II. UN PROJET DE LOI PERMETTANT DE RENFORCER LA PRÉVENTION DES RISQUES ET LA PROTECTION DES CITOYENS

A. LA SÉCURITÉ DES FORAGES PÉTROLIERS EN MER

Le titre I er du projet de loi comporte des dispositions relatives à la sécurité des opérations pétrolières et gazières. Pour l'essentiel (articles 1 à 8 et article 10), il vise à transposer la directive 2013/30/UE du 12 juin 2013 adoptée suite à l'accident de Macondo, survenu en 2010 dans le Golfe du Mexique.

Les enjeux de la production offshore d'hydrocarbures

La production offshore joue un rôle important dans notre approvisionnement énergétique. Selon l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN), elle représente 30 % de la production mondiale de pétrole et 27 % de celle de gaz . Ces pourcentages sont restés stables depuis le début du XX ème siècle, malgré le fort développement onshore des hydrocarbures non conventionnels, comme les sables bitumineux et les hydrocarbures de schiste. Cette importance de l' offshore devrait se maintenir : il représente 20 % des réserves mondiales de pétrole et 30 % de celles de gaz.

La majorité de la production est opérée par moins de 500 mètres d'eau . Cependant, l' offshore dit « profond », à plus de 1 000 mètres de hauteur d'eau, se développe depuis les années 1990, grâce à des avancées technologiques majeures , notamment dans le domaine de la sismique ou des installations sous-marines. Environ 450 champs ont été découverts, dont 38% dans le golfe du Mexique, 26 % dans le golfe de Guinée et 18% au Brésil.  Le développement de l' offshore profond se poursuit un rythme soutenu : on estime que près de 30 nouveaux champs situés sous plus de 1 000 mètres d'eau seront mis en production tous les ans d'ici à 2020, soit plus du double de la décennie 2000-2010. Au total, la part de l' offshore profond est passée de 3 % à environ 6 % de la production mondiale de pétrole depuis 2008.

Comme pour les hydrocarbures non conventionnels, les principales contraintes sont économiques et environnementales. Malgré les avancées technologiques, les coûts d'exploration, de construction des plateformes et navires spécialisées, de forage et d'évacuation des hydrocarbures représentent des investissements de plusieurs milliards de dollars par opération . Chaque projet doit être analysé au cas par cas pour déterminer sa compétitivité économique.

En effet, à de telles profondeurs, les défis sont multiples , à commencer par les conditions météorologiques (ouragans, tempête et houle) et les conditions d'exploitation (substitution de robots à l'intervention humaine). L'exploitation ne se fait plus avec des plateformes fixes reliées aux têtes de puits par des tubes rigides, mais avec des installations flottantes reliées aux puits par des conduits flexibles , les risers : certains servent à l'injection de l'eau et du gaz qui poussent le pétrole vers les puits de production, d'autres remontent le pétrole. Ils doivent être enveloppés dans des gaines isothermes sinon le pétrole brut, qui sort à plus de 50 degrés Celsius, se refroidit trop vite dans les eaux froides de profondeur et les paraffines obstruent les tuyaux. De plus en plus d'opérations sont effectuées directement sur le fond de la mer , comme par exemple la séparation du pétrole et du gaz , constituant ainsi une véritable « usine » sous-marine.

En outre, pour évacuer la production , on peut utiliser un réseau de pipelines , déposés par des navires spécialisés et des robots sous-marins. Mais loin des côtes, on préfère une barge ou un navire-citerne qui assure la triple fonction de production, de stockage et de déchargement. Ces Floating Production Stocking and Off-loading (FPSO) peuvent stocker jusqu'à 2,5 millions de barils. Un même champ peut comporter plusieurs FPSO, qui peuvent rester en place 20 à 25 ans . Dans l'idée de rapprocher le plus possible toutes les opérations du lieu de production, des compagnies réfléchissent également à des projets de Floating Liquefied Natural Gas (FLNG) permettant de liquéfier le gaz dès sa production sur des bâtiments flottants : l'avantage est de ne pas avoir à construire de gazoducs et d'usines de liquéfaction sur les côtes, projets toujours coûteux et contestés pour leurs impacts environnementaux à terre.

