Rapport n° 584 (2014-2015) de Mme Nathalie GOULET , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 1er juillet 2015

Disponible au format PDF (4 Moctets)


N° 584

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er juillet 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d' Amérique sur l' indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français,

Par Mme Nathalie GOULET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, M. Gaëtan Gorce, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2705 , 2875 et T.A. 541

Sénat :

554 et 585 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique soumis à l'approbation du Parlement porte sur l'indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français. Il a été signé à Washington le 8 décembre 2014, au terme de près d'un an de négociations.

Il prévoit la mise en place d'un fonds ad hoc , doté de 60 millions de dollars, dont la gestion reviendra au Département d'Etat américain, et qui doit permettre la pleine indemnisation des victimes de la Shoah déportées depuis la France, n'ayant pas pu bénéficier d'une réparation au titre du droit français, qu'elles soient de nationalité américaine ou d'une autre nationalité. Cette mesure d'équité et de justice parachèvera ainsi le dispositif de réparations mis en place graduellement depuis 1946 et marquera la fin des contentieux qui affectaient nos relations bilatérales.

En effet, en dépit des mesures de réparations mises en place, des déportés survivants, ou leurs ayants droits, n'ont pas eu accès au régime de pensions d'invalidité du fait de leur nationalité, ou à des compensations versées par d'autres États ou institutions. Ils ont dès lors tenté à partir des années 2000 d'obtenir des réparations devant les juridictions américaines. Des projets de loi ont même été systématiquement introduits à la Chambre des Représentants et au Sénat américains pour permettre aux juridictions de poursuivre toutes entreprises ayant joué un rôle dans le transport des victimes de la déportation, faisant ainsi craindre le développement d'un contentieux majeur, notamment pour la SNCF.

Après des discussions informelles engagées, à partir de 2012, la conclusion d'un accord intergouvernemental a été proposée aux autorités américaines. Cette approche, dans un cadre négocié et non contentieux, a recueilli le soutien de la communauté juive française et des grandes organisations juives américaines.

La présence de référence au « Gouvernement de Vichy » dans le préambule et à l'article 1 er a toutefois soulevé quelques interrogations de certains membres de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale qui ont amené le Gouvernement à proposer une rectification par la voie d'échange d'instruments entre les Gouvernements français et américain, comme l'autorise l'article 79 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA RÉPARATION PAR LA FRANCE DES VICTIMES DE LA RÉPRESSION ET DES PERSÉCUTIONS ANTISÉMITES DEMEURAIT INCOMPLÈTE

A. LA RECONNAISSANCE GRADUELLE DE LA RESPONSABILITÉ HISTORIQUE DE LA FRANCE DANS LA PERSÉCUTION ET LA SPOLIATION DES JUIFS DE FRANCE DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Les historiens estiment à 76 000 le nombre des déportés « raciaux » qui ont quitté la France entre 1940 et 1944, dont plus de 10 000 jeunes de moins de dix-huit ans. On ne compte que 2 564 survivants, 3 % des partants. Tous les autres ont disparu dans les camps d'extermination, victimes de crimes contre l'humanité.

1. La nullité des actes édictés par les autorités de fait se disant « gouvernement de l'État français »

L'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental promulguée par le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) et publiée à Alger, qui a déclaré « nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire de la république française » (article 2), et notamment « tous ceux qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif. » (article 3), n'a pas empêché dès 1946 de comprendre les victimes françaises de la Shoah, comme victimes civiles de la guerre 1939-1945, puis comme déportés politiques à partir de 1948 (voir supra et annexe n° 2) et de leur assurer ainsi le bénéfice d'un droit à pension, mais sans mettre en place un régime de pension spécifique et en en limitant l'accès aux personnes de nationalité française.

2. La reconnaissance graduelle de la responsabilité historique de la France

Ce n'est qu'à partir des années 1970-1980, que la question du rôle de l'autorité de fait dite « Gouvernement de l'État français » dans la déportation des juifs de France, a commencé d'être débattue publiquement 1 ( * ) .

Le 16 juillet 1995, dans un discours demeuré célèbre, prononcé à l'occasion des commémorations de la Rafle du Vélodrome d'Hiver, que le président de la République, M. Jacques Chirac, a reconnu les crimes perpétrés sous l'autorité de fait dite du « Gouvernement de l'État français » ainsi que la responsabilité historique de la France dans la déportation des Juifs ( voir le texte intégral du discours en annexe n° 1).

Particulièrement attachée aux principes et objectifs de la Déclaration de Stockholm 2 ( * ) , déterminée à développer et renforcer son approche en matière d'éducation, de mémoire et de recherches sur la Shoah, abritant de surcroît la plus importante communauté juive d'Europe, la France est tout particulièrement engagée dans le travail de la mémoire 3 ( * ) , ainsi que dans le combat contre l'antisémitisme sous toutes ses formes, tant au plan national qu'à l'étranger.

La reconnaissance a permis également de compléter le dispositif de pension, ouvert aux victimes de la Shoah, par des dispositifs spécifiques comme le régime de la restitution ou l'indemnisation des biens spoliés durant la Seconde Guerre Mondiale instauré en 1999 et la mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites instituée en 2000 (voir supra et annexe n° 3).

B. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DE RÉGIMES DE RÉPARATION MATÉRIELLE POUR LES VICTIMES DE LA SHOAH

1. Les régimes de réparation fondé sur la solidarité nationale, sous forme de droits à pension

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France a fait le choix d'un régime de pension d'invalidité ou de décès, fondé sur la solidarité nationale, ouvert à tous les déportés politiques, qui s'avère être un des plus généreux d'Europe.

La loi du 20 mai 1946 relative aux victimes civiles de la guerre 1939-45, outre les cas déjà prévus pour la première guerre mondiale, a prévu des cas d'ouverture du droit à pension spécifiques à la Seconde Guerre mondiale, dont la déportation. Les demandeurs (invalides ou ayants cause) devaient apporter la preuve que l'invalidité ou le décès résultait d'un des faits de guerre prévus par la loi.

Puis la loi du 9 septembre 1948 a créé un statut du déporté politique, comportant des droits à pension particuliers.

La qualité de déporté politique, matérialisée par une carte, est accordée aux personnes ayant subi une déportation « pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun ». Ce statut recouvre donc les déportations pour des motifs raciaux et les déportations pour autres motifs (politiques stricto sensu ), hormis les déportations pour appartenance aux mouvements de Résistance qui donnent droit au bénéfice d'un statut différent, celui des déportés résistants (créé par la loi du 6 août 1948) 4 ( * ) .

Il n'existe donc pas dans le cadre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) une indemnisation spécifique aux victimes de la Shoah mais un régime applicable à tous les déportés politiques. Aucune indication chiffrée spécifique aux victimes de la Shoah ne peut donc être communiquée (voir Annexe n° 2). Seules des indications relatives à l'ensemble des déportés politiques peuvent être fournies : au 31 décembre 2013, le régime comportait 4 345 ressortissants pour un coût annuel de 67,5 millions d'euros.

Caractéristique importante, le droit à pension d'invalidité de victime civile de guerre (catégorie qui englobe les déportés politiques) est ouvert sous condition de nationalité : les victimes doivent posséder la nationalité française lors du fait de guerre et lors de la demande de pension. Elles ne doivent pas avoir perdu cette nationalité par la suite : la perte de la nationalité française entraîne la suspension du droit à pension (articles L. 197, L. 203, L. 107 du CPMIVG).

Le droit à pension est néanmoins reconnu aux personnes ayant la nationalité de pays ayant signé une convention de réciprocité avec la France (Belgique, Royaume-Uni, Pologne, ex-Tchécoslovaquie) ainsi qu'aux personnes relevant des conventions internationales sur les réfugiés de 1933 et 1938 (voir annexe n° 3).

Ceci laisse toutefois un certain nombre de victimes en dehors de ce régime.

2. Des régimes d'indemnisation mis en place à la fin des années 1990 et une évolution concomitante de la jurisprudence du Conseil d'État

Ce n'est qu'à partir du travail de mémoire réalisé depuis les années 1970-80 et de la reconnaissance en 1995 des crimes perpétrés sous les autorités de fait dites « Gouvernement de l'Etat français » ainsi que la responsabilité historique de la France dans la déportation des Juifs, que le principe d'une indemnisation plus spécifique a pu être envisagé, tant pas la voie normative que par la jurisprudence du Conseil d'Etat.

a) La restitution ou l'indemnisation des biens spoliés durant la Seconde Guerre Mondiale

Par le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999, la France s'est engagée dans cette direction, notamment avec la création de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) (voir annexe n° 4).

Cette action, qui s'inscrit dans le prolongement de la « mission Mattéoli » 5 ( * ) , chargée d'étudier la spoliation des biens immobiliers et mobiliers appartenant aux Juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale, est une réponse apportée à l'action d'influence exercée par plusieurs personnalités de la communauté juive américaine et le Gouvernement des États-Unis, qui se sont mobilisés pour obtenir des réparations de la plupart des États européens 6 ( * ) .

En outre, les gouvernements français et américain ont signé, à Washington, le 18 janvier 2001, un accord relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la seconde guerre mondiale (voir annexe n°4).

b) Un régime d'indemnisation des orphelins

Ce régime a été créé par le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites 7 ( * ) .

Le décret du 13 juillet 2000 a été pris principalement au motif que de nombreux orphelins n'avaient pu faire valoir des droits à pension, soit par ignorance de leurs droits par leurs tuteurs, soit en raison des conditions de nationalité applicables aux victimes civiles et à leurs ayants cause.

L'indemnisation est ouverte aux orphelins de « toute personne dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites durant l'Occupation et a trouvé la mort en déportation », à condition que l'orphelin ait eu moins de 21 ans lors de la déportation du ou des parents. Aucune condition de nationalité n'est exigée des demandeurs, dès lors que la victime a été déportée depuis la France.

L'indemnisation prend la forme, au choix du demandeur, d'un capital de 27 440,82 € ou d'une rente viagère revalorisée annuellement (543,64 €/mois pour 2015). Au 31 décembre 2014, 6 610 orphelins ont fait le choix du versement d'un capital soit un montant effectivement versé à cette date de 179,7 millions d'euros et 6 974 rentes ont été versées pour un montant de 510,8 millions d'euros, soit un total de 690,5 millions d'euros.

c) Une évolution de la jurisprudence administrative

Jusqu'à son abandon par un arrêt Papon du 12 avril 2002, prévalait une jurisprudence 8 ( * ) selon laquelle l'Etat ne pouvait être condamné à indemniser les conséquences des fautes de services commises par l'administration française sous l'égide des autorités de fait dites « Gouvernement de l'État français » en application d'actes déclarés nuls à la Libération par l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine. En effet, l'article 3 de ladite ordonnance a expressément constaté la nullité de tous les actes qui établissent, ou appliquent, une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif.

S'appuyant sur la reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par ces personnes, sur le rôle joué par l'Etat dans leur déportation ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances et celles de leurs familles et sur l'évolution normative, le Conseil d'État a fait évoluer sa jurisprudence en considérant que les dispositions de l'ordonnance de 1944 « n'ont pu avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou des agissements commis par les autorités et services de l'Etat dans l'application de ces actes. Tout au contraire, en sanctionnant l'illégalité manifeste de ces actes qui, en méconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine tels qu'ils sont consacrés par le droit public français, ont établi ou appliqué une telle discrimination, les dispositions de l'ordonnance du 9 août 1944 ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ». (cf Annexe n° 5).

II. CES LIMITES ONT FAIT NAÎTRE UN RISQUE DE CONTENTIEUX

Les obstacles à l'indemnisation des survivants ou des ayants-cause, principalement la condition de nationalité prévue par le code des pensions militaire d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), ont fait naître un risque contentieux outre-Atlantique.

Les ayants cause (conjoints survivants ou orphelins) ne peuvent obtenir une pension que si la victime remplissait la condition de nationalité requise, la même condition de nationalité étant en principe requise de l'ayant cause. Sur ce seul point, la jurisprudence a connu une évolution récente tendant à l'ouverture du droit à réversion pour les ayants cause de nationalité étrangère, lorsque l'ouvrant droit était pensionné et donc remplissait lui-même nécessairement la condition de nationalité requise.

Aussi, à partir des années 2000, des déportés survivants, non-couverts par le régime en vigueur en France, ont tenté d'obtenir des réparations devant les juridictions américaines. Devant les obstacles juridiques, liés à l'immunité reconnue aux Etats étrangers et à leurs démembrements, des tentatives ont été menées pour faire évoluer la législation américaine pour les lever.

A. LA MONTÉE D'UN GRAVE RISQUE CONTENTIEUX IMPLIQUANT LA SNCF

Des actions ont été engagés en 2000 contre la SNCF par des survivants et des ayants droit appuyés par des avocats, pour complicité de crime contre l'Humanité, pour avoir collaboré activement à la déportation des Juifs de France, et en avoir tiré bénéfice ( procès Abrams c. SNCF ), puis en 2006 ( procès Freund c. SNCF ), contre la SNCF (ainsi que contre la Caisse des dépôts et consignations et contre l'Etat) sur l'un des griefs pour lesquels l'immunité de juridiction n'est pas opposable : la spoliation. Ces recours n'ont pas abouti (voir annexe n° 6).

En avril 2015, trois plaignants ont attaqués la SNCF devant une cour fédérale de Chicago sur la base d'un recours très proche de celui de 2006 ( Scalin c. SNCF ).

Il existe donc un risque que d'autres plaintes soient déposées contre la SNCF (et tous les démembrements de l'État).

B. DES INITIATIVES LÉGISLATIVES INTRODUITES AU CONGRÈS ET DANS CERTAINS ÉTATS AMÉRICAINS

1. Devant le Congrès

Depuis 2005 et tous les deux ans (à chaque nouveau Congrès), un projet de loi bipartisan est déposé systématiquement par des membres du Sénat et de la Chambre des Représentants en vue de retirer le bénéfice de l'immunité de juridiction des États à la SNCF et de permettre à un recours d'aboutir devant une juridiction américaine (voir annexe n° 7).

Les attendus de ces projets de loi contenaient beaucoup d'approximations historiques et d'inexactitudes sur le rôle de la SNCF pendant la Seconde Guerre mondiale. Des auditions ont été menées mais ces projets n'ont jamais été soumis en commission ni soumis à l'adoption. Ils ont toutefois été déposés par des parlementaires influents (le sénateur Schumer, D-NY, notamment).

Un risque existait donc d'une adoption de ces dispositions sous forme d'un cavalier législatif dans une autre législation.

2. Devant les législatures des États

Depuis 2010, les avocats à l'origine des recours cherchent à faire adopter par les législatures d'État des dispositions visant à contraindre la SNCF à des actions en termes de transparence et d'archives, et même à avoir indemnisé les victimes de la déportation afin de pouvoir répondre à des appels d'offres, voire à l'en exclure.

En 2010, en Californie, une loi sur la transparence a été votée avant de faire l'objet d'un veto du Gouverneur. En Floride, un projet de loi similaire a été déposé puis abandonné. En 2014, dans l'État du Maryland, un projet de loi sur la transparence et les archives a été déposé, puis rejeté en commission. En 2014, à New-York, l'intention a été affichée de déposer un projet de législation, malgré l'opposition déclarée du Département d'État.

C. UN RISQUE POUR LE DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS DE LA SNCF AUX ETATS-UNIS

La récurrence des procès et des initiatives législatives a des conséquences potentiellement lourdes sur le développement des activités de la SNCF aux États-Unis (cf annexe n° 8), où elle est l'opérateur, à travers ses filiales, de nombreuses lignes locales ainsi que d'activités logistiques, pour un chiffre d'affaires global de l'ordre de 850 millions d'euros, et sur son image.

D. CETTE SITUATION EST PARTICULIÈREMENT INJUSTE À L'ÉGARD DE LA SNCF

Si durant la Seconde Guerre mondiale l'entreprise a pu participer aux transports de personnes déportées, c'est sous la contrainte et à la demande des autorités de fait ou d'occupation, comme l'ont établi les études menées par Serge Klarsfeld dans une contribution qu'il a adressée en tant que Président de l'Association des « Fils et Filles de déportés juifs de France » le 26 juin 2012 à la Commission de la Justice du Sénat des Etats-Unis dont votre rapporteur a pu prendre connaissance, argumentation reprise dans l'ouvrage « Mémoires » qu'il cosigne avec son épouse Beate Klarsfeld. (voir annexe n° 9).

