SECONDE PARTIE : UNE CONVENTION FISCALE CLASSIQUE ... OU PRESQUE

L'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu a été signé le 2 avril 2013 à Paris par Jordi Cinca Mateos, ministre des Finances et de la fonction publique de la Principauté d'Andorre, et Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances ainsi que Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des finances.

Cet accord constitue la première convention fiscale entre la France et Andorre . Il vise à éliminer les risques de doubles impositions, source d'incertitude juridique pour les acteurs économiques et les personnes physiques. L'entrée en vigueur de cet accord devrait ainsi permettre de renforcer la présence française en Andorre, ainsi que les flux commerciaux et les investissements croisés entre les deux pays. La présente convention vise également à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, notamment grâce à l'introduction de clauses anti-abus.

La convention entrera en vigueur le premier jour du mois suivant le jour de réception de la dernière des notifications d'accomplissement des procédures internes. Ses dispositions s'appliqueront aux impôts dus au titre de l'année suivant l'année civile au cours de laquelle la convention est entrée en vigueur . Ainsi, une entrée en vigueur en 2015 permettrait une application aux impôts dus au titre de l'année 2016, et prélevés cette même année ou l'année suivante (dans le cas de l'impôt sur le revenu notamment).

I. L'ÉLIMINATION DES DOUBLES IMPOSITIONS : UN ACCORD LARGEMENT CONFORME AU MODÈLE DE L'OCDE

S'agissant des modalités d'élimination des doubles impositions , c'est-à-dire de la principale raison d'être des conventions fiscales, l'accord du 2 avril 2013 entre la France et Andorre est très largement conforme au standard de l'OCDE le plus récent, qui date de 2010 9 ( * ) . Les dérogations à ce modèle s'expliquent principalement par les spécificités de la fiscalité des deux États, et ne s'écartent du modèle de l'OCDE que pour se rapprocher de la pratique française habituelle en matière de conventions internationales.

Votre rapporteur estime donc que la présente convention constitue un accord équilibré, qui préserve les intérêts des deux pays , et devrait notamment permettre aux entreprises françaises de prendre une part plus importante au sein de l'économie andorrane.

Plus précisément, les éléments suivants reprennent largement le modèle de convention fiscale de l'OCDE :

- le champ d'application de la convention (articles 1 er à 5) : ces articles reprennent le modèle OCDE s'agissant de la définition des personnes et impôts visés, de la définition des termes de la convention, de la définition de la résidence et de la définition de l'établissement stable. Dans ce dernier cas, les « exploitations agricoles, d'élevage ou forestière » ont été ajoutées parmi les exemples d'établissement stables, à la demande d'Andorre ;

- l'imposition des revenus immobiliers (article 6) : le principe d'imposition à la source, conforme au modèle OCDE, est complété par une stipulation permettant à la France d'imposer les revenus provenant de participations dans des sociétés immobilières transparentes de copropriété ou de multipropriété ;

- l'imposition des bénéfices des entreprises (article 7) : le principe est celui d'une taxation dans l'État où l'entreprise est établie, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État où elle dispose d'un établissement stable (siège, succursale, bureau, usine etc.), auquel cas l'entreprise est également imposée dans cet autre État, à raison des seuls bénéfices dégagés par cet établissement stable. Cet article est conforme au modèle 2008 de l'OCDE, et non au modèle 2010, mais sans conséquence sur le fond ;

- l'imposition des bénéfices provenant de l'exploitation en trafic international d'aéronefs (article 8) : ceux-ci sont imposables dans l'État ou le siège de direction effective de l'entreprise est situé, conformément au modèle de l'OCDE ;

- l'imposition des bénéfices transférés entre entreprises associées (article 9) , qui est conforme au principe de pleine concurrence (PPC) posé par l'OCDE. En vertu de ce principe, les prix de transfert entre deux entreprises liées doivent être fixés au même prix que celui qui serait fixé entre deux entreprises indépendantes ;

- l'imposition des revenus passifs, c'est-à-dire des dividendes (article 10), des intérêts (article 11) et des redevances (article 12) : ceux-ci sont imposés dans l'État de résidence du bénéficiaire, après une retenue à la source de 5 % maximum. Ces stipulations s'écartent légèrement du modèle de l'OCDE, en conformité avec la pratique française habituelle (cf. encadré) ;

L'imposition des revenus passifs

S'agissant des dividendes , le seuil de détention minimal du capital de la société pour bénéficier de la retenue à la source de 5 % est abaissé à 10 %, au lieu de 25 % dans le modèle OCDE ; en-dessous de ce seuil de détention, la retenue à la source est de 15 %. Par ailleurs, des clauses spécifiques sont ajoutées pour permettre à la France d'appliquer sa législation en matière de revenus réputés distribués, de société d'investissement immobilier cotées (SIIC) et d'organismes de placement collectifs immobiliers (OPCI).

S'agissant des intérêts , la retenue à la source est abaissée à 5 %, au lieu de 10 % prévus par le modèle OCDE. Les intérêts versés à l'État, à ses collectivités territoriales, à ses établissements publics et aux autres personnes morales de droit public sont exonérés de retenue à la source, de même que les intérêts sur les ventes à crédit et les intérêts entre institutions financières, conformément au modèle de l'OCDE.

S'agissant des redevances , l'accord prévoit une retenue à la source de 5 %, alors que le modèle de l'OCDE prévoit une imposition exclusive à la résidence du bénéficiaire.

