Rapport n° 694 (2013-2014) de Mme Sophie PRIMAS , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 8 juillet 2014

Disponible au format PDF (357 Koctets)

Tableau comparatif au format PDF (26 Koctets)


N° 694

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1), sur la proposition de résolution faite au nom de la commission des affaires européennes, présentée en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la réduction de la consommation de sacs en plastique légers à poignée ,

Par Mme Sophie PRIMAS,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Raymond Vall , président ; MM. Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, MM. Jean-Jacques Filleul, Alain Houpert, Hervé Maurey, Rémy Pointereau, Mme Esther Sittler, M. Michel Teston , vice-présidents ; MM. Pierre Camani, Jacques Cornano, Louis Nègre , secrétaires ; MM. Joël Billard, Jean Bizet, Jean-Pierre Bosino, Yves Chastan, Philippe Darniche, Marcel Deneux, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Philippe Esnol, Jean-Luc Fichet, Alain Fouché, Mme Marie-Françoise Gaouyer, M. Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, M. Benoît Huré, Mme Chantal Jouanno, M. Daniel Laurent, Mme Hélène Masson-Maret, MM. Jean-François Mayet, Robert Navarro, Mme Sophie Primas, MM. Thierry Repentin, Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Henri Tandonnet, Paul Vergès .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

685 (2013-2014)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La surconsommation de sacs plastiques est une problématique environnementale de plus en plus prégnante.

Depuis les années 1960, ces emballages ont connu une utilisation exponentielle. Cependant, les mêmes propriétés qui ont été à l'origine du succès de ces sacs, à commencer par leur légèreté et leur coût de revient très faible, en ont fait une source de pollution considérable. En moyenne, un sac de caisse est fabriqué en une seconde, est utilisé pendant 20 minutes et se décompose durant 400 ans. Les scientifiques estiment aujourd'hui que 88 % de la surface des océans est polluée par des déchets plastiques.

Au vu de cet enjeu environnemental, la Commission européenne a adopté, le 4 novembre 2013, une proposition de directive afin d'imposer aux États membres de prendre des mesures de réduction de la consommation de sacs, dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur du texte. En effet, les efforts réalisés sont très inégaux et manquent de cohérence, entre des États qui ne consomment plus que deux sacs par habitant et par trimestre, et d'autres qui en consomment le même nombre par jour.

Le Parlement européen, qui s'est prononcé en séance plénière le 16 avril 2014, a fortement renforcé l'ambition du projet de directive, avec la définition d'objectifs chiffrés et partagés. Les États devront réduire leur consommation de sacs en plastique de 50 % d'ici 2017, et de 80 % d'ici 2019.

La présente proposition de résolution européenne s'inscrit donc dans ce débat, et vise à affirmer la position du Sénat français dans la perspective de la discussion du projet de directive devant le Conseil des ministres de l'Union, d'ici à la fin de l'année 2014.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

LA RÉVISION DE LA DIRECTIVE EMBALLAGES : UNE RÉPONSE À L'ENJEU DE RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION DES SACS EN PLASTIQUE

LA CONSOMMATION DE SACS EN PLASTIQUE EN FRANCE ET EN EUROPE

UN DÉVELOPPEMENT EXPONENTIEL DES SACS EN PLASTIQUE LÉGERS

Jusque dans les années 1960, sacs en tissu et cabas étaient largement utilisés par les ménages pour les courses et le transport de marchandises en tous genres. Depuis, les sacs en plastique légers à poignées se sont développés de manière exponentielle. Ils sont aujourd'hui très majoritairement utilisés pour transporter les achats, en particulier alimentaires. Ils sont ensuite en grande partie réutilisés comme sacs poubelle. Ces sacs sont généralement composés de polyéthylène d'origine pétrolière, même si de plus en plus d'alternatives se développent. Les sacs biosourcés, par exemple, sont des sacs fabriqués à partir d'une ou plusieurs substances organiques renouvelables.

Selon les chiffres de l' Environmental Protection Agency (EPA, Agence de la protection de l'environnement) des États-Unis, entre 500 et 1 000 milliards de sacs seraient utilisés chaque année dans le monde.

Le coût de revient d'un sac en plastique classique à poignées est d'un peu plus d'un centime de dollar. Le recyclage des sacs est encore très peu développé. Moins d'un pourcent des sacs sont recyclés dans la mesure où il coûte en effet bien plus cher de recycler un sac que d'en manufacturer un nouveau.

LA CONSOMMATION DE SACS EN PLASTIQUE EN FRANCE ET EN EUROPE

Les propriétés qui ont fait le succès des sacs en plastique à poignées, à savoir leur résistance et leur légèreté, ont contribué à leur prolifération en Europe.

En 2010, la Commission estimait que chaque citoyen de l'Union européenne avait utilisé 198 sacs dans l'année, dont environ 90 % étaient des sacs légers, moins souvent réutilisés que les sacs plus épais et plus susceptibles de devenir des déchets sauvages. La Commission a établi différents scénarios d'évolution de la situation. Dans un scénario de statu quo , la consommation de sacs augmenterait encore à l'avenir.

Selon les estimations, en 2010 toujours, dans l'Union européenne, plus de 8 milliards de sacs ont été jetés dans la nature, soit une moyenne de 16 sacs par habitant.

L'utilisation de sacs plastiques diffère fortement d'un pays à l'autre au sein de l'Union. Les Danois et les Finlandais ne consomment qu'un sac en plastique par trimestre, tandis que les Chypriotes, les Hongrois, les Polonais, les Portugais, les Slovaques et les Slovènes voient cette fréquence passer à un par jour.

En France, chaque individu consomme quatre-vingt-dix sacs par an, soit un peu moins de deux par semaine, ce qui équivaut à deux fois moins que la moyenne communautaire .

LA POLLUTION DUE AUX SACS AU NIVEAU MONDIAL : LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉPONSE AMBITIEUSE

DES PROPRIÉTÉS INTRINSÈQUES NÉFASTES POUR L'ENVIRONNEMENT

Les données disponibles actuellement sur les sacs en plastique légers mettent en évidence de manière criante l'ampleur du problème environnemental posé par ces emballages. Un sac de caisse est fabriqué en une seconde, pour une durée moyenne d'utilisation de 20 minutes et une durée de décomposition dans la nature pouvant aller jusqu'à 400 ans . L'impact de la production massive de sacs est donc considérable pour l'environnement.

