Rapport n° 16 (2015-2016) de M. Michel VASPART , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 7 octobre 2015

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N° 16

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 octobre 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , tendant à consolider et clarifier l' organisation de la manutention dans les ports maritimes ,

Par M. Michel VASPART,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; Mme Natacha Bouchart, MM. Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. Claude Bérit-Débat, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Alain Fouché, Benoît Huré, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Cyril Pellevat, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Paul Vergès .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2790 , 2871 , 2873 et T.A. 557

Sénat :

565 (2014-2015) et 17 (2015-2016)

Les conclusions de la commission

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, réunie le mercredi 7 octobre 2015, a examiné le rapport de Michel Vaspart sur la proposition de loi n° 565 (2014-2015) tendant à consolider et clarifier l'organisation de la manutention dans les ports maritimes.

La commission a souligné la qualité du travail effectué par le groupe de travail présidé par Martine Bonny, qui a inspiré la présente proposition de loi. Elle a conservé l'ensemble des dispositions qui visent à mettre fin à l'insécurité juridique consécutive à l'extinction progressive de la catégorie des dockers intermittents, qu'illustre l'affaire de Port-la-Nouvelle en 2013. Une telle clarification s'avère indispensable pour assurer la pérennité du métier de docker , dans l'esprit des réformes de 1992 et 2008.

La commission a en revanche regretté la mise en oeuvre précipitée de modifications relatives à la priorité d'emploi des dockers. Des équilibres fragiles se sont installés dans chaque port, en fonction de leur histoire et de leur culture. Nos ports connaissent à peine une légère reprise de leur activité et ont avant tout besoin de stabilité .

Or l'analyse juridique de Martine Bonny, qui a fait l'objet d'une ample concertation, n'est accompagnée d' aucune étude d'impact économique permettant d'éclairer le Parlement. Cette lacune résulte du choix délibéré du Gouvernement de s'affranchir de la procédure habituelle pour les projets de lois. En outre, le calendrier d'examen de ce texte et l'usage de la procédure accélérée ne sont guère judicieux au regard des discussions qui vont avoir lieu en 2016 au niveau européen sur ce sujet.

En l'absence d'analyse d'impact économique, pour protéger la modeste reprise de nos ports d'une évolution précipitée du cadre juridique , la commission a supprimé la nouvelle définition des dockers occasionnels à l'article 5, supprimé l'article 6 traitant du périmètre d'emploi et de la charte nationale pour les implantations industrielles en bord à quai , réécrit l'article 7 sur la double priorité d'emploi , et supprimé l'article 9 relatif à la demande de rapport sur la charte nationale .

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

Le sort des quelque quatre mille dockers professionnels employés dans les ports français peut paraître marginal à qui analyse ce dossier superficiellement. Il n'en est rien, bien entendu.

D'abord parce que la profession de docker est revêtue de l'aura du travailleur de force. Même s'ils sont moins nombreux qu'au siècle dernier et n'ont que peu de points communs avec leurs ancêtres, les dockers sont les personnages de toujours de nos ports : ces ouvriers ont la responsabilité d'opérations dangereuses qui requièrent des compétences particulières et un grand professionnalisme dans leur exécution. La mécanisation, la conteneurisation et l'automatisation ont d'ailleurs rendu encore plus technique l'exercice de ce métier. Ce n'est donc pas un hasard si, dans l'immense majorité des pays du monde, il est régi par des normes spécifiques.

Ensuite, parce qu'à travers les dockers, c'est toute l'interprofession portuaire qui est concernée : le véritable enjeu, c'est l'efficacité de notre système logistique portuaire. Il s'agit d'un déterminant essentiel de l'attractivité et de la compétitivité de la France, dans un domaine où la concurrence internationale ne cesse de s'intensifier au fil des années.

Nous arrivons aujourd'hui à la fin d'une grande période de transformation dans l'organisation de la manutention portuaire, après deux réformes courageuses en 1992 et 2008. Depuis quatre ans, nos ports montrent enfin des signaux de reprise, même si la récupération des parts de marchés perdues pendant des décennies s'annonce difficile. La stabilité et la fiabilité sont des déterminants essentiels dans ce combat.

Un problème d'interprétation juridique s'est posé en 2013 à Port-la-Nouvelle, qui est à l'origine de la présente proposition de loi. L'ambition n'est donc pas de mener une nouvelle réforme portuaire, ni une nouvelle réforme du métier de docker. Il s'agit de régler un point de droit précis, en se gardant de toute tentation de solution techno-structurelle qui viendrait perturber les équilibres fragiles sur lesquels repose la modeste reprise de nos ports.

C'est à la lumière de ces quelques idées que votre commission a examiné ce texte, lors de sa réunion du 7 octobre 2015.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA MANUTENTION PORTUAIRE : UN STATUT HÉRITÉ DE L'APRÈS-GUERRE EN VOIE DE NORMALISATION

A. LE « STATUT » DE 1947 CONSACRE UN MONOPOLE DES DOCKERS SUR LES EMPLOIS DE MANUTENTION ET UNE PRIORITÉ ABSOLUE D'EMBAUCHE

Le régime de travail des dockers est originellement issu de la loi n° 47-1746 du 6 septembre 1947, adoptée dans un contexte d'après-guerre : il vise à concilier les impératifs économiques de l'époque en facilitant les approvisionnements nécessaires à la reconstruction du pays, avec la recherche d'un réel progrès social , comme l'y incitent les textes constitutionnels de 1946.

En effet, l'exploitation de navires conventionnels nécessite en ce temps beaucoup de main d'oeuvre : l' imprécision des dates d'escale génère une activité à caractère fortement intermittent avec des pointes de trafic qu'il faut pouvoir satisfaire. Parallèlement, l'exigence sociale passe par une réglementation des conditions d'embauche, visant à faire du métier de docker une profession assortie d'un revenu suffisant.

La loi du 6 septembre 1947 représente donc, à cette époque, une incontestable avancée sociale : les dockers sont dotés d' un véritable statut , ce n'est plus le portefaix du XIXème siècle recruté dans les bistrots à chaque fois qu'un bateau arrive à quai. Force est, au demeurant, de constater qu'à cette époque la plupart des pays maritimes (Grande-Bretagne, Espagne, Italie, Belgique...) adoptent des principes d'organisation du travail portuaire similaires.

Concrètement, ce système dérogatoire du droit du travail s'articule autour de quatre dispositions essentielles :

- le monopole d'emploi : ce monopole des dockers sur les emplois de manutention portuaire aux postes publics et à l'intérieur du domaine public maritime dans les ports où le trafic le justifie (29 ports déterminés par un arrêté interministériel) ;

- l' intermittence généralisée : la loi de 1947 crée deux catégories de dockers, les dockers intermittents qui bénéficient d'une priorité à l'embauche, et les dockers occasionnels qui constituent une main d'oeuvre d'appoint . L'embauche se fait à la vacation (demi-journée) ou au shift (opération de chargement ou de déchargement). Le dispositif suppose que les dockers se présentent chaque matin et chaque après-midi à l'embauche ;

- une gestion tripartite du système par l'État, les dockers et les entreprises de manutention : l'embauche des dockers est gérée par un organisme paritaire, le bureau central de la main d'oeuvre (BCMO) présidé par le directeur du port représentant l'État, et composé de représentants en nombre égal des entreprises et des ouvriers dockers. Mais c'est bien à l'État seul, par l'intermédiaire du directeur du port, qu'il appartient de délivrer et de retirer les cartes professionnelles (dites « cartes G »), en fonction de l'effectif nécessaire au fonctionnement du port (quand l'inemploi national dépasse 25 % de l'effectif total, l'État doit retirer des cartes) 1 ( * ) . Les directeurs de port assurent, en outre, les fonctions d'inspecteur du travail ;

- une indemnisation de l'inemploi fondée sur la solidarité entre ports : le docker qui se présente à l'embauche mais n'obtient pas de travail a droit à une indemnité de garantie, qui peut lui être versée au maximum pendant 150 jours par an. La caisse nationale de garantie des ouvriers dockers (CAINAGOD), relayée au niveau local par les BCMO, gère ce système d'indemnisation : elle comprend en nombre égal des représentants de l'État, des employeurs et des dockers et perçoit une cotisation versée par les entreprises de manutention fixée par arrêté (qui n'exclut pas les cotisations de l'assurance chômage).

B. PENDANT 45 ANS, LA DÉRIVE DU SYSTÈME ALIMENTE UN DÉSÉQUILIBRE CROISSANT ENTRE LES EFFECTIFS ET L'EMPLOI

Très vite, le monopole de main d'oeuvre conféré aux ouvriers dockers s'est transformé en monopole syndical , qui s'est peu à peu renforcé jusqu'à accaparer des fonctions appartenant à l'origine aux entreprises de manutention, tels que la maîtrise et le petit encadrement, entraînant une véritable dérive des dispositions de la loi du 6 septembre 1947.

Le fait d'être embauché quotidiennement a permis aux dockers de préserver une grande autonomie face à l'entreprise qui les emploie. La dilution de l'autorité entre le BCMO, l'État, le syndicat et l'entreprise a totalement dénaturé la relation de travail, puisque les entreprises étaient de fait dépossédées de leurs prérogatives d'employeur.

Dans ces conditions, il est devenu aisé d'exercer de fortes pressions sur les entreprises : craignant l'immobilisation des navires par suite des grèves, celles-ci ont systématiquement cédé aux revendications en signant des accords locaux qui ont progressivement rigidifié l'organisation du travail jusqu'à instaurer des conditions d'emploi antiéconomiques et inadaptées aux techniques modernes de manutention.

Faute d'avoir réagi à temps, l'État et les entreprises de manutention ont par conséquent dû renoncer à leurs prérogatives pour laisser perdurer un système insatisfaisant mais dont on ne peut se sortir sans prendre le risque d'un conflit majeur . C'est ainsi que l'État a renoncé à assumer sa responsabilité de régulation des effectifs en fonction de l'activité des ports : les cartes G n'ont pas été retirées au-delà de 25 % d'inemploi au niveau national, comme la loi du 6 septembre 1947 le prévoyait pourtant. En outre, le mécanisme de solidarité entre les ports pour l'indemnisation de l'inemploi n'a pas incité à prendre des mesures impopulaires, puisque la charge financière était reportée sur les ports les plus performants .

Cette dérive a été accentuée par les bouleversements des méthodes de travail portuaire liées au développement de la mécanisation à partir des années 1960, de la conteneurisation à partir des années 1970 et de l' automatisation à partir des années 1980. Les gains de productivité n'ont pas été suivis de réductions d'effectifs dans les mêmes proportions, ce qui a entraîné un important sureffectif mettant en péril l'équilibre général du système.

C. LA RÉFORME DE 1992 REDÉFINIT LE DOCKER PAR SON CONTRAT DE TRAVAIL ET PROGRAMME LA FIN DU RÉGIME D'INTERMITTENCE

Pour mettre fin aux dysfonctionnements, le statut des dockers a été profondément réformé par la loi n° 92-496 du 9 juin 1992 (réforme dite Le Drian), qui organise l' extinction progressive du régime de l'intermittence et son remplacement par la mensualisation des dockers professionnels .

Cette réforme autorise le recrutement de dockers par des entreprises de manutention portuaire grâce à des contrats de travail de droit commun . Le texte précise que la majorité des ouvriers dockers doivent être des salariés permanents, liés aux entreprises de manutention par un contrat de travail à durée indéterminée .

Par ailleurs, la liberté d'embauche de l'employeur est limitée par un double système de priorité d'embauche : d'une part, les ouvriers dockers ont, dans leur ensemble, priorité sur d'autres personnels, pour effectuer des travaux de manutention définis par décret ; d'autre part, les dockers professionnels mensualisés bénéficient d'une priorité d'embauche sur les dockers professionnels intermittents, qui eux-mêmes bénéficient d'une priorité d'embauche sur les dockers occasionnels.

