C. UN PLAN D'ACCOMPAGNEMENT QUI POURRAIT CONCERNER ÉGALEMENT LES FOYERS N'AYANT PAS ACCÈS À LA TNT HERTZIENNE

L'arrêt du MPEG-2 aura des incidences très concrètes pour les foyers qui sont équipés de téléviseurs fonctionnant selon cette norme et qui reçoivent le signal télévisé par une antenne râteau 14 ( * ) . D'ici avril 2016, ils devront faire l'acquisition d'un adaptateur « TNT HD » avant de procéder en avril 2016 à un nouveau scannage de leurs chaînes à l'occasion de la généralisation du MPEG-4. Un scannage supplémentaire pourrait également être nécessaire entre 2017 et 2019 lorsque les fréquences seront réorganisées région par région afin de retrouver les chaînes sur leurs nouvelles fréquences et de les mémoriser.

Certains foyers étant susceptibles de perdre la réception de leurs programmes télévisés à l'issue des réaménagements de fréquences, il sera nécessaire soit de procéder à une réorientation de l'antenne de réception, soit de prévoir un basculement vers un mode de réception alternatif (satellite, câble, ADSL).

Afin de financer les différentes aides prévues ainsi que la campagne de communication, le Gouvernement prévoit une enveloppe de 80 millions d'euros sur la période 2016-2019.

1. Un plan d'accompagnement qui s'inspire du premier dividende numérique
a) Un plan d'aide à destination des téléspectateurs

Le plan d'accompagnement préparé par le Gouvernement prévoit une aide à l'équipement pour les foyers dépendant exclusivement de la télévision numérique terrestre (TNT) et non encore équipés, une aide à la réception versée sans condition de ressources ainsi qu'une assistance technique pour les téléspectateurs âgés ou handicapés. L'article 7 ter adopté par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale prévoit d'inscrire ces trois types d'aides dans la loi du 30 septembre 1986 de manière pérenne. Ces dispositions pourront donc s'appliquer à l'occasion d'une nouvelle modification des normes techniques ou d'un nouveau transfert de fréquences aux opérateurs de télécommunications.

Les trois types d'aides ne s'appliqueront pas dans les mêmes conditions :

- l'aide à l'équipement permettant de faire l'acquisition d'un adaptateur compatible avec la norme MPEG-4, d'un montant de 25 euros, sera réservée aux foyers dégrevés de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) ;

- les aides à la réception seront versées sans condition de ressources afin de permettre la réorientation de l'antenne (pour un montant maximal de 120 euros) ou le passage à un mode de réception alternatif (pour un montant maximal de 250 euros) ;

- les personnes âgées ou handicapées bénéficieront d'une assistance technique pour le branchement et le réglage de leur matériel.

Il convient d'ajouter que lors du débat en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement prévoyant un dispositif d'aide pour les professionnels de la culture qui utilisent des équipements sans fil qui émettent dans la bande des 700 MHz. Votre commission sera particulièrement attentive à ce qu'un accès suffisant aux fréquences soit accordé aux professionnels du monde de la culture qui en ont besoin pour faire fonctionner leurs matériels.

b) Une campagne d'information indispensable qui n'interviendra qu'en novembre 2015

La campagne d'information des Français devrait, selon le cabinet de la ministre de la culture et de la communication, débuter en novembre et être gérée par l'Agence nationale des fréquences (ANFR).

L'ANFR est un établissement public administratif qui exerce trois missions principales :

- elle organise l'attribution des fréquences en faisant des propositions au Premier ministre et conduit les négociations au niveau international ;

- elle tient à jour le cadastre du spectre des fréquences en référençant tous les émetteurs de plus de 5 watts ;

- elle conduit les investigations pour mettre un terme aux brouillages.

Concernant la campagne d'information, le directeur général de l'ANFR, M. Gilles Brégant, lors de son audition par votre rapporteure, a regretté que le GIP France Télé Numérique créé par l'article 6 de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur afin d'assurer l'information, l'accompagnement et l'assistance des téléspectateurs lors du passage à la télévision « tout numérique » en France n'ait pas été pérennisé, ce qui a fait perdre une partie de l'expérience acquise à l'époque.

Le directeur général de l'ANFR considère que l'arrêt du MPEG-2 constitue une opération qui, par son ampleur, n'a pas d'équivalent. Il considère qu'une des difficultés consistera à fournir les appareils en nombre suffisant compte tenu des contraintes liées à l'approvisionnement.

Si les adaptateurs MPEG-4 existent et sont aujourd'hui disponibles dans le commerce, le marché est aujourd'hui très limité. Alors que le marché est aujourd'hui de 700 000 adaptateurs par an, il devrait se développer pour être porté à un chiffre situé entre 3 et 5 millions d'unités selon l'estimation fournie par M. Gilles Brégant. Il ajoute qu'il faut environ 4 mois pour qu'une commande soit honorée par les fabricants chinois et qu'il n'est pas possible de commander à l'avance.