La décomposition des sacs en plastique est très lente. Ils peuvent rester à la dérive sur les océans pendant des décennies. L'eau maintient en effet le plastique à une température basse et les algues bloquent les rayons ultra-violets. D'après le Research triangle institute , chaque morceau de plastique fabriqué au cours des cinquante dernières années et qui s'est retrouvé dans l'océan y est toujours aujourd'hui.

En outre, les sacs restent toxiques après leur décomposition. Une fois décomposés en particules fines, ils ne se biodégradent pas, ils se photodégradent. Un matériau n'est dit biodégradable que s'il peut être décomposé sous l'action de micro-organismes (bactéries, champignons, algues), avec pour résultat la formation d'eau, de CO 2 ou de méthane, et éventuellement de sous-produits non toxiques pour l'environnement.

Les morceaux de plastique restants retiennent des éléments hydrophobes comme le biphényle polychloré (BCP) et le dichlorodiphenyltrichloréthane (DDT), qui sont des polluants particulièrement dangereux et persistants.

LA POLLUTION DES OCÉANS : UNE PRÉOCCUPATION CROISSANTE

Selon une étude du Centre supérieur de la recherche scientifique (CSIC) de l'université de Cadix en Espagne, publiée le 30 juin dernier aux Etats-Unis dans les Comptes rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS), les fragments de plastique pollueraient près de 88 % de la surface des océans . Ils affecteraient aussi la chaîne alimentaire marine en étant absorbés par les poissons et les autres animaux.

Cette étude a confirmé l'existence de cinq grandes zones de convergence, où s'accumulent ces déchets de plastique à la surface, sous l'effet des courants et des cinq grandes circulations des eaux autour du globe.

POSITION DES PLAQUES DE DÉCHETS ET COURANTS MARINS

Source : Le Monde, la surface des océans contaminée à 88 % par du plastique, 1 er juillet 2014

L'étude évalue la masse de déchets plastiques flottant sur les océans entre 7 000 et 35 000 tonnes, avec une plus grande concentration dans le Pacifique Nord, qui représenterait 33 à 35 % du total. Cette île de plastique équivaudrait en superficie, selon les estimations, à environ 1 à 3 fois la superficie de la France.

Le rejet dans les océans de déchets de plastique constitue une menace croissante pour la vie marine, le tourisme et la pêche, et provoque des dégâts environnementaux aujourd'hui estimés par l'ONU à 9,5 milliards d'euros.

LES EFFORTS DE RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION DE SACS ENGAGÉS EN FRANCE ET DANS LE MONDE

Les sacs en plastique légers ont longtemps été perçus comme gratuits, mais les dégâts environnementaux qu'ils causent ont un coût réel pour l'environnement comme pour le consommateur. De nombreux pays ont pris conscience du problème ces dernières années et ont mis en place divers outils pour répondre à cette problématique. De manière schématique, trois types de réactions ont pu être observées : l'interdiction, la taxation, le recyclage.

LES DIVERSES STRATÉGIES ADOPTÉES DANS LE MONDE
L'interdiction des sacs

En 2002, le Bangladesh a décrété une interdiction totale des sacs en plastique, soupçonnés d'avoir aggravé des inondations à Dacca en empêchant la bonne évacuation des eaux.

Le 1 er juin 2008, la Chine a décidé d'interdire la production et l'utilisation des sacs plastiques de moins de 25 microns d'épaisseur. Six mois après cette interdiction, la consommation chinoise avait diminué des deux tiers.

L'Inde a également interdit la production et l'utilisation des sacs en plastique de moins de 20 microns d'épaisseur. Les contrevenants s'exposent à des peines de prison et des amendes de 100 000 roupies (3 000 dollars).

Au-delà du coût environnemental et sanitaire qu'engendre la prolifération des sacs en plastique dans la nature, se pose la question du coût de production de ces produits. Pour un pays comme la Chine qui utilise 37 millions de barils de pétrole pour la production des sacs en plastique, la mesure d'interdiction se justifie aussi sur le plan économique.

En Europe, l'Italie qui avait d'abord privilégié l'approche tarifaire en instaurant une taxe sur les sacs plastiques, a finalement décidé d'interdire purement et simplement leur production et leur utilisation à compter du 1 er janvier 2011.

La taxation

Le Danemark a été un pionnier en instaurant une taxe sur les sacs plastique dès 1994.

L'Irlande a également adopté une approche tarifaire en mettant en place, dès mars 2002, une taxe de 15 centimes d'euros, passée aujourd'hui à 50 centimes, par sac plastique à usage unique, avec une exemption pour les sacs réutilisables ainsi que les sacs utilisés pour la protection de certains aliments comme les viandes.

Cette politique, fondée sur le principe du pollueur-payeur, s'est révélée très efficace puisque la consommation de sacs en plastique a diminué de 90 %.

La Belgique a instauré en juillet 2007 une taxe « pique-nique » s'appliquant à tous les ustensiles jetables en plastique et à tous les sacs, à l'exception des sacs compostables et des sacs ne comportant pas de plastique. La distribution de sacs a diminué de 80 % par rapport à 2003.

Le recyclage

Encourager le recyclage permet d'agir sur les sacs d'ores et déjà produits, utilisés, et jetés. Aux États-Unis, de nombreux États et de nombreuses villes ont mis en place une réglementation spécifique pour collecter et recycler les sacs en plastique.

En août 2009, le Delaware a adopté une loi imposant aux chaînes ayant plus de trois magasins dans l'État de fournir des sacs réutilisables et de collecter les sacs plastique usagés. Cette mesure a permis de garantir à l'industrie du recyclage un approvisionnement fiable et continu en sacs, ce qui lui a permis de se développer.

Au Québec, en 2011, un programme de certification des sacs en plastique recyclables a été développé par le Bureau de normalisation du Québec, afin de faciliter le recyclage et d'aider les centres de tri dans le traitement de ces matières. C'est la première initiative de ce genre au Canada.

UNE DYNAMIQUE DE RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION EN FRANCE

En France, la question du traitement des sacs en plastique est prise en compte depuis le début des années 2000. Une politique s'est progressivement mise en place, qui combine démarches volontaires des industriels et incitations fiscales.