En France, le Conseil d'Etat a également, de façon plus indirecte, mais en admettant la validité de l'argumentation développée par la Cour administrative de Bordeaux, mis fin aux réclamations visant la SNCF par un arrêt du 21 janvier 2007 (voir annexe n° 9) et rappelé le principe selon lequel les réparations instituées au bénéfice des victimes des persécutions des antisémites perpétrées en France sont à la charge de l'Etat et non de ses démembrements.

On rappellera aussi avec force l'engagement de nombreux agents de la SNCF dans la résistance. N'oublions pas les 2 100 cheminots fusillés ou morts en déportation (voir annexe n° 10).

Enfin, l'entreprise a également conduit une politique mémorielle remarquable en France et à l'étranger là où elle exerçait des activités (voir annexe n° 11).

C'est dans ce contexte que le Gouvernement français a proposé en 2012 de rechercher une solution négociée aux demandes des survivants américains, plutôt que de laisser prospérer une voie législative puis judiciaire. Cette option a été soutenue par quatre grandes organisations juives américaines (voir annexe n° 12).

III. UN ACCORD ÉQUILIBRÉ QUI APPORTE UNE RÉPONSE AUX DEMANDES DES DÉPORTÉS ET GARANTIT À LA FRANCE UNE PAIX ET UNE SÉCURITÉ JURIDIQUE DURABLES

Les négociations ont formellement débuté au mois de février 2014 et se sont achevées début novembre 2014.

L'accord se compose de neuf articles, précédés d'un Préambule, dont la portée est moins juridique que politique et symbolique. Il vise notamment à rappeler les mesures de réparations d'ores et déjà en vigueur en France et la volonté conjointe d'apporter une réponse aux demandes des déportés depuis la France qui n'avait pu avoir accès à aucun régime de réparation. Il confirme par ailleurs l'engagement des autorités américaines à agir de manière active pour assurer à la France et à ses démembrements une paix et une sécurité juridique durable en contrepartie du régime institué.

L'accord a un double objectif : garantir l'indemnisation des victimes non couvertes par un régime existant et assurer à la France et à l'ensemble de ses démembrements, en contrepartie du dispositif créé, une garantie juridique durable

A. ARTICLE 1ER : DÉFINITION DES TERMES DE L'ACCORD

L'article 1 er définit très précisément le périmètre des garanties de sécurité juridique constituant les contreparties de l'accord et indiquant que la « France » doit s'entendre comme toutes ses institutions et administrations ainsi que ses démembrements, terme qui vise les entreprises ou entités publiques françaises qui bénéficient aux États-Unis d'une immunité de juridiction.

Il précise que le champ de l'accord concerne exclusivement les victimes des déportations consécutives aux persécutions antisémites perpétrées par les autorités allemandes d'Occupation ou les autorités de fait dites « Gouvernement de l'État français », c'est-à-dire le transfert de ces victimes vers des camps situés hors du territoire national.

B. L'ARTICLE 2 : OBJECTIFS DE L'ACCORD

L'accord vise :

- d'une part, à fournir un mécanisme exclusif d'indemnisation des personnes ayant survécu à la déportation ou leurs ayants droit à l'exclusion de toute personne déjà couverte par un autre programme d'indemnisation en lien avec la déportation liée à la Shoah ;

- d'autre part, à assurer à la France et à l'ensemble de ses démembrements, en contrepartie du dispositif créé, une garantie juridique durable aux États-Unis s'agissant de toute demande ou action qui pourrait être engagée au titre de la déportation liée à la Shoah. Les États-Unis s'engagent dans le cadre de cet accord notamment à faire respecter l'immunité de juridiction de la France contre toute initiative, à quelque niveau de l'État américain que ce soit.

C. L'ARTICLE 3 : ENCADREMENT DES CATÉGORIES DE BÉNÉFICIAIRES

Cet article encadre les catégories de bénéficiaires en énumérant une série d'exclusions visant à éviter les doubles indemnisations.

Les victimes de la Shoah de nationalité française étant déjà éligibles au régime des pensions françaises ne seront donc pas concernées, de même que celles éligibles au même régime en application d'accords de réciprocité conclus par la France (avec la Belgique, la Pologne, le Royaume-Uni et l'ex-Tchécoslovaquie) ou d'une convention internationale sur les réfugiés permettant l'ouverture du droit à pension en France.

L'accord ne s'applique pas non plus aux personnes qui ont reçu ou sont éligibles à une indemnisation au titre du programme instituant des réparations pour les orphelins de parents morts en déportation (décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000), sans condition de nationalité.

Les bénéficiaires de réparations versées au titre de la déportation par un autre Etat ou une institution ne seront par ailleurs pas couverts par cet accord.

Par ce dispositif d'exclusions, l'accord vise à apporter une solution à la situation des déportés de la Shoah depuis la France qui n'ont pu bénéficier de ces dispositifs. Il n'y a donc pas de rupture d'égalité dans la mesure où les bénéficiaires de l'accord ne sont pas dans une situation comparable avec les nationaux français et que l'objectif est, au contraire, de répondre en équité à des cas d'exclusion de notre régime de pension d'invalidité des victimes civiles de guerre.

D. ARTICLE 4 : MISE EN PLACE D'UN FONDS AD HOC UNIQUE

L'article 4 prévoit le transfert d'une somme de 60 millions de dollars du Gouvernement français au Gouvernement des États-Unis pour la mise en place d'un fonds ad hoc unique.

Cette option plutôt que l'extension des droits à pensions dans le cadre du code des pensions a été choisie afin de tenir compte des circonstances particulières. Une extension du régime des pensions à l'instar des accords bilatéraux conclus par la France avec certains pays après-guerre n'aurait pas permis :

- d'indemniser rapidement les survivants, aujourd'hui âgés, de la déportation (la procédure d'attribution du titre de déportés puis de pension d'invalidité requiert au minimum un délai de 18 mois) ;

- de couvrir, par un seul accord, les ressortissants américains mais aussi les déportés d'autres nationalités ;

- de prendre en compte, en termes d'équité, une part acceptable d'antériorité, alors que le régime est ouvert depuis 1946 ;

- de couvrir, au-delà des ayants droit du régime des pensions (conjoint survivant et enfants, pour ces derniers seulement jusqu'à leur 21 e anniversaire, exception faite du cas marginal des orphelins majeurs infirmes), d'autres catégories d'ayants droit pour les déportés décédés après-guerre ;

- de plafonner le coût du dispositif, alors que la connaissance du nombre de bénéficiaires potentiels est incomplète et pourrait s'ils s'avéraient finalement plus nombreux, induire un coût très supérieur pour le budget de l'Etat.

Le montant de 60 millions de dollars correspond à un point d'équilibre au regard notamment des demandes de compensations de certains avocats (200 millions de dollars) et à la première estimation avancée par la partie américaine dans les négociations (107 millions d'euros plus une marge d'aléa de 20 %).

Il a été établi en tenant compte :

- du nombre de bénéficiaires potentiels - survivants de la déportation ou leurs ayants droit pour ceux décédés après-guerre - mais qui ne sera connu qu'après une procédure de recensement engagée par les autorités américaines ; une marge d'aléas pour pouvoir répondre à un possible afflux de demandes a de ce fait été prévue 9 ( * ) ;

- de la volonté de mettre en place une indemnisation juste pour les bénéficiaires et en cohérence avec le régime des pensions d'invalidité des victimes civiles de la guerre par référence au niveau moyen de pension annuelle de l'ordre de 32 000 euros par an (base 2012) ;

- de l'intégration d'une part encadrée d'antériorité dans les indemnisations pour les survivants de la déportation qui n'avaient pu bénéficier du régime des pensions ouvert il y a 70 ans 10 ( * ) . Un compromis a été trouvé entre les demandes américaines qui souhaitaient la prise en compte de la date des premiers contentieux devant les juridictions américaines, soit l'année 2000, et le souhait des autorités françaises de considérer comme base de départ le début des discussions informelles, soit 2012.

Selon la partie américaine et selon les informations, encore très partielles, disponibles, le Fonds pourrait concerner quelques milliers de bénéficiaires.

La dotation du fonds sera transférée du Gouvernement français au Gouvernement des Etats-Unis dans un délai de trente jours à compter de la date d'entrée en vigueur de l'Accord 11 ( * ) . Les 60 millions de dollars seront transférés au Trésor américain et déposé sur un compte portant intérêt en attendant « qu'ils soient répartis, conformément à une décision du Secrétaire d'Etat des États-Unis d'Amérique ou de son mandataire » et le gouvernement américain devra rendre compte de leur utilisation au gouvernement français.

Il est explicitement indiqué que ce paiement constitue, entre la France et les États-Unis, « le moyen définitif, global et exclusif de répondre à toutes demandes au titre de la déportation liée à la Shoah non couvertes par les programmes d'indemnisation existants, qui ont été ou pourraient être formulées à l'encontre de la France, aux États-Unis ou en France. » et « que tout paiement à une personne physique constitue un moyen définitif, global et exclusif de répondre à toutes les demandes de cette personne physique au titre de la déportation liée à la Shoah non couvertes par les programmes d'indemnisation existants, qui ont été ou pourraient être formulées à l'encontre de la France dans quelque instance que ce soit ».

Certains se sont demandé s'il n'aurait pas été préférable que l'indemnisation incombe à la SNCF. En réalité, c'est une option qui a été écarté d'emblée par la partie française. car elle aurait eu pour effet de reconnaître sa responsabilité indirecte dans la déportation des Juifs et le bien-fondé des plaignants américains alors que les historiens, et notamment Serge Klarsfeld, ont prouvé que la SNCF était un rouage du processus d'extermination placée sous réquisition des autorités allemandes d'Occupation et que sa responsabilité ne pouvait être mise en cause et qu'un arrêt du Conseil d'État de 2007 l'a exonérée comme tous les démembrements de l'État de toute responsabilité (voir annexe n° 9).

Il faut ajouter que ce dossier est très différent de celui des spoliations : si les banques françaises ont été mises à contribution à travers l'accord franco-américain de 2001, c'est au titre des avoirs qu'elles avaient abusivement acquis de leur propre initiative.

E. ARTICLE 5 : RESPECT DE L'IMMUNITÉ DE JURIDICTION DE LA FRANCE ET DE SES DÉMEMBREMENTS, ET CLAUSES DE RENONCIATIONS DES BÉNÉFICIAIRES DU FONDS AD HOC

1. L'engagement du Gouvernement américain à reconnaître et faire respecter l'immunité de juridiction de la France et de ses démembrements

A la différence de la France, le législateur américain est intervenu pour encadrer les situations dans lesquelles un État étranger est susceptible de se prévaloir de ses immunités de juridiction ou d'exécution. Les principes retenus par le Foreign Sovereign Immunities Act, adopté en 1976, reflètent dans une large mesure les stipulations de la Convention des Nations unies sur l'immunité juridictionnelle des États et de leurs biens, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 2 décembre 2004 et ratifiée par la France le 12 août 2011 (cf. loi n° 2011-734 du 28 juin 2011).

L'article 5 prévoit que le Gouvernement américain entreprend « toute mesure nécessaire pour garantir la paix juridique durable au niveau fédéral et entreprendre toute action contre des mesures contraires à l'esprit ou la lettre de l'accord ». Il s'engage à deux niveaux d'intervention :

- à s'assurer, conformément à son système constitutionnel, de la clôture de tout recours devant les tribunaux américains, pendants ou à venir, qui viserait la France ou ses démembrements quel que soit leur statut juridique (article 5-2) ;

- à prendre toute mesure nécessaire contre des initiatives juridiques ou législatives au niveau fédéral, des États ou des autorités locales, qui mettraient en cause l'immunité de juridiction dont bénéficient la France et ses démembrements ou qui font obstacle à l'application de l'accord de l'accord (article 5-3).

L'accord apporte donc à la France le maximum de garanties juridiques contre toute demande présentée au titre de la déportation liée à la Shoah formulée à son encontre ou à celle de ses démembrements, compte tenu du système de séparation des pouvoirs aux États-Unis. En termes d'obligation de moyens et d'actions pour assurer cette « paix juridique », il représente le maximum de ce à quoi le Gouvernement des États-Unis pouvait s'engager dans un accord de ce type. La forme de cette intervention n'est pas précisée explicitement 12 ( * ) mais l'obligation d'une action volontariste est clairement posée.

2. Mise en place de clauses de renonciation des bénéficiaires

Au terme de l'article 5.4, le Gouvernement américain s'engage à demander, avant de procéder à tout versement de répartition du Fonds ad hoc à un bénéficiaire éligible, que ce dernier signe une déclaration sur l'honneur, prévue par l'article 7, et qui figure en annexe de l'accord, pour exprimer leur renoncement à toute indemnisation autre que celle garantie par le Fonds.

Il s'agit de conduire les bénéficiaires, leurs ayants cause et leurs héritiers à renoncer à toute possibilité de demande reconventionnelle ou à tous recours contre la France et ses démembrements pour des faits au titre de la déportation liée à la Shoah et à attester qu'il n'a perçu et ne demandera aucun paiement au titre des programmes français ou d'un accord international conclu par la France en ce qui concerne la déportation liée à la Shoah, ni perçu aucun paiement au titre du programme d'indemnisation d'un autre État ou institution étrangère portant spécifiquement pour ce motif. Ces renonciations individuelles contribuent aux garanties de paix et de sécurité juridique prévues par l'accord 13 ( * ) .

F. ARTICLE 6 : MODALITÉ D'INDEMNISATION DES BÉNÉFICIAIRES

L'article 6 précise que l'indemnisation des bénéficiaires sera réalisée selon des critères dont le Gouvernement est seul responsable et qu'il définit discrétionnairement et unilatéralement

Une autorité désignée par le Gouvernement américain assurera la réception des demandes, leur examen et l'indemnisation après une mesure de communication et de publicité visant à informer le plus largement possible les bénéficiaires potentiels. Les négociateurs ont choisi de confier au gouvernement américain l'instruction des dossiers dans le souci de simplifier les démarches des demandeurs, par définition très âgés, qui résident sur le sol américain et en possèdent la nationalité.

Elle s'assure de l'éligibilité des demandeurs au regard des exclusions visés à l'article 3 et aux moyens des déclarations sur l'honneur des demandeurs. Pour ce faire, les Parties échangent des informations utiles pour garantir qu'aucun demandeur ne reçoit de paiement indu. Les réclamations éventuelles relèveront également de sa seule responsabilité. Dans l'attente de l'entrée en vigueur de l'accord, il est d'ores et déjà possible aux personnes intéressées de communiquer leurs coordonnées sur une ligne téléphonique dédiée ouverte aux États-Unis.

Le Gouvernement américain détermine les critères de répartition unilatéralement et discrétionnairement en tenant compte des objectifs énoncés à l'article 2.

Compte tenu du souhait exprimé par les autorités françaises d'une indemnisation qui soit en cohérence avec le niveau de pension versé dans le cadre du régime en vigueur et par ailleurs de la prise en compte d'une part encadrée d'antériorité (à compter de 2012), l'indemnisation pour les déportés survivants devrait avoisiner 100 000 dollars selon les indications communiquées par le négociateur américain. Ce montant équivaudrait à trois années de pensions d'invalidité en droit français.

Il a été convenu lors des négociations, et là aussi en cohérence avec le régime applicable en France, que les ayants droit et les héritiers seraient indemnisés sur la base de montants très inférieurs qui n'ont pas été communiqués à ce stade par la partie américaine dans l'attente de connaître le nombre exact de personnes éligibles, étant entendu qu'il n'est pas prévu que le Fonds puisse être ré-abondé par les autorités françaises.

Cet article 6 prévoit enfin une obligation pour le Gouvernement américain de faire rapport au Gouvernement français sur la mise en oeuvre de l'accord, obligation qui prendra fin un an après la fin de la répartition du fonds. Ce rapport comportera au minimum des données statistiques relatives aux versements et aux catégories de bénéficiaires.

G. ARTICLE 7 : STATUT DE L'ANNEXE JOINTE À L'ACCORD

L'article 7 précise que le formulaire de déclaration sur l'honneur visé aux articles 5-4 et 6-2-c fait partie intégrante du présent accord.

H. ARTICLE 8 : MODALITÉS DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

L'article 8 de l'accord précise les modalités de règlement d'éventuels différends, qui reposeront exclusivement sur des consultations entre les Parties.

I. ARTICLE 9 : FORMALITÉ DE NOTIFICATION ET ENTRÉE EN VIGUEUR

Cet article prévoit que les Parties se notifient réciproquement l'accomplissement des formalités nationales nécessaires pour l'entrée en vigueur de l'Accord, détermine sur cette base la date de son entrée en vigueur et stipule qu'il impose dès celle-ci des obligations internationales contraignantes.

