapproche des parlementaires concernés au moment de l'élaboration des textes. Pour ma part, je m'abstiendrai : je me méfie du procédé, mais je ne veux pas freiner l'évolution.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Je souscris aux propos de M. Hyest sur la persistance d'un domaine public de l'État.

Je suggère de ne pas adopter en commission l'amendement ; son examen en séance sera l'occasion d'interroger le Gouvernement sur le contenu des ordonnances.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - L'amendement devra être redéposé au titre des amendements extérieurs ; ce sera l'occasion pour le Gouvernement de s'engager à la concertation. Pour l'heure, notre vote sera négatif.

L'amendement n ° 5 est rejeté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La commission adopte les avis suivants :

PROJET DE LOI ORGANIQUE

Examen des amendements de la rapporteure

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Création d'autorités administratives indépendantes
par la Nouvelle-Calédonie

Mme TASCA, rapporteure

1

Garanties d'indépendance des membres des autorités administratives indépendantes et compétence de l'État

Adopté

Mme TASCA, rapporteure

2

Procédure de nomination des membres des autorités administratives indépendantes

Adopté

Article 2
Pouvoir de police administrative et de réquisition
du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
et possibilité de subdélégation de signature de ses actes

Mme TASCA, rapporteure

5

Exclusion d'actes du champ de la subdélégation du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Adopté

Article 3
Pouvoir de police de la circulation du président
de l'assemblée de province sur le domaine routier provincial

Mme TASCA, rapporteure

6

Simplification rédactionnelle

Adopté

Article 5
Dénomination et compétence du conseil économique
social et environnemental

Mme TASCA, rapporteure

3

Compétence du conseil économique, social et environnemental en matière environnementale

Adopté

Mme TASCA, rapporteure

12

Indemnités du président de la commission permanente du congrès de la Nouvelle-Calédonie et des vice-présidents des assemblées de province

Adopté

Article 8
Pouvoir de délégation du président de l'assemblée de la province
pour la passation des marchés publics

Mme TASCA, rapporteure

7

Suppression d'un doublon

Adopté

Article 12
Information des membres des assemblées de province
sur les délibérations examinées

Mme TASCA, rapporteure

8

Harmonisation rédactionnelle

Adopté

Article 13
Création de sociétés publiques locales par la Nouvelle-Calédonie,
les provinces et leurs établissements publics

Mme TASCA, rapporteure

4

Coordination

Adopté

Article 15
Contrôle des bénéficiaires de subventions publiques
de la Nouvelle-Calédonie et des provinces

Mme TASCA, rapporteure

10

Rédactionnel

Adopté

Article 17
Contrôle des bénéficiaires de subventions publiques
de la Nouvelle-Calédonie et des provinces

Mme TASCA, rapporteure

9

Précision et coordination

Adopté

Article 19
Règles financières et comptables des établissements publics
d'enseignement du second degré de la Nouvelle-Calédonie

Mme TASCA, rapporteure

11

Rédactionnel

Adopté

La commission adopte les avis suivants :

PROJET DE LOI

Examen des amendements extérieurs

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Articles additionnels après l'article unique

M. FLEMING

1

Compétence de la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin

Retiré

M. RAOUL

2

Création de sociétés publiques locales par les communes calédoniennes

Adopté

Mme TASCA, rapporteure

3

Conséquence

Adopté

Le Gouvernement

4

Correction d'une erreur

Adopté

Le Gouvernement

5

Habilitation législative à prendre des ordonnances pour étendre et adopter la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques

Rejeté

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

________

- M. Hilarion Vendegou , sénateur

- M. Paul Néaoutyine , président de l'assemblée de la province Nord

- M. Alain Christnacht , conseiller d'État

Ministère des outre-mer - Délégation générale à l'outre-mer

- M. Thomas Degos , délégué général

- Mme Catherine Salmon , adjointe du chef de service des affaires juridiques et institutionnelles

- M. Jacques Wadrawane , chef de la mission de l'accompagnement du transfert des compétences en Nouvelle-Calédonie

Autorité de la concurrence

- M. Bruno Lasserre , président

- Mme Liza Bellulo , chef du service du président

Contributions écrites

- M. Pierre Frogier , sénateur

- M. Philippe Gomès , député


* 1 Il est désormais prévu que dans le délai de 18 mois suivant une démission collective de membres du gouvernement, la démission collective de membres du gouvernement qui ne pourraient pas être remplacés par les suivants sur la liste n'entraîne pas la démission d'office de l'ensemble du gouvernement, sachant qu'au cours de ce délai de carence, le groupe démissionnaire peut néanmoins réintégrer le gouvernement, dans la limite des sièges à pourvoir, en présentant une liste de candidats.

* 2 Mesure statistique de la dispersion d'une distribution dans une population donnée, l'indice de Gini varie de 0 à 1, 0 signifiant l'égalité parfaite et 1 traduisant une inégalité maximale.

* 3 Rapport de l'Autorité de la concurrence relatif aux structures de contrôle en matière de concurrence en Nouvelle-Calédonie du 21 septembre 2012 - Rapport de l'Autorité de la concurrence relatif aux mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation en Nouvelle-Calédonie du 21 septembre 2012

* 4 CC, 28 juillet 2011, n° 2011-637 DC

* 5 L'article 32 de cette loi introduisait déjà au sein du code monétaire et financier un article L. 743-2-1 permettant à l'État d'encadrer les tarifs bancaires applicables aux personnes physiques.

* 6 Cette loi du pays fait actuellement l'objet d'un examen de sa conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel à la suite de sa saisine par la présidente de la province Sud.

* 7 A cet égard, il convient de relever que la compétence provinciale en matière d'urbanisme commercial prévue, sous forme d'un réserve stricte, à l'article 22 de la loi organique ne saurait faire obstacle à l'exercice de missions de régulation économique, notamment en termes de concentration des activités économiques et des équipements économiques, que la Nouvelle-Calédonie détient.

* 8 CC, 28 juillet 1989, 89-260 DC

* 9 CC, 17 janvier 1989, 88-248 DC

* 10 CC, 28 juillet 1989, 89-260 DC

* 11 Pour un exemple applicable aux délibérations d'un conseil municipal : CE, 27 octobre 1989, n° 70549.

* 12 CC, 9 juillet 2008, n° 2008-566 DC.

* 13 Cette motivation originelle n'est pas pertinente en Nouvelle-Calédonie où le droit de l'Union européenne ne s'applique pas, ce territoire étant un pays ou territoire d'outre-mer (PTOM) pour l'Union européenne.

* 14 L'article 29 de la loi organique n° 2004-192 qui renvoie pour la constitution de SEM par la Polynésie française aux « conditions prévues par la législation applicable en Polynésie française » n'a appelé « aucune critique de constitutionnalité » (CC, 12 février 2004, n° 2004-490 DC).

* 15 Articles L. 2312-1 et L. 3312-1 du code général des collectivités territoriales.

* 16 Article L. 225-1 du code de commerce

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