En 2005, un accord signé entre la grande distribution et la filière plastique, sous l'égide du ministère de l'environnement, a fixé un objectif de réduction des sacs de caisse distribués gratuitement de 50 % d'ici à fin 2006 par rapport au chiffre de 2003. Pour atteindre ce but, l'objectif était de promouvoir les sacs réutilisables et les sacs plastiques recyclés payants.

Cette action a conduit à une réduction drastique du nombre de sacs de caisse distribués gratuitement. Leur nombre est passé de 15 milliards en 2003 à 650 millions en 2012, soit une réduction de 95 %. Les 650 millions de sacs encore distribués le sont principalement dans les commerces de proximité.

La loi de finances pour 2010 a marqué une étape supplémentaire avec l'intégration des sacs de caisse à usage unique dans l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à compter du 1 er janvier 2014. Le taux retenu est de 10 euros par kilogramme, soit 6 centimes par sac en plastique. L'objectif est d'inciter les consommateurs et les commerçants à se tourner vers les alternatives aux sacs non réutilisables.

LA PROPOSITION DE DIRECTIVE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE RELATIVE AUX SACS EN PLASTIQUE

LA PROPOSITION DE LA COMMISSION

LA GENÈSE DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE
La compétence de l'Union européenne

En droit européen, les sacs en plastique sont considérés comme des emballages aux termes de la directive n° 94/62/CE du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d'emballages. La directive ne prévoit toutefois pas de mesures spécifiques aux sacs.

Les États ont donc mis en place, à titre national, différentes politiques visant à réduire la consommation de sacs, que ce soit par des mesures tarifaires, par des accords avec les entreprises du commerce de détail ou par des campagnes de sensibilisation.

En 2011, l'Italie a décidé d'interdire totalement les sacs en plastique non réutilisables. Or la directive de 1994 ne permettait pas une telle interdiction. L'article 18 prévoit en effet que les États membres ne peuvent pas faire obstacle à la mise sur le marché, sur leur territoire, d'emballages conformes aux exigences communautaires. La décision de l'Italie a incité le Conseil « environnement » à examiner la problématique. Le 14 mars 2011, le Conseil a invité la Commission à étudier d'éventuelles actions à l'échelle de l'Union pour s'attaquer à l'utilisation des sacs.

Le sujet des sacs est de la compétence de l'Union européenne dans la mesure où la forte consommation de sacs en plastique est un enjeu commun et transfrontalier. Les mesures prises individuellement par les différents États membres manquent de cohérence. Par ailleurs, les mesures unilatérales de restriction de commercialisation soulèvent des problèmes de compatibilité avec la directive emballages dans sa rédaction actuelle.

La Commission a fait le choix de traiter la question des sacs en plastique dans une directive à part , compte tenu de la nature spécifique du problème et du contexte, mais cette directive s'inscrit dans un travail global de révision de la politique des déchets de l'Union européenne, qui doit être présenté par la Commission cet été.

Le processus d'élaboration de la directive

La Commission a travaillé pendant deux ans sur le sujet avec l'objectif de réduire les effets négatifs sur l'environnement des sacs, en particulier concernant les déchets sauvages, et de favoriser une utilisation plus efficace des ressources, tout en limitant les conséquences socioéconomiques néfastes.

La Commission a fait réaliser en 2011 une étude sur les modes de production et de consommation des sacs en plastique en Europe et sur les conséquences des différentes options politiques envisagées pour réduire leur utilisation. Une seconde étude en 2012 a complété l'évaluation des incidences socioéconomiques des différentes options.

Une consultation publique a été menée du 17 mai au 9 août 2011 ; elle a permis de recueillir plus de 15 000 réponses.

Une analyse d'impact a ensuite été réalisée. Elle a en particulier permis d'établir qu'il serait difficile de concevoir et de mettre en oeuvre un objectif de réduction unique à l'échelle de l'Union et s'appliquant de manière identique à tous les Etats membres. Plutôt que de fixer un objectif commun, il a semblé préférable à la Commission d'introduire une obligation de réduction de la consommation des sacs en plastique, tout en laissant aux États le soin de fixer leurs propres objectifs nationaux et de choisir les mesures les plus adaptées pour atteindre ces objectifs. Ce n'est que dans un second temps qu'un objectif commun pourrait être envisagé.

LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE ADOPTÉE LE 4 NOVEMBRE 2013

Une proposition de directive a été adoptée par la Commission le 4 novembre 2013. Ce texte modifie l'article 4 de la directive n° 94/62/CE sur les emballages, relatif à la prévention.

La Commission prévoit que les États membres prennent des mesures afin de réduire la consommation de sacs en plastique légers à poignées, dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la directive. Ces mesures peuvent comprendre l'utilisation d'instruments économiques mais aussi des restrictions de commercialisation, en dérogation de l'article 18 de la même directive. Il serait désormais possible d'interdire les sacs. L'éventail des instruments dont disposent les États pour s'attaquer à la consommation non durable de sacs se trouve ainsi élargi.

Une définition des sacs en plastique légers à poignées est introduite à l'article 3 de la directive emballages. Il s'agit des sacs en plastique d'une épaisseur inférieure à 50 microns et qui sont fournis aux consommateurs dans les points de vente de marchandises ou de produits. Sont concernés aussi bien les sacs biosourcés, c'est-à-dire produits à base de matières organiques, que les sacs pétrochimiques. Au-delà de 50 microns d'épaisseur, les sacs sont considérés comme réutilisables et ne rentrent donc pas dans le champ d'application.

Les sacs biodégradables sont visés par le projet de directive. En effet, le terme biodégradable ne signifie pas que les sacs en plastique se biodégradent naturellement. Les sacs biodégradables ne se dégradent qu'au sein d'une usine de compostage, à une température de 57 degrés et à un taux d'humidité au moins égal à 90 %. Or la filière de compostage reste peu développée en Europe comme en France. L'intégration de ces sacs dans le champ de la directive est donc parfaitement justifiée.