En effet, à côté de ces dockers professionnels mensualisés subsistent des dockers professionnels intermittents , titulaires de la carte professionnelle au 1 er janvier 1992, qui bénéficient d'un régime transitoire : s'ils le souhaitent, ils peuvent continuer à travailler à la vacation, et s'ils choisissent la mensualisation, ils conservent la carte G, qui leur permet de revenir au régime de l'intermittence (en cas de licenciement économique, par exemple). La catégorie des dockers occasionnels est également maintenue, ceux-ci étant désormais embauchés par le biais de « CDD d'usage constant » définis par le 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail.

La loi du 9 juin 1992 organise également une « dépéréquation » du financement des indemnités de garantie pour les ouvriers intermittents restants qui font désormais l'objet d'un financement patronal strictement local afin de responsabiliser chaque place portuaire 2 ( * ) . Le recouvrement de la contribution est assuré par les BMCO qui continuent à exercer, pour les dockers intermittents, les fonctions qui leur avaient été attribuées en 1947. En revanche, les dockers mensualisés ne relèvent plus de la CAINAGOD ni des BCMO .

Enfin, la loi du 9 juin 1992 impose l'élaboration d'une convention collective , spécifique au secteur de la manutention portuaire, à finaliser au plus tard le 31 décembre 1993. Cette convention collective, véritable ciment de la profession, a été négociée en 28 séances de travail entre le 25 septembre 1992 et le 31 décembre 1993.

Au final, cette réforme, qui fait basculer les dockers d'une position statutaire vers le contrat de droit commun , a été globalement menée à son terme. Seul le port de Marseille conserve un bastion de dockers intermittents. Le nombre de dockers a été divisé par deux depuis 1992, ce qui a permis au secteur de réaliser des gains de productivité importants, toutefois au prix de plans sociaux onéreux (en moyenne 125 000 euros pour le départ d'un docker).

Aujourd'hui, on dénombre 3 997 dockers professionnels mensualisés (au lieu de 8 000 avant la réforme de 1992), dont près de 60 % ne sont pas issus de l'intermittence, signe d'un rajeunissement de la pyramide des âges. Il ne reste plus que 136 dockers intermittents, dont 62 en activité. Du fait des départs en retraite, la fin du régime de l'intermittence se profile à l'échéance de 2018 . La catégorie des dockers occasionnels regroupe quant à elle environ 700 personnes.

D. LA RÉFORME DE 2008 MET FIN AU RÉGIME DYARCHIQUE DE LA MANUTENTION PORTUAIRE

La loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 (dite loi Bussereau) traduit la volonté de mettre un terme à l'irrationalité d'une manutention portuaire à deux têtes, c'est-à-dire de permettre l' unicité de commandement . Elle est la conclusion de la réforme de 1992, qui a échoué à réunir dockers et grutiers/portiqueurs au sein des entreprises privées de manutention , ce qui pose des soucis d'organisation et dilue les responsabilités.

En effet, d'un côté, les salariés chargés de la manutention « verticale » (chargement et déchargement des navires à l'aide de portiques ou de grues) étaient restés dans le giron du port autonome , établissement public, tout en étant sous contrat de travail de droit privé . De l'autre côté, les dockers, chargés d'assurer au sol la manutention « horizontale » des conteneurs (à l'aide de chariots mobiles appelés « cavaliers ») étaient devenus des salariés des entreprises privées de manutention portuaire . Cette situation s'est avérée perturbante pour les grands armateurs mondiaux intégrés, qui contrôlent toute la chaîne de transport, de la gestion du navire au transport multimodal en passant par la manutention des dockers, à l'exception du chaînon des portiques.

Par conséquent, la réforme de 2008 a simplifié cette organisation en s'inspirant du modèle des principaux ports européens , où des opérateurs intégrés de terminaux sont responsables de l'ensemble des activités de manutention. Les grands ports maritimes cessent, sauf cas exceptionnels, de détenir ou d'exploiter des outillages de manutention (grues et portiques) et les transfèrent à des entreprises privées , qui emploient désormais grutiers et portiqueurs, comme c'est le cas pour les dockers depuis 1992.

Ce deuxième acte de la réforme portuaire a été complété par un accord-cadre national en date du 30 octobre 2008 et par une convention collective nationale unifiée (CCNU) signée le 15 avril 2011 par l'ensemble des organisations patronales et syndicales, qui procède à un ajustement « par le haut » du régime des dockers.

Il met ainsi fin à l'éclatement du rôle de commandement avec plusieurs « patrons » sur les quais, aux articulations complexes pour la programmation des travaux de manutention avec un manque de souplesse et de polyvalence. En s'attaquant à ces obstacles aux gains de productivité, à la qualité de service et à la compétitivité du passage portuaire , le législateur de 2008 a entendu conforter l'investissement privé en bord à quai dans les principaux ports français.

II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI VISE À LEVER DES AMBIGUITÉS JURIDIQUES LIÉES À LA PRIORITÉ D'EMPLOI DES DOCKERS

À l'été 2013, un conflit éclate sur le port décentralisé de Port-La-Nouvelle : l'une des entreprises, implantée depuis longtemps sur le site, reproche à la seconde de lui faire une concurrence déloyale en employant du personnel non-docker pour ses travaux de manutention. Autorité concédante du port, la région Languedoc-Roussillon estime, par une interprétation extensive de la loi du 9 juin 1992, que l'absence d'ouvriers intermittents sur ce port est susceptible de remettre en question l'application de la règle de priorité d'embauche .

Si le conflit de Port-la-Nouvelle a finalement trouvé une issue, cette affaire a entraîné une prise de conscience des difficultés d'interprétation des textes législatifs relatifs au régime des dockers, dans la mesure où les règles applicables demeurent en grande partie adossées au régime de l'intermittence voué à disparaître prochainement . À la demande de Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, un groupe de travail s'est constitué en janvier 2014 autour de Martine Bonny, inspectrice générale de l'écologie et du développement durable et ancienne présidente du directoire des grands ports maritimes de Rouen et de Dunkerque.

La présente proposition de loi, déposée à l'Assemblée nationale le 20 mai 2015 par Bruno Le Roux, Sébastien Denaja, Jean-Paul Chanteguet et les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) et apparentés, est le fruit de la réflexion menée par ce groupe de travail. Cette proposition de loi n'a guère été modifiée lors de son examen par l'Assemblée nationale , à l'exception de l'ajout d'une demande de rapport sur la mise en oeuvre de la charte nationale prévue à l'article 6.

A. LA DÉCORRÉLATION ENTRE LA PRIORITÉ D'EMPLOI ET LA PRÉSENCE DE DOCKERS INTERMITTENTS SUR LA PLACE PORTUAIRE

Le régime d'emploi des dockers est aujourd'hui défini aux articles L. 5543-1 à L. 5543-7 du code des transports :

- l'article L. 5343-1 du code des transports dispose que « les ports maritimes de commerce dans lesquels l'organisation de la manutention portuaire comporte la présence d'une main-d'oeuvre d'ouvriers dockers professionnels intermittents (...) sont déterminés par l'autorité compétente » : la liste actuelle résulte de l'arrêté du 25 septembre 1992 et comprend 29 ports 3 ( * ) ;

- l'article L. 5343-2 définit les différentes catégories d'ouvriers dockers qui existent « dans les ports mentionnés à l'article L. 5343-1 » ;

- enfin, les articles L. 5343-3 à L. 5343-7 s'appuient sur ces définitions pour fixer les principes et les règles en matière d'embauche.

Il s'ensuit que l'ensemble du régime d'emploi des dockers est subordonné à l'application de l'article L. 5343-1 . Il en va de même pour l'article R. 5543-2 qui délimite le périmètre d'activités auquel s'applique la priorité d'embauche des dockers, et qui renvoie explicitement aux « ports figurant sur la liste prévue à l'article L. 5343-1 » . C'est d'ailleurs l'interprétation de cette disposition réglementaire, anciennement article R. 511-2 du code des ports maritimes, qui est à l'origine du conflit de Port-La-Nouvelle.

Le problème vient en effet de la référence à la seule « présence d'une main-d'oeuvre d'ouvriers dockers professionnels intermittents » pour la détermination des ports concernés. Cette formulation s'articule mal avec la disparition programmée du régime de l'intermittence, et pose d'ores et déjà des problèmes dans les ports où il n'y a plus d'intermittents. Il existe en effet un débat juridique sur le fait de savoir si l'absence de dockers intermittents doit être interprétée au niveau de chaque port ou à l'échelle nationale . À cela s'ajoute le fait que, pour maintenir la paix sociale, la liste des ports de l'arrêté du 25 septembre 1992 n'a jamais été mise à jour et est devenue obsolète.

Il convient de noter que cette difficulté rédactionnelle avait probablement été laissée volontairement en suspens à l'occasion de la réforme de 1992, alors que le conflit social était intense (les dockers ont effectué 48 heures de grève hebdomadaire pendant près d'un an). Elle place aujourd'hui l'ensemble du dispositif dans une situation de grande fragilité : en l'absence de nouvelles dispositions, la disparition du dernier docker professionnel intermittent ouvrira mécaniquement une période d'incertitude, de contentieux et de forte conflictualité sociale . Il n'est donc guère possible de se contenter d'un statu quo .

Dans ce but, la présente proposition de loi procède à une série d'ajustements relativement techniques . L'article 1 er lève définitivement l'ambiguïté de l'article L. 5343-1 en supprimant toute référence à la présence de dockers intermittents sur les places portuaires. Les articles 3, 4 et 5 précisent respectivement les définitions des ouvriers dockers professionnels mensualisés et intermittents, et des ouvriers dockers occasionnels. L'article 7 améliore la rédaction de l'article du code des transports qui fixe le système de double priorité d'emploi des dockers mensualisés sur les dockers intermittents et des intermittents sur les occasionnels. Enfin, les articles 2 et 8 procèdent à des modifications rédactionnelles.

B. UNE REDÉFINITION DU PÉRIMÈTRE D'APPLICATION DE LA PRIORITÉ D'EMPLOI DES DOCKERS

1. Un cadre réglementaire obsolète

À l'heure actuelle, l'article L. 5343-7 du code des transports renvoie au pouvoir réglementaire le soin de définir les travaux de manutention portuaire pour lesquels s'applique une telle priorité d'embauche. Aux termes de l'article R. 5343-2 du code des transports, qui reprend l'article R. 511-2 du code des ports maritimes issu du décret du 12 octobre 1992, il s'agit :

- des « opérations de chargement et de déchargement des navires et des bateaux aux postes publics » ;

- et des « opérations effectuées dans des lieux à usage public , tels que terre-pleins, hangars ou entrepôts, situés à l'intérieur des limites du domaine public maritime et portant sur des marchandises en provenance ou à destination de la voie maritime ».

La notion de poste public n'a pas été explicitée par la réforme du 9 juin 1992 et demeure floue. Une lettre du ministre de l'Équipement Albin Chalandon, en date du 14 juin 1971, définit cette notion par la négative, en l'opposant au poste privé « dont l'usage n'est pas offert à n'importe quel usager et qui n'est pas disponible pour l'exploitation du port », c'est-à-dire une installation (et non un espace) servant aux opérations de manutention d'un agent économique particulier. À l'inverse, un poste public est alors une installation destinée à la manutention dont l'usage est offert à n'importe quel usager du port . Cette interprétation est cependant structurellement fragilisée par certains montages juridiques : des postes privés ont par exemple été implantés sous un régime d' autorisation d'outillage privé avec obligation de service public (AOT-OSP) 4 ( * ) , qui rend complexe l'application de la priorité d'embauche des dockers associée à la rare mise en oeuvre de l'obligation de service public.

