Rapport n° 384 (2014-2015) de Mme Hélène CONWAY-MOURET , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 1er avril 2015

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N° 384

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er avril 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays - Bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint - Martin ,

Par Mme Hélène CONWAY-MOURET,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Aymeri de Montesquiou, Mmes Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, M. Gaëtan Gorce, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Didier Guillaume, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1961 , 2649 et T.A. 488

Sénat :

355 et 385 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

À la suite de l'Assemblée nationale, qui l'a adopté sans modification le 19 mars 2015 en première lecture, le Sénat est saisi du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint-Martin.

Votre rapporteure a présenté ses conclusions sur ce texte à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le 1 er avril 2015, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président. À l'issue de cette réunion, la commission, suivant la proposition de votre rapporteure, a adopté sans modification le projet de loi précité.

Conformément aux orientations du rapport d'information « Redonner tout son sens à l'examen parlementaire des traités » 1 ( * ) adopté le 18 décembre 2014 par la commission, celle-ci a autorisé la publication du présent rapport sous forme synthétique : le compte-rendu de l'examen en commission qu'on pourra lire ci-après en tient lieu.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 1 er avril 2015 sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Hélène Conway-Mouray et du texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 355 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint-Martin.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Cet accord relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint-Martin a été signé par les gouvernements français et néerlandais le 7 octobre 2010. Son entrée en vigueur a été retardée par des incertitudes nées du changement du statut constitutionnel de la partie néerlandaise de l'île, quelques jours après la signature de l'accord, le 10 octobre 2010.

Ces incertitudes portaient sur la répartition des compétences entre la métropole néerlandaise et la collectivité de Sint-Maarten. Elles ont été levées, ce qui a permis la ratification de l'accord par les Pays-Bas, dont l'instrument de ratification a été reçu par la France le 19 janvier 2015.

Il convient donc de permettre l'entrée en vigueur de l'accord en autorisant son approbation par le gouvernement français, ce qu'a fait l'Assemblée nationale le 19 mars dernier.

L'accord institue sur l'île de Saint-Martin un cadre de coopération en matière policière, afin que la division de l'île en deux entités, française et néerlandaise, ne constitue plus un obstacle à l'efficacité des actions entreprises par les services de police sur le territoire.

Avant de vous présenter le contenu de l'accord, j'en évoquerai le contexte et la justification.

Située au nord de la Guadeloupe, dans la mer des Caraïbes, Saint-Martin est une île divisée de longue date - depuis le traité de Concordia du 23 mars 1648 - entre la France et les Pays-Bas. La partie française représente 62 % du territoire de l'île et environ 40 % de sa population.

Côté français, après avoir été, pendant près de deux siècles, une commune de la Guadeloupe, Saint-Martin bénéficie depuis 2007 du statut de collectivité d'outre-mer, régi par l'article 74 de la Constitution. Les institutions locales se composent d'un conseil territorial, élu au suffrage universel direct, d'un conseil exécutif présidé par la présidente du conseil territorial, et d'un conseil économique, social et culturel.

Côté néerlandais, depuis la dissolution de la Fédération des Antilles néerlandaises en 2010, Sint-Maarten est l'un des quatre « pays » constitutifs du Royaume des Pays-Bas, disposant d'un Parlement et d'un Gouvernement compétents pour élaborer la législation relative aux affaires internes.

L'île de Saint-Martin est donc divisée entre deux entités dont les statuts sont de nature très différente : côté français une collectivité d'outre-mer conservant un lien étroit avec sa métropole ; côté néerlandais, un « pays » autonome, disposant de sa propre constitution et dont l'indépendance est beaucoup plus affirmée.

Ces deux entités sont séparées par le droit applicable, la monnaie, le régime de protection sociale et des statuts différents au regard de l'Union européenne 2 ( * ) . Les deux territoires sont pourtant très proches, culturellement et linguistiquement. L'anglais est la langue de communication principale. La frontière n'est pas réellement matérialisée ; elle peut être franchie librement.

La situation institutionnelle, économique et sociale de la collectivité française de Saint-Martin a été décrite dans un rapport d'information récent (2014) de nos collègues députés René Dosière et Daniel Gibbes 3 ( * ) . Je n'y reviendrai pas.