De la même manière, les sacs oxodégradables ne constituent pas une alternative optimale. Ils sont fabriqués avec des additifs, notamment des sels de métaux, qui provoquent une dégradation du plastique sous l'action de la lumière ou de la chaleur. Cependant, les fines particules issues de cette dégradation sont polluantes. Il ne s'agit donc pas d'une réponse satisfaisante au problème de la surconsommation de sacs.

LE VOTE DU PARLEMENT EUROPÉEN

Le 16 avril 2014, le Parlement européen a adopté en séance plénière un texte amendé. Cette mouture de la directive servira de base aux discussions en trilogue avec les États membres et la Commission européenne. L'adoption définitive du texte est prévue fin 2014.

Le dispositif voté par le Parlement européen est plus ambitieux que la proposition initiale de la Commission. Il établit des objectifs chiffrés et communs de réduction de la consommation de sacs.

Les États membres devront ainsi réduire leur consommation de sacs en plastique d'une épaisseur inférieure ou égale à 50 microns de 50 % d'ici 2017 et de 80 % deux ans plus tard, par rapport aux chiffres de 2010.

Le Parlement a prévu une exemption pour les sacs très légers utilisés pour emballer les produits alimentaires tels que les viandes crues, les poissons et les produits laitiers. Les sacs utilisés pour emballer les fruits, les légumes ou les confiseries devraient être remplacés d'ici 2019 par des sacs en papier recyclés, biodégradables ou compostables.

Le texte adopté limite également le recours à des substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), aux perturbateurs endocriniens (PE), ainsi qu'aux substances persistantes, bioaccumuables et toxiques (PBT) et très persistantes et très bioaccumulables (vPvB) dans la composition des sacs en plastique.

LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

UNE POSITION MÉDIANE

Au vu de ces éléments et en application de l'article 73 quater du Règlement, la commission des affaires européennes du Sénat a adopté le mercredi 2 juillet, à l'initiative de Françoise Boog, une proposition de résolution sur la réduction de la consommation des sacs en plastique légers à poignées.

UNE PROPOSITION DE LA COMMISSION JUGÉE DÉCEVANTE

La commission des affaires européennes a estimé que le texte initialement proposé par la Commission n'était pas suffisamment ambitieux au regard de l'objectif affiché, à savoir la réduction de la consommation de sacs en plastique dans un délai de deux ans après l'entrée en vigueur de la directive.

Les mesures prises pour y parvenir ne sont en effet pas définies. La Commission indique simplement qu'il pourrait s'agir d'objectifs nationaux en matière de réduction, d'instruments économiques comme des taxes, ou de restrictions à la commercialisation. La Commission laisse donc toute latitude aux États membres pour fixer leurs propres objectifs nationaux et choisir les mesures les plus pertinentes à mettre en oeuvre au vu de leur situation. Les États membres devront uniquement rendre compte des effets des mesures adoptées.

À l'objectif initial répond un texte jugé relativement creux, qui se contente de communautariser les actions menées par les États membres.

La seule précision du texte de la Commission tient à son champ d'application, destiné aux sacs dont l'épaisseur est inférieure ou égale à 50 microns.

UNE PROPOSITION MAXIMALISTE DU PARLEMENT

Si le projet de la Commission manquait de portée, la commission des affaires européennes estime que la version adoptée par le Parlement européen semble à l'inverse trop radicale et peu en phase avec les réalités commerciales et industrielles.

L'objectif commun de réduction du nombre de sacs de caisse distribués, fixé à 50 % en 2017 et 80 % en 2019, devrait être difficile à mettre en oeuvre pour les pays ayant déjà accompli cet effort. Les pays d'Europe du Nord mais également la France ont réduit drastiquement leur consommation de sacs au cours des dernières années. En France, cette consommation a baissé de 95 % en huit ans. Imposer à ces pays de diminuer encore de 50 % puis de 80 % leur consommation semble extrêmement difficile, sauf à interdire complètement l'usage de ces sacs, ce qui crée là aussi des difficultés, notamment pour les petits commerçants de détail.

Là où le projet de la Commission était relativement insuffisant au vu de l'objectif affiché, la version du texte adoptée par le Parlement européen traduit une approche maximaliste, en partie décalée par rapport aux réalités des situations dans les différents États membres.

LA POSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES : UNE VOIE MÉDIANE
Sur la fixation d'un objectif commun à tous les États membres

La résolution adoptée par la commission des affaires européennes insiste sur la mise en place d' un objectif clair de nombre de sacs par habitant, par an et par pays , qui soit adapté à l'état d'avancement des États membres dans ce domaine. Dans le cas contraire, la directive pourrait se traduire par une forte augmentation de la charge administrative dans les États ayant déjà engagé une réduction de la consommation de sacs, pour un bénéfice environnemental très limité.

Sur le champ d'application du texte

Concernant le champ d'application du texte, la commission des affaires européennes préconise de revenir sur le seuil de 50 microns d'épaisseur pour les sacs en plastique.

La commission rappelle que les sacs de caisse de 50 microns n'ont jamais été distribués car ils sont trop épais et trop coûteux. Les sacs ont généralement une épaisseur de 12 microns et un poids de 4 grammes.

Dans ces conditions, la commission des affaires européennes a estimé que le seuil de 50 microns était inadapté aux produits désormais mis à la disposition du public. La Belgique et la Chine ont mis en place des réglementations visant les sacs d'une épaisseur inférieure ou égale à 20 microns . La proposition de résolution soutient l'établissement du seuil à ce niveau d'épaisseur.

Sur la nécessité de développer des filières de recyclage

La proposition de résolution insiste enfin sur la nécessité d'accompagner la réduction de la consommation de sacs en plastique par l'encouragement au développement de filières industrielles.

Elle rappelle que l'évolution technologique constatée ces dernières années dans la production de sacs plastiques a permis des progrès significatifs en matière de recyclage. Il convient donc de favoriser, d'une part, la création de filières pour les sacs biodégradables et compostables, d'autre part, la mise en place de filières de compostage pour le traitement des déchets.

La résolution invite également la Commission européenne à proposer l'adoption d'un cadre européen en faveur du recyclage des sacs plastiques avec pour objectif « zéro plastique » dans les décharges à partir de 2020.