Il en va de même pour la notion de lieux à usage public , assise sur la domanialité publique qui renvoie traditionnellement à un espace aménagé appartenant à une personne publique et affecté au service public portuaire, et qui se concilie mal avec le service marchand de la manutention portuaire. D'autant plus que le juge administratif a longtemps eu une conception extensive de cette domanialité publique, qui tend progressivement à se réduire : le tribunal de grande instance de la Rochelle 5 ( * ) a ainsi estimé qu'une parcelle domaniale faisant l'objet d'une autorisation d'occupation privative (qui plus est constitutive de droits réels) ne pouvait être considérée que comme un lieu à usage privé .

Déjà fragiles, incertaines et floues, ces deux notions ont été rendues totalement obsolètes par la réforme du 4 juillet 2008 : elles ne correspondent plus à la réalité de ports dont des terminaux entiers sont gérés par un opérateur unique (dans le cadre d'une convention de terminal), sachant par ailleurs que l'outillage de manutention a été cédé aux entreprises.

2. Un cadre européen contraignant

La compatibilité avec le droit européen de la concurrence, de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services est devenue un enjeu essentiel pour appréhender le périmètre d'application de la priorité d'emploi des dockers.

Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une spécificité française , bien au contraire. À la demande de la Commission européenne, une étude comparative a été produite en 2013 par le Centre de droit maritime et portuaire (« PORTIUS ») : elle montre que les pays du Range nord-européen (Belgique, Pays Bas, Allemagne, Danemark) et nos concurrents méditerranéens (Espagne, Italie, Grèce) disposent d' une législation similaire , certains allant parfois jusqu'à consacrer un véritable monopole d'embauche des dockers. Seuls le Royaume-Uni et l'Irlande font figure d'exception, en ayant fait le choix d'une déréglementation du secteur , qui a entraîné un large recours au travail temporaire par les entreprises de manutention.

Il faut surtout retenir que la Commission européenne semble accepter une priorité d'emploi des dockers, dans un périmètre bien délimité, pour des motifs d'intérêt général liés à la nécessité de garantir la sécurité des personnels et des marchandises sur les terminaux portuaires : les dockers disposent d'une qualification professionnelle spécifique leur permettant d'assurer le déroulement des opérations de chargement et de déchargement des navires dans des conditions optimales d'efficacité et de qualité.

Cette exigence de qualification spécialisée est d'ailleurs au coeur des travaux en cours au sein du Comité de dialogue social sectoriel européen, réunissant, depuis le 19 juin 2013, des représentants des autorités portuaires (l' European Sea Ports Organisation ou ESPO), des exploitants de terminaux privés (la Fédération des exploitants privés de ports européens ou FEPORT) et des deux principaux syndicats de travailleurs portuaires, le Conseil international des dockers (IDC) et la section des dockers de la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF). Ce comité a retenu trois thèmes de travail : la santé et la sécurité au travail (en particulier sur les terminaux à conteneurs et sur les navires) ; la formation professionnelle et les qualifications (avec pour objectif d'élaborer une ligne directrice européenne sur les règles minimales de formation) et la parité hommes/femmes.

Pour l'heure, la Commission veille à ce que les règles internes à chaque État restent proportionnées à ces exigences de sécurité et de qualification spécialisée, et n'hésite pas à lancer des procédures à l'encontre de certains États. Elle reproche ainsi à la Belgique de réserver aux dockers un « travail portuaire » à la portée trop large, puisqu'il englobe non seulement le chargement et déchargement des navires, mais également toutes les activités logistiques liées au port . En Espagne, c'est le système de recrutement des dockers qui fait l'objet des critiques de la Commission : tout manutentionnaire est contraint de recruter ses personnels au sein de pools de main d'oeuvre (SAGEP), dont il doit détenir une part du capital, sans pouvoir recourir au marché.

3. La proposition d'une nouvelle définition

L'article 6 propose donc une nouvelle rédaction de l'article L. 5343-7 du code des transports qui mentionne explicitement l'objectif de garantie de la sécurité des personnes et des biens et renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des « travaux de chargement et de déchargement des navires et des bateaux » prioritairement effectués par des ouvriers dockers.

En parallèle, le rapport de Martine Bonny présente une proposition de rédaction de l'article R. 5343-2 du code des transports, que le Gouvernement s'est engagé à reprendre dans les plus brefs délais : celui-ci ne viserait plus désormais que les « opérations de chargement et de déchargement des navires et des bateaux, y compris la première amenée ou reprise » des marchandises, abandonnant ainsi les références aux postes publics et aux lieux à usage du public.

Les termes de « première amenée ou reprise » ne font cependant pas l'objet d'une définition normative précise : il n'a pas été possible de dégager un consensus suffisant entre les entreprises de manutention et les dockers. Certaines questions restent donc en suspens : que se passe-t-il lorsque la première amenée est effectuée depuis le quai par voie automatique jusque dans le hangar (par exemple, l'utilisation d'un tapis roulant pour du vrac solide) ? Faudra-t-il faire prioritairement appel à un ouvrier docker pour réceptionner les marchandises dans le hangar ? De même, comment traiter la situation d'un conteneur qui serait directement chargé du bateau sur le châssis d'un camion de transport ? Le camion devra-t-il être prioritairement conduit par un ouvrier docker ?

C. UNE CHARTE NATIONALE POUR ENCADRER LES IMPLANTATIONS INDUSTRIELLES EN BORD À QUAI

L'article 6 traite également de la question des opérations de manutention effectuées pour le compte propre d'un titulaire d'un titre d'occupation domaniale comportant le bord à quai . Ce sujet est délicat, en raison des principes européens de libre-établissement et de libre prestation de services, qui exigent que les États membres laissent aux opérateurs implantés sur des terminaux qui leur sont dédiés la liberté de confier à leur propre personnel les activités de manutention réalisées pour leur compte propre .

L' articulation avec la priorité d'emploi des ouvriers dockers pour le chargement et le déchargement des navires n'est donc pas évidente . Sur le terrain, des solutions sont trouvées en fonction des cultures et des rapports de force propres à chaque port . Ainsi, lorsqu'Arcelor-Mittal s'est implanté à Dunkerque et à Fos-sur-Mer, le groupe a choisi de confier le déchargement de navires minéraliers transportant du charbon et des produits sidérurgiques à une entreprise de manutention portuaire, plutôt que de développer cette compétence en interne. Le rapport de Martine Bonny indique également que « sur des bases analogues, à savoir le libre choix de l'industriel, (...) le déchargement de navires transportant des éoliennes a été opéré par une entreprise de manutention portuaire à Rouen et à Dunkerque. D'autres cas peuvent être signalés : ceux de l'usine Cap Vracs à Fos-sur-Mer et du terminal tourbier du quai des Tellines à Port-Saint-Louis-du-Rhône ».

Pour autant, l'article 6 vise à fixer un cadre plus précis en s'appuyant sur une astuce juridique : sans interdire le recours des industriels concernés à leur propre main-d'oeuvre, il prévoit que les conditions dans lesquelles sont effectués les travaux de chargement et de déchargement de navires et bateaux sont fixées conformément à une charte nationale « signée entre les organisations d'employeurs et de salariés représentatives du secteur de la manutention portuaire, les organisations représentatives des autorités portuaires et les organisations représentatives des utilisateurs de service de transport maritime ou fluvial ». Un projet de charte figure en annexe 10 du rapport de Martine Bonny .

Extrait du projet de charte annexé au rapport de Martine Bonny

Le projet de charte insiste sur « l'attractivité des ports maritimes » qualifiée d' « enjeu stratégique » et sur « le respect de deux fondamentaux incontournables que sont la fiabilité et la compétitivité ».

« Sur la base de ce double postulat de reconquête économique et d'adhésion collective de la place portuaire à une culture de résultat, il conviendrait d'acter :

I- Avant qu'une nouvelle implantation industrielle ne soit envisagée sur une place portuaire , l'autorité portuaire ou son délégataire réunit, dans un délai suffisant pour que chacun puisse y réfléchir, le ou le(s) industriel(s) concerné(s), les représentants locaux des signataires de la présente charte pour le secteur manutention , aux fins de chercher, dans le respect d'un développement équilibré du port, une solution aux cinq thèmes suivants :

1 La prise en compte des activités existantes ainsi que la promotion des activités portuaires et leur capacité de développement ;

2 Le respect des emplois portuaires et leur convention collective nationale ;

3 L'organisation du travail au regard de la spécificité du ou de(s) industriel(s) ;

4 La fiabilité des approvisionnements et des expéditions par voie maritime ;

5 La compétitivité.

II - Au-delà du principe de loyauté que chacun des acteurs concernés par la réunion locale devra respecter, ces derniers peuvent, en cas de besoin, faire appel à une commission de médiation qui se réunira dans les plus brefs délais en présence des signataires de la charte afin de dégager des solutions.

III - Tous les 3 ans, les parties signataires de la présente charte s'engagent à se réunir pour établir un bilan de son application. »

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur est favorable au toilettage qui vise à décorréler la priorité d'emploi et la présence de dockers intermittents sur une place portuaire, puisque ceux-ci sont en voie de disparition. Il est indispensable de lever l'ambiguïté juridique qui est à l'origine de l'affaire de Port-la-Nouvelle, tous les acteurs en sont conscients. Malheureusement, la proposition de loi dépasse cette seule ambition .

L'ensemble des acteurs entendues par votre rapporteur s'accorde à dire qu'il ne faut pas perturber les pratiques existantes , variables d'une place portuaire à l'autre. Nos ports ont effectivement besoin de stabilité et de fiabilité : leur activité s'améliore peu à peu depuis 2011 grâce à la forte baisse de la conflictualité sociale. En dépit de ces signaux encourageants, la reconquête des parts de marché perdues pendant des décennies s'annonce difficile . Il convient d'éviter autant que possible de perturber l'équilibre précaire qui s'est installé depuis quelques années.

Parts de marché des grands ports maritimes par façade

(tonnage brut total)

Source : DGITM

Évolution de la conflictualité sociale dans les grands ports maritimes

Source : DGITM

Pour autant, alors que tout le monde revendique un statu quo , cette proposition de loi fait exactement le contraire . En effet, l'article 6 ainsi que les projets de décret et de charte nationale qui en découlent, apportent des modifications substantielles à la définition du périmètre d'emploi des dockers . Le texte est présenté, à la fois par le groupe de travail de Martine Bonny et par la majorité gouvernementale, comme une évidence technique faisant l'objet d'un consensus total , mais votre rapporteur a entendu un certain nombre de voix dissonantes .

Les modifications proposées sont en réalité le fruit d'une entente entre le syndicat majoritaire chez les dockers et les entreprises de manutention du port du Havre et de Marseille-Fos : elles entérinent globalement le mode opératoire existant dans nos deux plus grands ports, dans lesquels les acteurs préfèrent payer une rente de monopole aux dockers , qu'ils refactureront à leurs clients, pour assurer la stabilité de la place portuaire .

La situation est différente du point de vue des ports de taille intermédiaire et de certaines entreprises utilisatrices , à l'instar des céréaliers. Le mode opératoire de ces acteurs est le fruit d'une négociation locale adaptée aux spécificités du terrain, et les solutions au cas par cas fonctionnent . C'est notamment le cas à Rouen ou Dunkerque. Pour eux, la réécriture du périmètre d'emploi des dockers constitue une véritable menace : elle peut remettre en cause les montages actuels et engendrer de véritables pertes de compétitivité , dans des secteurs où les marges sont déjà réduites sous l'effet de la concurrence internationale.

A fortiori , la charte nationale, présentée comme une innovation juridique, est totalement contreproductive. Elle risque de faire fuir tout investisseur privé : beaucoup d'industriels et de porteurs de projets ne comprennent pas d'être dans l' obligation de devoir négocier avec un syndicat avant même d'envisager une implantation industrielle. Pourtant, nos ports ont énormément besoin d'investissements privés , que la réforme de 2008 visait précisément à encourager.