*

* *

En conclusion, il s'agit d'un Accord équilibré de réparations individuelles, morales et financières qui a été négocié à l'initiative de la France et qui permet de garantir aux États-Unis une paix juridique durable pour l'Etat et ses démembrements pour tous les contentieux liés à la déportation en vue de la Shoah. Il ne peut en rien être assimilé à un régime de réparation de guerre entre États.

J. DES RÉACTIONS POSITIVES À LA SIGNATURE DE L'ACCORD

L'accord a été bien accueilli par les grandes organisations juives américaines 14 ( * ) et au Congrès y compris par les élus à l'origine par le passé de projets de loi visant la levée de l'immunité de juridiction dont bénéficient l'Etat français et ses démembrements.

Les avocats et plaignants ont pris acte de la conclusion de l'accord. Ils avaient indiqué, néanmoins, après la signature de l'accord, qu'ils poursuivraient leurs démarches devant les tribunaux américains. Un nouveau recours a ainsi été introduit contre la SNCF, pour son rôle dans la déportation, devant un tribunal fédéral à Chicago en avril dernier. Ce développement confirme la nécessité de voir l'accord entrer rapidement en vigueur.

La communauté juive française (instances religieuses, CRIF, Mémorial de la Shoah) a soutenu les négociations et la conclusion de l'accord et Serge Klarsfeld a fait partie de la délégation française pour la signature de l'accord à Washington (voir annexe n° 12).

Le Département d'État américain a suivi et accompli toutes les procédures internes requises avant la signature du texte par les deux parties. Aucune autre procédure interne n'est requise aux États-Unis pour l'entrée en vigueur de l'accord. L'accord franco-américain constitue un accord de type sole executive agreement , qui relève du pouvoir exécutif et ne nécessite pas d'autorisation du Congrès américain pour entrer en vigueur après sa signature. Le signataire américain était habilité à engager les États-Unis par sa seule signature. Le texte doit uniquement être notifié au Congrès dans les 60 jours après son entrée en vigueur. Le Congrès n'est pas tenu de répondre à cette notification.

Il revient donc désormais à la France d'achever sa procédure interne en vue de l'approbation de l'accord.

IV. L'EXAMEN DU PROJET DE LOI À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, la présence de référence au « Gouvernement de Vichy » dans le préambule et à l'article 1 er a soulevé quelques interrogations de certains membres de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

Il a été demandé au Gouvernement de lui substituer l'expression communément acceptée de « l'autorité de fait, se disant gouvernement de l'Etat français » - utilisée dans l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental.

L'article 79 de la Convention de Vienne (annexe n° 14) sur le droit des traités permet de corriger cette erreur, par voie d'échange de notes diplomatiques, dans lesquelles une partie propose la correction, et l'autre l'accepte.

Sur le fondement de cet article, le ministère des Affaires étrangères et du Développement international a adressé le 10 juin dernier une note diplomatique aux autorités américaines proposant de substituer aux termes « Gouvernement de Vichy », les termes : « l'autorité de fait, se disant gouvernement de l'Etat français ». Les autorités américaines ont accepté cette correction qui n'aura aucune conséquence sur les principales dispositions de l'accord (voir Annexe n° 13).

Audition de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international par la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale le 9 juin 2015

« S'agissant de la formulation, j'ai fait saisir les autorités américaines d'une demande de suppression de la référence au « Gouvernement de Vichy » sur le fondement de l'article 79 de la convention de Vienne sur le droit des traités. Le fond de l'accord sera maintenu mais on substituera à cette référence la formule « l'autorité de fait se disant gouvernement de l'État français » et le texte sera ainsi modifié. Cette mesure exceptionnelle rassurera sur les intentions du Gouvernement et assurera l'approbation du projet de loi et sa mise en oeuvre dans les meilleurs délais. Procéder autrement contraindrait à reprendre ab initio une procédure extrêmement longue. »

Après sa ratification, l'accord sera publié au Journal officiel dans sa version corrigée, qui seule fera foi entre les parties.

La mention « Gouvernement de Vichy » n'apparaitra plus nulle part dans le texte qui sera publié au Journal officiel. Dès lors, il est inutile d'ajouter une réserve interprétative sur une expression qui aura disparu.

Le projet de loi a été adopté par l'Assemblée nationale le 24 juin.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 1 er juillet 2015, sous la présidence de M. Christian Cambon, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Nathalie Goulet, rapporteur, sur la projet de loi n° 554 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique sur l'indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

Mme Bariza Khiari . - Combien de temps le fonds sera-t-il ouvert ? Sur quel programme budgétaire les crédits seront-ils imputés ? S'agit-il d'un solde de tout compte et que se passe-t-il en fin de période s'il reste des crédits sur ce fonds ?

Mme Nathalie Goulet , rapporteur - D'après les informations que nous avons pu recueillir, la dotation devrait être versée depuis le programme n° 158 : Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale sur la Mission Anciens combattants. Il n'y a pas de durée prévue. La dotation est un « solde de tout compte », il n'y aura ni retour, ni abondement. La contrepartie est que la France est complètement déchargée de la gestion du fonds et des recours éventuels ainsi que d'éventuelles demandes, les bénéficiaires signant préalablement une déclaration de renonciation, et qu'en outre, le Gouvernement américain s'engage à agir pour garantir une paix juridique durable.

M. Alain Néri . - Il faut être attentif au contenu du texte. Il ne viendrait à personne l'idée de ne pas indemniser les victimes de la Shoah. Je souhaite cependant attirer l'attention sur une mesure du même ordre qui concernait les orphelins de déportés juifs et qui n'a pas manqué de provoquer la réaction de l'ensemble des orphelins de déportés qui ont dénoncé un traitement différencié et demandé une universalité dans le mode d'indemnisation. Ceci a conduit à une multiplication des demandes à l'occasion de l'examen au Parlement du budget des anciens combattants, et ceci pendant plusieurs années. Ce dossier a été soldé, mais de nouveaux contentieux ont été ouverts, celui des orphelins de ceux dont les parents étaient morts au combat ou dans des bombardements et qui se considèrent aussi comme victimes de la barbarie nazie. Le texte ne risque-t-il pas d'ouvrir de nouveaux contentieux avec d'autres catégories de déportés ? Je crains ce type de réactions. Il est difficile d'isoler certaines catégories de déportés. Tous les déportés méritant de faire l'objet de la même reconnaissance de la France.

Je souhaiterais aussi qu'à l'occasion de l'examen de texte, puisse être rappelé le rôle éminent des cheminots de la SNCF dans la Résistance.

Je souhaiterais enfin que l'on arrête de parler de Gouvernement de Vichy, stigmatisant abusivement cette ville et ses habitants et que l'on écrive « autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français » dans le texte de l'accord.

Je voudrais aussi rappeler, sans exonérer « l'Etat français » que la décision de déporter les Juifs incombait à l'Allemagne nazie et qu'il y aurait une certaine équité à ce que l'Allemagne prenne aussi sa part dans cette forme d'indemnisation.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur.- La question de la rupture d'égalité nous a naturellement préoccupés. En l'espèce, il s'agit d'indemniser des personnes qui n'ont bénéficié d'aucune autre forme d'indemnisation, c'est la condition d'accès au fonds et son objet est donc au contraire d'établir une forme d'égalité.

Le rapport comprendra des annexes détaillées sur le rôle des cheminots dans la Résistance et sur le travail mémoriel exemplaire de cette société.

M. Joël Guerriau . - On peut s'étonner que 70 ans après les évènements on en soit encore à s'interroger sur les modes d'indemnisation. Je rappelle que l'on continue aujourd'hui encore à rembourser des livrets A de personnes qui n'avaient pas fait valoir leurs droits.

M. Claude Malhuret . - Je voudrais, en tant que maire de Vichy, exprimer ma stupéfaction et ma colère de voir figurer dans des textes officiels la mention « Gouvernement de Vichy » qui n'est pas une dénomination juridique appropriée. Cela ne fait que renforcer les amalgames fréquents et insupportables pour la population de ma ville entre « vichystes » et « vichyssois ». Il y a quelques années, le député Gérard Charasse avait déposé une proposition de loi demandant de bannir cette formulation dans les textes officiels. Le texte n'a pas été inscrit à l'ordre du jour, mais il avait obtenu des assurances du gouvernement à l'époque. Je constate que l'on continue sans s'en émouvoir davantage de l'utiliser dans des documents officiels. Je souhaite que le texte sorte du Sénat sans ces termes.

Mme Nathalie Goulet , rapporteur .- Nous pouvons vous assurer que le texte du traité sera publié au Journal officiel sans cette mention à laquelle sera substituée la formule adéquate «  autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français » et de la publication de l'échange de lettres entre la France et les Etats-Unis, proposant et acceptant cette rectification dans le rapport.

Mme Josette Durrieu . - Je voudrais expliquer la position qui me conduira à ne pas prendre part au vote. Je ne veux pas avoir une gestion comptable de ce moment. Je suis fille de déportés, père et mère. Mon père était dans le train de la mort. Ils sont partis mille et arrivés 300. Je n'ai pas envie d'intenter un procès quelconque à la SNCF. Mon grand-père a un arbre à Yad Vashem, Juste parmi les Justes, pour avoir sauvé des centaines de Juifs en leur faisant passer la frontière avec l'Espagne. J'en ai assez de cette marchandisation d'un moment historique.

M. Jacques Legendre . - Je suis choqué des conditions dans lesquelles ce texte est présenté. D'une part, reprendre le problème de la déportation par le biais de la responsabilité de la SNCF est anormal. Durant l'Occupation, la SNCF n'était pas maître des décisions, elle était obligée d'exécuter les instructions de l'autorité se disant gouvernement de l'Etat français et de l'autorité allemande. S'en prendre à la SNCF pour se procurer quelques ressources n'est pas convenable.

Je regrette également que dans la négociation, la Partie française ait commis cette erreur énorme de parler de « Gouvernement de Vichy », laissant supposer qu'il s'agissait d'une autorité légale. Il est anormal qu'il faille attendre la discussion parlementaire pour relever ce fait et être en mesure de le rectifier. La justification de l'action de la Résistance, de celle du général de Gaulle et du gouvernement provisoire de la République française a toujours été de considérer que l'action des autorités de fait, depuis juillet 1940, était illégale.

Je relève enfin que l'on profite de la rectification par échanges de lettre avec les Etats-Unis pour corriger une faute d'orthographe dans la version française. Il y a là des dysfonctionnements qui me heurtent.

Je ne voterai pas contre ce texte par respect pour les victimes. Je ne prendrai pas part au vote.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur . - S'agissant de la responsabilité de la SNCF, je rappellerais les études menées par Serge Klarsfeld, qu'il a d'ailleurs transmises au Congrès des Etats-Unis, qui montrent bien que la société travaillait sous contrainte et l'arrêt du Conseil d'Etat de 2007 qui l'exonère de toute responsabilité.

Je comprends que l'aspect chantage économique soit révoltant, mais il faut rappeler que les procès et initiatives législatives ont eu pour effet, bien malgré elle, de pénaliser très sérieusement la SNCF dans son développement aux Eats-Unis et de l'empêcher d'emporter de nombreux appels d'offres. Je comprends que la marchandisation de ce moment historique paraisse insupportable. Cela étant, il fallait bien que le Gouvernement réagisse à ces initiatives, provoquées par les actions de groupe engagées par certains avocats et sortir de cette situation pénalisante. Le texte est un arbitrage. Si nous ne le validions pas, les procédures risquent de reprendre et de perdurer contre la SNCF. Je comprends les réserves exprimées, mais le contexte est extrêmement délicat.

M. Alain Néri . - Je partage la position de Josette Durrieu et ne participerai pas au vote parce qu'il y a une remise en cause de l'universalité de la déportation. Quel sera le montant prélevé sur le programme 158 ?

Mme Nathalie Goulet , rapporteur .- Le montant des crédits nécessaires à la dotation du fonds sera inscrit au programme 158, cela ne signifie pas qu'il sera prélevé sur les actions en cours.

M. Christian Cambon, président.- Le rapporteur a bien rappelé le contexte délicat de ce projet. Il ne faudrait pas ouvrir à cette occasion une crise avec les Etats-Unis. Il y a effectivement un contexte économique et diplomatique qui a conduit à choisir ce biais, sans doute imparfait. Mais cela étant, j'attire votre attention sur l'impact qu'aurait un vote négatif de la commission qui gênerait considérablement l'action du gouvernement dans ses relations avec les Etats-Unis et la SNCF pour son développement dans ce pays.

M. Jeanny Lorgeoux . - Je souscris à ce qui a été dit, mais ce texte n'a pas de souffle historique ou éthique, il est un règlement conjoncturel d'un problème mélangeant la dimension historique à la dimension économique et commerciale. Je suis dans l'embarras.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - Je me sens très mal à l'aise devant un texte de cette nature. Je comprends bien pourquoi il est présenté. Ce qui me pose un problème fondamental, c'est le fait de catégoriser, de hiérarchiser, les différents déportés. Quid des homosexuels, des francs-maçons, des communistes... ? Je ne prendrai pas part au vote.

M. Daniel Reiner . - On a tous des réticences devant ce texte. Il s'agit d'un texte de circonstance qui n'a pas pour objet de réécrire l'histoire. Je partage les sentiments de ceux qui, pour de multiples raisons, émettent des réserves de fond comme de forme. A l'Assemblée nationale, les débats ont reflété les mêmes préoccupations. Cela étant, à l'issue de la discussion et de la réflexion, le texte a été adopté parce qu'il permet de régler cette question. Je le voterai pour clore cette question.

M. André Trillard . - Quelle est l'attitude des Américains face à la Deutschbahn ?

Mme Nathalie Goulet , rapporteur .- L'Allemagne a indemnisé de façon très conséquente.

M. André Trillard . - Je ne participerai pas au vote pour indiquer ma lassitude face à ces demandes récurrentes.

M. Jean-Marie Bockel . - Je partage les réticences exprimées. Je regrette que l'on ne puisse pas examiner de façon plus influente et plus en amont les conventions internationales. Je voterai néanmoins le texte au nom du principe de réalité.

M. Jean-Paul Emorine . - Je voudrais rappeler que ces arguments sur le rôle de la SNCF sont évoqués chaque fois qu'elle entre en compétition dans les appels d'offres aux Etats-Unis, comme ce fut le cas pour la ligne à grande vitesse San Francisco-Los Angeles. Nos partenaires américains sont parfois plus libéraux en esprit qu'en pratique.... Il est important que la SNCF et ses filiales puissent se développer aux Etats-Unis. Je voterai ce projet de loi.

Mme Michelle Demessine . - Ce texte réveille des douleurs. Il est vraiment dommage que cette question n'ait pu se régler sereinement dans le temps et la dignité et qu'il ait fallu passer par une transaction commerciale. Pour l'instant, notre groupe réserve son vote et s'exprimera en séance.

M. Jacques Gautier . - Ce texte nous interpelle, il soulève des questions douloureuses, mais en même temps nous sommes confrontés à un problème de droit international et d'ouverture des marchés, voilà pourquoi je le voterai.

Mme Leila Aïchi . - Le principe de réalisme me conduit à voter le texte. Si l'on devait aller devant la justice américaine, sous serions dans une grand incertitude quant à la durée et quant au montant des indemnités.

M. Bernard Cazeau . - Je crois que la question aujourd'hui est d'aider la SNCF. Je voterai en faveur du texte.

A l'issue de la discussion, la commission a adopté le projet de loi, Mmes Hélène Conway-Mouret, Josette Durrieu, Joëlle Garrriaud-Maylam, M. Alain Gournac, Mme Gisèle Jourda, MM. Jacques Legendre, Alain Néri, Mme Françoise Perol-Dumont, MM. André Trillard et Alex Türk, ne prenant pas part au vote ; M. Michel Boutant, Mme Nathalie Goulet, MM. Joël Guerriau, Claude Malhuret et Cédric Perrin, s'abstenant.

ANNEXE 1 - DISCOURS DE M. JACQUES CHIRAC, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, PRONONCÉ LE 16 JUILLET 1995 LORS DE LA CÉRÉMONIE COMMÉMORANT LA RAFLE DU VEL D'HIV DU 16 ET 17 JUILLET 1942

«Monsieur le maire,

-Monsieur le président,

-Monsieur l'ambassadeur,

Monsieur le Grand Rabbin,

Mesdames,

Messieurs,

Il est, dans la vie d'une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on se fait de son pays.

Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l'on ne sait pas toujours trouver les mots justes pour rappeler l'horreur, pour dire le chagrin de celles et ceux qui ont vécu la tragédie. Celles et ceux qui sont marqués à jamais dans leur âme et dans leur chair par le souvenir de ces journées de larmes et de honte.

Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français.

Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 450 policiers et gendarmes français, sous l'autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis.

Ce jour-là, dans la Capitale et en région parisienne, près de dix mille hommes, femmes et enfants juifs, furent arrêtés à leur domicile, au petit matin, et rassemblés dans les commissariats de police.

On verra des scènes atroces: les familles déchirées, les mères séparées de leurs enfants, les vieillards - dont certains, anciens combattants de la Grande Guerre, avaient versé leur sang pour la France - jetés sans ménagement dans les bus parisiens et les fourgons de la Préfecture de Police.

On verra, aussi, des policiers fermer les yeux, permettant ainsi quelques évasions.

Pour toutes ces personnes arrêtées, commence alors le long et douloureux voyage vers l'enfer. Combien d'entre elles reverront jamais leur foyer? Et combien, à cet instant, se sont senties trahies? Quelle a été leur détresse?

La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux.

Conduites au Vélodrome d'hiver, les victimes devaient attendre plusieurs jours, dans les conditions terribles que l'on sait, d'être dirigées sur l'un des camps de transit - Pithiviers ou Beaune-la-Rolande - ouverts par les autorités de Vichy.

L'horreur, pourtant, ne faisait que commencer.

Suivront d'autres rafles, d'autres arrestations. A Paris et en province. Soixante-quatorze trains partiront vers Auschwitz. Soixante-seize mille déportés juifs de France n'en reviendront pas.

Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible.

La Thora fait à chaque Juif devoir de se souvenir. Une phrase revient toujours qui dit: «N'oublie jamais que tu as été un étranger et un esclave en terre de Pharaon».

Cinquante ans après, fidèle à sa loi, mais sans esprit de la haine ou de vengeance, la Communauté juive se souvient, et toute la France avec elle. Pour que vivent les six millions de martyrs de la Shoah. Pour que de telles atrocités ne se reproduisent jamais plus. Pour que le sang de l'Holocauste devienne, selon le mot de Samuel Pisar, le «Sang de l'espoir».

Quand souffle l'esprit de haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et l'exclusion. Quand à nos portes, ici même, certains groupuscules, certaines publications, certains enseignements, certains partis politiques se révèlent porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d'une idéologie raciste et antisémite, alors cet esprit de vigilance qui vous anime, qui nous anime, doit se manifester avec plus de force que jamais.

En la matière, rien n'est insignifiant, rien n'est banal, rien n'est dissociable. Les crimes racistes, la défense de thèses révisionnistes, les provocations en tous genres - les petites phrases, les bons mots - puisent aux mêmes sources.

Transmettre la Mémoire du Peuple juif, des souffrances et des Camps. Témoigner encore et encore. Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l'Etat. Ne rien occulter des heures sombres de notre Histoire, c'est tout simplement défendre une idée de l'Homme, de sa liberté et de sa dignité. C'est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l'oeuvre.

Cet incessant combat est le mien autant qu'il est le vôtre.

Les plus jeunes d'entre nous, j'en suis heureux, sont sensibles à tout ce qui se rapporte à la Shoah. Ils veulent savoir. Et avec eux, désormais, de plus en plus de Français décidés à regarder bien en face leur passé.

La France, nous le savons tous, n'est nullement un pays antisémite.

En cet instant de recueillement et de souvenir, je veux faire le choix de l'espoir.

Je veux me souvenir que cet été 1942, qui révèle le vrai visage de la «collaboration», dont le caractère raciste, après les lois anti-juives de 1940, ne fait plus de doute, sera, pour beaucoup de nos compatriotes, celui du sursaut, le point de départ d'un vaste mouvement de résistance.

Je veux me souvenir de toutes les familles juives traquées, soustraites aux recherches impitoyables de l'occupant et de la Milice, par l'action héroïque et fraternelle de nombreuses familles françaises.

J'aime à penser qu'un mois plus tôt, à Bir Hakeim, les Français libres de Koenig avaient héroïquement tenu, deux semaines durant, face aux divisions allemandes et italiennes.

Certes, il y a les erreurs commises, il y a les fautes, il y a une faute collective. Mais il y a aussi la France, une certaine idée de la France, droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n'a jamais été à Vichy. Elle n'est plus, et depuis longtemps, à Paris. Elle est dans les sables libyens et partout où se battent des Français libres. Elle est à Londres, incarnée par le Général de Gaulle. Elle est présente, une et indivisible, dans le coeur de ces Français, ces «Justes parmi les nations» qui, au plus noir de la tourmente, en sauvant au péril de leur vie, comme l'écrit Serge Klarsfeld, les trois-quarts de la communauté juive résidant en France, ont donné vie à ce qu'elle a de meilleur. Les valeurs humanistes, les valeurs de liberté, de justice, de tolérance qui fondent l'identité française et nous obligent pour l'avenir.

Ces valeurs, celles qui fondent nos démocraties, sont aujourd'hui bafouées en Europe même, sous nos yeux, par les adeptes de la «purification ethnique». Sachons tirer les leçons de l'Histoire. N'acceptons pas d'être les témoins passifs, ou les complices, de l'inacceptable.

C'est le sens de l'appel que j'ai lancé à nos principaux partenaires, à Londres, à Washington, à Bonn. Si nous le voulons, ensemble nous pouvons donner un coup d'arrêt à une entreprise qui détruit nos valeurs et qui, de proche en proche risque de menacer l'Europe tout entière».

Jacques Chirac

ANNEXE 2 - LE RÉGIME DU DROIT À PENSION AU TITRE DU CODE DES PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ ET VICTIMES DE LA GUERRE

L'indemnisation des préjudices physiques subis par les victimes civiles de la guerre 1939-45 a été d'abord prévue en rendant applicable aux victimes les dispositions de la loi du 28 juin 1919 relative aux victimes civiles de la guerre 1914-18 (mesures prises dès 1940). Puis la loi du 20 mai 1946 relative aux victimes civiles de la guerre 1939-45, outre les cas déjà prévus pour la première guerre mondiale, a prévu des cas d'ouverture du droit à pension spécifiques à la Seconde Guerre mondiale, dont la déportation. Les droits des déportés n'étaient alors pas différents de ceux des autres victimes civiles : les demandeurs (invalides ou ayants cause) devaient apporter la preuve que l'invalidité ou le décès résultait d'un des faits de guerre prévus par la loi.

Puis la loi du 9 septembre 1948 a créé un statut du déporté politique, comportant des droits à pension particuliers.

La qualité de déporté politique , matérialisée par une carte, est accordée aux personnes ayant subi une déportation « pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun ». Ce statut recouvre donc les déportations pour des motifs raciaux et les déportations pour autres motifs (politiques stricto sensu), hormis les déportations pour appartenance aux mouvements de Résistance qui donnent droit au bénéfice d'un statut différent, celui des déportés résistants (créé par la loi du 6 août 1948).

Les personnes ayant obtenu la qualité de déporté politique disposent de droits à pension particuliers ; toute affection résultant de maladie est reconnue imputable à la déportation, sans condition de délai, sauf si la preuve contraire est apportée par l'administration. Le droit à pension au titre de la présomption est aussi prévu pour les ayants cause, qu'il s'agisse d'un décès en déportation ou d'un décès après le retour du déporté, sans condition de délai.

Les ayants cause des déportés ayant survécu à la déportation ont également droit à pension si le déporté était pensionné pour un taux d'invalidité d'au moins 85% (règle applicable à toutes les victimes civiles - ce taux est généralement atteint et dépassé par les déportés pensionnés).

Les lois du 20 mai 1946, du 9 septembre 1948, et tous les textes particuliers relatifs à l'indemnisation des militaires et des victimes civiles, ont ensuite été intégrés au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Le droit à pension de victime civile de guerre (catégorie qui englobe les déportés politiques) est ouvert sous condition de nationalité : les victimes doivent posséder la nationalité française lors du fait de guerre et lors de la demande de pension ; ils ne doivent pas avoir perdu cette nationalité par la suite (la perte de la nationalité française entraîne la suspension du droit à pension).

Toutefois le droit à pension est également reconnu aux personnes ayant la nationalité de pays ayant signé une convention de réciprocité avec la France (Belgique, Royaume-Uni, Pologne, ex-Tchécoslovaquie) ainsi qu'aux personnes relevant des conventions internationales sur les réfugiés de 1933 et 1938.

Enfin, une modification du CPMIVG intervenue par la loi de finances pour 1998 permet de reconnaître le droit à pension aux déportés, de nationalité étrangère lors de la déportation (et ne bénéficiant pas des conventions précitées), qui ont acquis ultérieurement la nationalité française, ainsi que leurs ayants cause.

Les bénéficiaires sont les suivants :

- Invalides, atteints d'une infirmité reconnue imputable à un fait de service (pour les militaires) ou de guerre (victimes civiles - dont les déportés politiques) et atteignant le taux minimum indemnisable de 10% ;

- Ayants cause : conjoints survivants et partenaires d'un Pacte civil de solidarité (depuis 2006, avant cette date, seul le cas des veuves était prévu) ; orphelins de moins de 21 ans ou orphelins infirmes de plus de 21 ans ; pour mémoire : ascendants (père ou mère de la victime, sous condition d'âge et de ressources). Aucun autre parent ne peut prétendre à pension.

Le droit à pension est ouvert aux conjoints survivants des victimes civiles dans les conditions suivantes :

- lorsque le décès du conjoint est reconnu imputable directement à un fait de guerre ou résulte d'une affection pensionnée quel qu'en soit le taux ou d'une affection non pensionnée reconnue elle-même imputable à un fait de guerre ;

- lorsque l'invalide était pensionné pour un taux d'invalidité de 85% au moins.

Pour les conjoints de déportés, le décès, qu'il soit survenu en déportation ou longtemps après les faits, est considéré comme imputable à la déportation (présomption sans délai, sauf preuve contraire).

Il n'existe donc pas dans le cadre du CPMIVG une indemnisation spécifique aux victimes de la Shoah mais un régime applicable à tous les déportés politiques. Aucune indication chiffrée qui serait spécifique aux victimes de la Shoah ne peut donc être communiquée.

Seules des indications relatives à l'ensemble des déportés politiques peuvent être fournies. Selon les statistiques du service des retraites de l'Etat, il existait au 31 décembre 2013 (derniers chiffres connus) :

- 1 355 déportés politiques pensionnés pour un montant total de 45 906 023 €, soit une pension moyenne de 33 878 € par an ;

- 2 927 conjoints survivants de déportés politiques pour un montant total de 21 080 227 € soit un montant moyen de 7 201 € par an (en sus de ce montant, la pension de conjoint survivant peut être assortie de diverses majorations de droit commun selon la situation de l'invalide ayant ouvert droit à réversion ; dans les cas des déportés morts durant leur déportation, un supplément de pension est accordé d'office au conjoint survivant) ;

- 63 orphelins majeurs infirmes de déportés politiques pour un montant total de 430 437 € soit un montant moyen de 6 382 € par an.

La pension de conjoint survivant prévue par le CPMIVG n'est pas proportionnelle à la pension que détenait éventuellement l'invalide, mais forfaitaire (règle uniforme, qu'il s'agisse de militaires ou de victimes civiles). Elle est établie sur la base de l'indice de pension 515 (soit 7 194 euros par an).

Il existe aussi des majorations de pension qui sont attribuées aux conjoints survivants de très grands invalides (bénéficiaires de la majoration pour assistance d'une tierce personne etc.) ou à titre social, sous condition de ressources, indépendamment de la qualité de déporté de l'ouvrant droit. Le supplément social, dit « supplément exceptionnel », est attribué d'office aux conjoints survivants de déportés morts en déportation (la pension est alors portée à l'indice 682 soit 9 527 euros par an).

ANNEXE 3 - CONVENTIONS ÉTENDANT LE RÉGIME FRANÇAIS D'INDEMNISATION

Les conventions de réciprocité conclues avec quatre pays, permettant l'indemnisation par la France des victimes civiles de faits de guerre survenus en 1939-45, ayant la nationalité du pays cosignataire, lorsque le fait de guerre s'est produit en France (ou depuis la France), et réciproquement

Il s'agit des textes suivants :

• Convention franco-polonaise du 11 février 1947 ;

• Convention franco-tchécoslovaque du 1er décembre 1947 ;

• Convention franco-britannique du 23 janvier 1950 ;

• Convention franco-belge du 20 septembre 1958.

Les victimes de la Shoah ont été indemnisées dans le cadre de ces accords. L'indemnisation a lieu selon les règles en vigueur dans chaque pays (donc selon les règles du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en ce qui concerne la France, avec application des règles spécifiques applicables aux déportés) 15 ( * ) .

Les conventions internationales sur les réfugiés prévoyant une clause permettant d'étendre aux bénéficiaires les avantages prévus par une convention bilatérale.

Il s'agit des textes suivants :

• Convention du 28 octobre 1933 relative au statut international des réfugiés 16 ( * ) ;

• Convention du 10 février 1938 concernant le statut des réfugiés provenant d'Allemagne (et d'Autriche).

En principe, la perte de la nationalité d'un des pays signataires des conventions de réciprocité ou celle de la qualité de réfugié statutaire entraîne la perte du droit à pension (sauf si cette perte résulte de l'acquisition de la nationalité française).

Selon les indications fournies en 2012 par le service des retraites de l'État, les déportés politiques pensionnés au titre des conventions bilatérales ou internationales étaient à cette date : 79 invalides et 77 ayants cause au titre de la Convention franco-polonaise ; 72 invalides et 213 ayants cause au titre de la Convention sur les réfugiés et apatrides ; 6 invalides et 17 ayants cause pour les autres étrangers.

ANNEXE 4 - L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE SPOLIATIONS

I. Mise en place en 2000, la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation -CIVS- (décret n° 99-778 du 10 septembre 1999) est chargée de l'examen des demandes individuelles présentées par les victimes ou leurs ayants droit, en vue d'obtenir réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens, intervenues du fait des législations antisémites appliquées sous l'Occupation par les autorités occupantes ou l'autorité de fait se disant «gouvernement de l'État français» .

La Commission, qui n'est pas une juridiction, est chargée d'élaborer et de proposer des mesures de réparation ou d'indemnisation appropriées. Elle peut émettre toutes recommandations utiles, notamment en matière d'indemnisation. Ces recommandations sont ensuite transmises au Secrétaire général du Gouvernement.

La Commission a également publié de nombreuses recherches sur la spoliation des Juifs (17 ( * )) .

Depuis le début de ses travaux en 2000 jusqu'au 31 décembre 2013, la CIVS a enregistré 28 557 dossiers. 18 999 concernent des spoliations matérielles et 9 558 des spoliations bancaires. 896 demandes ont été classées en raison de l'absence de réception d'un questionnaire dûment renseigné ; 892 pour désistement, incompétence de la commission ou carence des demandeurs au cours de l'instruction.

Les recherches menées par la Commission ont décliné proportionnellement à ses activités effectives. Le niveau des restitutions et des indemnisations a en effet baissé depuis 2000, comme l'explique son dernier rapport. Depuis le début de ses travaux en 2000 jusqu'au 31 décembre 2013, la Commission a enregistré 28 557 dossiers. 18 999 concernent des spoliations matérielles, au sens du décret n°99-778 du 10 septembre 19994, 9 558 des spoliations bancaires. 896 ont été classés en raison de l'absence de réception d'un questionnaire dûment renseigné ; 892 pour désistement, incompétence de la Commission ou carence des demandeurs au cours de l'instruction.

En 2013, la CIVS a enregistré 374 dossiers (263 matériels, 111 bancaires dont 29 créations internes). Ces chiffres traduisent une baisse de 5,8 % par rapport à 2012, contre 25,6 % entre 2011 et 2012. Si un processus naturel de longue durée amorcé en 2007 a conduit à une baisse régulière, celle-ci semble désormais stabilisée.

II. En outre, les gouvernements français et américain ont signé, à Washington, le 18 janvier 2001, un accord relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les banques et les institutions financières ayant exercé une activité en France pendant cette période s'engagent, par cet accord, à restituer aux détenteurs d'avoirs bancaires ou à leurs ayants droit, les sommes bloquées à la suite des législations antisémites mises en oeuvre par l'autorité de fait se disant «gouvernement de l'État français» et les autorités allemandes d'Occupation.

Dans le cadre de cet accord les banques se sont engagées à satisfaire toute demande approuvée par la CIVS. L'accord a prévu la constitution de deux fonds distincts par les établissements financiers pour répondre aux indemnisations recommandées par la CIVS en matière bancaire. Le premier, dit « Fonds A », doté d'un montant de 50 000 000 USD, a pour objet d'indemniser les victimes dont les avoirs ont été identifiés. Le second, dit « Fonds B », doté d'un montant de 22 500 000 USD, couvre les autres indemnisations. L'accord prévoit une indemnisation forfaitaire à partir d'éléments de preuve ou de la signature d'une déclaration sur l'honneur déposés antérieurement au 2 février 2005 par les victimes ou leurs ayants droit.