L'ENJEU DES NÉGOCIATIONS À VENIR AU CONSEIL DES MINISTRES DE L'UNION EUROPÉENNE ET LA POSITION DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS

Après l'adoption le 16 avril 2014 du texte modifié par le Parlement européen, la prochaine étape dans les discussions du projet de directive sur les sacs en plastique légers à poignées consiste en son examen par le Conseil des ministres de l'Union européenne. L'adoption définitive de la directive est envisagée pour la fin de l'année 2014.

La présente proposition de résolution doit donc venir nourrir le débat au Conseil sur la proposition de directive.

Concernant les objectifs de réduction de l'usage des sacs en plastique, la résolution est sur la même ligne que le Gouvernement français. Celui-ci défend en effet l'option d'objectifs chiffrés par pays, afin que les cibles visées tiennent compte des efforts déjà réalisés par nombre d'entre eux en matière de réduction de la consommation de sacs.

En matière d'outils afin de diminuer encore l'usage des sacs non réutilisables en France, le Gouvernement semble retenir l'idée d'une interdiction à court terme. En effet, au cours de l'examen du projet de loi relatif à la biodiversité devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale le 25 juin dernier, un amendement déposé par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Ségolène Royal, a été adopté dans le but de prévoir l'interdiction, à compter du 1 er janvier 2016, des sacs en plastique légers. Seraient exonérés les sacs compostables de manière domestique et les sacs constitués de matières biosourcées.

LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission souscrit pleinement à la proposition de résolution européenne déposée par Françoise Boog. Cette résolution fonde sa pertinence dans son ancrage dans la réalité de l'utilisation des sacs en plastique légers aujourd'hui en France et en Europe.

Entre une proposition de la Commission européenne insuffisante pour répondre à l'ambitieux et nécessaire objectif de réduction de la consommation de sacs en Europe, et un texte du Parlement ignorant les efforts déjà réalisés dans bon nombre d'États membres, la présente résolution offre une voie médiane. Il est en effet plus raisonnable d'adopter une approche par pays et de fixer des objectifs par habitant et par an.

Concernant le champ d'application de la directive, votre commission a toutefois adopté un amendement supprimant le renvoi à un seuil de 20 microns. Il est en effet préférable d'en rester au seuil fixé par les institutions européennes. Placer le curseur trop bas risque de provoquer d'importants effets de seuil : au lieu de fabriquer des sacs de caisse non réutilisables de 14 microns environ, comme c'est le cas aujourd'hui, il suffirait aux industriels de fabriquer des sacs de 21 microns pour sortir du champ d'application de la directive. D'une part, les objectifs de réduction de la consommation de sacs ne seraient pas atteints, d'autre part, le coût environnemental de production de ces sacs plus épais serait moins bon.

Par ailleurs, le seuil de 50 microns n'empêchera pas l'utilisation de sacs en plastique réutilisables, dont l'épaisseur s'établit généralement autour de 50 à 60 microns.

Plus largement, cette proposition de résolution met l'accent sur la révision en cours de la politique déchets de l'Union européenne. D'ici à la fin de l'année 2014, la Commission doit proposer une réécriture de la directive emballages de 1994 ainsi que de la directive cadre sur les déchets de 2008. La proposition de résolution s'inscrit dans ce contexte en préconisant, pour ce qui concerne les plastiques, d'interdire leur mise en décharge à l'horizon 2020. Le développement de filières de compostage et de recyclage, corollaire du « zéro plastique », doit être au coeur de ce cadre communautaire renouvelé.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE SUR LA RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION DE SACS EN PLASTIQUE LÉGERS À POIGNÉE

TEXTE DE LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la directive 94/62/CE du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d'emballages pour réduire la consommation de sacs en plastique légers à poignée ;

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 94/62/CE du 20 décembre 2014 relative aux emballages et aux déchets d'emballages pour réduire la consommation de sacs en plastique légers à poignée (COM (2013) 761 final) ;

Estimant que la proposition présentée par la Commission européenne souffre d'un manque d'objectifs précis et d'ambition ;

Considérant que tout projet de lutte contre la prolifération des sacs plastique à l'échelle européenne doit prendre en compte la situation de chacun des États membres ;

Rappelant l'évolution technologique constatée ces dernières années dans la production de sacs plastiques et les progrès enregistrés en matière de recyclage des matières plastiques ;

Insiste sur la mise en place d'un objectif clair de nombre de sacs par habitant, par an et par pays, adapté à l'état d'avancement des États membres dans ce domaine ;

Estime que toute disposition favorisant l'utilisation des sacs biodégradables doit être accompagnée d'incitations à la mise en place de filières industrielles de compostage ;

Demande à la Commission européenne de proposer l'adoption d'un cadre européen en faveur du recyclage des sacs plastiques avec pour objectif zéro plastique dans les décharges à partir de 2020 ;

Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 8 juillet 2014, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 685 (2013-2014), présentée par Mme Françoise Boog au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la réduction de la consommation de sacs en plastique légers à poignée .

La réunion est ouverte à 16 h 30.

EXAMEN DU RAPPORT

Mme Sophie Primas , rapporteure . - La proposition de résolution européenne que je suis chargée de rapporter a été adoptée par la commission des affaires européennes à l'initiative de notre collègue Françoise Boog. Ayant travaillé dans des délais très contraints, je n'ai mené qu'un nombre restreint d'auditions, parmi lesquelles celle de la Fédération du commerce et de l'industrie qui avait été à l'initiative des premières démarches visant à réduire la consommation de sacs en plastique et fut l'interlocuteur privilégié du ministère sur le sujet. Les distributeurs sont souvent décriés, il était juste de rappeler ici qu'ils ont, en l'occurrence, donné l'impulsion.

Cette proposition de résolution porte sur le projet de directive, en cours de discussion à Bruxelles, visant à harmoniser les politiques menées en Europe en vue de diminuer progressivement l'utilisation de sacs en plastique, dont la surconsommation pose un problème environnemental de plus en plus aigu. Jusque dans les années 1960, les ménages utilisaient essentiellement des sacs en tissu et des cabas. Depuis, les sacs en plastique légers se sont développés de manière exponentielle et sont aujourd'hui très majoritairement utilisés pour transporter les achats, en particulier alimentaires. Ces sacs sont généralement composés de polyéthylène d'origine pétrolière, même si de plus en plus d'alternatives se développent. Selon les chiffres de l'Agence de la protection de l'environnement des États-Unis, entre 500 et 1 000 milliards de sacs seraient utilisés chaque année dans le monde. Le coût de revient d'un sac en plastique classique n'est que d'un centime de dollar. Dans l'Union européenne, d'après les chiffres de 2010, chaque citoyen utilisait en moyenne 198 sacs par an, avec cependant de sensibles différences d'un pays à l'autre. Les Danois et les Finlandais ne consomment qu'un sac en plastique par trimestre, tandis que les Chypriotes, les Hongrois, les Polonais ou encore les Portugais en consomment un par jour. En France, chaque individu consomme 90 sacs par an, soit deux fois moins que la moyenne communautaire.