Par conséquent, la sagesse commande de s'en tenir au droit actuel sur le sujet du périmètre d'emploi. Les précisions qui découlent de l'article 6 ne feront probablement rien gagner au Havre ou à Marseille mais risquent de pénaliser en revanche tous les autres ports . S'il s'agit d'apporter de la lisibilité aux dispositions en vigueur, il est sans doute préférable de s'en tenir à une circulaire explicative. Cette solution est probablement moins dangereuse qu'une modification législative sans étude d'impact , et de surcroît en procédure accélérée alors qu'aucune situation d'urgence ne le nécessite.

Quant à l' argument de la compatibilité avec le droit européen, il n'est pas recevable : contrairement à la Belgique ou l'Espagne, notre réglementation n'a fait l'objet d' aucune mise en demeure de la Commission européenne à ce stade. D'ailleurs, si l'objectif est réellement d'offrir des garanties de compatibilité avec le droit européen, alors il faudrait également ouvrir le chantier de la formation et de la qualification des dockers dans cette proposition de loi : c'est en effet le corollaire de l'exigence de sécurité des personnes et des biens qui justifie les dérogations aux principes du droit de la concurrence, de la liberté d'installation et de la libre prestation de services. Or des discussions sont prévues en 2016 au comité du dialogue social sectoriel européen pour les travailleurs portuaires , afin d' élaborer des lignes directrices pour la formation des ouvriers dockers et d'éviter le dumping social : aucune urgence ne justifie d'anticiper les conclusions de ce dialogue européen.

À cela s'ajoute la nouvelle définition des dockers occasionnels, qui revient à renforcer sans le dire le monopole de main d'oeuvre . Puisque ceux-ci sont désormais obligatoirement identifiés par un CDD d'usage constant régi par la convention collective nationale unifiée (CCNU) applicable aux entreprises de manutention portuaire, le système de double priorité d'embauche rend plus difficile le recours à l'intérim , tel qu'il est pratiqué dans certains ports grâce à la souplesse du cadre juridique actuel.

Autrement dit, entre un docker occasionnel et un intérimaire qui aurait également effectué cent vacations au cours des douze mois précédent, l'employeur devra systématiquement recruter le docker occasionnel en premier . Cette définition ajoute bien une nouvelle strate au monopole de main d'oeuvre des dockers, qui n'est pas dans l'esprit des réformes de 1992 et 2008. Une telle rigidité supplémentaire ne penche pas en faveur de la compétitivité de nos entreprises. Au contraire, elle renforce le poids du corporatisme et marque un retour vers l'esprit du statut de 1947 dont nos ports paient encore les dérives.

En résumé, cette proposition de loi devrait se limiter à corriger l'ambiguïté juridique qui découle de l'extinction progressive de l'intermittence, rien d'autre. Les amendements proposés par votre rapporteur ont pour objectif de ramener ce texte à l'objectif initial , en écartant toute autre modification susceptible d'avoir des effets de bords notamment sur les questions relatives au périmètre d'emploi, aux implantations industrielles en bord à quai et aux dockers occasionnels.

Votre rapporteur souhaite ainsi se prémunir contre toute tentation technocratique de vouloir rendre le code des transports parfait , de vouloir border toute situation par une norme précise. Il y a le droit, et il y a la pratique. Chaque port à sa propre culture , ses propres rapports de force , sa propre manière de résoudre les problèmes. Aucune loi ne saurait embrasser parfaitement cette réalité. L'important est de préserver l'existant qui fonctionne, car c'est d'une réelle stabilité dont nos ports ont besoin.

La qualité du travail effectué par Martine Bonny n'est pas pour autant remise en cause. Il convient simplement de le séparer en deux phases : la correction de l'ambiguïté juridique à l'origine de l'affaire de Port-la-Nouvelle qui doit être effectuée dès à présent , et les propositions sur le périmètre d'emploi, la qualification professionnelle des dockers et les implantations industrielles en bord à quai. Ces dernières ont vocation à s'inscrire dans une réflexion globale sur le fonctionnement de nos ports : il est judicieux d'attendre les éclairages européens et une étude d'impact sur leur mise en oeuvre concrète dans chaque port , que ni le rapport de Martine Bonny ni le Gouvernement ne fournissent, avant de légiférer.

Suivant cette position, votre commission a supprimé la nouvelle définition des dockers occasionnels à l'article 5, supprimé l'article 6 traitant du périmètre d'emploi et de la charte nationale, réécrit l'article 7 sur la double priorité d'emploi, et supprimé l'article 9 relatif à la demande de rapport sur la charte nationale.

Examen des articles

Article 1er (article L. 5343-1 du code des transports) - Définition des ports où s'applique le régime d'emploi des ouvriers dockers

Objet : cet article supprime la référence aux dockers intermittents pour la définition des ports dans lesquels le régime d'emploi des dockers s'applique.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 5343-1 du code des transports dispose que « les ports maritimes de commerce dans lesquels l'organisation de la manutention portuaire comporte la présence d'une main-d'oeuvre d'ouvriers dockers professionnels intermittents au sens des dispositions de l'article L. 5343-4 sont déterminés par l'autorité compétente après avis des organisations professionnelles les plus représentatives qui doivent se prononcer dans un délai d'un mois à compter de leur saisine ».

Votre rapporteur renvoie à la lecture de l'exposé général pour une présentation détaillée des difficultés qui découlent de la seule référence aux dockers professionnels intermittents dans cet article.

II. La proposition de loi initiale

La nouvelle rédaction de l'article L. 5343-1 du code des transports permet de lever toute ambiguïté à ce sujet en supprimant la référence aux dockers intermittents et à l'arrêté définissant la liste des ports où ils sont présents , qui n'a jamais été mise à jour depuis l'arrêté du 25 septembre 1992. À la place, elle prévoit que : « dans les ports maritimes de commerce, les travaux de manutention portuaire sont réalisés par des ouvriers dockers dans les conditions fixées au présent chapitre » .

Il s'ensuit que toute corrélation entre le régime d'emploi des ouvriers dockers, prévu par les articles suivants du code des transports, et la présence d'ouvriers dockers intermittents sur une place portuaire est supprimée .

À noter, la référence aux seuls ports maritimes de commerce est conservée ce qui exclut par exemple les ports maritimes qui ne sont pas des ports de commerce (par exemple, les ports militaires) ou encore les ports qui ne sont pas maritimes (par exemple, les ports fluviaux).

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article n'a fait l'objet d'aucune modification lors de son examen par les députés, ni en commission, ni en séance publique.

IV. La position de votre commission

Ainsi que votre rapporteur l'a expliqué dans l'exposé général, la disparition du dernier docker intermittent, qui se profile à horizon 2018, risque de lever l'applicabilité de la loi de 1992 et d'entraîner une forte période d'incertitude juridique et sociale.

La fiabilité est nécessaire à l'attractivité de nos ports , il est donc dans l'intérêt de l'ensemble des parties prenantes de mettre fin à l'ambigüité qui subsiste, tout en préservant les équilibres qui ont su se dessiner, au fil du temps, dans chaque port.

Votre rapporteur est donc favorable à cette décorrélation entre la présence de dockers intermittents et le régime d'emploi des dockers, qui permet de dessiner une trajectoire claire pour l'avenir, élément indispensable pour attirer clients et investisseurs dans nos ports.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 (article L. 5343-2 du code des transports) - Définition des catégories d'ouvriers dockers

Objet : cet article apporte des précisions de coordination législative à la distinction entre ouvrier dockers professionnels mensualisés et intermittents.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 5343-2 du code des transports définit les deux catégories d'ouvriers dockers qui sont présentes dans les ports mentionnés à l'article L. 5343-1 du même code : il s'agit des ouvriers dockers professionnels et des ouvriers dockers intermittents .

Depuis la loi du 9 juin 1992, une distinction est également opérée au sein de la catégorie des ouvriers dockers professionnels entre ceux qui sont mensualisés et ceux qui sont intermittents .

II. La proposition de loi initiale

Le présent article complète l'article L. 5343-2 du code des transports afin d'en améliorer la rédaction : il renvoie la définition des ouvriers dockers professionnels mensualisés et intermittents respectivement aux articles L. 5343-3 et L. 5343-4.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article n'a pas été modifié par les députés.

IV. La position de votre commission

Cet article de coordination législative n'appelle pas de commentaire particulier.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (article L. 5343-3 du code des transports) - Définition des ouvriers dockers professionnels mensualisés

Objet : cet article apporte une série de précisions sur le régime conventionnel des dockers professionnels.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 5343-3 du code des transports est le pivot de la réforme du 9 juin 1992 : il définit les ouvriers dockers professionnels mensualisés comme ceux qui « concluent avec un employeur un contrat de travail à durée indéterminée » , ce qui revient à faire basculer les dockers professionnels de leur ancien statut issu de la loi 6 septembre 1947 vers le contrat de travail de droit commun .

Il apporte ensuite une garantie de recrutement prioritaire aux dockers sous ancien statut : « les entreprises de manutention portuaire ou leurs groupements recrutent en priorité les ouvriers dockers professionnels mensualisés parmi les ouvriers dockers professionnels intermittents ou à défaut parmi les ouvriers dockers occasionnels qui ont régulièrement travaillé sur le port au cours des douze mois précédents ».

Enfin, il énonce les conditions dans lesquelles le dispositif transitoire proposé aux ouvriers mensualisés s'applique, leur permettant de revenir au régime de l'intermittence :

- les ouvriers dockers mensualisés issus de l'intermittence conservent leur carte professionnelle (carte G) et restent immatriculés au registre tenu par le BCMO « tant qu'ils demeurent liés par leur contrat de travail à durée indéterminée » ;

- ils conservent leur carte G « lorsque ce contrat de travail est rompu à l'issue de la période d'essai ou du fait d'un licenciement pour motif économique , si ce licenciement n'est pas suivi d'un reclassement ou s'il est suivi d'un reclassement dans un emploi d'ouvrier docker professionnel » ;

- ils conservent leur carte G sur décision du BCMO lorsque le licenciement intervient pour une autre cause , après une procédure contradictoire définie par le décret n° 92-1130 du 12 octobre 1992 6 ( * ) .

II. La proposition de loi initiale

Le présent article enrichit la définition de l'article L. 5343-3  en précisant que « les ouvriers dockers professionnels mensualisés sont les ouvriers qui, afin d'exercer les travaux de manutention portuaire mentionnés à l'article L. 5343-7, concluent avec une entreprise ou un groupement d'entreprises, un contrat de travail à durée indéterminée ».

Il y insère également une référence à la convention collective nationale unifiée (CCNU) ports et manutention du 15 avril 2011 : « Ce contrat de travail est régi par la convention collective nationale applicable aux entreprises de manutention portuaire ».

En outre, pour lever définitivement toute ambiguïté , la nouvelle rédaction de l'article L.5343-3 précise désormais que les ouvriers dockers professionnels mensualisés sont recrutés en priorité « parmi les ouvriers dockers professionnels intermittents , s'il en reste sur le port, puis parmi les ouvriers dockers occasionnels qui ont régulièrement travaillé sur le port au cours des douze mois précédents » .

Enfin, dans cet article comme dans les suivants, le terme « docker » est systématiquement remplacé par le terme « ouvrier docker » : comme l'indique le rapport de Martine Bonny, cette harmonisation permet de « ne pas introduire d'ambiguïté sur la notion de catégorie socio-professionnelle visée » 7 ( * ) .

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a fait l'objet de trois modifications rédactionnelles adoptées par la commission du développement durable sur proposition du rapporteur Philippe Duron. Il n'a pas été modifié en séance publique.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur est favorable à l'ensemble de ces précisions, qui ont notamment pour objectif de réaffirmer clairement l'esprit de la réforme de 1992 : le métier de docker s'exerce dans le cadre d'une logique contractuelle de droit commun et ne relève plus d'une position statutaire .

Votre rapporteur souligne simplement que le dispositif transitoire de l'article L. 5343-3 n'a de justification que tant qu'il y a encore des titulaires de la carte G . Le rapport de Martine Bonny annonce bien qu' « à la disparition de la dernière carte G, un nouveau toilettage des textes sera nécessaire pour supprimer ces références qui sont devenues caduques ».

