Rapport n° 555 (2015-2016) de M. Jean-Paul FOURNIER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 27 avril 2016

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N° 555

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 avril 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie sur l' encouragement et la protection réciproques des investissements ,

Par M. Jean-Paul FOURNIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall, Bernard Vera .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

669 (2014-2015) et 556 (2015-2016)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 669 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Bogota le 10 juillet 2014.

Il s'agit du premier accord de protection des investissements signé par la France depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui a transféré les investissements étrangers directs dans le champ de compétences de l'Union européenne au titre de la politique commerciale commune.

La négociation de cet accord et sa signature ont été autorisées par la Commission européenne conformément au règlement n° 1219/2012 du Conseil et du Parlement établissant des dispositions transitoires pour les accords bilatéraux d'investissement conclus entre des Etats membres et des pays tiers.

Sur le fond, cet accord vise à assurer la protection juridique des investissements français ou colombiens contre les risques qu'ils pourraient encourir dans l'Etat qui les accueille.

En pratique, il permettra de renforcer la présence de nos investisseurs en Colombie, où la France détient le 6 ème stock d'investissements étrangers. Réciproquement, il pourra contribuer à promouvoir l'attractivité de la France auprès des investisseurs colombiens.

Cet accord est d'autant plus opportun que l'économie colombienne est dynamique et attractive pour les entreprises françaises.

Votre commission a donc adopté ce projet de loi.

I. LA COLOMBIE, UN PAYS D'OPPORTUNITÉS EN MATIÈRE D'INVESTISSEMENTS

A. UNE ÉCONOMIE DYNAMIQUE ET UN RISQUE POLITIQUE À LA BAISSE

1. Une économie dynamique malgré la baisse des prix du pétrole

Depuis 10 ans, la Colombie a connu une croissance solide et régulière  (+4,7% en moyenne) . L'économie colombienne est ainsi la 4 ème économie d'Amérique latine , derrière le Brésil, le Mexique et l'Argentine, avec un PIB de 400 milliards de dollars en 2014 (8000 dollars par habitant). Le pays a en effet bénéficié ces dernières années du cours élevé des matières premières et d'une demande externe forte.

Le dynamisme de son économie lui a permis de réduire sa vulnérabilité externe , grâce à une politique d'accumulation des réserves internationales de devises et de consolidation de la dette. Alors que la dette externe (dette détenue par des investisseurs étrangers) s'élevait à 39% du PIB en 2002, elle a été réduite à 22,1% du PIB en 2015.

En conséquence, le pays a bénéficié d'une amélioration de la notation de ses obligations souveraines, après avoir connu une forte dégradation suite à la crise financière subie par le pays en 1999. En 2015, la dette souveraine de la Colombie est notée BBB par Standard and Poor's , Baa2 par Moody's et BBB par Fitch .

Le pays entretient par ailleurs de bonnes relations avec le FMI et la Banque mondiale. En 2013, la Colombie a obtenu une nouvelle ligne de crédit flexible du FMI, pour un montant de 5,9 milliards de dollars. La Banque mondiale est engagée en Colombie à hauteur de 600 millions de dollars annuels, principalement dans les transports urbains et l'environnement. Enfin, la Colombie poursuit progressivement les étapes en vue d'une adhésion à l'OCDE . Les examens techniques par les différents comités doivent se poursuivre en 2016.

La Colombie s'est inscrite en 2015 dans un cadre macro-économique dominé par la chute des cours des matières premières (-17,4% en moyenne hors produits pétroliers), plus accusée encore dans le cas des hydrocarbures (-47,8% en moyenne annuelle pour le pétrole brut, à 48,67 dollars contre 93,17 en 2014).

Or, le pétrole (1 million de barils/jour en moyenne en 2015) représente, selon les années, 50 à 55% des exportations, un tiers de l'investissement direct étranger et un sixième environ des recettes budgétaires de la Colombie. Conséquence directe de la chute des cours du pétrole, le peso colombien s'est déprécié en moyenne annuelle de 37,3% par rapport au dollar, alors qu'il avait affiché au cours des 4 années précédentes une assez grande stabilité (dépréciation moyenne de 1,6% par an).

En lien avec la dépréciation du peso, l'évolution de l'indice des prix à la consommation (IPC) constitue en 2015 l'un des points négatifs de l'économie colombienne . L'IPC s'est établi en fin d'année à 6,77% (3,7% en 2014 et 1,9% en 2013), au-delà de la cible d'inflation de la Banque de Colombie fixée à 3% (+/- 1 point de pourcentage).