Ces sacs légers sont particulièrement néfastes pour l'environnement. Un sac de caisse est fabriqué en une seconde, est utilisé pendant 20 minutes et se décompose durant 400 ans. Ces chiffres témoignent de l'ampleur du problème environnemental que posent ces emballages. Une étude publiée le 30 juin dernier aux États-Unis, dans les comptes rendus de l'Académie américaine des sciences, montre que les fragments de plastique pollueraient près de 88 % de la surface des océans. Cette étude confirme l'existence de cinq grandes zones de convergence où s'accumulent ces déchets de plastique sous l'effet des courants. Dans le Pacifique Nord, cette île de plastique représenterait une à trois fois la superficie de la France... Ces rejets de déchets plastiques constituent une menace croissante pour la vie marine, mais aussi pour le tourisme, la pêche et la chaine alimentaire en général.

Certains pays ont, en réaction, opté pour l'interdiction pure et simple des sacs plastique légers non réutilisables. En juin 2008, la Chine a décidé d'interdire la production et l'utilisation des sacs plastiques de moins de 25 microns d'épaisseur. Six mois après cette interdiction, la consommation chinoise avait diminué des deux tiers. Pour ce pays qui utilisait 37 millions de barils de pétrole chaque année pour la production des sacs, la mesure d'interdiction se justifie aussi sur le plan économique. En Europe, l'Italie a décidé d'interdire la production et l'utilisation des sacs à compter du 1 er janvier 2011.

D'autres pays ont choisi une approche tarifaire, qui produit presque les mêmes effets. L'Irlande a ainsi mis en place, dès mars 2002, une taxe de 15 centimes d'euro, passée aujourd'hui à 50 centimes, pour chaque sac plastique à usage unique, avec une exemption pour les sacs réutilisables. Cette politique, qui met en application le principe du pollueur-payeur, s'est révélée très efficace puisque la consommation de sacs en plastique y a diminué de 90 %.

La France n'a pas attendu le projet de directive pour agir. En 2005, un accord a été signé entre la grande distribution et la filière plastique, sous l'égide du ministère de l'environnement. Un objectif de réduction de 50 % des sacs de caisse distribués gratuitement a été fixé à fin 2006. Leur nombre est ainsi passé de 15 milliards en 2003 à 650 millions en 2012, soit une réduction de 95 %. Les 650 millions de sacs gratuits encore distribués le sont principalement dans les commerces de proximité.

J'en viens au projet de directive qui motive cette proposition de résolution. La consommation de sacs en plastique est un enjeu commun et transfrontalier, mais les mesures prises individuellement par les États membres manquent de cohérence, et c'est pourquoi l'Union européenne a choisi d'intervenir. La Commission est, au-delà, engagée dans un vaste travail de révision de la politique des déchets au niveau européen.

Elle a déposé, le 4 novembre 2013, une proposition de directive prévoyant que les États membres prennent des mesures afin de réduire la consommation de sacs dans un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur. Ces mesures pourront consister en des restrictions de commercialisation, ce qui est interdit sous la réglementation actuelle. L'éventail des instruments dont disposent les États pour s'attaquer à la consommation non durable de sacs se trouve donc élargi.

Seront concernés les sacs en plastique d'une épaisseur inférieure à 50 microns qui sont fournis aux consommateurs dans les points de vente de marchandises ou de produits. Cela touchera aussi bien les sacs biosourcés, produits à base de matières organiques, que les sacs pétrochimiques. Au-delà de 50 microns d'épaisseur, les sacs sont considérés comme réutilisables et ne rentrent pas dans le champ d'application de la directive.

On pourrait trouver étonnant que les sacs biodégradables soient visés par le projet de directive. Il faut rappeler que le terme biodégradable ne signifie pas que les sacs en plastique se dégradent naturellement. Il y faut un processus de compostage en usine, à une température de 57 degrés et à un taux d'humidité au moins égal à 90 %. Or la filière de compostage reste peu développée en Europe comme en France. L'intégration de ces sacs dans le champ de la directive est donc parfaitement justifiée. De la même manière, les sacs oxodégradables ne constituent pas une alternative idéale. Ils sont fabriqués avec des additifs qui provoquent une dégradation du plastique sous l'action de la lumière ou de la chaleur, mais les particules issues de cette dégradation sont polluantes.

Le 16 avril 2014, le Parlement européen a adopté en séance plénière un texte amendé, plus ambitieux que la proposition initiale de la Commission. Il établit des objectifs chiffrés : les États membres devront réduire leur consommation de sacs en plastique de moins de 50 microns de 50 % d'ici 2017 et de 80 % en 2019, par rapport aux chiffres de 2010. Une exemption est prévue, pour des raisons d'hygiène, pour les sacs très légers utilisés pour emballer les produits alimentaires tels que les viandes crues, les poissons et les produits laitiers.

Au vu de ces éléments, la commission des affaires européennes a adopté, la semaine dernière, à l'unanimité, une proposition de résolution. Elle estime que le texte initialement proposé par la Commission n'est pas suffisamment ambitieux au regard de l'objectif affiché, mais qu'à l'inverse, la version adoptée par le Parlement européen est trop radicale et peu en phase avec les réalités commerciales et industrielles.

La résolution insiste donc pour que soit retenu un objectif clair, en nombre de sacs par habitant, par an et par pays, adapté à l'état d'avancement des États membres dans ce domaine. En cela, la résolution est sur la même ligne que le Gouvernement, qui soutient également l'option d'objectifs chiffrés par pays, afin de tenir compte des efforts déjà réalisés en matière de réduction de la consommation de sacs.