L'ANFR prévoit de commencer sa campagne de communication en novembre 2015 afin de sensibiliser les foyers qui envisageraient de renouveler leur téléviseur dans la perspective de l'Euro 2016 et des Jeux olympiques à prendre en considération l'enjeu du changement de norme dans leur décision d'achat. Pour les autres foyers concernés par l'arrêt du MPEG-2, la campagne de communication doit les inciter à anticiper l'achat d'un adaptateur pour leur récepteur télévisé existant . L'Agence envisage de s'adresser aux Français, notamment à travers des bandeaux déroulants qui seraient apposés sur les images des écrans de télévision par les chaînes.

Concernant le choix de l'agence de communication qui accompagnera l'ANFR, M. Gilles Brégant a indiqué qu'un appel d'offres européen était en cours de réalisation qui avait permis de sélectionner six agences parmi lesquelles quatre avaient été retenues pour participer à un dialogue compétitif. L'agence sélectionnée recevra la notification du marché à la mi-septembre. Le budget prévu pour la campagne de communication s'élève à 6,5 millions d'euros selon le directeur général de l'ANFR, qui viendront abonder le budget de l'agence en 2015. Au total, le budget de la campagne de communication devrait avoisiner les 24 millions d'euros.

2. Une absence d'aides pour les foyers qui reçoivent la TNT par satellite qui crée un risque de « fracture numérique »
a) Le refus du Gouvernement d'étendre le plan d'accompagnement aux foyers qui reçoivent la TNT par satellite

La loi du 30 septembre 1986 a prévu la possibilité d'accéder à la TNT gratuite par deux modes complémentaires à travers le satellite et le câble. L'offre satellite est accessible à 100 % de la population et constitue donc la seule véritable alternative dans les zones qui ne sont pas correctement couvertes par la TNT hertzienne notamment dans certaines zones rurales et de montagne.

Les deux opérateurs - TNTSAT et FRANSAT - qui desservent 11,7 % des foyers ont prévu d'arrêter la norme MPEG-2 en 2016 au bénéfice de la norme MPEG-4. L'ensemble des foyers dépendant du MPEG-2 devront, avant cette échéance, se rééquiper de décodeurs satellitaires compatibles avec le MPEG-4. Le nombre des foyers recevant la télévision gratuite par satellite à partir de récepteurs ou d'adaptateurs seulement compatibles avec le MPEG-2 serait de 1,5 à 2 millions selon le rapporteur de l'Assemblée nationale. Afin de continuer à pouvoir recevoir leurs programmes, ces foyers devront s'équiper en adaptateurs spécifiques qui coûtent environ 90 euros contre 25 euros pour les adaptateurs de TNT hertzienne. Alors que les foyers qui reçoivent la télévision par satellite se situent plus fréquemment en zone rurale reculée ou en zone de montagne, ils devront supporter un double « malus » puisque non seulement le coût de leur adaptateur sera plus élevé mais ils ne bénéficieront d'aucune aide si l'on doit en rester à la rédaction prévue par l'Assemblée nationale.

Étonnée par le caractère inéquitable de cette situation, votre rapporteure, dans sa lettre du 2 juillet à la ministre de la culture et de la communication, soulignait que « le principe d'une aide sociale aux foyers qui reçoivent la TNT par satellite correspond également à un principe d'équité sachant que le montant de 25 euros prévu pour les foyers recevant la TNT hertzienne ne couvrira que partiellement l'effort que devront réaliser les foyers concernés qui s'élève plutôt à 90 euros » . Pour votre rapporteure : « il serait judicieux que le Gouvernement s'engage à étendre son plan d'aide à ces foyers qui ne doivent pas être victimes d'un changement de norme dont ils ne sont pas responsables » .

En réponse, la ministre de la culture et de la communication a expliqué que : « S'agissant précisément des foyers recevant la télévision gratuite par satellite ou par câble, ce changement de norme est toutefois le fruit de la décision de leur opérateur de service - satellite ou câble - et non celle de l'État. C'est la raison pour laquelle le plan d'accompagnement ne prévoit pas de mesure les concernant : il revient aux opérateurs de services de veiller à la modernisation et à la transition de leur parc d'abonnés » . La ministre ajoutait par ailleurs qu'une telle extension bouleverserait totalement l'économie du plan d'accompagnement.

b) Votre commission propose de ne pas discriminer les foyers selon leur mode de réception de la TNT