Au final, votre commission a simplement retenu un amendement rédactionnel de votre rapporteur. En effet, la formulation actuelle de l'article L. 5343-3 ne cible que « les entreprises de manutention portuaire ou leurs groupements » pour le recrutement prioritaire des dockers mensualisés parmi les dockers intermittents ou les dockers occasionnels. Or la nouvelle rédaction proposée vise « une entreprise ou (...) un groupement d'entreprise », ce qui introduit une ambiguïté suggérant une extension potentielle du champ d'application. Il convient par conséquent de maintenir la lisibilité du droit en vigueur.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 (article L. 5343-4 du code des transports) - Définition des ouvriers dockers professionnels intermittents

Objet : cet article clarifie la définition de l'ouvrier docker professionnel intermittent.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 5343-4 du code des transports est le pendant de l'article L. 5343-3 pour les ouvriers dockers professionnels intermittents : ils y sont définis comme « les ouvriers dockers qui étaient titulaires de la carte professionnelle au 1 er janvier 1992 et qui n'ont pas conclu de contrat de travail à durée indéterminée ».

Ici encore, la logique contractuelle s'impose depuis la réforme du 9 juin 1992 : « le contrat de travail qui lie le docker professionnel intermittent à son employeur est conclu pour la durée d'une vacation ou pour une durée plus longue. Il est renouvelable. »

II. Le projet de loi initial

Le présent article complète l'article L. 5343-4 afin de préciser que le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) visé dans la définition de l'ouvrier docker professionnel intermittent concerne uniquement « une entreprise de manutention portuaire ou un groupement de même objet » .

Comme précédemment, le présent article procède également à la substitution du terme « ouvrier docker » au terme « docker ».

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Deux modifications rédactionnelles proposées par le rapporteur Philippe Duron ont été adoptées par la commission du développement durable. Aucune modification n'a été introduite en séance publique.

IV. La position de votre commission

Comme précédemment, votre rapporteur est favorable à ces précisions, bien que le régime d'intermittence soit amené à s'éteindre totalement d'ici une dizaine d'années : l'article L. 5343-4 devra ainsi être supprimé à l'occasion d'un toilettage futur.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (article L. 5343-6 du code des transports) - Définition des ouvriers dockers occasionnels

Objet : cet article donne une nouvelle définition des ouvriers dockers occasionnels en faisant expressément référence à leur contrat de travail.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 5343-6 du code des transports, dans sa rédaction issue de la réforme du 9 juin 1992, donne une définition en négatif des ouvriers dockers occasionnels qui « constituent une main-d'oeuvre d'appoint à laquelle il n'est fait appel qu'en cas d'insuffisance du nombre des dockers professionnels intermittents ».

À la différence des ouvriers dockers professionnels intermittents, les ouvriers dockers occasionnels « ne sont pas tenus de se présenter à l'embauche et peuvent travailler ailleurs que sur le port sans autorisation spéciale ».

II. La proposition de loi initiale

Le présent article modifie l'article L. 5343-6 et définit désormais l'ouvrier docker occasionnel par rapport au contrat de travail qui le lie à son employeu r, prolongeant ainsi l'esprit de la loi du 9 juin 1992 : « Les ouvriers dockers occasionnels sont les ouvriers qui, afin d'exercer les travaux de manutention portuaire mentionnés à l'article L. 5343-7, concluent avec une entreprise ou un groupement d'entreprises, un contrat de travail à durée déterminée en application du 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail et régi par la convention collective nationale unifiée applicable aux entreprises de manutention portuaire ».

Ainsi, les ouvriers dockers occasionnels sont employés dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée (CDD) dit « d'usage constant », que le 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail réserve à « certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, [pour lesquels] il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois » .

C'est bien ce que précise le B. de l'article 6 de la Convention collective nationale unifiée (CCNU) ports et manutention du 15 avril 2011, qui dispose que les signataires « conviennent que l'activité de manutention portuaire et celle de débarquement des produits de la pêche au sein des ports de pêche (...) constituent un secteur d'activité où il est d'usage constant (...) de recourir au contrat de travail à durée déterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de certains emplois » et que « les emplois concernés sont ceux correspondant aux ouvriers dockers occasionnels » .

Cette nouvelle rédaction prévoit en parallèle des garanties afin d'éviter un recours abusif au « CDD d'usage constant » sur des postes qui relèveraient de fait d'un CDI. Les dockers occasionnels doivent être employés dans le respect de l'article L. 1242-1 du code du travail, qui prévoit qu'« un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise », et du principe de mensualisation posé par l'article L. 5343-3 du code des transports. Pour Martine Bonny, il s'agit ainsi d'éviter « que les entreprises freinent ou retardent la mensualisation, alors que les conditions de sa mise en oeuvre sont réunies dans l'activité de l'entreprise ».

Enfin, tous les autres principes de l'article L. 5343-6 sont maintenus , à savoir :

- le recours aux ouvriers dockers occasionnels comme main d'oeuvre d'appoint uniquement en cas d'insuffisance du nombre d'ouvriers dockers professionnels ;

- l'absence d'obligation de se présenter à l'embauche pour les ouvriers dockers occasionnels, et la possibilité de travailler ailleurs que sur le port sans autorisation spéciale.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a fait l'objet de trois modifications rédactionnelles adoptées par la commission du développement durable sur proposition du rapporteur Philippe Duron. Il n'a pas été modifié en séance publique.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur n'est pas favorable à cette nouvelle définition des ouvriers dockers occasionnels, qui rend plus difficile le recours à l'intérim classique , tel qu'il est pratiqué dans certains ports grâce à la souplesse du cadre juridique actuel. Autrement dit, entre un docker occasionnel et un intérimaire qui aurait également effectué cent vacations au cours des douze mois précédent, l'employeur devra systématiquement recruter le docker occasionnel en premier.

Ainsi, cette définition ajoute une strate supplémentaire au monopole de main d'oeuvre des dockers, qui n'est pas dans l'esprit des réformes de 1992 et 2008. Une telle rigidité supplémentaire ne penche pas en faveur de la compétitivité de nos entreprises. Au contraire, elle renforce le poids du corporatisme et marque un retour vers l'esprit du statut de 1947 qui a contribué, au fil des années, au recul de nos ports.

Par conséquent, votre rapporteur a proposé un amendement visant à supprimer cette définition, afin de maintenir l'équilibre fragile du droit en vigueur .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 6 (article L. 5343-7 du code des transports) - Périmètre d'intervention prioritaire des ouvriers dockers

Objet : cet article énonce les modalités concrètes de mise en oeuvre de la priorité d'emploi des dockers.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 5343-7 du code des transports est au coeur du régime d'emploi spécifique aux ouvriers dockers.

En premier lieu, il fait expressément référence à des « travaux de manutention définis par voie réglementaire » pour lesquels les ouvriers dockers bénéficient d'une priorité d'emploi sur les autres personnels. Ces travaux sont définis par l'article R. 5343-2 du code des transports, qui reprend l'article R. 511-2 du code des ports maritimes issu du décret du 12 octobre 1992. Votre rapporteur renvoie à la lecture de l'exposé général pour une présentation détaillée des enjeux associés au périmètre d'intervention tel que défini dans cet article.

En second lieu, il énonce le mécanisme de double priorité d'embauche qui s'applique entre les différentes catégories d'ouvriers dockers : votre rapporteur renvoie à la lecture du commentaire de l'article 7 pour une explication plus détaillée de ce dispositif.

II. La proposition de loi initiale

Le présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 5343-7 qui apporte une triple précision au principe de priorité d'emploi des dockers.

D'abord, la priorité d'emploi est circonscrite aux seuls « travaux de chargement et de déchargement des navires et des bateaux dans les ports maritimes de commerce », sachant que le projet de décret annexé au rapport de Martine Bonny prévoit que les opérations de « première amenée ou reprise de ces marchandises » fassent également, pour des raisons de sécurité des personnes et des biens, partie intégrante de ces travaux.

Ensuite, la base légale de ces travaux, qui sont précisés par décret en Conseil d'État, est désormais fondée sur un motif d'intérêt général lié à « la sécurité des personnes et des biens », afin de rendre ce régime compatible avec le droit européen de la concurrence.

Enfin, le cas spécifique des implantations industrielles en bord à quai est renvoyé à une charte nationale, qui a d'ores et déjà été rédigée et acceptée par l'ensemble des parties. Son objectif est de maintenir le statu quo spécifique à chaque port et de définir les enjeux de négociation pour les nouvelles implantations.

Votre rapporteur ne détaille pas davantage les enjeux associés à ces trois précisions, qui font l'objet de longs développements dans l'exposé général du présent rapport. Il signale également que la définition des règles de priorité applicables entre les différentes catégories d'ouvriers dockers est quant à elle transférée dans un nouvel article L. 5343-7-1 (v. infra ).

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article n'a fait l'objet d'aucune modification lors de son examen par les députés.

IV. La position de votre commission

Pour les raisons longuement présentées dans l'exposé général, votre rapporteur n'est pas favorable à cet article, qui constitue sans aucun doute le point le plus sensible de la présente proposition de loi.

Les questions de périmètre d'emploi et d'implantations industrielles excèdent largement le problème d'insécurité juridique lié à l'extinction programmée de la catégorie de dockers intermittents, et risquent de r emettre en cause des équilibres fragiles , établis au cas par cas sur le terrain en fonction des contraintes et de la culture propres à chaque port. Contrairement à la Belgique et à l'Espagne, aucune mise en demeure de la Commission européenne n'a été adressée à la France pour le moment sur ces questions.

En outre, la clarification relative aux motifs de sécurité des personnes et des biens justifiant la priorité d'emploi des dockers ne saurait avoir lieu en l'absence d'une réflexion sur les qualifications professionnelles requises . Or, des discussions vont avoir lieu en 2016 au comité du dialogue social sectoriel européen pour les travailleurs portuaires.

Rien ne justifie donc de modifier la loi, en urgence et sans étude d'impact , sur ces points : il est préférable d'attendre l'aboutissement des discussions au niveau européen avant de légiférer, de manière nécessairement incomplète, sur le sujet

Votre commission a supprimé cet article.

Article 7 (article L. 5343-7-1 du code des transports) - Règles de priorité applicables aux différentes catégories d'ouvriers dockers

Objet : cet article détaille le mécanisme de double priorité d'embauche des dockers.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 5343-7 du code des transports présente le mécanisme de double priorité d'embauche qui s'applique entre les différentes catégories d'ouvriers dockers : les dockers professionnels mensualisés bénéficient d'une priorité d'embauche sur les dockers professionnels intermittents, qui bénéficient eux-mêmes d'une priorité d'embauche sur les dockers occasionnels.

II. La proposition de loi initiale

Le présent article déplace cette disposition dans un nouvel article L. 5343-7-1, sachant que la définition des travaux concernés reste quant à elle l'objet de l'article L. 5343-7 (v. supra).

En parallèle, la rédaction du dispositif est ajustée pour éviter toute interprétation ambiguë liée à l'extinction progressive de la catégorie des dockers professionnels intermittents : il prévoit désormais que « pour les travaux de manutention portuaire auxquels s'applique la priorité d'emploi des ouvriers dockers » (dont la définition résulte de l'article 6 évoqué précédemment), les entreprises « lorsqu'elles n'utilisent pas uniquement des ouvriers dockers professionnels mensualisés, ont recours en priorité aux ouvriers dockers professionnels intermittents, tant qu'il en existe sur le port , puis à défaut, aux ouvriers dockers occasionnels » .