Conformément à l'accord de Washington, les demandes ressortissant du Fonds B ne sont plus acceptées depuis le 2 février 2005. En revanche, la CIVS continue à traiter les requêtes pour lesquelles un ou plusieurs comptes sont identifiés.

ANNEXE 5 - JURISPRUDENCE DU CONSEIL D'ETAT

Conseil d'État

N° 238689

ECLI:FR:CEASS:2002:238689.20020412

Publié au recueil Lebon

Assemblée


M. Denoix de Saint Marc, pdt., président
M. Donnat, rapporteur
Mme Boissard, commissaire du gouvernement
SCP Boré, Xavier et Boré, av., avocats

Lecture du vendredi 12 avril 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu l'ordonnance, enregistrée le 3 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M. PAPON ; Vu la demande, enregistrée le 25 septembre 1998 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée pour M. Maurice PAPON, demeurant ... et tendant à la condamnation de l'Etat à le garantir et à le relever de la somme de 4 720 000 F (719 559 euros) mise à sa charge au titre des condamnations civiles pécuniaires prononcées à son encontre, le 3 avril 1998, par la cour d'assises de la Gironde ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ; Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, notamment son article 11 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Donnat, Maître des Requêtes,- les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. PAPON,- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. PAPON, qui a occupé de juin 1942 à août 1944 les fonctions de secrétaire général de la préfecture de la Gironde, a été condamné le 2 avril 1998 par la cour d'assises de ce département à la peine de dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l'humanité assortie d'une interdiction pendant dix ans des droits civiques, civils et de famille ; que cette condamnation est intervenue en raison du concours actif apporté par l'intéressé à l'arrestation et à l'internement de plusieurs dizaines de personnes d'origine juive, dont de nombreux enfants, qui, le plus souvent après un regroupement au camp de Mérignac, ont été acheminées au cours des mois de juillet, août et octobre 1942 et janvier 1944 en quatre convois de Bordeaux à Drancy avant d'être déportées au camp d'Auschwitz où elles ont trouvé la mort ; que la cour d'assises de la Gironde, statuant le 3 avril 1998 sur les intérêts civils, a condamné M. PAPON à payer aux parties civiles, d'une part, les dommages et intérêts demandés par elles, d'autre part, les frais exposés par elles au cours du procès et non compris dans les dépens ; que M. PAPON demande, après le refus du ministre de l'intérieur de faire droit à la démarche qu'il a engagée auprès de lui, que l'Etat soit condamné à le garantir et à le relever de la somme de 4 720 000 F (719 559 euros) mise à sa charge au titre de ces condamnations ; Sur le fondement de l'action engagée : Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui ; que pour l'application de ces dispositions, il y a lieu - quel que soit par ailleurs le fondement sur lequel la responsabilité du fonctionnaire a été engagée vis-à-vis de la victime du dommage - de distinguer trois cas ; que, dans le premier, où le dommage pour lequel l'agent a été condamné civilement trouve son origine exclusive dans une faute de service, l'administration est tenue de couvrir intégralement l'intéressé des condamnations civiles prononcées contre lui ; que, dans le deuxième, où le dommage provient exclusivement d'une faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions, l'agent qui l'a commise ne peut au contraire, quel que soit le lien entre cette faute et le service, obtenir la garantie de l'administration ; que, dans le troisième, où une faute personnelle a, dans la réalisation du dommage, conjugué ses effets avec ceux d'une faute de service distincte, l'administration n'est tenue de couvrir l'agent que pour la part imputable à cette faute de service ; qu'il appartient dans cette dernière hypothèse au juge administratif, saisi d'un contentieux opposant le fonctionnaire à son administration, de régler la contribution finale de l'un et de l'autre à la charge des réparations compte tenu de l'existence et de la gravité des fautes respectives ; Sur l'existence d'une faute personnelle :

Considérant que l'appréciation portée par la cour d'assises de la Gironde sur le caractère personnel de la faute commise par M. PAPON, dans un litige opposant M. PAPON aux parties civiles et portant sur une cause distincte, ne s'impose pas au juge administratif statuant dans le cadre, rappelé ci-dessus, des rapports entre l'agent et le service ; Considérant qu'il ressort des faits constatés par le juge pénal, dont la décision est au contraire revêtue sur ce point de l'autorité de la chose jugée, que M. PAPON, alors qu'il était secrétaire général de la préfecture de la Gironde entre 1942 et 1944, a prêté son concours actif à l'arrestation et à l'internement de 76 personnes d'origine juive qui ont été ensuite déportées à Auschwitz où elles ont trouvé la mort ; que si l'intéressé soutient qu'il a obéi à des ordres reçus de ses supérieurs hiérarchiques ou agi sous la contrainte des forces d'occupation allemandes, il résulte de l'instruction que M. PAPON a accepté, en premier lieu, que soit placé sous son autorité directe le service des questions juives de la préfecture de la Gironde alors que ce rattachement ne découlait pas de la nature des fonctions occupées par le secrétaire général ; qu'il a veillé, en deuxième lieu, de sa propre initiative et en devançant les instructions venues de ses supérieurs, à mettre en oeuvre avec le maximum d'efficacité et de rapidité les opérations nécessaires à la recherche, à l'arrestation et à l'internement des personnes en cause ; qu'il s'est enfin attaché personnellement à donner l'ampleur la plus grande possible aux quatre convois qui ont été retenus à sa charge par la cour d'assises de la Gironde, sur les 11 qui sont partis de ce département entre juillet 1942 et juin 1944, en faisant notamment en sorte que les enfants placés dans des familles d'accueil à la suite de la déportation de leurs parents ne puissent en être exclus ; qu'un tel comportement, qui ne peut s'expliquer par la seule pression exercée sur l'intéressé par l'occupant allemand, revêt, eu égard à la gravité exceptionnelle des faits et de leurs conséquences, un caractère inexcusable et constitue par là-même une faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions ; que la circonstance, invoquée par M. PAPON, que les faits reprochés ont été commis dans le cadre du service ou ne sont pas dépourvus de tout lien avec le service est sans influence sur leur caractère de faute personnelle pour l'application des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; Sur l'existence d'une faute de service :

Considérant que si la déportation entre 1942 et 1944 des personnes d'origine juive arrêtées puis internées en Gironde dans les conditions rappelées ci-dessus a été organisée à la demande et sous l'autorité des forces d'occupation allemandes, la mise en place du camp d'internement de Mérignac et le pouvoir donné au préfet, dès octobre 1940, d'y interner les ressortissants étrangers de race juive , l'existence même d'un service des questions juives au sein de la préfecture, chargé notamment d'établir et de tenir à jour un fichier recensant les personnes de race juive ou de confession israélite, l'ordre donné aux forces de police de prêter leur concours aux opérations d'arrestation et d'internement des personnes figurant dans ce fichier et aux responsables administratifs d'apporter leur assistance à l'organisation des convois vers Drancy - tous actes ou agissements de l'administration française qui ne résultaient pas directement d'une contrainte de l'occupant - ont permis et facilité, indépendamment de l'action de M. PAPON, les opérations qui ont été le prélude à la déportation ; Considérant que si l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental constate expressément la nullité de tous les actes de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif , ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par l'administration française dans l'application de ces actes, entre le 16 juin 1940 et le rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ; que, tout au contraire, les dispositions précitées de l'ordonnance ont, en sanctionnant par la nullité l'illégalité manifeste des actes établissant ou appliquant cette discrimination, nécessairement admis que les agissements auxquels ces actes ont donné lieu pouvaient revêtir un caractère fautif ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la faute de service analysée ci-dessus engage, contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, la responsabilité de l'Etat ; qu'il incombe par suite à ce dernier de prendre à sa charge, en application du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, une partie des condamnations prononcées, appréciée en fonction de la mesure qu'a prise la faute de service dans la réalisation du dommage réparé par la cour d'assises de la Gironde ; Sur la répartition finale de la charge : Considérant qu'il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce, des parts respectives qui peuvent être attribuées aux fautes analysées ci-dessus en condamnant l'Etat à prendre à sa charge la moitié du montant total des condamnations civiles prononcées à l'encontre du requérant le 3 avril 1998 par la cour d'assises de la Gironde ;

DECIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à prendre à sa charge la moitié du montant total des condamnations civiles prononcées à l'encontre de M. PAPON le 3 avril 1998 par la cour d'assises de la Gironde.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. PAPON est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Maurice PAPON et au ministre de l'intérieur.

Conseil d'État

N° 315499

ECLI:FR:CEASS:2009:315499.20090216
Publié au recueil Lebon

Section du Contentieux

M. Sauvé, président

Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur

SCP BOULLEZ ; ODENT, avocats

Lecture du lundi 16 février 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 avril 2008, le jugement par lequel le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de Mme Madeleine A, demeurant ..., tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la Société nationale des chemins de fer français à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi par son père, M. Joseph B, du fait de son arrestation, de son internement et de sa déportation, et la somme de 80 000 euros au titre du préjudice qu'elle a subi, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :


1°) Compte tenu notamment,


- d'une part, de l'article 121-2 du code pénal, lequel dispose que : Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement (...) des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

- d'autre part, de l'imprescriptibilité des actions visant à rechercher la responsabilité civile d'un agent public du fait des dommages résultant de crimes contre l'humanité et, par conséquent, de la possibilité de rechercher sans limite de temps la responsabilité de l'Etat à raison de ces mêmes dommages, dès lors que la faute personnelle dont s'est rendu coupable l'agent ne serait pas dépourvue de tout lien avec le service ;

- enfin, de la combinaison des articles 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Le caractère imprescriptible des crimes contre l'humanité posé par l'article 213-5 du code pénal qui s'attache à l'action pénale et à l'action civile engagée devant la juridiction répressive, selon l'arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 1995 Touvier, peut-il être étendu, en l'absence de dispositions législatives expresses en ce sens, aux actions visant à engager la responsabilité de l'Etat à raison de faits ayant concouru à la commission de tels crimes, que cette responsabilité soit recherchée devant le juge judiciaire, dans l'hypothèse où le crime contre l'humanité constituerait une atteinte à la liberté individuelle au sens de l'article 136 du code de procédure pénale, ou devant la juridiction administrative '


2°) Dans le cas d'une réponse négative à la première question, convient-il de considérer que le point de départ de la prescription quadriennale opposée par les ministres de la défense et de l'intérieur à la demande indemnitaire de la requérante en application des lois du 29 janvier 1831 et du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, doit être fixé au début de l'exercice qui suit celui au cours duquel est né le dommage ' Ou convient-il au contraire de juger que, eu égard à la jurisprudence fixée par les arrêts des 14 juin 1946, 4 janvier et 25 juillet 1952, Ganascia, Epoux Giraud et Delle Remise, et qui a prévalu jusqu'à son abandon par l'arrêt du Conseil d'Etat du 12 avril 2002, Papon, selon laquelle l'Etat ne pouvait être condamné à indemniser les conséquences des fautes de service commises par l'administration française sous l'égide du gouvernement de Vichy en application d'actes déclarés nuls à la Libération par l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine, la prescription quadriennale ne pouvait commencer à courir tant que Mme A pouvait être regardée comme ayant légitimement ignoré l'existence de la créance qu'elle pouvait avoir sur l'Etat ' Dans cette hypothèse, faut-il considérer qu'il a été mis fin à cet état d'ignorance par la publication du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, et ce malgré les termes de l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 avril 2001, Pelletier, ou bien, par la lecture ou la publication de l'arrêt Papon, lequel a été rendu dans le cadre particulier d'un litige de plein contentieux relatif à l'action récursoire engagée par un fonctionnaire contre l'Etat '


3°) Dans l'hypothèse où la prescription quadriennale n'aurait pas été ou ne serait pas encore acquise et où la responsabilité de l'Etat serait susceptible d'être engagée pour faute, de quels chefs de préjudice la requérante pourrait-elle obtenir réparation, que ce soit en son nom propre ou au nom de la victime dont elle est l'ayant droit ' Compte tenu du caractère en tout point exceptionnel des dommages invoqués, le principe d'une réparation symbolique peut-il être retenu '


En cas de réponse négative à cette dernière question, y-a-t-il lieu de déduire de l'indemnisation qui pourrait être accordée, les sommes versées en application, notamment, du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en règlement définitif des indemnisations dues aux ressortissants français ayant fait l'objet de mesures de persécutions nazies, mais également des mesures de réparation qui ont pu être allouées par l'Allemagne dans le cadre des dispositifs propres à cet Etat, dès lors que celles-ci porteraient sur le même préjudice '.
.................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et le protocole signé à Berlin le 6 octobre 1945 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;

Vu l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialistes ;

Vu l'accord du 18 janvier 2001 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la seconde guerre mondiale (ensemble trois annexes et un échange de notes), ainsi que les accords sous forme d'échanges de lettres en date des 7 et 10 août 2001, 30 et 31 mai 2002, 2 février 2005 et 21 février 2006 qui l'ont interprété ou modifié ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle, ensemble les ordonnances du 14 novembre 1944, 21 avril 1945 et 9 juin 1945 prises pour son application ;

Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ;

Vu l'ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l'administration des domaines de certains biens mis sous séquestre ;

Vu l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés ;

Vu l'ordonnance n° 45-948 du 11 mai 1945 modifiée par l'ordonnance n° 45-2413 du 18 octobre 1945, réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, ensemble ses décrets d'application n° 45-1105 du 30 mai 1945, n° 45-1447 du 29 juin 1945 et n° 46-1242 du 27 mai 1946 ;

Vu la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de guerre, ensemble son décret d'application n° 47-1249 du 7 juillet 1947 ;

Vu la loi n° 48-978 du 16 juin 1948 portant aménagements fiscaux, notamment son article 44 ;

Vu la loi n° 48-1404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques, ensemble son décret d'application n° 50-325 du 1er mars 1950 ;

Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ;

Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, notamment son article 106 ;

Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, notamment son article 112 ;

Vu le décret n° 61-971 du 29 août 1961 portant répartition de l'indemnité prévue en application de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en faveur des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécutions national-socialistes ;

Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ;

Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ;

Vu le décret du 26 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat ;

- les observations de la SCP Boullez, avocat de Mme A, et de Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français ;

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, rapporteur public ;

- les nouvelles observations de la SCP Boullez, avocat de Mme A, et de Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français ;


REND L'AVIS SUIVANT :


L'article L. 113-1 du code de justice administrative dispose que : Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision de fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai.

Sur le fondement de ces dispositions, le tribunal administratif de Paris a demandé au Conseil d'Etat de donner un avis sur les conditions dans lesquelles la responsabilité de l'Etat peut être engagée du fait de la déportation de personnes victimes de persécutions antisémites durant la seconde guerre mondiale et sur le régime de réparation des dommages qui en ont résulté.


L'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental a expressément constaté la nullité de tous les actes de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif.

Ces dispositions n'ont pu avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par les autorités et services de l'Etat dans l'application de ces actes. Tout au contraire, en sanctionnant l'illégalité manifeste de ces actes qui, en méconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine tels qu'ils sont consacrés par le droit public français, ont établi ou appliqué une telle discrimination, les dispositions de l'ordonnance du 9 août 1944 ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

Il en résulte que cette responsabilité est engagée en raison des dommages causés par les agissements qui, ne résultant pas d'une contrainte directe de l'occupant, ont permis ou facilité la déportation à partir de la France de personnes victimes de persécutions antisémites. Il en va notamment ainsi des arrestations, internements et convoiements à destination des camps de transit, qui ont été, durant la seconde guerre mondiale, la première étape de la déportation de ces personnes vers des camps dans lesquels la plupart d'entre elles ont été exterminées.


En rupture absolue avec les valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine, ces persécutions antisémites ont provoqué des dommages exceptionnels et d'une gravité extrême. Alors même que, sur le territoire français, des personnes ont accompli au cours des années de guerre, fût-ce au péril de leur vie, des actes de sauvegarde et de résistance qui ont permis, dans de nombreux cas, de faire obstacle à l'application de ces persécutions, 76 000 personnes, dont 11 000 enfants, ont été déportées de France pour le seul motif qu'elles étaient regardées comme juives par la législation de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français et moins de 3 000 d'entre elles sont revenues des camps.


Pour compenser les préjudices matériels et moraux subis par les victimes de la déportation et par leurs ayants droit, l'Etat a pris une série de mesures, telles que des pensions, des indemnités, des aides ou des mesures de réparation.