On peut observer que la société Eutelsat ne partage pas l'avis du Gouvernement selon lequel la décision des opérateurs de satellite d'arrêter le MPEG-2 et de passer au MPEG-4 serait sans rapport avec la décision prise par le Gouvernement qui ne concernerait que la TNT hertzienne. Selon Eutelsat, l'article 98-1 de la loi du 30 septembre 1986 lui fait obligation de proposer ses services « avec la même numérotation et le même standard de diffusion que ceux utilisés pour la diffusion par voie hertzienne terrestre » . L'opérateur FRANSAT « va donc devoir, par obligation d'alignement, diffuser en MPEG-4 (définition standard (SD) ou haute définition (HD)) les 15 chaînes de la TNT actuellement offertes en MPEG-2 (SD). Pour des raisons de viabilité économique du service, FRANSAT ne peut pas supporter les coûts d'une double diffusion MPEG-2/MPEG-4. La décision du Gouvernement contraint donc FRANSAT à fixer une échéance à laquelle les foyers actuellement équipés d'un décodeur satellite compatible MPEG-2 devront s'être dotés d'un nouveau décodeur compatible MPEG-4 » 15 ( * ).

Outre cette différence d'interprétation sur le fait de savoir si les opérateurs de satellite ont, ou non, le choix de passer au MPEG-4, votre rapporteure ne partage pas les inquiétudes du Gouvernement sur l'importance du surcoût qui serait occasionné par l'extension du plan d'accompagnement aux foyers qui reçoivent la TNT par satellite pour au moins trois raisons :

- l'extension du plan d'accompagnement ne concernerait pas les foyers qui reçoivent la TNT par câble 16 ( * ) au motif que ces derniers ont normalement accès à la TNT hertzienne et que le choix du câble - sauf exception - ne répond pas à une contrainte technique mais au souhait de pouvoir bénéficier d'une offre différente ;

- l'aide à l'équipement des foyers des foyers « satellite » ne prendrait pas en charge la totalité de la dépense qui s'élève à 90 euros mais serait du même montant que pour les foyers « TNT hertzienne » qui seront éligibles à l'aide soit 25 euros, ce qui limiterait là encore le coût ;

- l'expérience montre que tous les foyers éligibles ne demandent pas à bénéficier de ce type d'aide, ce qui permettrait très probablement de limiter l'enveloppe nécessaire à moins de 2,5 millions d'euros pour environ un million de foyers. Cette enveloppe peut utilement être comparée au montant minimal des enchères des fréquences de la bande des 700 MHz qui s'élève à 2,5 milliards d'euros.

Comme le relève l'Association nationale des élus de la montagne dans un courrier qu'elle a adressé au Gouvernement en date du 11 juin 2015 « la prise en compte des foyers « satellite » [est] indispensable pour ne pas créer de fracture numérique entre les citoyens qui en raison de leur situation géographique spécifique n'ont pas le choix d'un mode de réception de la télévision » .

Afin de pouvoir établir avec précision le coût de l'extension du plan d'accompagnement aux foyers qui reçoivent la TNT par satellite, votre commission a adopté un amendement portant article additionnel qui prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement dans les trois mois qui suivront la promulgation de la loi un rapport sur l'éligibilité à l'aide à l'équipement des foyers dégrevés de la contribution à l'audiovisuel public .

Quel avenir pour l'obligation de couverture de la population par la TNT ?

La proposition de loi a prévu dans son article 7 la suppression des articles 96, 96-2, 97, 97-1 et 98 de la loi du 30 septembre 1986 au motif qu'ils étaient devenus obsolètes, ayant été introduits par la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur afin d'accompagner l'extinction de la diffusion analogique par voie hertzienne.

Si votre rapporteure ne conteste pas le fait que ces articles sont promis à une prochaine obsolescence, elle s'est inquiétée que la suppression de deux d'entre eux, les articles 96-2 et 97, aurait pour conséquence de faire disparaître de la loi toute référence à la notion de couverture de la population par la TNT à 95 % avec un second critère de 91 % au minimum dans chaque département. Cette suppression aurait pour effet de faire figurer ces objectifs au seul niveau des conventions signées entre le CSA et les éditeurs de programmes, ce qui ne présente nullement le même niveau de garanties pour l'avenir de la TNT.

Votre rapporteure a donc proposé à la commission, qui l'a adopté, un amendement de suppression de l'abrogation de ces deux articles dans l'attente de pouvoir examiner dans quelle mesure il pourrait être pertinent de pérenniser dans la loi ces principes au travers d'une nouvelle rédaction.


* 14 Fin 2014, 6 % des foyers soit 1,7 million étaient considérés comme dépendants de la réception par l'antenne râteau TNT et non dotés d'un équipement HD.

* 15 Courrier d'Eutelsat en date du 13 mai 2015.

* 16 Les foyers (2,9 % du total) qui reçoivent la TNT par le biais des réseaux câblés devront également veiller à la compatibilité de leur installation avec la nouvelle norme MPEG-4 lorsque celle-ci sera mise en oeuvre en 2016 en lieu et place du MPEG-2. Le prix d'un adaptateur sera dans leur cas de 25 euros et ne pourra faire l'objet d'une aide de l'État.

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