Face au recul des prix du pétrole, les recettes du gouvernement central dans ce secteur sont passées en un an de 2,6 à 1,2 points de PIB. Le déficit de l'Etat a été cependant contenu à 3% du PIB (2,4% en 2014), grâce notamment à de bonnes rentrées fiscales (en hausse de 8,2% ou +0,6 point de PIB, pour atteindre 105,9% de la cible définie dans le budget) et à une compression des dépenses courantes (-0,1 point de PIB) et d'investissement (-0,3 point de PIB).

La dette publique a progressé d'environ 3,7 points de PIB à 43,7%, mais reste majoritairement domestique et libellée en monnaie locale. La notation souveraine du pays est restée inchangée en 2015, mais S&P a dégradé la perspective à négative en début d'année, les deux autres agences de notation restant pour le moment à « stable ».

En dépit de la baisse des prix du pétrole, la croissance du PIB s'est établie à 3,1% en 2015 . Cette performance s'est accompagnée d'un reflux du taux de chômage (8,9% en moyenne annuelle contre 9,1% en 2014) et d'un recul de la pauvreté : le pourcentage de la population vivant dans la pauvreté (28,2%) est passé en-dessous de celui de la population appartenant à la classe moyenne (30,5%). En outre, les réserves de change restent très élevées : à 46,3 milliards de dollars fin février 2016, elles ne reculent que de 0,4 % sur un an et représentaient 10,3 mois d'importations fin 2015 (8,8% fin 2014).

Le dynamisme de son économie vaut ainsi à la Colombie de faire partie du groupe des CIVETS (qui regroupe la Colombie, l'Indonésie, le Vietnam, l'Egypte, la Turquie et l'Afrique du Sud) 1 ( * ) . Elle est également classée par la Coface dans le groupe des PPICS (aux côtés du Pérou, des Philippines, de l'Indonésie et du Sri Lanka), identifiés comme des émergents prometteurs susceptibles de prendre le relais des BRICS.

2. Un pays en voie de stabilisation politique

Engagée par le président Uribe en 2002, la politique dite « de sécurité démocratique » a conduit à neutraliser progressivement les groupes armés illégaux. Elu en 2010 et réélu en juin 2014 avec 51% des voix, l'actuel président Juan Manuel Santos a poursuivi les efforts de pacification du pays de son prédécesseur. Lors de son discours d'investiture, le 7 août 2014, le président réélu a fixé trois grandes orientations à son nouveau gouvernement : la paix, l'équité et l'éducation.

Pour mettre un terme à un conflit de cinquante ans qui a fait plus de 200 000 morts et a touché au total près de 7 millions de personnes, des négociations de paix ont été officiellement engagées par le Président Santos avec la guérilla des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie) lors de son premier mandat (2010-2014) le 19 novembre 2012 à La Havane, sous les auspices de Cuba et de la Norvège, « pays garants ». Quatre des cinq volets de l'ordre du jour ont désormais été conclus : développement rural ; garanties pour l'exercice politique de l'opposition ; lutte contre le trafic de drogue ; justice et réparations aux victimes.

Les négociations portent actuellement sur le dernier point à l'ordre du jour : l'arrêt définitif des combats , mais ces discussions ont pris du retard et différé par contrecoup la signature de l'accord de paix global (qui avait été annoncée par le Président Santos pour le 23 mars 2016). Cet accord global devra ensuite être soumis à l'approbation du peuple colombien par référendum.

La communauté internationale s'est de son côté engagée pour mettre en place en Colombie, avec la contribution des pays latino-américains (CELAC), une mission politique (observateurs non armés) chargée de veiller au respect du cessez-le-feu (résolution votée au Conseil de Sécurité des Nations unies le 25 janvier 2016, à l'unanimité de ses membres). Les premiers effets sur le terrain de la mise en oeuvre législative des cinq accords partiels ne devraient donc pas intervenir avant la fin de 2016 mais sont plus probablement encore à attendre pour le premier semestre 2017 (période qui coïncide avec la saison de la France en Colombie et avec l'entrée officielle de la Colombie dans l'OCDE).