- l'imposition des gains en capital (article 13) : les règles sont conformes au modèle de l'OCDE, sous réserve d'aménagement permettant à la France d'appliquer sa législation. Les gains tirés de l'aliénation de biens immobiliers ou de parts dans une société à prépondérance immobilière, ainsi que de biens mobiliers appartenant à l'actif d'un établissement stable, sont imposables dans l'État de situation de ces biens. Les autres plus-values de cession sont imposables à la résidence du bénéficiaire, sauf en cas de gains tirés de l'aliénation d'une participation substantielle dans une société (supérieure à 25 %), qui sont alors imposés dans l'État dont la société est résidente ;

- l'imposition des salaires (article 14) : le principe, posé par l'OCDE et repris par la convention, est celui d'une imposition dans l'État d'exercice de l'activité, sauf en cas de mission temporaire inférieure à 183 jours. Une clause permettant d'exonérer pendant 24 mois les enseignants et les chercheurs est ajoutée, conformément à la pratique française ;

- l'imposition des jetons de présence et autres rémunérations des administrateurs de sociétés (article 15) , qui se fait la résidence du bénéficiaire, conformément au modèle de l'OCDE ;

- l'imposition des artistes, sportifs et mannequins (article 16) : conformément au modèle de l'OCDE, les revenus sont imposés dans l'État où sont réalisées les prestations. Une exception est toutefois prévue pour les activités financées principalement par des subventions publiques, dont les revenus sont alors imposables par l'État à l'origine de ces subventions ;

- l'imposition des pensions (article 17) , qui se fait à la résidence, conformément au modèle de l'OCDE ;

- l'imposition des traitements et pensions des fonctions publiques (article 18) , qui se fait à la source, conformément au modèle de l'OCDE ;

- le régime applicable aux étudiants, apprentis et stagiaires (article 19) , qui peuvent sous certaines conditions être exonérés d'impôt sur les sommes reçues de l'étranger pour financer leur séjour, conformément au modèle de l'OCDE ;

- l'imposition des autres revenus (article 20) : les revenus autres que ceux traités par les articles précédents sont imposables à la résidence, conformément au modèle de l'OCDE ;

- les clauses de non-discrimination (article 22) , conformes au modèle de l'OCDE, sous réserve de quelques ajustements correspondant à la pratique française habituelle. Il est notamment prévu que les clauses de non-discrimination et de la nation la plus favorisée contenue dans d'autres traités ou accord, notamment les accords commerciaux, ne s'appliquent pas en matière fiscale ;

- la procédure amiable (article 23) , procédure non juridictionnelle indépendante des voies de recours interne, qui vise à éliminer les cas de double imposition. Les États sont tenus à une seule obligation de moyens. Cette clause est conforme au modèle de l'OCDE, à l'exception du volet concernant la procédure d'arbitrage, qui n'a pas été repris car celle-ci est en pratique très rarement appliquée ;

- les modalités d'application (article 27), d'entrée en vigueur (article 28) et de dénonciation (article 29) de la convention, conformes au modèle de l'OCDE, sous réserve d'ajustements mineurs.

Par ailleurs, les modalités d'élimination des doubles impositions (article 21) , non conformes au modèle de l'OCDE , sont néanmoins très classiques et correspondent à la pratique française (cf. encadré).

L'élimination des doubles impositions

Source : exposé des motifs
du projet de loi d'approbation de la convention

La France retient une combinaison des deux méthodes, couramment utilisées, pour l'élimination des doubles impositions des revenus provenant de la Principauté d'Andorre et perçus par un résident de France.

S'agissant des revenus des sociétés , la convention maintient le principe de l'exonération en France des revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'en Principauté d'Andorre, dans la mesure où ils sont hors du champ territorial de l'impôt sur les sociétés en application de la législation française.

Dans les autres cas , la double imposition des revenus provenant de la Principauté d'Andorre et perçus par des personnes résidentes de France est éliminée par l'imputation sur l'impôt français d'un crédit d'impôt dont le montant dépend du type de revenus considérés :

- pour les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés en France et les plus-values mobilières réalisées par les établissements stables des entreprises, les dividendes, intérêts, redevances, les plus-values provenant de l'aliénation de biens immobiliers, de parts ou actions de sociétés à prépondérance immobilière, les rémunérations reçues au titre d'un emploi salarié à bord d'un navire ou d'un aéronef, les rémunérations d'administrateurs de société et les revenus des artistes et sportifs, le crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt andorran effectivement payé à titre définitif . Lorsque cet impôt excède l'impôt français correspondant à ces revenus, ce crédit est limité au montant de l'impôt français.

- pour les autres revenus, le crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus . Cette méthode équivaut à une exemption tout en préservant la progressivité de notre système fiscal.

Pour sa part, la Principauté d'Andorre élimine la double imposition en déduisant de l'impôt andorran un montant égal à l'impôt payé en France dans la limite de l'impôt andorran calculé avant cette déduction. Elle se réserve par ailleurs la possibilité de prendre en compte des revenus exemptés d'impôt pour le calcul de l'impôt dû sur les autres éléments du revenu du résident concerné.

La convention est complétée par un protocole en cinq points, qui permet notamment de tenir compte de l'état de la fiscalité andorrane au moment de la négociation. Il est ainsi précisé que le champ de la convention s'étendra à l'impôt sur le revenu qui entrera en vigueur au 1 er janvier 2015 en Andorre, et que les personnes qui ne seraient pas imposées sur l'ensemble de leurs revenus ne se voient pas dénier la qualité de résidents d'Andorre (sous réserve des clauses anti-abus mentionnées supra ). Le protocole permet en outre à la France d'appliquer certaines spécificités de sa législation, notamment en ce qui concerne les sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC).


* 9 OCDE, modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune, juillet 2010.

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