Il résulte ainsi des pièces versées au dossier et, notamment, des documents produits à la suite du supplément d'instruction ordonné par le Conseil d'Etat, que l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés a organisé la tutelle, confiée en cas de besoin aux services de l'Etat, des enfants mineurs, quelle que soit leur nationalité, dont l'un des parents ou le tuteur avait été déporté de France pour des motifs politiques ou raciaux. Puis, après de premières aides prévues par l'ordonnance du 11 mai 1945 réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, la loi du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de la guerre, dont les dispositions sont désormais reprises dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a étendu le régime des pensions de victimes civiles de la guerre aux personnes déportées pour des motifs politiques ou raciaux ainsi qu'à leurs ayants cause lorsqu'elles étaient décédées ou disparues. L'application de cette loi, initialement réservée aux personnes de nationalité française, a été progressivement étendue, à compter de 1947, par voie de conventions bilatérales puis de modifications législatives et, en dernier lieu, par la loi du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, à toutes les personnes de nationalité étrangère. La loi du 9 septembre 1948 définissant le droit et le statut des déportés et internés politiques, elle aussi reprise dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a prévu le versement d'un pécule aux personnes de nationalité française internées ou déportées pour des motifs autres qu'une infraction de droit commun et leur a accordé le régime de la présomption d'origine pour les maladies sans condition de délai. L'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialistes, ainsi d'ailleurs que les autres mesures d'indemnisation et de réparation prises par cet Etat et la République d'Autriche, ont également contribué à réparer les préjudices subis. Le décret du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites a, quant à lui, prévu l'attribution d'une telle réparation, sous forme d'une indemnité en capital ou d'une rente viagère mensuelle, aux personnes mineures à l'époque des faits dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites sous l'Occupation et a trouvé la mort en déportation. Enfin, l'Etat a versé en 2000 une dotation à la Fondation pour la mémoire de la Shoah, dont l'un des objets statutaires est de contribuer au financement et à la mise en oeuvre d'actions de solidarité en faveur de ceux qui ont souffert de persécutions antisémites.


Ce dispositif a par ailleurs été complété par des mesures destinées à indemniser les préjudices professionnels des personnes déportées et, en ce qui concerne leurs biens, à les restituer ou à indemniser leur spoliation. Tel est le cas, en particulier, des indemnités qui sont prises en charge par l'Etat et les institutions financières au titre de la spoliation des biens et dont le principe et le montant sont fixés sur la proposition de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites pendant l'Occupation (CIVS) créée par le décret du 10 septembre 1999.


Prises dans leur ensemble et bien qu'elles aient procédé d'une démarche très graduelle et reposé sur des bases largement forfaitaires, ces mesures, comparables, tant par leur nature que dans leur montant, à celles adoptées par les autres Etats européens dont les autorités ont commis de semblables agissements, doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il a été possible, l'indemnisation, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des préjudices de toute nature causés par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation.


La réparation des souffrances exceptionnelles endurées par les personnes victimes des persécutions antisémites ne pouvait toutefois se borner à des mesures d'ordre financier. Elle appelait la reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par ces personnes, du rôle joué par l'Etat dans leur déportation ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances et celles de leurs familles. Cette reconnaissance a été accomplie par un ensemble d'actes et d'initiatives des autorités publiques françaises. Ainsi, après que le Parlement eut adopté la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, tels qu'ils avaient été définis par la charte du tribunal international de Nuremberg, le Président de la République a, le 16 juillet 1995, solennellement reconnu, à l'occasion de la cérémonie commémorant la grande rafle du Vélodrome d'hiver des 16 et 17 juillet 1942, la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation des personnes que la législation de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français avait considérées comme juives. Enfin, le décret du 26 décembre 2000 a reconnu d'utilité publique la Fondation pour la mémoire de la Shoah, afin notamment de développer les recherches et diffuser les connaissances sur les persécutions antisémites et les atteintes aux droits de la personne humaine perpétrées durant la seconde guerre mondiale ainsi que sur les victimes de ces persécutions.


Le présent avis, qui rend sans objet les questions relatives à la prescription posées par le tribunal administratif de Paris, sera publié au Journal officiel de la République française.


Il sera notifié au tribunal administratif de Paris, à Mme Madeleine A, à la Société nationale des chemins de fer français, au Premier ministre et au ministre de la défense.

ANNEXE 6 - RECOURS INTENTÉS AUX ETATS-UNIS CONTRE LA SNCF

Un recours a été introduit en 2000 contre la SNCF ( procès Abrams c. SNCF ) devant un tribunal de New York par des survivants et des ayants droit appuyés par des avocats, pour complicité de crime contre l'Humanité, pour avoir collaboré activement à la déportation des Juifs de France, et en avoir tiré bénéfice. Après condamnation de la SNCF en première instance, le bénéfice de l'immunité de juridiction, instauré par le Foreign Sovereign Immunities Act, 1976, a été reconnu à la SNCF par la cour d'appel du deuxième circuit fédéral. La Cour Suprême a refusé de se saisir de la requête en annulation déposée par les plaignants contre cet arrêt.

En 2006 ( procès Freund c. SNCF ), un nouveau recours a été introduit contre la SNCF (ainsi que contre la Caisse des dépôts et consignations et contre l'Etat) sur l'un des griefs pour lesquels l'immunité de juridiction n'est pas opposable : la spoliation. Ce recours introduit à nouveau à New York avec les mêmes avocats a été clos en 2011 par la cour d'appel du deuxième circuit fédéral, qui a jugé que les plaignants n'avaient apporté de preuves convaincantes et par le refus de la Cour Suprême de saisir d'une requête en annulation.

Des instances de mêmes natures ont été introduites en 2010 contre les chemins de fer nationaux hongrois mais elles portaient sur des expropriations ( Abelesz c ; Erste Group Bank )/ Illinois et Simon v Republic of Hungary /D.C.). Aucun de ces recours n'a abouti.

ANNEXE 7 - PROPOSITIONS DE LOI DÉPOSÉES AUX ETATS-UNIS

PROPOSITIONS DE LOI DÉPOSÉES AU SÉNAT DES ETATS-UNIS

Proposition de loi pour s'assurer que les Cours de Justice des Etats-Unis ont la possibilité de tenir un procès impartial pour les plaintes déposées par ses citoyens américains ou autres, leurs héritiers ou ayants droit contre tout service de chemins de fer disposant de la personnalité morale, en raison de la déportation de citoyens américains ou autres vers les camps de concentration nazis au moyen de trains possédés ou opérés par lesdits services

S. 1393 (113th): A bill to ensure that the courts of the United States may provide an impartial forum for claims brought by United States citizens and others against any railroad organized as a separate legal entity, arising from the deportation of United States citizens and others to Nazi concentration camps on trains owned or operated by such railroad, and by the heirs and survivors of such persons.

Text

This bill was introduced on July 30, 2013, in a previous session of Congress, but was not enacted. The text of the bill below is as of Jul 30, 2013 (Introduced).

113th CONGRESS

1st Session

S. 1393

IN THE SENATE OF THE UNITED STATES

July 30, 2013

Mr. Schumer (for himself, Mr. Bennet, Mr. Blumenthal, Mr. Brown, Mr. Cardin, Mr. Casey, Mr. Franken, Mrs. Gillibrand, Mr. Menendez, Ms. Mikulski, Mr. Nelson, Mr. Reid, Mr. Rubio, and Mr. Wyden) introduced the following bill; which was read twice and referred to the Committee on the Judiciary

A BILL

To ensure that the courts of the United States may provide an impartial forum for claims brought by United States citizens and others against any railroad organized as a separate legal entity, arising from the deportation of United States citizens and others to Nazi concentration camps on trains owned or operated by such railroad, and by the heirs and survivors of such persons.

1.

Short title

This Act may be cited as the Holocaust Rail Justice Act .

2.

Congressional findings

Congress finds as follows:

(1)

During World War II, more than 75,000 Jews and thousands of other persons were deported from France to Nazi concentration camps, on trains operated for profit by the Société Nationale des Chemins de fer Français (in this Act referred to as SNCF ), including deportations to Auschwitz and Buchenwald. Numerous citizens and residents of the United States were among those who were on the trains or had relatives on the trains. United States servicemen who were pilots shot down over France were also among the persons deported on the SNCF trains to Nazi concentration camps.

(2)

United States citizens and others have sought redress against SNCF by filing a class action suit in the United States District Court for the Eastern District of New York. The named plaintiffs and class members include United States Army Air Force pilots and United States citizens.

(3)

The complaint filed alleges that SNCF, a separate corporate entity that remained independent during World War II, operated the deportation trains for a profit, as ordinary commercial transactions. SNCF remained under French civilian control throughout World War II and is alleged to have collaborated willingly with the German Nazi regime.

(4)

The complaint alleges that SNCF provided the necessary rolling stock, scheduled the departures, and supplied the employees to operate the trains bound for the concentration camps. SNCF allegedly charged an ordinary passenger coach fare for the deportations, calculated per person and per kilometer, and considered these trains as ordinary commercial activities. The plaintiffs further contend that SNCF herded as many people as possible into each car, requiring passengers of all ages and sexes, including the elderly and young children, to stand throughout the trip of several days' duration, with no provision for food or water and no sanitary facilities. The complaint further alleges that SNCF cleaned the trains after each trip, removing the corpses of persons who perished during transit due to the execrable conditions of the train cars. The destination was in each case a camp in which the deportees were to be exterminated, worked to death, or made to suffer terrible and inhuman conditions.

(5)

The complaint contends that SNCF's actions violated the Principles of the Nuremberg Tribunal, 1950, relating to crimes under international law (earlier recognized by the Martens Clause of the Hague Convention IV of 1907), and aided and abetted the commission of war crimes and crimes against humanity. SNCF has not denied its actions and has never disgorged the money that it was paid for the deportations or otherwise compensated the deportees or their heirs.

(6)

SNCF's records concerning the deportation trains have not been made available to the plaintiffs, and SNCF archives concerning its wartime activities are not accessible to the general public.

(7)

SNCF moved to dismiss the lawsuit on a claim of sovereign immunity under the foreign sovereign immunities provisions of title 28, United States Code ( 28 U.S.C. 1330 and 1602 et seq. ), even though it is one of the 500 largest corporations in the world, earns hundreds of millions of dollars from its commercial activities in the United States, and is not accorded sovereign immunity under the laws of France. SNCF's motion to dismiss the lawsuit was granted by the United States District Court for the Eastern District of New York. Plaintiffs appealed the decision, their appeal was granted, and the case was remanded for further proceedings. Subsequently, in light of Republic of Austria v. Altmann, 541 U.S. 677 (2004), in November 2004, on remand, the Court of Appeals for the Second Circuit recalled its prior mandate and determined that SNCF was entitled to immunity and affirmed the dismissal of the complaint. The Second Circuit stated that the railroad's conduct at the time lives on in infamy but concluded that the evil actions of the French national railroad's former private masters in knowingly transporting thousands to death camps during World War II are not susceptible to legal redress in Federal court today..

(8)

This lawsuit, which arises from the unique historical facts of the deportation of persons to Nazi concentration camps, presents issues of substantial importance to citizens and veterans of the United States. Many of those who have sought redress against SNCF are elderly and would have difficulty traveling outside the United States in order to pursue their claims elsewhere. The courts of the United States are and should be a proper forum for this lawsuit. The Foreign Sovereign Immunities Act of 1976, which had not been enacted at the time of SNCF's actions during World War II, was not intended to bar suit against the SNCF.

3.

Access to United States courts for holocaust deportees

(a) Jurisdiction of district courts

The United States district courts shall have original jurisdiction, without regard to the amount in controversy, of any civil action for damages for personal injury or death that--

(1)

arose from the deportation of persons to Nazi concentration camps during the period beginning on January 1, 1942, and ending on December 31, 1944; and

(2)

is brought by any such person, or any heir or survivor of such person, against a railroad that--

(A) owned or operated the trains on which the persons were so deported; and

(B) was organized as a separate legal entity at the time of the deportation, whether or not any of the equity interest in the railroad was owned by a foreign state.

(b)

Other laws not applicable

Sections 1330 and 1601 through 1611 of title 28, United States Code , or any other law limiting the jurisdiction of the United States courts, whether by statute or under common law, shall not preclude any action under subsection (a).

(c)

Inapplicability of statutes of limitation

An action described in subsection (a) shall not be barred by a defense that the time for bringing such action has expired under a statute of limitations.

(d)

Applicability

This section shall apply to any action pending on January 1, 2002, and to any action commenced on or after that date.

4.

Reporting

In furtherance of international education relating to the Holocaust and historic and continuing anti-Semitism in Europe and throughout the world, the Secretary of State shall submit to the Congress a one-time report, outlining the status of access to wartime records and archives concerning the wartime activities of any railroad organized as a separate legal entity that engaged in the deportation of persons to Nazi concentration camps during the period beginning on January 1, 1942, and ending on December 31, 1944.

S. 28 (111th): A bill to ensure that the courts of the United States may provide an impartial forum for claims brought by United States citizens and others against any railroad organized as a separate legal entity, arising from the deportation of United States citizens and others to Nazi concentration camps on trains owned or operated by such railroad, and by the heirs and survivors of such persons.

Text

This bill was introduced on January 7, 2009, in a previous session of Congress, but was not enacted. The text of the bill below is as of Jan 7, 2009 (Introduced).

111th CONGRESS

IN THE SENATE OF THE UNITED STATES

January 7, 2009

Mr. SCHUMER introduced the following bill; which was read twice and referred to the Committee on the Judiciary

Be it enacted by the Senate and House of Representatives of the United States of America in Congress assembled,

Même dispositif

PROPOSITIONS DE LOI DÉPOSÉES À LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS DES ETATS-UNIS

H.R. 1505 (113 th ): Holocaust Rail Justice Act

Text of the Holocaust Rail Justice Act

This bill was introduced on April 11, 2013, in a previous session of Congress, but was not enacted. The text of the bill below is as of Apr 11, 2013 (Introduced).

113th CONGRESS

1st Session

H. R. 1505

IN THE HOUSE OF REPRESENTATIVES

April 11, 2013

Mrs. Carolyn B. Maloney of New York (for herself, Ms. Ros-Lehtinen, Ms. Bass, Mr. Ruppersberger, Mr. Cummings, Mr. Rangel, Mr. Sarbanes, Mr. Holt, Mr. Pascrell, Ms. Schwartz, Mr. Connolly, Mr. Deutch, Ms. Brown of Florida, Mr. Brady of Pennsylvania, Mr. Nadler, Mr. Moran, Mr. Cicilline, Mr. Hastings of Florida, Mr. Grijalva, Mr. King of New York, Ms. Frankel of Florida, and Mr. Weber of Texas) introduced the following bill; which was referred to the Committee on the Judiciary, and in addition to the Committee on Foreign Affairs, for a period to be subsequently determined by the Speaker, in each case for consideration of such provisions as fall within the jurisdiction of the committee concerned

A BILL

To ensure that the courts of the United States may provide an impartial forum for claims brought by United States citizens and others against any railroad organized as a separate legal entity, arising from the deportation of United States citizens and others to Nazi concentration camps on trains owned or operated by such railroad, and by the heirs and survivors of such persons, and for other purposes.

Même dispositif que les propositions déposées au Sénat

H.R. 1193 (112 th ): Holocaust Rail Justice Act

Introduced:

Text of the Holocaust Rail Justice Act

This bill was introduced on March 17, 2011, in a previous session of Congress, but was not enacted. The text of the bill below is as of Mar 17, 2011 (Introduced).

112th CONGRESS

1st Session

H. R. 1193

IN THE HOUSE OF REPRESENTATIVES

March 17, 2011

Mrs. Maloney (for herself, Ms. Ros-Lehtinen, Mr. Nadler, Mr. Deutch, Mr. Gutierrez, Mr. Hinchey, Mr. West, Mr. Ackerman, Mr. Cummings, and Mr. Van Hollen) introduced the following bill; which was referred to the Committee on the Judiciary, and in addition to the Committee on Foreign Affairs, for a period to be subsequently determined by the Speaker, in each case for consideration of such provisions as fall within the jurisdiction of the committee concerned

Même dispositif que les propositions déposées au Sénat

H.R. 4237 (111th): To ensure that the courts of the United States may provide an impartial forum for claims brought by United States citizens and others against any railroad organized as a separate legal entity, arising from the deportation of United States citizens and others to Nazi concentration camps on trains owned or operated by such railroad, and by the heirs and survivors of such persons.

This bill was introduced on December 8, 2009, in a previous session of Congress, but was not enacted. The text of the bill below is as of Dec 8, 2009 (Introduced).