Du fait de la guerre et des trafics (narcotrafic en premier lieu), les violations des droits humains restent à un niveau préoccupant en Colombie (disparitions, tortures et intimidations, violences faites aux femmes, mines antipersonnel, enrôlement d'enfants soldats, populations déplacées). Au cours des dernières années, l'État colombien a cependant multiplié ses efforts pour améliorer cette situation et renforcer sa coopération avec la communauté internationale : acceptation de l'examen périodique universel de la Commission des droits de l'homme de l'ONU (en 2008, puis en 2013), instauration d'un dialogue formel sur les droits de l'homme entre l'Union européenne et la Colombie (sous présidence française de l'UE, en 2008), levée de la réserve au statut de la Cour pénale internationale s'agissant des crimes de guerre (1er novembre 2009), renouvellement du mandat du Haut-commissariat aux droits de l'homme en Colombie (2011-2014, puis 2014-2018).

B. UNE RELATION FRANCO-COLOMBIENNE SOUTENUE

1. Des échanges commerciaux dynamiques

Les échanges commerciaux entre la France et la Colombie ont triplé entre 2004 (490 millions d'euros) et 2013 (1,582 milliard d'euros) . La France enregistre un excédent commercial depuis 2006 qui fluctue au gré des livraisons aéronautiques à la compagnie Avianca (Airbus et désormais ATR). Cette dynamique devrait se prolonger grâce à la commande en avril 2015, par la compagnie nationale colombienne Avianca, de 100 Airbus de type A320 Neo (10,6 milliards de dollars).

En 2015, les exportations françaises se sont établies à 841 millions d'euros (-14,4% par rapport à 2014) et nos importations en provenance de Colombie à 380 millions d'euros (+4,6%), générant un excédent de 461 millions d'euros pour la France (contre 619 millions d'euros en 2014 et 525 millions d'euros en 2013). Il s'agit du 4ème excédent français sur le continent (derrière celui réalisé avec le Brésil, le Mexique et l'Argentine) et le 28ème dans le monde (20ème en 2014).

Au plan mondial, la Colombie est le 56ème client de la France , reculant de 4 rangs par rapport à 2014. La performance de nos exportations vers l'Amérique latine en général ayant été nettement plus favorable (+11,8%), la Colombie redescend à la 4ème place, derrière le Brésil (4,8 milliards d'euros, en hausse de 11,7%), le Mexique (+ 26,5% à 3,2 milliards d'euros) et l'Argentine (+44,7% à 1,29 milliards d'euros). Elle reste en revanche notre premier débouché au sein des pays andins (hors Chili), nos exportations vers ce pays représentant davantage que vers le total des 4 autres: Venezuela (280 millions d'euros), Pérou (250 millions d'euros), Equateur (145 millions d'euros) et Bolivie (55 millions d'euros).

La baisse de 141 millions d'euros de nos exportations est liée à la diminution de nos exportations d'avions (en repli de 178 millions d'euros), qui représentent tout de même 34,3% du total (288 millions d'euros) contre 47,5% en 2014. Les exportations françaises hors aéronautique progressent de 7,13%. Cette performance n'est pas généralisée à l'ensemble des grandes rubriques : l'agro-alimentaire enregistre en effet un net repli (-15,6% à 23 millions d'euros), de même que les produits agricoles, dont nos exportations s'effondrent (-67,4%), dans des volumes qui deviennent au demeurant anecdotiques (2,5 millions d'euros en 2015).

Nos quatre principaux postes d'exportations sont : les préparations pharmaceutiques (+11,7% à 100 millions d'euros), les pièces et accessoires pour véhicules automobiles (en lien avec la présence industrielle de RENAULT dans l'Antioquia ; + 4,3% à 46 millions d'euros), les véhicules automobiles (+31,8% à 35,7 millions d'euros) et enfin le matériel de levage et de manutention , en progression de 145% à 19,6 millions d'euros.

Selon l'institut national des statistiques, les exportations colombiennes, exprimées en dollars, ont enregistré en 2015 un recul de 34,9%, les hydrocarbures contribuant à hauteur de 31,3 points à cette baisse. Dans ce contexte, le marché français a fourni en 2015 à l'appareil exportateur colombien un de ses rares motifs de satisfaction : nos importations en provenance de Colombie ont en effet progressé de 4,6% à 380 millions d'euros, soit à un rythme plus rapide que le total des importations françaises (+0,8%). La Colombie reste notre 74 ème fournisseur , derrière la Serbie et juste devant l'Equateur. Elle n'est toutefois que notre 6ème fournisseur latino-américain, devancée en 2015, outre par nos premiers clients à l'exportation, par le Chili (1,03 milliard d'euros) mais aussi par le Pérou (430 millions d'euros, en hausse de 32,1%, ce qui lui permet désormais de dépasser la Colombie dans le classement de nos fournisseurs).