Au final, seules les majors (Exxon-Mobil, BP, Shell, Total et Chevron-Texaco) ou certaines compagnies nationale s, comme Petrobras, disposent réellement de la capacité technique et financière nécessaire pour mener des opérations offshore d'envergure. En dépit des coûts élevés, c'est d'ailleurs dans ces zones offshore qu'elles ont réalisé la plupart de leurs grandes découvertes récentes pour trois raisons principales : la plupart des réserves onshore ont déjà été explorées et sont souvent exploitées par les sociétés nationales des États producteurs (Arabie saoudite, Russie, Mexique) ; l'exploitation offshore permet de se protéger des conflits à terre , comme par exemple dans le golfe de Guinée où il est plus sûr de produire en mer ; enfin, le prix du baril périodiquement élevé a aussi favorisé ce développement.

En France, l'activité offshore concerne aujourd'hui principalement des explorations au large de la Guyane française et dans les TAAF . Dans le cadre du permis d'exploration dit « Guyane maritime » accordé en 2011 (à Hardman Petroleum , Shell et Total Guyane), à la suite d' un premier forage qui s'est avéré positif , quatre forages complémentaires ont été réalisés en 2013, sans qu'aucun d'eux ne révèle la présence d'hydrocarbures . Par ailleurs, en 2013, deux demandes de permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures ont été déposées par Total au nord et au sud de « Guyane Maritime » : UDO (à 70% aux côtés de Hardman Petroleum ) et SHELF (à 50% aux côtés d'Esso). De plus, dans les TAAF, deux permis exclusifs de recherches ont été attribués en 2008 au large de l'île de Juan de Nova, dans le canal du Mozambique (au large de Madagascar) : « Juan de Nova Maritime Profond » ( Marex et Roc Oil Compagny ) et « Juan de Nova Est » ( Nighthawk Energy , Jupiter Petroleum et Osceola ).

Sources : IFP Énergies Nouvelles (IFPEN) et Planète Énergies (Total)

L'article 1 er renforce les règles relatives à la capacité financière des demandeurs d'un permis exclusif de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux en mer. Ceux-ci doivent prouver qu'ils ont pris les dispositions adéquates pour « assumer les charges qui découleraient de la mise en jeu de [leur] responsabilité en cas d'accident majeur et pour assurer l'indemnisation rapide des dommages causés aux tiers ». Ces dispositions doivent être valides et effectives dès l'ouverture des travaux . Elles peuvent notamment prendre la forme de garanties financières , dont la nature et le montant seront déterminés par décret en Conseil d'État.

L'article 2 constitue, pour l'octroi de concessions, le pendant de l'article premier.

L'article 3 prévoit que l'administration dispose, lors du dépôt d'une demande d'autorisation de travaux miniers en mer, d'un rapport spécifique sur les dangers majeurs occasionnés par les installations et leur maîtrise, plus complet que l'actuelle étude de dangers, notamment en ce qui concerne les risques environnementaux

L'article 4 détaille la procédure de mise en oeuvre du programme de vérification indépendante nécessaire à l'obtention d'un permis de travaux miniers en mer.

L'article 5 permet à l'administration d'exiger un rapport sur les circonstances de tout accident majeur survenu hors de l'Union Européenne sur une plateforme offshore d'une entreprise enregistrée sur le territoire national .

L'article 6 précise que l'exploitant devra prendre en charge les frais d'intendance supportés par l'administration lors de l'inspection d'une installation offshore .

L'article 6 bis , inséré par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, aligne les sanctions pénales applicables en cas d'infraction aux règles relatives à la recherche et à l'exploitation minières offshore sur celles prévues pour les infractions onshore .

L'article 7 introduit des dérogations de bon sens à l' interdiction de pénétrer dans la zone de sécurité définie autour des installations offshore, par exemple pour les navires en situation de détresse ou ceux chargés de l'inspection de cette zone.

L'article 8 étend le champ d'application du principe pollueur-payeur à la pollution des eaux marines .

L'article 9 porte sur le sujet spécifique des stockages souterrains d'hydrocarbures et de gaz naturel . Depuis la transposition en droit français de la directive Seveso III, ces stockages relèvent de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), et non plus du code minier. L'article 9 procède à quelques coordinations manquantes afin que ce régime s'applique pleinement à ces stockages.

Enfin, l'article 10 prévoit l'application des dispositions du titre Ier à Wallis et Futuna ainsi qu'aux Terres australes et antarctiques françaises.

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