Enfin, il est également explicitement précisé que les entreprises concernées sont « les entreprises mentionnées au premier alinéa de l'article L. 5343-3 », c'est-à-dire les entreprises ou groupements d'entreprises avec lesquels les ouvriers dockers professionnels mensualisés concluent un contrat de travail à durée indéterminée afin d'exercer les travaux de manutention portuaire mentionnés à l'article L. 5343-7.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a fait l'objet de trois modifications rédactionnelles adoptées par la commission du développement durable, à l'initiative de son rapporteur Philippe Duron. Il n'a pas été modifié en séance publique.

IV. La position de votre commission

En lien avec la proposition de suppression de l'article 6, votre rapporteur a proposé une nouvelle rédaction de cet article : elle reprend exactement le droit en vigueu r, en ajoutant simplement la précision « tant qu'il en existe sur le port » à la référence aux dockers intermittents, pour prendre en compte le seul problème d'insécurité juridique lié à leur extinction.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 8 (article L. 5343-8 du code des transports) - Modification rédactionnelle de l'article instituant les BCMO

Objet : cet article effectue une coordination législative dans la définition des bureaux centraux de la main-d'oeuvre (BCMO).

I. Le droit en vigueur

L'article L. 5343-8 du code des transports dispose qu'un bureau central de la main d'oeuvre (BCMO), organisme paritaire créé par la loi du 6 septembre 1947 pour gérer l'emploi des dockers intermittents, est institué « dans chacun des ports mentionnés à l'article L. 5343-1 ».

Il détaille également la composition du BCMO :

« 1° Le président du directoire dans les grands ports maritimes ou le directeur du port dans les ports autonomes ou, à défaut, l'autorité administrative dans les autres ports ;

2° Trois représentants des ouvriers dockers professionnels intermittents, dont un représentant de la maîtrise, élus en leur sein par ces ouvriers ;

3° Un nombre égal de représentants des entreprises de manutention ;

4° À titre consultatif, deux représentants élus par les ouvriers dockers professionnels mensualisés immatriculés au registre mentionné au 1° de l'article L. 5343-9 », c'est-à-dire registre des dockers intermittents et des dockers mensualisés habilités à conserver leur carte G.

Il précise enfin que le BCMO est présidé par « le président du directoire, le directeur du port ou l'autorité administrative ».

II. La proposition de loi initiale

Le présent article tire les conséquences de l'évolution de la rédaction de l'article L. 5343-1 (v. commentaire de l'article 1 er ) qui ne fait plus référence aux dockers intermittents : il rectifie par conséquent la rédaction de l'article L. 5343-8 afin de ne plus viser les « ports mentionnés à l'article L. 5343-1 » mais plutôt les « ports qui comportent la présence d'une main-d'oeuvre d'ouvriers dockers intermittents ».

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a fait l'objet d' une modification rédactionnelle adoptée par la commission du développement durable, à l'initiative de son rapporteur Philippe Duron. Il n'a pas été modifié en séance publique.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur est favorable à cette disposition de coordination législative qui n'appelle aucun commentaire particulier.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 9 - Demande de rapport sur la mise en oeuvre de la charte nationale mentionnée à l'article L. 5343-7 du code des transports

Objet : cet article prévoit la remise d'un rapport sur l'application de la charte nationale relative aux nouvelles implantations industrielles sur les places portuaires.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, introduit par la commission du développement durable à l'initiative conjointe de son rapporteur Philippe Duron et du rapporteur pour avis Henri Jibrayel, au nom de la commission des affaires économiques, prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur la mise en oeuvre de la charte nationale mentionnée à l'article L. 5343-7 du code des transports, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi.

Dans la mesure où la charte nationale, déjà rédigée et consensuelle, va être signée rapidement, l'objectif de ce rapport serait d' apprécier sa portée et son fonctionnement concret , port par port, afin de rectifier le dispositif, s'il ne donne pas pleinement satisfaction, ou en vue de l'étendre, le cas échéant, à d'autres éléments de la négociation sociale.

II La position de votre commission

Votre rapporteur a proposé la suppression de cet article, en conséquence de la suppression de l'article 6 : il n'y a plus lieu de demander un rapport sur une charte qui n'a plus d'existence législative .

Votre commission a supprimé cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 octobre 2015, la commission a examiné le rapport et le texte sur la proposition de loi n°  565 (2014-2015) tendant à consolider et clarifier l'organisation de la manutention dans les ports maritimes .

M. Hervé Maurey , président . - Nous entendons ce matin le rapport de Michel Vaspart sur la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l'organisation de la manutention dans les ports maritimes, présentée par les députés Le Roux et Chanteguet et adoptée le 25 juin par l'Assemblée nationale. Cette proposition de loi est en réalité d'origine gouvernementale ; le Gouvernement a ainsi évité les arbitrages interministériels et l'examen par le Conseil d'État. Cette pratique, de plus en plus répandue, constitue à nos yeux une dérive.

M. Michel Vaspart , rapporteur . - Le sort des quelque quatre mille dockers professionnels employés dans les ports français peut paraître marginal. Il n'en est rien, bien entendu.

D'abord parce que la profession de docker est revêtue de l'aura du travailleur de force. Les dockers sont les personnages de toujours de nos ports : ces ouvriers ont la responsabilité du chargement et du déchargement des navires, opérations dangereuses qui requièrent des compétences particulières et un grand professionnalisme. La mécanisation, la conteneurisation et l'automatisation ont rendu encore plus technique l'exercice de ce métier. Ce n'est donc pas un hasard si, dans la plupart des pays du monde, il est régi par des normes spécifiques.

Ensuite parce qu'au-delà des dockers, c'est toute l'interprofession portuaire qui est concernée. Le véritable enjeu, c'est l'efficacité de notre système logistique portuaire, l'attractivité et la compétitivité de la France dans un domaine où la concurrence internationale ne cesse de s'intensifier.

Nous arrivons à la fin d'une grande période de transformation dans l'organisation de la manutention portuaire. La loi statutaire du 6 septembre 1947 a consacré un monopole des dockers sur les emplois de manutention, avec une priorité absolue d'embauche, doublée d'un mécanisme national d'indemnisation de l'inemploi en contrepartie de l'intermittence généralisée. L'objectif était alors de concilier les impératifs économiques - gérer l'imprécision des dates d'escale des navires et les pointes de trafic - avec la recherche d'un réel progrès social. L'équilibre de 1947 a garanti une main d'oeuvre stable et flexible, adaptée aux fortes fluctuations de l'activité portuaire et protégée du risque de pauvreté grâce à un statut dérogatoire du droit commun.

Cependant, le monopole de main d'oeuvre s'est rapidement transformé en monopole syndical, allant jusqu'à l'accaparement de fonctions appartenant à l'origine aux entreprises de manutention, comme la maîtrise et le petit encadrement. L'embauche quotidienne, l'absence d'un réel patron, ont donné aux dockers une grande autonomie face à l'entreprise qui les emploie. L'État et les entreprises ont laissé perdurer cette situation trop longtemps - quarante-cinq ans - par peur d'un conflit majeur. L'absence de régulation des effectifs a finalement débouché sur un déséquilibre insoutenable du système, avec un important sureffectif qui a pesé sur la compétitivité des ports les plus performants, en raison du mécanisme de solidarité.

Pour mettre fin à ces dysfonctionnements, le statut des dockers a été profondément réformé par la loi Le Drian du 9 juin 1992, qui a programmé l'extinction progressive de l'intermittence et son remplacement par la mensualisation des dockers professionnels. L'ouvrier docker est désormais défini par un contrat de travail de droit commun et non plus par son lieu d'activité. On passe d'une définition chromosomique - on est docker de père en fils - à une définition par le contrat.

La loi précise que la majorité des ouvriers dockers doivent être des salariés permanents, liés aux entreprises de manutention par un contrat de travail à durée indéterminée. À côté de ces dockers professionnels mensualisés subsistent des dockers professionnels intermittents, titulaires de leur carte professionnelle au 1 er janvier 1992, qui bénéficient d'un régime transitoire : ils peuvent continuer à travailler à la vacation et s'ils choisissent la mensualisation, ils peuvent revenir au régime de l'intermittence, en cas de licenciement économique par exemple. Une catégorie de dockers occasionnels est également maintenue pour répondre aux pics d'activité.

En outre, la liberté de recrutement de l'employeur est limitée par un double système de priorité d'embauche : d'une part, les ouvriers dockers ont, dans leur ensemble, priorité pour effectuer des travaux de manutention définis par voie réglementaire ; d'autre part, les dockers professionnels mensualisés bénéficient d'une priorité d'embauche sur les intermittents, qui eux-mêmes bénéficient d'une priorité d'embauche sur les occasionnels.

Cette réforme a été globalement menée à son terme. Seul le port de Marseille conserve un bastion de dockers intermittents. Aujourd'hui, on dénombre 3 997 dockers professionnels mensualisés (au lieu de 8 000 avant la réforme de 1992), 136 dockers intermittents dont 62 en activité, et environ 700 dockers occasionnels.

La réforme de 1992 a cependant échoué à réunir dockers et grutiers-portiqueurs au sein des entreprises privées de manutention, entraînant des soucis d'organisation et diluant les responsabilités. Il restait donc, d'un côté les salariés chargés de la manutention verticale, restés dans le giron du port autonome, établissement public, tout en étant sous contrat de travail de droit privé, et de l'autre les dockers, chargés d'assurer au sol la manutention horizontale des conteneurs, devenus des salariés des entreprises privées de manutention portuaire.

La loi Bussereau du 4 juillet 2008, dont notre collègue Charles Revet a été le rapporteur, a simplifié cette organisation en s'inspirant du modèle des principaux ports européens, où des opérateurs intégrés de terminaux sont responsables de l'ensemble des activités de manutention. Les outillages de manutention et les grutiers et portiqueurs ont ainsi été transférés à des entreprises privées. En mettant fin à l'éclatement du commandement et aux multiples problèmes de coordination des travaux de manutention sur les quais, le législateur de 2008 a entendu conforter l'investissement privé en bord à quai dans les principaux ports français.

Ces deux grandes réformes ont progressivement normalisé l'héritage statutaire des dockers pour le rendre compatible avec les exigences de compétitivité de notre époque, sans pour autant nier la spécificité du métier.

La proposition de loi trouve son origine dans un problème juridique, puisqu'une difficulté d'interprétation subsiste dans les dispositions issues de la loi de 1992. Dans la rédaction actuelle du code des transports, l'ensemble du régime d'emploi des dockers est subordonné à l'application de l'article L. 5343-1. Or cet article fait uniquement référence à la catégorie des dockers professionnels intermittents.

Cette formulation s'articule mal avec l'extinction programmée du régime de l'intermittence et pose des problèmes dans les ports où il n'y a plus d'intermittents. Une prise de conscience a eu lieu à l'été 2013, lorsqu'un conflit a éclaté sur le port décentralisé de Port-La Nouvelle. Une entreprise implantée depuis longtemps sur le site reprochait à une autre de lui faire une concurrence déloyale en employant du personnel non-docker pour ses travaux de manutention. Autorité concédante du port, la région Languedoc-Roussillon a estimé par une interprétation extensive que l'absence d'ouvriers intermittents sur ce port remettait en question la priorité d'embauche.

Si le conflit de Port-La Nouvelle a finalement trouvé une issue, le ministre de l'époque, Frédéric Cuvillier, a constitué un groupe de travail en janvier 2014 autour de Martine Bonny, inspectrice générale de l'écologie et du développement durable et ancienne présidente du directoire des grands ports maritimes de Rouen et de Dunkerque. La proposition de loi met en oeuvre son rapport ; elle n'a guère été modifiée lors de son examen par l'Assemblée nationale, à l'exception de l'ajout d'une demande de rapport.

L'insécurité juridique menace directement la pérennité du métier de docker ; la disparition du dernier docker professionnel intermittent ouvrira une période d'incertitude, de contentieux et de forte conflictualité sociale.