Ce qu'il convient de souligner, pour l'examen du présent accord, c'est l'ambiguïté de la frontière interne, dont la longueur est de 13 km. D'une part, cette frontière existe juridiquement. Des lois et règlements distincts s'appliquent de part et d'autre et les services de police de chaque Partie ne sont compétents que sur leur propre territoire. Mais, d'autre part, n'étant ni matérialisée ni contrôlée, la frontière laisse libre cours à toutes sortes de flux, et notamment au trafic illicite de stupéfiants, qui est l'un des principaux fléaux de l'île.

L'augmentation de la délinquance, au cours des années récentes, impose de développer la coopération entre services de police, et, en particulier, de leur donner la possibilité de poursuivre, de part et d'autre de la frontière, les actions entreprises sur leur territoire.

Ce renforcement de la coopération sera favorable au développement économique et notamment au développement du tourisme, qui constitue la principale ressource de l'île, où 2,4 millions de visiteurs se rendent chaque année, beaucoup plus du côté néerlandais que français 4 ( * ) .

Le présent accord de coopération policière est nécessaire pour relever les défis auxquels l'île de Saint-Martin est confrontée.

Juridiquement, cet accord est nécessaire car la convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS) du 14 juin 1985, dont la France et les Pays-Bas sont Parties, ne s'applique pas sur l'île de Saint-Martin.

L'accord proposé met en place un cadre général de coopération policière dont les principes s'inspirent de ceux des accords de coopération transfrontalière que la France a conclus avec ses voisins 5 ( * ) , notamment la convention d'application de l'accord de Schengen (1990) relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes et le traité de Prüm (2005) relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière.

L'accord porte tant sur l'espace terrestre que sur les eaux territoriales et l'espace aérien.

Il institue une assistance spontanée ou sur demande entre services, prévoit le détachement d'agents de liaison ainsi qu'une coordination renforcée entre unités. L'accord prévoit aussi une assistance mutuelle lors de manifestations de masse ou d'événements majeurs, tels qu'une catastrophe naturelle ou un accident grave.

Pour lever l'obstacle que constitue, pour les services de police, l'existence de la frontière interne à l'île, un droit d'observation et un droit de poursuite transfrontalière sont institués.

Le droit d'observation permettra de continuer, sur le territoire de l'autre Partie, la surveillance et la filature d'un individu, en liaison avec l'autre Partie et avec les autorités judiciaires, sans droit d'interpellation des agents observateurs 6 ( * ) .

Quant au droit de poursuite transfrontalière, il permettra de poursuivre un individu sur le territoire de l'autre Partie, dans un certain nombre de cas énumérés, notamment le flagrant délit ou l'évasion, toujours en liaison avec l'autre Partie et avec les autorités judiciaires compétentes, et sans que les agents concernés ne disposent du droit d'interpellation, d'où l'importance de la coopération.

Enfin, l'accord met également en place des patrouilles mixtes. Il traite du statut juridique des agents exerçant leurs fonctions sur le territoire de l'autre Partie et affirme le principe de protection des données à caractère personnel, conformément aux lois en vigueur en France. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) estime, par ailleurs, que les Pays-Bas disposent d'une législation adéquate dans ce domaine.

L'accord ne prévoit pas l'engagement de nouveaux crédits par rapport à l'existant. Toutefois des crédits pourront être affectés à la coopération technique par la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères. La dynamique locale pourrait faciliter la recherche de financements multilatéraux, notamment européens.

Tels sont, mes cher(e)s collègues, les principaux enjeux et les dispositions de l'accord soumis à notre examen. Il met en place des mécanismes de coopération en matière policière, classiques en Europe continentale, mais novateurs dans la zone caribéenne. L'accord ne prévoit pas la création d'un centre de coopération policière et douanière, tel que celui créé, par exemple, pour la Guyane, dans le cadre de l'accord franco-brésilien de partenariat et de coopération en matière de sécurité publique 7 ( * ) , dont l'esprit est différent.

La bonne mise en oeuvre de l'accord que nous examinons aujourd'hui nécessitera :

- d'une part, l'aboutissement de négociations en cours, relatives à la délimitation de la frontière maritime entre les deux Parties, qui reste sujette à des désaccords ;

- d'autre part, une réelle volonté de coopérer, de la part des services locaux des deux Parties, à qui il reviendra de concrétiser les effets de l'accord, non seulement dans les situations d'urgence mais aussi dans la durée.

Au bénéfice de ces observations, je propose à la commission d'autoriser l'approbation de cet accord en adoptant le projet de loi soumis à notre examen.