Le Gouvernement semble également travailler sur une interdiction à moyen terme. Au cours de l'examen du projet de loi relatif à la biodiversité devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, le 25 juin, Ségolène Royal a fait adopter un amendement prévoyant l'interdiction des sacs en plastique légers à compter de 2016. Seraient exonérés les sacs compostables de manière domestique et les sacs constitués de matières biosourcées. La ministre a toutefois elle-même reconnu, dans un discours prononcé le 2 juillet à l'occasion de la journée internationale sans sacs plastique, que ces alternatives n'existent pas encore. Les travaux de normalisation afférents au compostage domestique doivent être menés au niveau européen d'ici à 2016. Pour l'heure, les filières industrielles n'existent pas. Cette position me semble donc un peu prématurée. Nous n'avons que trop tendance, en France, à transposer de manière maximaliste les textes européens... Je crois qu'il faut aujourd'hui travailler en priorité à la définition d'objectifs réalistes de réduction par pays.

Concernant le champ d'application du dispositif, la proposition de résolution préconise d'abaisser le seuil d'épaisseur de 50 à 20 microns. Je suis ici un peu en porte-à-faux avec la commission des affaires européennes, car il me paraît préférable d'en rester au seuil retenu par la directive. Placer le curseur trop bas pourrait provoquer d'importants effets de seuil : au lieu de fabriquer des sacs de caisse non réutilisables de 14 microns environ, comme c'est le cas aujourd'hui, il suffirait aux industriels de fabriquer des sacs de 21 microns pour sortir du champ d'application de la directive. Les objectifs de réduction de la consommation de sacs ne seraient pas atteints, et le coût environnemental de ces sacs légèrement plus épais, serait aggravé, car leur fabrication exigerait plus de pétrole. Françoise Boog indique dans son rapport qu'à partir de 37 à 38 microns, les sacs sont réutilisables. Mais ils ne le sont, en réalité, que comme sacs poubelle. Un sac réutilisable, au sens de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), doit pouvoir être employé au moins sept fois. D'où la proposition d'amendement que je vous soumettrai pour revenir à 50 microns, en accord avec Françoise Boog.

La proposition de résolution insiste, enfin, sur la nécessité d'accompagner la réduction de la consommation de sacs en plastique par l'encouragement au développement de filières de compostage. C'est une des conditions pour atteindre l'objectif « zéro plastique » dans les décharges en 2020.

Je vous proposerai d'adopter cette proposition de résolution, amendée dans le sens que j'ai indiqué.

M. Charles Revet . - Je félicite notre rapporteure, qui a su mener son travail à très bref délai.

Nous savons que les sacs en plastique sont une plaie, à tous égards, même s'ils sont aujourd'hui moins nombreux à voleter en tous sens. Ils sont un danger pour la nature, pour les animaux, mais aussi pour l'économie. Ma région est productrice de lin : quand dans une balle de filasse sont venus se mêler quelques fils de plastique, elle devient impropre à l'exportation ; les États-Unis n'en veulent pas.

Il faut clairement différencier, à mon sens, le plastique d'origine minérale du plastique d'origine végétale. Le premier met entre 400 et 1 000 ans, dit-on - une durée telle, en tout cas, qu'on ne pourra jamais le vérifier - à se dégrader, tandis que le second, d'origine naturelle, se dégrade en six mois. On ne peut pas traiter l'un et l'autre de la même manière. J'avais naguère profité d'un texte touchant à l'agriculture pour déposer un amendement visant à rendre obligatoire l'usage du plastique végétal plutôt que minéral pour tout ce qui concerne l'alimentation. Il n'a, hélas, pas prospéré. Les lobbies du pétrole sont puissants...

Vous avez dit qu'il existe encore peu d'usines de compostage. J'invite à nouveau la commission à venir en Seine-Maritime, où une unité, installée à côté d'une usine qui privilégie le plastique végétal, est en phase de finalisation.

Je voterai cette proposition de résolution amendée, mais j'estime que le sujet mériterait d'être approfondi. Encore une fois, le plastique végétal se détruit beaucoup plus vite.

M. Henri Tandonnet . - Je connais la modération et le pragmatisme de notre rapporteure, que j'ai vue à l'oeuvre comme présidente de la mission commune d'information sur les pesticides. Mais je dois dire qu'en ce qui me concerne, je suis partisan de l'interdiction. Il est vrai que l'on a beaucoup progressé, jusqu'à réduire de 84 % l'usage de ces sacs en plastique dans la distribution, mais dans le même temps, on laisse se développer de nouveaux usages, comme ces emballages plastiques qui enveloppent les revues et les journaux, produits en grande quantité et encore plus polluants. Il serait bon de s'en préoccuper. Et de développer le plastique biodégradable, qui n'a pas les mêmes effets néfastes sur l'environnement.

M. Benoît Huré . - D'accord pour les sacs en plastique d'origine végétale, mais à condition que le maïs qui sert à les fabriquer ne soit pas cultivé sous plastique...

Mme Évelyne Didier . - J'évoquerai, une fois n'est pas coutume, mon expérience personnelle. Le supermarché où je fais mes courses a décidé d'arrêter de distribuer des sacs en plastique. Ils proposent à la vente, à la place, des sacs résistants, que l'on peut très bien ranger dans son coffre et réutiliser.

Les sacs en plastique ne sont nullement indispensables dans la vie courante. Certains pays s'en passent d'ailleurs totalement, sans s'en porter plus mal. Cela est faisable et souhaitable. Nous devrions, nous aussi, parvenir à leur suppression pure et simple. Songeons aux dégâts sur l'environnement. J'ai récemment lu un article sur le « plastiglomérat », une nouvelle roche faite de sédiments mêlés de plastique qui s'agglomèrent au fond des mers. Nous transformons notre écosystème sans savoir quels en seront les effets sur la biodiversité. Et cela à cause de sacs en plastique dont nous n'avons pas vraiment besoin.

