CHAPITRE VI - DISPOSITIONS D'HABILITATION ET DE RATIFICATION

L'intitulé de ce chapitre a été complété par un amendement COM-30 du rapporteur par coordination avec l'amendement COM-33 insérant l'article 26 bis .

Article 25 - Habilitation à prendre par ordonnance les règles applicable outre-mer en matière de droit des gens de mer et à la réforme pénale
en matière maritime ainsi qu'au droit du travail, à l'emploi
et à la formation professionnelle à Mayotte

L'article 25 prévoit une série d'habilitation permettant au Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions législatives spécifiques à l'outre-mer.

D'une part, l'habilitation concernerait :

- l'extension et l'adaptation à Mayotte, aux îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises en matière de droit des gens de mer : transport et navigation maritime, travail, protection sociale et sécurité des gens de mer (1° du I) ;

- l'application et l'adaptation en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises des règles en matière de réforme pénale et d'organisation judiciaire maritime (2° du I).

Dans ce dernier cas, il s'agirait d'étendre une réforme issue de l'ordonnance n° 2012-1218 du 2 novembre 2012 portant réforme pénale en matière maritime, qui a omis d'assurer son application dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative. Votre rapporteur relève au demeurant que le Gouvernement aurait pu d'ores et déjà procéder à cette extension par la voie d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution et solliciter sa ratification dans le cadre du présent projet de loi.

Comme l'exige l'article 38 de la Constitution, la durée de cette double habilitation est fixée à dix-huit mois et le délai pour le dépôt du projet de loi de ratification au dernier jour du sixième mois suivant la publication de l'ordonnance.

Tout en relevant qu'elle fournissait une nouvelle illustration de l'absence d'anticipation dans l'application outre-mer des réformes adoptées, votre commission a admis ces habilitations dans la mesure où leur objet était particulièrement circonscrit. En revanche, en adoptant l' amendement COM 31 de son rapporteur, elle a réduit le délai d'habilitation de dix-huit à douze mois, jugeant cette durée suffisante au regard de l'ampleur de la tâche confiée au Gouvernement. Le même amendement réduit la durée accordée au Gouvernement pour déposer le projet de loi de ratification en ramenant la date butoir au dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance. Le délai initialement sollicitée est apparu sans justification dès lors qu'il a pour unique objet de permettre au Gouvernement de déposer un projet de loi de ratification.

D'autre part, une habilitation permettrait, selon les mêmes délais que pour les deux précédentes, au Gouvernement de prendre « toute mesure législative en vue de rapprocher les règles applicables à Mayotte en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, des dispositions applicables en ces matières en métropole ou dans les autres [départements d'outre-mer] ». Le Gouvernement sollicite la prorogation, sous une autre forme, d'une habilitation qui lui a été accordée par le 4° du I de l'article 27 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. Initialement fixée à dix-huit mois, la durée de cette habilitation a même été portée à trente mois par l'article 35 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. Si le processus de départementalisation de Mayotte engagé en 2009 implique un rapprochement de la législation locale du droit commun, votre commission a estimé que la prolongation répétée des durées d'habilitation en lien avec Mayotte n'est pas de bonne méthode. L'existence d'une habilitation censée permettre de régler les difficultés d'application à Mayotte de la législation du travail incite à renvoyer systématiquement l'adaptation pour cette collectivité des nouvelles règles votées pour la métropole à l'adoption de cette future ordonnance. Plutôt que de se rapprocher du droit commun, Mayotte, en ce domaine, s'en éloigne par la cristallisation de son droit. Ce constat avait été dressé par notre collègue Thani Mohamed Soilihi, lors de son dernier avis budgétaire.

Le recours aux ordonnances pour l'adaptation du droit mahorais

Un regard rétrospectif sur les projets de loi examinés au fond ou pour avis par votre commission des lois ces dernières années démontre un recours massif, devenu une habitude, aux ordonnances pour l'extension et l'adaptation de la législation outre-mer.

[...]

Parmi les textes qui ont été examinés depuis 2009 par votre commission
- au fond ou pour avis -, 18 lois prévoient 87 habilitations, au titre de l'article 38 de la Constitution, dont l'objet est soit de légiférer directement outre-mer (62 habilitations), soit d'adapter les dispositions d'une loi outre-mer (25 habilitations). 50 habilitations ont donné lieu à des ordonnances. 12 habilitations n'ont pas encore servi à la publication d'ordonnances mais le délai d'habilitation n'est pas encore expiré. Enfin - plus inquiétant -, 25 habilitations n'ont pas conduit à la publication d'ordonnances alors que le terme est échu. Par ailleurs, 12 ordonnances n'ont pas encore été expressément ratifiées par le Parlement.

[...]

Le recours quasi-systématique aux ordonnances pourrait être évité si le ministère des outre-mer était davantage associé en amont à la rédaction des projets de loi, ce que la ministre a admis lors de son audition. Ce serait surtout un moyen pour le Parlement de se prononcer sur les adaptations qui sont prévues pour chaque projet de loi.