Dans ce but, la présente proposition de loi procède à une série d'ajustements techniques. L'article 1 er lève définitivement l'ambiguïté de l'article L. 5343-1 en supprimant toute référence à la présence de dockers intermittents. Les articles 3, 4 et 5 précisent les définitions des ouvriers dockers mensualisés, intermittents, occasionnels. L'article 7 affine la rédaction des dispositions du code des transports relatives à la double priorité d'emploi. Enfin, les articles 2 et 8 procèdent à des modifications rédactionnelles.

Le point névralgique du texte est l'article 6 qui vise à clarifier le périmètre de la priorité d'emploi des ouvriers dockers. Il a donné lieu à nombre d'interprétations divergentes. C'est un sujet extrêmement sensible : les dockers sont attachés à leur pré carré qui leur apporte une certaine garantie d'emploi, tandis que les entreprises peuvent être tentées d'avoir recours à une main d'oeuvre moins onéreuse. Or le droit actuel s'appuie, au niveau réglementaire, sur des notions de « poste public » et de « lieu à usage public » rendues obsolètes par les évolutions de l'organisation portuaire.

La Commission européenne a lancé deux procédures contre l'Espagne et la Belgique à propos de leurs règles d'embauche des dockers. Elle semble accepter une priorité d'emploi, mais dans un périmètre bien délimité et pour des motifs d'intérêt général liés à la sécurité des personnes et des marchandises. L'atteinte au droit européen doit donc être proportionnée et s'appuyer sur une exigence de qualification professionnelle spécifique des dockers.

Pour ce motif, l'article 6 propose une nouvelle rédaction dans le code des transports, qui mentionne explicitement l'objectif de sécurité et renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des « travaux de chargement et de déchargement des navires et des bateaux » prioritairement effectués par des ouvriers dockers. Une ébauche de ce décret est annexée au rapport de Martine Bonny et le Gouvernement s'est engagé à le prendre dans les plus brefs délais.

L'article 6 traite également des opérations de manutention dans le cadre des implantations industrielles comportant le bord à quai. Ce sujet est délicat car le droit européen exige que les opérateurs implantés sur des terminaux qui leur sont dédiés aient la liberté de confier à leur propre personnel la manutention réalisée pour leur compte propre. L'articulation avec la priorité d'emploi des ouvriers dockers pour le chargement et le déchargement des navires n'est pas évidente. La solution retenue s'appuie sur une astuce juridique : elle n'interdit rien dans la loi et renvoie à la négociation collective, dans le cadre d'une charte nationale qui est également annexée au rapport de Martine Bonny. Une réunion avec les représentants locaux des signataires devra être organisée avant toute implantation industrielle sur un port, ce qui revient à imposer une négociation systématique avec la Fédération des ports et docks (FNPD) de la CGT. Enfin, l'article 9 prévoit la remise d'un rapport sur l'application de cette charte dans un délai de deux ans afin d'en dresser le bilan.

Je suis favorable au toilettage qui vise à décorréler la priorité d'emploi et la présence de dockers intermittents sur une place portuaire. Il est utile de lever l'ambiguïté juridique qui est à l'origine de l'affaire de Port-La Nouvelle, tous les acteurs en sont conscients. Mais la proposition de loi ne s'arrête pas là. Tout le monde s'accorde à dire qu'il ne faut pas perturber les pratiques existantes, qui varient d'une place portuaire à l'autre. Nos ports ont avant tout besoin de stabilité et de fiabilité, et leur activité s'améliore peu à peu depuis 2011 grâce à la forte baisse de la conflictualité sociale. Tout le monde revendique le statu quo ... Or cette proposition de loi fait exactement le contraire !

Le texte est présenté, à la fois par le groupe de travail de Martine Bonny et par la majorité gouvernementale, comme une évidence technique faisant l'objet d'un consensus total, mais j'ai entendu un certain nombre de voix dissonantes. La proposition de loi convient effectivement, au-delà de la FNPD-CGT, aux entreprises de manutention et aux armateurs qui opèrent au Havre et à Marseille. Le mécanisme décrit dans l'ébauche du décret d'application de l'article 6 correspond globalement à leur mode opératoire actuel. Mais la situation est différente dans les ports de taille intermédiaire et pour certaines entreprises utilisatrices comme les céréaliers ou les vraquiers. C'est notamment le cas à Rouen ou Dunkerque, où la réécriture du périmètre d'emploi des dockers peut remettre en cause les montages actuels et engendrer de véritables pertes de compétitivité, dans des secteurs où les marges sont déjà réduites sous l'effet de la concurrence internationale.

L'idée de charte nationale, présentée comme une innovation juridique, est en réalité contreproductive car elle contraint tout investisseur privé à négocier avec le syndicat avant même d'envisager une implantation industrielle. Cela fera fuir les investisseurs privés dont nos ports ont tant besoin. Par conséquent, la sagesse commande de s'en tenir au droit actuel sur la question du périmètre. Les précisions de l'article 6 ne feront rien gagner au Havre ou à Marseille mais risquent de pénaliser les autres ports. S'il s'agit d'apporter de la lisibilité aux dispositions en vigueur, pourquoi ne pas se contenter d'une circulaire explicative ? Cette solution serait beaucoup moins dangereuse qu'une modification législative sans étude d'impact, et de surcroît en procédure accélérée alors qu'aucune situation d'urgence ne le nécessite.

Quant à l'argument de la compatibilité avec le droit européen, il n'est pas recevable : contrairement à la Belgique ou l'Espagne, notre réglementation actuelle n'a fait l'objet d'aucune mise en demeure de la part de la Commission. De plus, si l'objectif est la compatibilité avec le droit européen, il aurait également fallu ouvrir le chantier de la formation et de la qualification des dockers, puisque c'est l'exigence de sécurité qui justifie les dérogations aux principes du droit de la concurrence, de la liberté d'installation et de la libre prestation de services. Or des discussions sont prévues en 2016 au comité du dialogue social sectoriel européen pour les travailleurs portuaires, afin d'élaborer des lignes directrices pour la formation des ouvriers dockers et d'éviter le dumping social. Aucune urgence ne justifie de devancer les conclusions de ce dialogue européen !

La nouvelle définition des dockers occasionnels revient à renforcer sans le dire le monopole de main d'oeuvre. Puisque ceux-ci sont désormais obligatoirement identifiés par un CDD d'usage constant régi par la convention collective nationale unifiée (CCNU) applicable aux entreprises de manutention portuaire, le système de double priorité d'embauche rend plus difficile le recours à l'intérim classique, tel qu'il est pratiqué dans certains ports. Autrement dit, entre un docker occasionnel nouvelle version et un intérimaire classique qui aurait également effectué cent vacations au cours des douze mois précédents, l'employeur devra systématiquement recruter le premier, même s'il préfère travailler avec le second. Cette définition ajoute de la rigidité au monopole de main d'oeuvre des dockers : elle n'est pas dans l'esprit des réformes de 1992 et 2008, et ne joue pas en faveur de la compétitivité de nos entreprises ; elle renforce le poids du corporatisme et marque un retour vers l'esprit du statut de 1947, qui a donné lieu à des dérives.

En résumé, cette proposition de loi devrait selon moi se limiter à corriger l'ambiguïté juridique qui découle de l'extinction progressive de l'intermittence - ou alors il faudrait un texte autrement plus ambitieux.

Les amendements que je propose ont pour objectif de ramener ce texte à l'objectif initial, en écartant toute autre modification susceptible d'avoir des effets de bords, notamment sur les questions de périmètre, d'implantations industrielles en bord à quai et de dockers occasionnels. Oui à la sécurisation juridique du métier de docker, non à la remise en cause des équilibres actuels établis selon les contraintes propres à chaque place portuaire.

On a pris prétexte de l'affaire de Port-La Nouvelle pour clarifier d'autres points. Jean-Yves Le Drian avait mené une réforme courageuse en 1992. Ne faisons pas aujourd'hui de la prétendue clarification à reculons !

M. Hervé Maurey , président . - Merci pour la présentation de ce rapport qui est le baptême du feu de notre collègue au sein de cette commission.

Mme Odette Herviaux . - Merci de ce travail fouillé, dont néanmoins je ne partage absolument pas les conclusions. Vous mentionnez des voix dissonantes. De mon côté, j'ai pu rencontrer des représentants de l'Union des ports français (UPF), de l'Union nationale des industries de la manutention (Unim) et de la CGT. Dans le cadre de mon rapport sur les ports décentralisés en 2014, je me suis également rendue à Port-La Nouvelle. Je n'ai pas abordé la question des dockers puisque Mme Bonny en était chargée. Mais tous les représentants des syndicats patronaux et ouvriers m'ont indiqué que cet accord subtil était fragile et qu'il ne fallait pas y toucher. On sait bien qu'il suffirait de peu pour revenir à la situation d'avant 2011, où les mouvements de dockers menaçaient la compétitivité des ports français. Depuis lors, nous n'avons pas connu de grande manifestation dans les ports, à l'exception de Port-La Nouvelle. Pour la première fois, les syndicats patronaux et ouvriers s'entendent pour intégrer les termes de compétitivité et de fiabilité dans les textes, pour redonner aux clients la volonté de revenir dans les ports français.

La charte mentionnée à l'article 6 ne remet nullement en cause les accords et modes de fonctionnement actuels dans les ports. Les négociations ne porteront que sur les futures installations. Il faut faire confiance à la négociation. La charte donnera la possibilité à chaque port de recourir ou non à l'intermittence, en fonction de ses spécificités. C'est une avancée. Par conséquent, notre groupe se prononcera contre tout amendement à ce texte.

M. Didier Mandelli . - Je m'associe aux félicitations qui vous sont adressées pour ce premier rapport. Sur le fond, je m'étonne qu'il ait fallu quarante-cinq ans pour régler un problème touchant quelques milliers de personnes, qui ont certes le pouvoir de bloquer un pan important de l'économie nationale. Je trouve également indélicat qu'un deuxième rapporteur ait trouvé bon d'auditionner les mêmes personnes que M. Vaspart et conteste le rapport de celui-ci.

M. Rémy Pointereau . - Quelles sont ces voix dissonantes auxquelles vous faites référence ? Pouvez-vous nous donner des éléments sur le nombre de jours de travail des dockers dans l'année et leur rémunération, en métropole et outre-mer ? J'ai entendu parler d'un salaire moyen de 6 000 euros dans les DOM et de 4 000 euros en France métropolitaine.

La situation m'apparaît équivalente à celle de la SNCF, toujours régie par une convention collective qui est désormais à des années-lumière de la réalité. Voici cinquante ans, les conditions de travail des dockers étaient très différentes, notamment pour ce qui est du levage. On ne peut pas vivre éternellement sur des acquis, d'autant que, comme le dit M. Vaspart, notre attractivité et notre image en sont affectées. Nous avons des difficultés à exporter nos céréales et nos produits élaborés.

Mme Annick Billon . - Si l'objectif du texte est de clarifier les règles de priorité d'emploi des dockers, ainsi que de garantir la liberté de concurrence et d'installation, et si la charte a été signée par toutes les parties, nous avons toutes les raisons de nous en féliciter. C'est un cadre précis qui évitera les dérapages.

Mme Évelyne Didier . - Notre famille de pensée entretient des liens historiques avec les dockers. En l'espèce, un compromis a été trouvé, par nature imparfait. Je ne trouve rien à redire à la charte, dans la mesure où elle ne remet pas en cause l'existant.

Pour répondre à notre collègue M. Mandelli, Mme Herviaux travaille sur la question des ports depuis longtemps au sein de notre commission. Chacun d'entre nous peut rencontrer qui il souhaite afin d'éclairer son avis ; sinon, autant s'en remettre entièrement au rapporteur, en nous amputant de tout esprit critique.

Même s'il a gagné en technicité, le métier de docker reste un travail de force, et tous ici n'auraient pas les capacités pour l'exercer. Enfin, je demande au rapporteur de modifier la formule de « définition chromosomique », que je trouve choquante. L'exercice d'un métier de père en fils se retrouve dans d'autres professions ; et il ne me paraît pas opportun de désigner ainsi la transmission d'un savoir-faire. J'indique enfin que notre groupe souhaite que le texte de la proposition de loi demeure en l'état.