À l'issue de cette présentation, la commission, suivant la proposition de la rapporteure, a adopté sans modification le projet de loi précité. Conformément aux orientations du rapport d'information n° 204 (2014-2015) qu'elle a adopté le 18 décembre 2014, elle a autorisé la publication du présent rapport synthétique.

ANNEXE I -
CARTE DE L'ÎLE DE SAINT-MARTIN

ANNEXE II - CADRE JURIDIQUE ACTUEL DE LA COOPÉRATION SUR L'ÎLE DE SAINT-MARTIN

Au plan régional, la coopération s'appuie sur la convention de San José 8 ( * ) , signée en 2003, qui vise à lutter contre le trafic illicite de stupéfiants par voie maritime, et notamment à faciliter l'arraisonnement et la visite de navires suspects.

Elle repose aussi, au plan bilatéral, sur un accord franco-néerlandais, signé en 1994 9 ( * ) , relatif au contrôle des personnes sur les aéroports de Saint-Martin.

En matière de sécurité civile un arrangement administratif 10 ( * ) existe depuis 1996, prévoyant la possibilité d'interventions réciproques des services d'incendie et de secours des parties française et néerlandaise.

En revanche, l'accord entre la France et les Pays-Bas, en date de 1998 11 ( * ) , sur la coopération dans le domaine de la police et de la sécurité, ne s'applique pas car il n'est pas adapté à la situation de l'île. En effet, cet accord est venu compléter sur le plan bilatéral les mécanismes généraux de coopération policière établis par la Convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS), qui ne s'applique pas à Saint-Martin. L'accord de 1998 a été signé entre deux pays - la France et les Pays-Bas - dont les métropoles ne possèdent pas de frontière commune. Il prévoit principalement des échanges de points de contact et d'informations, ainsi qu'une coopération technique, qui n'est pas une coopération transfrontalière.


* 1 Rapport d'information n° 204 (2014-2015).

* 2 En effet, si la partie française de l'île a le statut de région ultrapériphérique, au sein de l'UE, la partie néerlandaise compte au nombre des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) associés à l'Union européenne, sans en faire partie et donc hors du champ d'application des traités européens.

* 3 « Saint-Martin : au-delà du statut, un avenir à dessiner », rapport d'information n° 2128 du 16 juillet 2014 de MM. René Dosière et Daniel Gibbes, députés.

* 4 En 2012, la fréquentation touristique de l'île s'est élevée à 2,4 millions de visiteurs. Cependant, l'afflux touristique bénéficie peu à la partie française. La majorité des visiteurs (1,76 million en 2012) sont des croisiéristes qui débarquent dans le port de Philipsburg à Sint-Maarten, le seul port en eaux profondes de l'île. Les deux tiers environ des passagers aériens arrivent à l'aéroport Princess Juliana, également situé dans la partie hollandaise.

* 5 L'accord reprend notamment des modalités de coopération prévues d'une part, par la Convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 et, d'autre part, par le traité de Prüm relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale, du 27 mai 2005.

* 6 Ce droit d'observation s'effectue sur la base d'une demande d'entraide judiciaire préalable. En cas d'urgence, et pour certaines catégories d'infractions, la frontière peut être franchie sans autorisation préalable, la demande d'entraide judiciaire devant alors être présentée « sans délai ».

* 7 Protocole additionnel à l'accord de partenariat et de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la création d'un Centre de coopération policière, signé à Brasilia le 7 septembre 2009.

* 8 Décret n° 2008-1047 du 10 octobre 2008 portant publication de l'accord concernant la coopération en vue de la répression du trafic illicite maritime et aérien de stupéfiants et de substances psychotropes dans la région des Caraïbes, fait à San José le 10 avril 2003.

* 9 Décret n° 2007-1252 du 21 août 2007 portant publication de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume des Pays-Bas concernant le contrôle de personnes sur les aéroports de Saint-Martin, signé à Paris le 17 mai 1994.

* 10 Arrangement administratif relatif à l'intervention réciproque des services d'incendie et de secours de Saint-Martin et Sint Maarten du 21 octobre 1996 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du territoire de l'île de Sint Maarten.

* 11 Décret no 99-350 du 29 avril 1999 portant publication de l'accord sur la coopération dans le domaine de la police et de la sécurité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Pays-Bas (ensemble quatre annexes), signé à La Haye le 20 avril 1998.

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