111th CONGRESS

1st Session

H. R. 4237

IN THE HOUSE OF REPRESENTATIVES

December 8, 2009

Mrs. Maloney (for herself, Ms. Ros-Lehtinen, and Mr. Nadler of New York) introduced the following bill; which was referred to the Committee on the Judiciary

Même dispositif que les propositions déposées au Sénat

H.R. 3713 (110th): To ensure that the courts of the United States may provide an impartial forum for claims brought by United States citizens and others against any railroad organized as a separate legal entity, arising from the deportation of United States citizens and others to Nazi concentration camps on trains owned or operated by such railroad, and by the heirs and survivors of such persons.

This bill was introduced on October 1, 2007, in a previous session of Congress, but was not enacted. The text of the bill below is as of Oct 1, 2007 (Introduced).

110th CONGRESS

1st Session

H. R. 3713

IN THE HOUSE OF REPRESENTATIVES

October 1, 2007

Mrs. Maloney of New York (for herself, Mr. Nadler, Ms. Ros-Lehtinen, and Mr. Shays) introduced the following bill; which was referred to the Committee on the Judiciary

Même dispositif que les propositions déposées au Sénat

H.R. 474 (109th): To ensure that the courts of the United States may provide an impartial forum for claims brought by United States citizens and others against any railroad organized as a separate legal entity, arising from the deportation of United States citizens and others to Nazi concentration camps on trains owned or operated by such railroad, and by the heirs and survivors of such persons.

This bill was introduced on February 1, 2005, in a previous session of Congress, but was not enacted. The text of the bill below is as of Feb 1, 2005 (Introduced).

109th CONGRESS

1st Session

H. R. 474

IN THE HOUSE OF REPRESENTATIVES

February 1, 2005

Mrs. Maloney (for herself, Ms. Ros-Lehtinen, Mr. Shays, Mr. Nadler, and Mr. Weiner) introduced the following bill; which was referred to the Committee on the Judiciary

Même dispositif que les propositions déposées au Sénat

H.R. 2954 (108th): To ensure that the courts of the United States may provide an impartial forum for claims brought by United States citizens and others against any railroad organized as a separate legal entity, arising from the deportation of United States citizens and others to Nazi concentration camps on trains owned or operated by such railroad, and by the heirs and survivors of such persons.

This bill was introduced on July 25, 2003, in a previous session of Congress, but was not enacted. The text of the bill below is as of Jul 25, 2003 (Introduced).

108th CONGRESS

1st Session

H. R. 2954

IN THE HOUSE OF REPRESENTATIVES

July 25, 2003

Mrs. MALONEY (for herself and Ms. ROS-LEHTINEN) introduced the following bill; which was referred to the Committee on the Judiciary

Même dispositif que les propositions déposées au Sénat

ANNEXE 8 - LES ACTIVITÉS DE LA SNCF ET DE SES FILIALES AUX ÉTATS-UNIS

(Source : SNCF - juin 2015)

SNCF est active aux Etats-Unis à travers ses filiales pour un chiffre d'activité de l'ordre de 850 M€ attendus en 2015

La répartition de cette activité s'effectue de la manière suivante (chiffres arrondis) :

• Geodis (logistique de marchandises) : env. 400 M €

• Keolis (transport de voyageurs/ trains et autobus) : env. 400 M €

• Rail Europe (vente de billets de train pour l'Europe) : env. 35 M €

• Systra (ingénierie ferroviaire) : env. 15 M €

L'activité de Geodis :

Plus de 500 employés et 20 sites

Des clients mondiaux, dont un très important contrat avec IBM

L'activité de Keolis :

Exploitation de réseaux de trains : Boston (1000 km de lignes, 13 lignes de banlieue), Washington (Virginia Rail Express, banlieue sud de W.)

Exploitation de réseaux de bus : plusieurs réseaux, dont la principale ligne de bus de Las Vegas

L'activité de Rail Europe :

Rail Europe est présent depuis plus de 80 ans

Près de 2 millions de clients voyageurs, pour un chiffre de vente de plus de 200 M $, dont environ 40% pour SNCF

L'activité de Systra :

Systra est présent depuis 1985 et jouit d'une excellente réputation

De très nombreuses interventions dans tous les domaines de l'ingénierie ferroviaire

ANNEXE 9 - LA PARTICIPATION DE LA SNCF AUX TRANSPORTS DES DÉPORTÉS

LE CADRE GÉNÉRAL...

La Convention d'Armistice franco-allemande du 22 juin 1940

Le 22 juin 1940, Ph. Pétain signe l'Armistice avec l'Allemagne. La convention d'Armistice fixe les modalités de l'occupation allemande. Par l'article 13, le réseau ferré dépend désormais du Chef des Transports de la Wehrmacht (Armée allemande).

La Prescription d'exécution de l'article 13 indique que les chemins de fer sont à sa « disposition pleine et entière ».

La SNCF a été obligée de fournir durant l'automne 1940, 2 000 locomotives et 85 000 wagons à la Reichbahn.

La Wehrmacht Verkehrsdirektion (WVD)

Le Chef allemand des transports de l'Armée allemande, Rudolph Gercke, ordonne le 15 juillet 1940 (moins d'un mois après la Convention d'Armistice) la mise en place de la Wehrmacht Verkehrsdirektion (WVD), la direction des transports de l'armée allemande, qui s'installe à Paris. Et dès le 18 juillet 1940, le ministre allemand des transports, Julius Dorpmüller, prononce un discours devant les cheminots militaires allemands, réunis gare de l'Est à Paris.

En zone occupée d'abord, l'entreprise fonctionnera sous le contrôle direct de la WVD. L'organigramme de l'entreprise est adapté : à chaque échelon de la hiérarchie correspond une entité allemande de surveillance La WVD impose ainsi la présence de cheminots allemands dans les gares, les dépôts et les chantiers d'exploitation, chargés de surveiller l'exploitation du réseau que les cheminots Français continuent à assurer, et en particulier, à faire respecter la priorité absolue donnée à tous les transports demandés par l'occupant. A la fin de 1940, près de 10 000 cheminots allemands travaillent sur les chemins de fer français. Ils seront plus de 30 000 au moment du Débarquement en 1944.

Lors du colloque mené en 2000 à l'Assemblée Nationale, les historiens ont considéré que la marge de manoeuvre de la SNCF était faible, et quasiment nulle à partir de novembre 1942 à l'envahissement de la zone dite libre.

Les contraintes pesant sur les cheminots

L'Ordre du Jour N°35 du 24 juillet 1940, directive interne destinée à être affichée dans tous les locaux de la SNCF, publie une lettre envoyée par le Colonel Goeritz, commandant la WVD.

Le Colonel Goeritz stipule rappelle les prescriptions d'exécution de l'article 13 de l'Armistice : « Toutes les organisations françaises de chemins de fer (...) sont à la disposition pleine et entière du chef allemand des Transports ».

Et il ajoute que l'ensemble du personnel de SNCF est soumis aux lois de guerre allemandes : « Les lois de guerres allemandes sont très dures, elles prévoient presque dans tous les cas la peine de mort ou des travaux forcés à perpétuité ou à temps ».

LES CONVOIS DE LA DÉPORTATION DES JUIFS DE FRANCE

En 1941, l'Allemagne nazie décide de mettre en oeuvre l'extermination des Juifs d'Europe, la `'solution finale''.

La déportation des Juifs de France commence en mars 1942. Près de 76 000 personnes dont 11 000 enfants furent déportées depuis la France, soit un quart des Juifs de France. Seulement 3 000 d'entre elles environ sont revenues. Le premier convoi est parti de Compiègne, puis très vite les convois partent du Bourget (proche du camp de Drancy), puis à partir de l'été 1943 de Bobigny (car sur un site ferroviaire peu visible du public).

L'organisation des convois est décidée et menée depuis les services d'A. Eichmann à Berlin, comme pour l'ensemble des convois issus des différents pays européens, selon un processus terrible que l'on a qualifié d'industriel.

L'organisation de ces convois est définie par une Directive de Theodor Dannecker, représentant d'Eichmann à Paris en date du 26 juin 1942. Elle stipule que des wagons de marchandises doivent être utilisés (appelés généralement `wagons à bestiaux' car ils avaient été antérieurement utilisés pour le transport des troupes et des chevaux) : le choix de ces wagons est d'abord dicté par la réduction du nombre de SS nécessaires pour l'escorte de contrôle. La Directive précise aussi le nombre de personnes par wagon, les conditions horribles du transport, ce que chacun pouvait emporter, etc.

La veille de la date de départ décidée par les Nazis, le train était constitué à partir de wagons fournis par les services d'Eichmann, pouvant venir de partout en Europe (c'est ainsi qu'inversement, une photo très connue montre des déportés de Hongrie au second semestre 1944, devant un wagon marqué SNCF). Les SS contrôlent le train la veille au soir, puis tôt le matin le lendemain, les Déportés arrivent par autobus et sont immédiatement conduits vers les wagons. L'entrée dans les wagons était le fait de la police, des gendarmes et des SS, pas des cheminots.

La SNCF devait fournir la locomotive, ainsi que les conducteurs-chauffeurs. Arrivés à Novéant près de Metz (à la frontière de l'époque avec l'Allemagne nazie), les agents de la SNCF et la locomotive retournaient à Paris, remplacés par des agents et matériels de la Reichbahn. Les cheminots français ne sont ainsi jamais allés jusque dans les camps de concentration ou d'extermination.

DOCUMENTS

Serge Klarsfeld - « Mémoires - On ne transige pas avec la vérité historique » Fayard-Flammarion - 2015 - p. 640 à 644.

« La SNCF était indiscutablement une entreprise publique sous contrôle de l'Etat français et des autorités allemandes. Elle était réquisitionnée pour chaque transferts d'internés juifs » (...)

« La réquisition était un acte d'autorité de l'État auquel la SBNCF ne pouvait se soustraire ni soustraire les wagons, la locomotive, le chauffeur et son mécanicien.

Pour les déportations, les trains étaient considérées comme allemands, ainsi que le montre une note en date du 28 juillet 1942 de Heinz Röthke, responsable du service des Affaires juives de la Gestapo de juillet 192 à août 1944 : « il est nécessaire de faire changer de train les Juifs de zone non occupée parce que les Juifs devront partir de Drancy dans des wagons de marchandises allemands tenus prêts par la direction des transport de la Wehrmacht ». Dans les nombreux documents échangés entre le service des Affaires juives de la Gestapo à Berlin et services des Affaires juives de la Gestapo à Paris, il n'est jamais question de la SNCF : c'est toujours le ministère des Transports qui fournit les trains. Aucun des déportés survivants qui ont relaté leur départ n'a accusé la SNCF ou les cheminots. Ce ne sont pas eux qui procédaient à l'embarquement, ni pour les transferts, ni pour la déportation. Il s'agissait pour les premiers de gendarmes, de gardes mobiles ou de policiers municipaux ; pour les autres de SS, de soldats ou de policiers allemands. Prétendre que la fouille des déportés incombait aux agents de la SNCF est mensonger. La note de Röthke est limpide : « De plus, tous les Juifs devront subir une inspection corporelle minutieuse par la police antijuive française » ; (...)

Contrairement à ce qu'affirment les plaignants, la SNCF n'a pas été payée par les Allemands pour participer à la déportation. Déjà le 15 juin 1942 à Berlin, quand il est décidé à l'Office central de sécurité du Reich de déporter les Juifs de France, il est entendu que « l'État français prendra à sa charge les frais de déportation ». (...)

La spécificité de ceux qui ont été jugés et condamnés pour crimes contre l'humanité ou complicité de crimes contre l'humanité est le pouvoir dont ils disposaient afin de déclencher l'action criminelle. (...). Quant aux organisations qui ont été déclarée criminelles au procès de Nuremberg (...) leur but énoncé dans les documents était de régler de manière définitive la question juive. (...)

Les moyens de transport sont neutres : ils servent pour le bien, pour le mal ; leur finalité dépend de ceux qui les contrôlent. »

Extraits de la décision du Conseil d'Etat n° 305966 du 21 décembre 2007

Considérant que la cour a relevé que la SNCF avait été placée à la disposition des autorités allemandes entre 1940 et 1944 et chargée par les autorités de l'Etat, qui organisaient, à la demande et sous l'autorité des forces d'occupation, la déportation des personnes d'origine juive, d'assurer le transport de ces dernières depuis les gares proches des centres de détention administrative jusqu'aux gares desservant les camps de transit à partir desquels elle devaient être transférées vers les camps de concentration ; que chaque opération de transport était réalisée par la SNCF sur demande de mise à disposition ou sur réquisition émanant d'une autorité administrative de l'Etat, moyennant le versement d'un prix déterminé en fonction du trajet parcouru et du nombre de personnes transportées ; que ces transports n'avaient pas donné lieu à la conclusion par la SNCF d'une convention spéciale les organisant dans leur ensemble ; qu'alors même que des agents de la SNCF ont participé à des réunions techniques destinées à coordonner l'exécution de ces transports, les conditions dans lesquelles ceux-ci devaient être réalisés, notamment la détermination de la composition des trains, du type de wagons utilisés, de leur aménagement intérieur et de leur dispositif de fermeture, de même que le nombre des victimes transportées et les modalités de leur traitement, étaient fixées par l'occupant et mises en oeuvre par les autorités de l'Etat ; qu'enfin, les représentants allemands exerçaient le commandement et la surveillance armée des convois avec, parfois, le concours des forces de sécurité publique ; que ce faisant, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui échappe au contrôle du juge de cassation dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, au vu duquel elle a statué, que cette appréciation est entachée de dénaturation ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;

En ce qui concerne les moyens tirés de l'erreur dans la qualification juridique des faits et de l'erreur de droit :

Considérant qu'après avoir souverainement apprécié, sur la base des pièces du dossier qui lui était soumis, que la SNCF n'avait disposé d'aucune autonomie dans l'organisation des transports requis, pour en déduire ensuite que la SNCF, personne privée chargée d'un service public industriel et commercial, ne pouvait être regardée comme ayant, pour l'exécution de ces transports, agi dans l'exercice de prérogatives de puissance publique et en écartant, pour ce motif, la compétence de la juridiction administrative pour retenir celle des juridictions de l'ordre judiciaire, la cour n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique des faits ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en ne relevant pas d'office que la SNCF n'aurait pas seulement transporté les victimes de la déportation mais aurait agi en qualité de participant à une activité de police administrative ou encore aurait agi en qualité de mandataire de l'Etat, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

ANNEXE 10 - LA SNCF DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE : UN LIEU DE RÉSISTANCE

Le cadre général

La participation active aux actions de résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale a toujours été un engagement personnel, difficile et risqué.

Les cheminots se sont engagés dans les différents mouvements de Résistance et n'ont pas constitué une structure spécifique (sauf en 1943 avec Louis Armand). Leurs actes de résistance sont le plus souvent liés aux possibilités offertes par leur métier, en particulier le passage régulier de la ligne de démarcation entre la zone occupée et la zone libre.

Les actions

Les formes générales d'engagement vont de la distribution des tracts à l'entrée dans les maquis.

Les modalités d'action spécifiques prennent plusieurs formes :

- le passage de la ligne de démarcation (dans les tenders en particulier) pour des prisonniers de guerre évadés, pour des aviateurs alliés, pour des Juifs,

- le renseignement à destination des Alliés sur les mouvements de troupes allemands,

- le sabotage insaisissable et très efficaces des matériels (limailles ou sable dans les matériels, inversion des bulletins de destination des wagons de marchandises, accélération de l'usure de pièces, ...),

- le sabotage de la voie pour faire dérailler les convois (en général opéré par les groupes de résistants sur les indications de cheminots).

Les opérations pour la Libération

Deux modalités principales :

- la réalisation du Plan Vert de sabotage pour appuyer le Débarquement le 6 juin 44 (entrainant un net ralentissement des transports militaires allemands) ;

- le déclenchement de la grève au Dépôt des Batignolles le 10 août 44 (évacuation définitive des Allemands le 20 août) et dans divers ateliers de la région parisienne pour la Libération de Paris.

La répression

Environ 2 500 cheminots furent victimes de la répression, dont 1 500 morts en déportation, et 600 fusillés.

Documents : Serge Klarsfeld - « Mémoires - On ne transige pas avec la vérité historique » Fayard-Flammarion - 2015 - p. 640 à 644.

« Ces plaintes sont contraire à la vérité historqie. Elles souillent la mémoire de s1647 cheminots fusillés ou déportés sans retour ; elles effacent le rôle des autorités allemandes, celui de l'Etat français de Vichy, et diluent la responsabilité de ceux qui furent chargés de la déportation des juifs de France. » (...)

