CHAPITRE II - DES HABILITATIONS

Article 52 - Habilitations à prendre par ordonnance diverses dispositions relevant du domaine de la loi

En premier lieu, le 1° de l'article 52 du projet de loi sollicite une habilitation en vue de tirer les conséquences de l'article 8 du projet de loi, qui transfère au tribunal de grande instance (TGI) les compétences du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) et du tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI) ainsi qu'une partie des compétences de la commission départementale d'aide sociale (CDAS), et qui transfère aux cours d'appel les compétences d'appel de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT). Dans ces conditions, les TASS et les TCI seraient supprimés et la CNITAAT ne subsisterait que pour une compétence résiduelle de premier et dernier ressort, ne concernant que les employeurs, sur la tarification en matière d'accidents du travail.

Ainsi que votre rapporteur l'a indiqué au commentaire de l'article 8 du projet de loi, l'habilitation est particulièrement large, puisqu'elle ne définit pas les contours et modalités de ce transfert de compétences et ne tranche pas les aspects fondamentaux que sont la présence des assesseurs ou bien le caractère obligatoire ou non de la représentation pour traiter ce contentieux devant le TGI. Le Gouvernement sollicite une telle habilitation en vue de conserver la plus grande marge de manoeuvre pour définir cette réforme qui n'est qu'esquissée dans le projet de loi, car très peu préparée en amont.

Votre commission ayant prévu à l'article 8 du texte, à l'initiative de son rapporteur, la création d'un tribunal des affaires sociales , juridiction sociale unique et échevinée rattachée au TGI, en substitution du TASS, du TCI et de la CDAS, dont les décisions relèveraient en appel des cours d'appel et éventuellement d'une cour spécialisée pour le contentieux technique de la sécurité sociale, elle a adopté au présent article, sur la proposition de son rapporteur, un amendement COM-97 de coordination pour limiter le champ de l'habilitation aux seules mesures nécessaires à la mise en place du tribunal des affaires sociales.

En second lieu, le 2° du présent article vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi pour limiter la participation des magistrats de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire aux seules commissions administratives dans lesquelles leur présence se justifie au regard des droits ou des libertés en cause. Cette ordonnance modifierait en conséquence la composition des commissions dans lesquelles les magistrats ne siègeraient plus.

En troisième lieu, les 3° et 4° de l'article 52 du projet de loi sollicitent également une double habilitation en matière de propriété industrielle . Il s'agit, d'une part, de mettre en conformité le droit français avec deux règlements européens du 17 décembre 2012 relatifs à la mise en oeuvre de la coopération renforcée en vue de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet. Il s'agit aussi, d'autre part, de mettre en oeuvre l'accord international relatif à une juridiction unifiée du brevet (JUB) 173 ( * ) , conclu dans le cadre d'une coopération renforcée au sein de l'Union européenne et signé le 19 février 2013 par vingt-cinq États membres. Son entrée en vigueur est soumise à la ratification par treize signataires au moins, dont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Parmi ces trois États, seule la France a ratifié cet accord, en mars 2014.

En vertu de cet accord, la JUB aurait compétence exclusive à l'égard des États parties pour connaître des litiges en matière de brevets européens et de brevets unitaires européens. C'est un dispositif complémentaire de la convention sur le brevet européen, ratifiée par tous les États membres, qui prévoit une procédure unique pour la délivrance de brevets européens par l'Office européen des brevets. Un des règlements avec lesquels il faut mettre en conformité le droit français permet que le titulaire d'un brevet européen puisse demande que son brevet ait un effet unitaire et obtenir de ce fait une protection unitaire dans l'ensemble des États membres concernés. La JUB comporterait un tribunal de première instance, une cour d'appel et un greffe. Le tribunal de première instance aurait son siège à Paris, une division centrale composée de trois sections situées à Paris, Londres et Munich, ainsi que des divisions locales et régionales dans les États parties, tandis que la cour d'appel aurait son siège à Luxembourg.

Dans la mesure où elles sont précises et ne laissent guère de marge d'appréciation au Gouvernement, compte tenu de leur objet, ces habilitations ne soulèvent pas de réserve particulière de la part de votre commission, en dehors du fait que les sujets concernés sont importants pour la compétitivité des entreprises françaises et européennes et auraient mérité un débat devant le Parlement à l'occasion de l'adaptation de la législation française.

En dernier lieu, le 5° du présent article vise à habiliter le Gouvernement à créer par ordonnance un statut de consultant juridique étranger pour les avocats ou les personnes exerçant des activités équivalentes, ressortissants d'États qui ont signé avec l'Union européenne des engagements internationaux en ce sens, d'autoriser ces professionnels, sous certaines conditions, à donner des consultations juridiques et à rédiger des actes sous seing privé dans des domaines déterminés.

Ces professionnels pourraient intervenir sur les questions touchant au droit de leur pays d'origine, au droit international public et au droit de tout État pour lequel ils seraient habilités.

En l'état de la réglementation française, pour pouvoir exercer en France, ces professionnels doivent passer un examen d'aptitude 174 ( * ) .

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi 175 ( * ) , la création de ce statut répond à « une demande de la profession d'avocat qui y voit une opportunité d'étoffer la palette des services proposés au sein des cabinets français, afin notamment d'accroître leur compétitivité sur la scène internationale ».

Le présent article prévoit que ces ordonnances seront prises dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi et que leur projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de leur publication.

Votre commission a adopté l'article 52 ainsi modifié .


* 173 Le texte de cet accord est consultable à l'adresse suivante :

http://documents.epo.org/projects/babylon/eponet.nsf/0/A1080B83447CB9DDC1257B36005AAAB8/$File/upc_agreement_fr.pdf.

* 174 Cet examen est régi par les dispositions prévues à l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et à l'article 100 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

* 175 Étude d'impact p. 242.

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