M. Claude Bérit-Débat . - Dès lors que des organisations syndicales souhaitent rencontrer un parlementaire, rien ne s'oppose à ce qu'il les reçoive. Je ne m'en suis jamais offusqué lorsque je rapportais un texte...

La proposition de loi est le fruit d'un véritable dialogue social ; or je suis favorable au dialogue social, à plus forte raison dans la conjoncture actuelle. Les échos que j'en ai reçus dans ma circonscription - certes sans accès à la mer, mais proche des grands ports d'Aquitaine - m'incitent à ne pas revenir sur ce texte.

M. Ronan Dantec . - Ces jours-ci, les journaux font leurs gros titres sur l'impossibilité du dialogue social et du compromis entre employeurs et salariés. Pour une fois que le Gouvernement inscrit dans la loi un compromis négocié par les partenaires sociaux, on voudrait le détricoter ! Venant de ceux qui n'ont pas de mots assez durs sur les événements récents à Air France, c'est contradictoire.

Mme Natacha Bouchart . - Rappelons que le travail de certains dockers, notamment les lamaneurs, reste très difficile, en particulier dans le port de Calais. Pour ma part, j'irai dans le sens du rapporteur. Il n'est pas opportun d'engager un conflit avec les dockers, qui sont de moins en moins nombreux. Il existe des accords locaux qui fonctionnent bien. Si une charte est mise en place, elle doit l'être au niveau national. Elle doit être signée non seulement par les organisations d'employeurs et de salariés de la manutention portuaire, mais aussi par les représentants des chargeurs et des réceptionnaires de marchandises. La loi pourrait également prévoir une possibilité d'aménagement par place portuaire selon les us et coutumes locaux.

M. Jean-Jacques Filleul . - Je salue votre travail, mais je suis troublé par vos conclusions. Mon expérience politique m'incite à la prudence. La loi de 2008 était un bon compromis, et le présent texte a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Ce compromis est soutenu par les professionnels : attention à ne pas allumer de nouveaux feux. Quant aux auditions de Mme Herviaux, il est normal que l'opposition rencontre l'ensemble des protagonistes dans le cadre de l'élaboration de la loi.

M. Alain Fouché . - Ce n'est pas parce que ce texte est issu d'un compromis que le Parlement doit y être favorable. Le compromis n'est pas acceptable à n'importe quel prix. Voyez la situation des contrôleurs aériens. Tout cela n'est pas bon pour la gestion financière du pays.

Mme Odette Herviaux . - L'accord n'a pas été négocié entre les syndicats et le Gouvernement, mais entre le patronat - à travers l'Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF) - et les syndicats, le Gouvernement l'ayant ensuite traduit dans la loi.

M. Michel Vaspart , rapporteur . - Le terme « chromosomique » a été employé par l'un de mes interlocuteurs, mais je suis prêt à le retirer du rapport ! Je n'ai pas de désaccord profond avec Mme Herviaux. Lors de ma première journée d'auditions, j'ai reçu Mme Bonny et son équipe. Dès lors qu'un accord existait entre les représentants de la manutention et le syndicat majoritaire, qui représente 80 % de l'activité portuaire française - le deuxième syndicat a néanmoins une position différente - et que le texte présenté reprend presque in extenso les recommandations du rapport de Mme Bonny, je n'étais pas convaincu de la nécessité de le retoucher.

Mais à l'issue de mes deux journées d'audition, et notamment après avoir entendu les chargeurs et les transporteurs de voyageurs, je me suis rendu compte que l'article 6, s'il était maintenu en l'état, risquait de raviver des conflits. Chaque port a un fonctionnement différent. Nous sommes parvenus à un équilibre : depuis la mise en oeuvre en 2011 de la réforme prévue par la loi de 2008, nous avons été épargnés par les conflits sociaux. Or les représentants des ports et des entreprises de taille petite et moyenne m'ont alerté sur un risque de reprise de ces conflits si la loi restait en l'état.

Le problème des intermittents, soulevé par le conflit de Port-La Nouvelle, doit être réglé. Nous serons certainement amenés à redéfinir par la loi le fonctionnement des ports et le statut des dockers, mais par une loi négociée, non un texte adopté en procédure accélérée.

La révision du périmètre pose un problème de fond. Nous ne pouvons imposer des dockers aux vraquiers et céréaliers. Un docker est payé en moyenne 4 à 5 000 euros par mois. Or certaines entreprises emploient pour les mêmes tâches des personnes dont la rémunération n'est pas comparable. Si demain, par une négociation quelque peu forcée, nous remettons en discussion le périmètre d'activité des dockers, comme l'autorise la proposition de loi...

Mme Odette Herviaux . - La charte ne s'applique qu'aux nouvelles implantations.

M. Michel Vaspart , rapporteur . - Il existe en tout cas une crainte qui me semble fondée. Les vraquiers ont des marges très faibles, et leur compétitivité est en souffrance. Nous ne pouvons pas nous permettre de les affaiblir encore davantage. Il faut s'en tenir à la régularisation du problème surgi à Port-La Nouvelle.

M. Hervé Maurey , président . - Je puis attester que le rapport de M. Vaspart est dénué de tout esprit dogmatique ou polémique. Notre rapporteur a simplement évolué dans sa réflexion au cours de ses auditions.

EXAMEN DES AMENDEMENTS ET ADOPTION DU TEXTE DE LA COMMISSION

Les articles 1 er et 2 sont adoptés sans modification.

Art icle 3

M. Michel Vaspart , rapporteur . - L'amendement n° COM-1 est rédactionnel. La formulation actuelle de l'article L. 5343-3 ne cible que « les entreprises de manutention portuaire ou leurs groupements » pour le recrutement prioritaire des dockers mensualisés parmi les dockers intermittents ou occasionnels. Or la nouvelle rédaction proposée vise « une entreprise ou (...) un groupement d'entreprises », ce qui introduit une ambiguïté suggérant une extension potentielle du champ d'application. Cet amendement maintient le droit en vigueur, plus explicite.

M. Jean-Jacques Filleul . - Nous voterons contre l'ensemble des amendements, bien que nous respections votre position.

L'amendement n° COM-1 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

M. Michel Vaspart , rapporteur . - La définition des dockers occasionnels inscrite à l'article 5 rend plus difficile le recours à l'intérim classique, en prévoyant une priorité d'emploi des dockers occasionnels. L'amendement n° COM-2 maintient l'équilibre du droit en vigueur.

L'amendement n° COM-2 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

L'amendement de suppression n° COM-3 étant adopté, l'article 6 est supprimé.

Article 7

M. Michel Vaspart , rapporteur . - L'amendement n° COM-4 est un corollaire de la suppression de l'article 6.

L'amendement n° COM-4 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 8 est adopté sans modification.

Article 9

M. Michel Vaspart , rapporteur . - L'article 6 étant supprimé, la demande de rapport sur la charte n'a plus lieu d'être.

L'amendement de suppression n° COM-5 est adopté. L'article 9 est en conséquence supprimé.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 15 septembre 2015 :

- Commission sur le régime d'emploi des ouvriers dockers : Mme Martine Bonny , inspectrice générale de l'écologie et du développement durable et présidente de la commission sur le régime d'emploi des ouvriers dockers ; M. Gilles Bélier , vice-président du Conseil d'orientation pour l'emploi ; Mme Marie-Françoise Simon-Rovetto , présidente du Conseil supérieur de la marine marchande et M. Thierry Tuot , conseiller d'État et administrateur représentant l'État au port autonome de Paris et aux grands ports maritimes de Rouen et du Havre ;

- Union nationale des industries de la manutention dans les ports français (UNIM) : MM. Nicolas Gauthier , vice-président, Christophe Pietri , président de la commission sociale, Xavier Galbrun , délégué général et Mme Magali Bonnecarrere , responsable juridique ;

- Union des ports de France (UPF) : M. Bernard Mazuel , délégué général ;

- Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF) : M. Christian Rose , délégué général ;

- Coordination nationale des travailleurs portuaires et assimilés (CNTPA-CFDT) : MM. Franck Gonsse , secrétaire général national CNTPA et Gilles Denigot, président d'honneur CNTPA ;

- Ministère des transports : M. Frédéric Guzy , conseiller social au cabinet du ministre, Mme Constance Deler , conseillère parlementaire du ministre et M. Jean-Pascal Biard , sous-directeur du travail et des affaires sociales de la Direction Générale des Infrastructures des Transports et de la Mer (DGITM).

Mercredi 16 septembre 2015 :

- Fédération nationale des ports et docks (CGT) : MM. Tony Hautbois , secrétaire général, Jérémy Barbedette , secrétaire général CGT Dockers Bordeaux, Johann Fortier , secrétaire général CGT Dockers du Havre, Ludovic Geffre , secrétaire général CGT Dockers de La Rochelle, Ludovic Lomini , secrétaire général CGT Dockers de Marseille, Laurent Pastor , secrétaire général CGT Dockers du Golfe de Fos, Jean-Michel Rio , secrétaire général CGT Dockers de Saint-Malo et Stéphane Duhoo , secrétaire général adjoint CGT Dockers de Saint-Malo.

Mardi 29 septembre 2015 :

- Syndicat national du commerce d'exportation de céréales (SYNACOMEX) : Mme Valérie Chanal , secrétaire générale, et M. Antoine Harmel , membre de la commission « silos portuaires » ;

- Union portuaire rouennaise (UPR) : MM. Pierre-Marie Hébert , directeur, et Éric Dubès , président du syndicat des manutentionnaires et employeurs de main-d'oeuvre du port de Rouen ;

- Cluster maritime français : M. Frédéric Moncany de Saint-Aignan , président ;

- Bureau de promotion du transport maritime à courte distance (BP2S) : MM. Jean-Marc Roué , président, et Gilles Bidamant , directeur des opérations portuaires de Brittany Ferries ;

- Compagnie maritime d'affrètement - Compagnie générale maritime (CMA CGM) : M. Laurent Martens , vice-président de Terminal Link.


* 1 Dès le printemps 1939, un décret confie aux autorités portuaires le soin de délivrer des cartes de docker en fonction des besoins de chaque site. Le Gouvernement de Vichy a complété ce décret par l'acte dit « loi du 28 juin 1941 » qui réserve, pour la première fois, les travaux de manutention portuaire aux dockers titulaires d'une carte professionnelle. Il confie le contrôle de l'embauche à des bureaux centraux de la main-d'oeuvre (BCMO).

* 2 Le montant de l'indemnité de garantie reste fixé au niveau national mais le taux de la cotisation imposée aux employeurs est désormais fixé port par port (article L. 5343-12 du code des transports).

* 3 Dunkerque, Calais, Boulogne, Le Tréport, Dieppe, Fécamp, Le Havre, Rouen, Honfleur, Caen, Cherbourg, Saint-Malo, Roscoff, Brest, Douarnenez, Concarneau, Lorient, Nantes - Saint-Nazaire, La Rochelle, Bordeaux, Bayonne, Port-Vendres, Port-la-Nouvelle, Sète, Marseille, Toulon, Nice, Bastia et Ajaccio.

* 4 Ce dispositif d'autorisation d'outillage privé avec obligation de service public n'existe plus aujourd'hui que dans les ports autonomes (article R. 5313-81 du code des transports) et dans les ports non autonomes de commerce et les ports de pêche relevant de la compétence de l'État à Saint-Pierre-et-Miquelon (article R. 122-11 du code des ports maritimes).

* 5 Décision du 28 mars 2000, CCI de La Rochelle c/ Syndicat CGT des ports et docks.

* 6 Codifié à l'ancien article R. 511-2-2 du code des ports maritimes, désormais article R. 5343-4 du code des transports.

* 7 Martine Bonny, Entreprises de manutention portuaire et régime d'emploi des ouvriers dockers, juillet 2014.

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