« Dans les témoignages des survivants, les cheminots apparaissent comme ceux qui transmettaient les messages des déportés aux familles. Parfois aussi, ils réussirent à intervenir et à sauver des déportés » (...)

ANNEXE 11  - LA POLITIQUE MÉMORIELLE DE LA SNCF

(Source : SNCF)

1. Depuis plus de vingt ans , SNCF mène un large programme d'actions sur les sujets relatifs à la Seconde Guerre Mondiale, et plus particulièrement à la Shoah. Connaitre le passé et le comprendre, honorer la mémoire des victimes et témoigner de la barbarie qui s'est abattue sur la France et l'Europe, c'est l'engagement de l'entreprise d'aujourd'hui. C'est ce que les vivants doivent aux disparus. Les démarches de recherche et mémorielles ont été menées dans trois directions :

- transparence, avec le rassemblement de toutes les archives 39-45 et leur accès au public depuis fin 1995,

- histoire, avec notamment une recherche indépendante sur l'entreprise SNCF pendant la Guerre, recherche prolongée et débattue lors d'un colloque en 2000,

- mémoire, avec de nombreuses actions en gare, en lien notamment avec l'Association des Fils et Filles de Déportés Juifs de France, présidée par Serge Klarsfeld, pour la présentation de l'exposition sur les Enfants Déportés, dans une vingtaine de grandes gares.

2. Depuis 2010 , un programme pluriannuel de cinq ans a renforcé et élargi les partenariats externes, avec notamment :

- le Mémorial de la Shoah à Paris, en particulier sur un axe nouveau : l'Éducation des jeunes générations, avec des démarches auprès des élèves et des enseignants ;

- l'Institut Yad Vashem de Jérusalem, pour la partie française d'une base de données sur les convois de la Déportation ;

- l'association de Serge Klarsfeld sur la mémoire des disparus ;

- le Centre Simon Wiesenthal de Los Angeles, pour l'exposition Courage to Remember , aux Etats-Unis).

De manière complémentaire, la numérisation de la totalité des archives a été menée à bien : 1,3 million de documents sont désormais accessibles par internet.

Un appel à témoignages auprès de cheminots ayant connu cette période, ou de leurs descendants a été lancé ; le recueil des témoignages oraux a été réalisé.

Un travail de recherche historique afin d'identifier et de connaître les 2 500 cheminots victimes de la répression nazie est en cours, en vue de la réalisation d'un livre-mémorial.

3. Fin 2014, SNCF lance un nouveau programme sur cinq ans (2015-2019) afin de prolonger et renforcer son engagement en matière d'Histoire, Mémoire et Éducation. Ce programme soutiendra des projets en France, aux États-Unis et en Israël, avec un budget global de 3,5 millions d'euros, dont deux millions de dollars aux États-Unis.

Ce programme renforce l'engagement de SNCF pour une meilleure connaissance du passé, pour la mémoire des victimes de la tragédie de la Shoah, et surtout pour l'éducation des nouvelles générations : l'éducation est un rempart contre l'ignorance, contre l'indifférence, contre la haine de l'autre, elle permet de lutter contre l'antisémitisme et le racisme.

ANNEXE 12 - PRISES DE POSITION DES INSTITUTIONS JUIVES FRANÇAISES ET AMÉRICAINES

Les principales institutions juives françaises et américaines ont pris position contre les actions législatives au congrès des Etats-Unis et/ou en faveur la recherche d'une solution négociée

Déplacement du président Richard Prasquier à Washington le 27 avril 2012 pour s'entretenir avec des membres de la Chambre des représentants et du Sénat d'un projet de loi intitulé « Holocaust Rail Justice Act »

Lettre du Président Richard Prasquier aux sénateurs Richard Leahy et Charles Grassley - Committee on the Judiciary -The Senate en date du 31 mai 2012

Mémoire déposé par Serge Klarsfeld, président de l'Association des Fils et Filles de Déportés juifs de France suite de l'audition du sénateur Schumer par le Committee on the Judiciary du Sénat le 20 juin 2012

Mémoire déposé par American Jewish Committee, Anti-defamation League, B'Nai B'Rith International et World Jewish Congress au le Committee on the Judiciary du Sénat le 20 juin 2012

Ces pages sont consultables sur le document pdf.

ANNEXE 13 - NOTE VERBALE DU MINISTRE FRANÇAIS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Cette page est consultable sur la version pdf

Réponse de l'Ambassade des Etats-Unis - le 11 juin 2015

(Traduit de l'anglais)

N° 257

L'ambassade des États-Unis d'Amérique présente ses compliments au ministère des affaires étrangères et du développement international de la République française et accuse réception de sa note diplomatique n° 03846, en date du 10 juin 2015, proposant de modifier le texte de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-Unis d'Amérique sur l'indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français, signé à Washington le 8 décembre 2014 (ci-après « l'Accord »).

La première correction proposée vise à remplacer, dans le texte français du préambule et au paragraphe 3 de l'article 1 er , « Gouvernement de Vichy » par « autorité de fait se disant «gouvernement de l'État français» » et, dans le texte anglais de l'Accord, « Vichy Government » par « de facto authority claiming to be the «government of the French State» ». Une autre correction proposée concerne le mot « seau » dans l'annexe à la version française de l'accord qui serait remplacé par le mot « sceau ».

L'ambassade a l'honneur de faire savoir au ministère que le gouvernement des États-Unis d'Amérique déclare accepter les corrections proposées. En conséquence, la note verbale du ministère et la présente note de réponse constituent un accord entre les deux gouvernements pour modifier l'Accord comme indiqué ci-dessus.

L'ambassade des États-Unis d'Amérique saisit cette occasion pour renouveler au ministère des affaires étrangères et du développement international de la République française les assurances de sa haute considération.

Ambassade des États-Unis d'Amérique

Paris, le 11 juin 2015

[cachet et paraphe]

ANNEXE 14 - ARTICLE 79 DE LA CONVENTION DE VIENNE - 23 MAI 1969

Art. 79. - Correction des erreurs dans les textes ou les copies certifiées conformes des traités

1. Si, après l'authentification du texte d'un traité, les États signataires et les États contractants constatent d'un commun accord que ce texte contient une erreur, il est procédé à la correction de l'erreur par l'un des moyens énumérés ci-après, à moins que lesdits États ne décident d'un autre mode de correction :

a) correction du texte dans le sens approprié et paraphe de la correction par des représentants dûment habilités;

b) établissement d'un instrument ou échange d'instruments où se trouve consignée la correction qu'il a été convenu d'apporter au texte;

c) établissement d'un texte corrigé de l'ensemble du traité suivant la procédure utilisée pour le texte originaire.

2. Lorsqu'il s'agit d'un traité pour lequel il existe un dépositaire, celui-ci notifie aux États signataires et aux États contractants l'erreur et la proposition de la corriger et spécifie un délai approprié dans lequel objection peut être faite à la correction proposée. Si, à l'expiration du délai :

a) aucune objection n'a été faite, le dépositaire effectue et paraphe la correction dans le texte, dresse un procès-verbal de rectification du texte et en communique copie aux parties au traité et aux États ayant qualité pour le devenir;

b) une objection a été faite, le dépositaire communique l'objection aux États signataires et aux États contractants.

3. Les règles énoncées aux paragraphes 1 et 2 s'appliquent également lorsque le texte a été authentifié en deux ou plusieurs langues et qu'apparaît un défaut de concordance qui, de l'accord des États signataires et des États contractants, doit être corrigé.

4. Le texte corrigé remplace ab initio le texte défectueux, à moins que les États signataires et les États contractants n'en décident autrement.

5. La correction du texte d'un traité qui a été enregistré est notifiée au Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies.

6. Lorsqu'une erreur est relevée dans une copie certifiée conforme d'un traité, le dépositaire dresse un procès-verbal de rectification et en communique copie aux États signataires et aux États contractants.

ANNEXE 15 - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Le 23 juin 2015

Ministère des affaires étrangères et du développement international

• Mme Patrizianna Sparacino-THellay, ambassadrice pour les droits de l'Homme

• M. Philippe Merlin, sous-directeur d'Amérique du Nord

Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF)

• M. Robert Ejnes, directeur exécutif

Le 24 juin 2015

Société nationale des chemins de fer français (SNCF)

• M. Bernard Emsellem, chargé de mission auprès du Président


* 1

Les procès de Paul Touvier et de Maurice Papon avaient permis d'établir des responsabilités individuelles, mais non la responsabilité d'une administration, d'un État. François Mitterrand avait participé à la cérémonie de commémoration de la rafle des 16 et 17 juillet 1942 en juillet 1992, mais en laissant le soin de s'exprimer à M. Robert Badinter, alors président du Conseil Constitutionnel. Un décret présidentiel en date du 3 février 1993 a cependant institué une journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites commises sous l'autorité de fait dite « Gouvernement de l'État français » (1940-1944), chaque année, le 16 juillet. Le Premier ministre, M Édouard Balladur en organisa la première édition.

* 2 Troisième Forum international sur la Shoah, 26-28 janvier 2000, Stockholm, Suède

* 3 Parallèlement à la reconnaissance de cette responsabilité historique, la France a mis particulièrement l'accent sur la préservation et l'accessibilité au public des anciens sites liés à la Shoah.

* 4

Les personnes ayant obtenu la qualité de déporté politique disposent de droits à pension particuliers ; toute affection résultant de maladie est reconnue imputable à la déportation, sans condition de délai, sauf si la preuve contraire est apportée par l'administration. Le droit à pension au titre de la présomption est aussi prévu pour les ayants cause, qu'il s'agisse d'un décès en déportation ou d'un décès après le retour du déporté, sans condition de délai.

* 5 Jean Matteoli, Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France : rapport général.

En 1997, le Premier Ministre a souhaité que soit mis en place une mission d'étude dont la présidence fut confiée à Jean Matteoli, ancien résistant et alors Président du Conseil Économique et Social

* 6 En 1995 le Président Clinton nomme Stuart E. Eizenstat, Ambassadeur des États-Unis auprès de l'Union européenne, au poste d'Ambassadeur chargé des négociations sur les indemnisations dues aux Juifs d'Europe, à la demande d'Edgar Bronfman, président du Congrès juif mondial et d'Israël Singer, Secrétaire général de cette organisation. Afin de faire obtenir des réparations morales mais surtout matérielles, ces trois hommes se saisissent de l'exemple suisse pour exercer une forte pression sur les gouvernements des pays européens dans lesquels les Juifs ont été victimes de spoliations voulues non seulement par les Allemands mais aussi par les gouvernements eux-mêmes. C'est ainsi que l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la France, les Pays-Bas et la Norvège ont créé des commissions ad hoc et publié leurs conclusions sous forme de rapports publics.

Par ailleurs, le recours collectif (class action), spécifiquement reconnu par le code de procédure civile fédérale et par la plupart des États de 1'Union, permet à quelques individus de porter plainte au nom de centaines de milliers de personnes censées avoir subi le même préjudice. Cette possibilité, non admise en droit français, pouvait, en France, avoir des conséquences imprévisibles. Des dizaines d'entreprises et de banques françaises pouvaient être citées devant les tribunaux américains pour leur complicité dans ce vol, ce qui supposait, en plus des incertitudes financières liées à ce genre de procès, des risques d'image et des frais d'honoraires d'avocats américains très importants, comme la SNCF le constate à ses dépens.

* 7 Par la suite, un deuxième décret (décret n°2004-751 du 27 juillet 2004) a institué une mesure d'indemnisation identique pour les orphelins dont les parents sont morts victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale (déportation pour un motif autre que les persécutions raciales, massacres). Les montants prévus sont les mêmes que pour le décret du 13 juillet 2000 et sont revalorisés dans les mêmes conditions

* 8 Conseil d'Etat 14 juin 1946 Ganascia, 4 janvier 1952 Epoux Giraud et 25 juillet 1952 Demoiselle Remise.

* 9 Afin de tenir compte de la demande de la partie américaine visant à pouvoir indemniser des victimes de la déportation décédées récemment, le principe d'une indemnisation des héritiers des déportés décédés a été accepté. En raison du faible nombre de bénéficiaires étrangers concernés, l'extension du champ est considérée comme marginale en termes financiers. Outre son impact à la fois symbolique et juridique, une telle extension permettra d'assurer la plus large « paix juridique ».

* 10 La rétroactivité a été un point dur de la négociation, car déterminant majeur du montant de la dotation du « Fonds ad hoc », tout en rappelant qu'aux termes de l'article 6, et sous réserve des exclusions mentionnées à l'article 3, le Gouvernement américain définit unilatéralement et discrétionnairement les critères.

La Partie américaine avait évoqué la possibilité d'une ouverture du dispositif à l'entrée en vigueur du régime des pensions, soit 1948, les demandes ont ensuite visé une rétroactivité de 14 années prenant comme point de départ l'année 2000 et les premiers recours devant les juridictions américaines. Les discussions ont pris en compte la nécessité de pouvoir intégrer une part encadrée d'antériorité dans les indemnisations pour les survivants de la déportation qui n'avaient pu bénéficier du régime des pensions ouvert il y a 70 ans.

Le compromis qui a été trouvé a été considéré comme un bon point d'équilibre par les deux parties, étant précisé que nos partenaires américains souhaitaient la prise en compte de la date des premiers contentieux devant les juridictions américaines, soit l'année 2000, et que et que nous ne souhaitions pas remonter au-delà du début des discussions informelles, soit 2012.

* 11 Qui interviendra aux termes de l'article 9 « le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification ».

* 12 Sur le plan législatif, il peut s'agir d'une déclaration politique ou d'une opposition (veto). Dans le cadre d'un contentieux, une intervention pourrait prendre la forme d'un Statement of Interest qui est l'équivalent d'un mémoire en amicus curiae mais déposé par l'administration ou d'une intervention volontaire dans la procédure qui lui donne la qualité de partie.

Au-delà des stipulations de l'accord, la jurisprudence établie par la Cour suprême l'a confirmé. Dans l'affaire American Insurance Association v. Garamendi de 2003, la Cour suprême a clairement considéré que, tout comme les traités, les « Sole Executive Agreement », qui est la forme que l'accord franco-américain revêt pour la partie américaine, ont un caractère contraignant à l'égard des Etats fédérés. La Cour a alors invalidé l'Holocaust Victim Insurance Relief Act promulgué par la Californie en 1999 l'estimant contraire à l'accord conclu en 2000 avec l'Allemagne et mettant en place un fonds de compensation des victimes de l'Holocauste. Cette loi exigeait que les compagnies d'assurance souhaitant faire des affaires dans l'Etat de Californie publient des informations concernant leurs activités en Europe sur la période 1920 à 1945.

* 13 Cette déclaration doit être effectuée devant un « public notary », personne nommée par les autorités d'un État fédéré (par exemple le gouverneur, lieutenant-gouverneur, secrétaire d'état), dont le rôle principal est d'authentifier les actes, sans pour autant que ces derniers soient considérés comme des actes authentiques en droit français. Il s'agit davantage d'une certification comme peuvent le faire les officiers d'état civil dans les mairies en France. La fonction de notaire public aux États-Unis correspond davantage aux fonctions assurées par les huissiers en France. Elle n'est pas uniforme dans tous les États-Unis et dépend du droit de chaque État fédéré.

* 14 L'ADL (Anti Defamation League) a été la première organisation à réagir à l'annonce de la conclusion de l'accord par un communiqué de son président, Abraham Foxman. Ce dernier a salué l'accord comme une « importante reconnaissance par le gouvernement français de la souffrance de ceux qui avaient été exclus » des programmes français d'indemnisation des victimes de la Shoah. L'American Jewish Committee (AJC) et le Simon Wiesenthal Center (SWC) ont également publiquement salué l'accord

* 15 Les conventions avec la Pologne et l'ex-Tchécoslovaquie prévoient aussi l'indemnisation des personnes ayant servi dans les armées polonaise et tchécoslovaque constituées en France, et l'indemnisation des Français ayant participé à la Résistance dans les deux pays concernés.

* 16 Elle s'est notamment appliquée à diverses catégories de réfugiés et apatrides installés en France après la Première Guerre mondiale ainsi qu'aux réfugiés espagnols après 1939.

* ( 17 ) Rapport général adressé au Premier ministre par la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France, 2000 ; Persécution des Juifs de France 1940-1944 et le rétablissement de la légalité républicaine : recueil des textes officiels 1940-1999 : Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France ; -Le pillage de l'art en France pendant l'Occupation et la situation des 2000 oeuvres confiées aux musées nationaux, 2000 ; Les biens des internés des camps de Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande, 2000.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page