Ce constat est particulièrement vrai pour Mayotte qui totalise, sur les 87 habilitations précédemment évoquées depuis 2007, 31 habilitations qui ont pour objet exclusif l'adaptation du droit mahorais à la suite de la départementalisation de Mayotte. Sur ces 31 habilitations, 10 n'ont pas conduit à la publication d'ordonnances dans le délai d'habilitation. Si elle n'est pas dénuée de justification, cette spécificité mahoraise parmi la spécificité ultramarine avait même conduit notre collègue Jean-Pierre Sueur, alors président de la commission des lois, à interpeller le ministre des outre-mer qui sollicitait du Sénat une extension d'habilitation pour savoir si le Gouvernement souhaitait « dessaisir complètement le Parlement sur la question de Mayotte ». Et notre collègue de poursuivre : « Voilà qu'entrent soudainement dans le champ des ordonnances les domaines de la santé, de l'énergie, du climat, de la qualité de l'air, de la sécurité des véhicules, des transports, etc. Par conséquent, nous nous demandons si, dans votre esprit, il s'agit de faire de Mayotte la terre de l'ordonnance... »

Source : Avis budgétaire n° 114 (2014-2015) de M. Thani Mohamed Soilihi, au nom de la commission des lois, 20 novembre 2014

Souhaitant obtenir en séance publique des éclairages du Gouvernement sur les raisons motivant de solliciter une nouvelle habilitation valable pour dix-huit mois, votre commission a supprimé, à ce stade, cette habilitation en adoptant l' amendement COM-31 de son rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 25 ainsi modifié .

Article 26 - Habilitation à prendre par ordonnance les règles en Nouvelle-Calédonie relatives à la recherche et au constat des infractions en matière de consommation

L'article 26 accorde au Gouvernement une habilitation à prendre par ordonnance pour la Nouvelle-Calédonie les règles, assorties des adaptations nécessaires, en matière de recherche et de constat des infractions dans le domaine de la consommation. Comme l'exige l'article 38 de la Constitution, le délai d'habilitation est fixé à dix-huit mois et celui pour le dépôt du projet de loi de ratification au dernier jour du sixième mois suivant la publication de l'ordonnance.

Cette ordonnance interviendrait dans le domaine de la procédure pénale qui relève toujours de la compétence de l'État en Nouvelle-Calédonie, conformément au I de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. Elle est nécessaire car si la compétence en matière de droit de la consommation et de droit commercial appartient à la Nouvelle-Calédonie, cette dernière ne peut fixer les règles permettant la poursuite des infractions constatées aux règles qu'elle édicte en ce domaine.

Cependant, votre commission a estimé que le délai d'habilitation était d'une durée excessive au regard de l'objet de l'habilitation, d'autant que le Gouvernement n'aurait qu'à transposer des règles applicables et à les adapter en Nouvelle-Calédonie. L'étude d'impact accompagnant le présent projet de loi mentionne d'ailleurs d'ores et déjà les dispositions du code de la consommation qui devraient faire l'objet d'une adaptation. De surcroît, l'article 3 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer avait accordé un délai de six mois au Gouvernement pour étendre, également en Nouvelle-Calédonie, les dispositions du code de commerce en matière de pouvoirs d'enquête, de voies de recours, de sanctions et d'infractions.

Au regard de ce précédent qui a démontré la capacité du Gouvernement de publier dans ce délai l'ordonnance attendue, votre commission a adopté un amendement COM-32 de son rapporteur, ramenant le délai d'habilitation à six mois. Par cohérence avec sa position à l'article 25, elle a, par le même amendement, réduit au dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance, le délai laissé au Gouvernement pour déposer le projet de loi de ratification.

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié .

Article 26 bis (nouveau) - Ratification d'ordonnances relatives à l'application outre-mer

Introduit à l'initiative de votre rapporteur, l'article 26 bis ratifie trois ordonnances prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution et intéressant l'application outre-mer de projets de lois adoptés par le Parlement.

L'ordonnance n° 2014-470 du 7 mai 2014 portant dispositions pénales et de procédure pénale pour l'application du code de l'environnement de Saint-Barthélemy résulte de l'habilitation accordée par le III de l'article 3 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. Elle prévoit les sanctions pénales en cas de violation des règles fixées par le code de l'environnement de Saint-Barthélemy. Cette ordonnance résulte d'une difficulté survenue lors de la ratification par le Parlement des sanctions pénales proposées par la collectivité de Saint-Barthélemy en matière de règles environnementales. En effet, initialement, le décret n° 2013-878 du 30 septembre 2013 approuvait un projet d'acte du conseil territorial de Saint-Barthélemy qui avait été annulé au jour de l'approbation, faisant obstacle à la ratification du décret, selon la procédure prévue à l'article L.O.O 6251-3 du code général des collectivités territoriales. C'est pourquoi le Gouvernement, à la demande de notre collègue Catherine Tasca, alors rapporteure de la loi du 15 novembre 2013, avait accepté de procéder par ordonnance après que le Parlement l'eut habilité à cet effet. Tel est l'objet de la première ordonnance que votre commission a ratifiée.

Est également ratifiée l'ordonnance n° 2014-946 du 20 août 2014 portant extension de diverses dispositions en matière bancaire et financière dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie. Cette ordonnance permet de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires et l'ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière financière. Elle est ainsi prise sur le fondement du 5° de l'article 11 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises et l'article 80 de la loi du 26 juillet 2013 précitée.

Enfin, l'ordonnance n° 2015-124 du 5 février 2015 relative aux conditions d'application outre-mer de l'interdiction administrative du territoire et de l'assignation à résidence des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement est ratifiée. Cette ordonnance a été publiée sur le fondement de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Cette ordonnance a, conformément à l'habilitation, un double objet : appliquer et adapter les dispositions de la loi du 13 novembre 2014 en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna (chapitre I er de l'ordonnance), et permettre l'assignation à résidence sur l'ensemble du territoire de la République d'un étranger expulsé ou interdit du territoire, quel que soit le lieu où ces décisions ont été prononcées (chapitre II de l'ordonnance).

Ces ordonnances ayant été adoptées dans le respect des délais fixés par le Parlement tant pour la publication de l'ordonnance que le dépôt du projet de loi de ratification, votre commission a adopté l' amendement COM-33 de son rapporteur pour procéder à leur ratification.

Votre commission a adopté l'article 26 bis ainsi rédigé .

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