Mme Marie-Françoise Gaouyer . - Pourquoi la directive se limite-t-elle aux sacs avec poignée ? Je suppose que cela est lié à leur utilisation, pour les courses. Chez les marchands de fruits et légumes, on trouve employés des sacs en plastique, mais aussi du papier d'emballage, bien meilleur pour la conservation. Une salade se défraichit aussitôt dans un sac en plastique, pas dans du papier. Mais certains marchands y restent réfractaires, parce qu'on le leur permet. Or, même les sacs en plastique végétal, faits avec du maïs, mais aussi de la pomme de terre, mettent du temps à se dégrader. Il faut les composter, à 50°C, ce qui suppose de ne pas vider trop fréquemment le compost.

Vous avez évoqué la journée sans sacs plastiques, le 2 juillet dernier, mais qui en a entendu parler ? Il reste bien du chemin à faire. Et il n'y a pas que les sacs. Je suis tombée l'autre jour sur un documentaire effrayant, où l'on voyait, sur une plage, des oiseaux pris au piège dans des bouteilles en plastique.

J'ai souvenir que le Sénat avait voté un texte, il y a six ans, qui visait à réduire les résidus d'emballage. Les choses n'ont guère évolué depuis. D'autant que les ménagères préfèrent acheter de petits contenants, moins lourds, ce qui multiplie les emballages.

Quand donc les grandes surfaces se mettront-elles à arborer leurs abords ? On sait que c'est efficace pour piéger les sacs, et éviter leur dispersion dans la nature. Charles Revet a évoqué la pollution du lin, un vrai problème en Seine-Maritime, au point qu'il a fallu nettoyer tous les fossés qui bordent les routes départementales. Ils étaient remplis de sacs en plastiques, sans parler des bouteilles jetées par les camionneurs. Cela a pris quatre ans. D'où la nécessité de systèmes de piégeage.

Mais je vous suivrai sur la question du seuil. Il faut avancer, au profit des générations futures.

M. Alain Houpert . - Le plastique a des effets catastrophiques sur l'environnement. Il faut interdire les sacs en plastique, quelle que soit la pression des lobbies. Je suis fils de petit commerçant et je me souviens qu'autrefois, on emballait dans du papier journal. Aux États-Unis, les commerces utilisent des sacs en papier, le fameux brown bag , beaucoup plus chic et mieux assorti aux robes de ces dames.

J'avais déposé, il y a deux ans, une proposition de loi, malheureusement restée dans les cartons, qui tendait à rétablir la consigne pour toutes les bouteilles, comme en Allemagne et aux États-Unis où l'on voit, en ces temps de crise, les étudiants les ramasser pour se faire de l'argent de poche.

Dans mon département, le jour de la fête du bruit, dite fête de la musique par une minorité qui vient casser les oreilles de la majorité, la route était jonchée de monceaux de canettes et de bouteilles. C'est inadmissible. Pour préserver la beauté de la France, on devrait avoir le courage de rétablir la consigne. Je vous invite à ressortir ma proposition de loi du tiroir et à la cosigner et transmettre aux générations futures une terre qui ne nous est que prêtée.

M. Benoît Huré . - D'accord pour le papier d'emballage, mais pas le papier journal, à cause de l'encre.

M. Raymond Vall , président . - Très juste.

M. Ronan Dantec . - Cette proposition de résolution reste entre deux eaux, comme le plastique... Pourquoi ne pas se donner l'objectif de limiter l'usage des sacs aux sacs biodégradables ? Le progrès technologique le permet. La discussion devrait s'ouvrir avec les industriels sur le temps qui leur serait nécessaire pour y parvenir.

J'entends bien, en revanche, les raisons de votre amendement. Ramener le seuil de 50 à 20 microns pourrait avoir des effets contre -productifs.

Mme Anne-Marie Escoffier . - Je félicite notre rapporteure et rejoins les observations qui ont été faites. Pourquoi ne viser que les sacs « à poignée » ? Cette mention devrait disparaître. Chez mon épicier, ce sont des sacs sans poignée qui sont proposés.

Mme Sophie Primas , rapporteure . - Je souscris à la plupart de vos observations, faites avec fougue et conviction. Je précise que les sacs en plastique très fin, sans poignée et non réutilisables, de moins de 50 microns, sont également visés dans la directive. J'indique à Henri Tandonnet qu'une révision globale de la directive emballages est prévue : les bouteilles en plastique et les emballages des journaux et magazines seront visés.

Pourquoi ne pas interdire ? La ministre de l'environnement, Mme Ségolène Royal, a fait passer un amendement au projet de loi relatif à la biodiversité pour prévoir une interdiction au 1 er janvier 2016. Il me semble que c'est un peu tôt. Produire des sacs de substitution suppose de développer une norme - qui n'existe pas aujourd'hui -, sans laquelle les industriels ne peuvent préparer un outil de production ad hoc . J'ajoute que s'il faut développer une filière française, l'idéal serait que l'Europe s'y mette.

Privilégier les sacs en papier ? Sachez que l'Ademe et un grand distributeur ont conduit une étude dans laquelle il apparaît que le bilan carbone de ces sacs, du fait d'impératifs de fabrication, est très mauvais.

Evelyne Didier a évoqué les lobbies. Je veux lui dire que parmi les quelques auditions que j'ai pu conduire, j'ai entendu le club du bioplastique, qui, regroupant tous les acteurs de la filière, milite pour une transformation des process de fabrication, afin de pousser à la fabrication de sacs faits de matières naturelles. Ils font du lobbying, mais dans le bon sens. Preuve qu'il existe des industriels responsables.

Ronan Dantec a raison de dire que nous sommes à mi-chemin. Les pays du Sud de l'Europe utilisent encore beaucoup de ces sacs. C'est pourquoi la résolution propose un objectif par pays. Pour la Finlande, par exemple, qui n'en utilise quasiment plus, réduire l'usage de 50 % serait très difficile, quand un pays comme le Portugal peut aisément le réduire de 90 %.

A Anne-Marie Escoffier, j'indique que la mention des sacs « à poignée » figure dans le titre de la directive, mais que la révision de la directive emballages répondra à son souci.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT

Mme Sophie Primas , rapporteure . - Mon amendement vise à supprimer l'alinéa 8 de la proposition de résolution, pour s'en tenir au seuil de 50 microns prévu par la directive.

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Ronan Dantec . - Je m'abstiendrai sur ce texte, pour les raisons que j'ai dites.

M. Henri Tandonnet . - Moi de même. J'estime que nous ne sommes pas assez fermes.

La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page