Les exportations colombiennes vers la France sont constituées principalement d'hydrocarbures naturels et autres produits des industries extractives, pour 46,5% du total.

Six secteurs d'importation représentent chacun plus de 10 millions d'euros : la houille (39,5% du total, soit 150,3 millions d'euros, en baisse de 2,2%), les fruits tropicaux et subtropicaux (en forte hausse - +45,3% - pour atteindre 49,5 millions d'euros, soit 13% du total), les articles de joaillerie et bijouterie (9,42%, en hausse de 27,8% à 37,8 millions d'euros), les plantes à boisson (7,23%, en baisse de 7,4% à 27,5 millions d'euros), le pétrole brut (7%, soit 26,6 millions d'euros, en baisse de 36,6%) et le ciment (6,73% du total à 25,6 millions d'euros, en hausse de 36%).

Par ailleurs, s'agissant de nos opérateurs financiers, l'Agence française de Développement (AFD) inscrit ses activités en Colombie depuis fin 2009 dans le cadre d'un mandat dessiné pour un pays émergent : l'appui à une « croissance verte et solidaire ». L'agence AFD de Bogota s'est dotée d'une stratégie d'intervention 2014-2018 qui décline trois objectifs thématiques : i) favoriser la convergence et le développement durable des territoires, ii) promouvoir les politiques d'atténuation et d'adaptation au changement climatique, et iii) accompagner les politiques de cohésion sociale y compris de réduction des inégalités. Cette stratégie précise également deux objectifs transversaux que sont la contribution à la diplomatie économique et aux engagements de la France sur le climat.

A ce jour, environ un milliard deux cents millions d'euros d'engagements ont été réalisés sous forme de sept prêts . Parmi ces prêts, un premier financement de 300 millions de dollars a été signé en juin 2015 lors de la visite du premier ministre français en Colombie. Pour l'AFD et pour la France, cet engagement était la conséquence logique, l'année de la COP 21, d'une priorité pour le climat dans un pays émergent volontariste en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, très vulnérable face au changement climatique, qui cherche à intégrer le climat dans l'ensemble de ses politiques publiques et qui a constitué un allié de la France dans les négociations internationales.

2. Une coopération importante

Le lancement de la saison de la France en Colombie, pendant un semestre à partir de la deuxième quinzaine de décembre 2016 , va marquer un temps fort du partenariat bilatéral. Cet événement sera suivi par la saison de la Colombie en France au second semestre 2017.

La Colombie entretient avec la France des relations anciennes et très vivantes dans le domaine de la recherche et de la mobilité étudiante . La France est ainsi le 3 e pays de destination des étudiants colombiens après les Etats-Unis et l'Espagne avec près de 3000 étudiants inscrits dans les institutions d'enseignement supérieur en 2011-2012. La Colombie est aussi le deuxième pays d'Amérique latine le plus représenté en France, derrière le Brésil . De nombreuses conventions universitaires et la signature en 2011 d'une convention de reconnaissance mutuelle des diplômes favorisent la mobilité étudiante et les rapprochements dans le domaine de la recherche scientifique. Avec plus de 26.000 élèves en 2012 et un réseau de 12 établissements, l'Alliance Française de Colombie occupe une des premières places mondiales . Dans le domaine culturel, la Colombie est régulièrement à l'honneur de plusieurs festivals cinématographiques consacrés à l'Amérique latine, à Biarritz, à Nantes et à Amiens.

Sur le plan institutionnel, notre coopération technique en matière de lutte contre le trafic de drogue est importante , notamment au travers du Ministère de l'intérieur et du CIFAD (Centre interministériel de formation anti-drogue).

Dans le cadre du processus de paix, la France, qui a apporté dès fin 2012 un soutien financier aux organismes engagés dans la résolution du conflit (Centre national de la Mémoire historique, ministères colombiens de l'Education et de l'Agriculture, Mission d'Appui au Processus de Paix, Haut-Commissariat aux Réfugiés, ...), encourage activement la mise en oeuvre de la loi sur les réparations dues aux victimes et sur la restitution des terres . De nouveaux projets ont été lancés en 2015 avec nos partenaires colombiens dans les domaines de la gouvernance foncière (cadastre), de la formation agricole ou encore de la justice transitionnelle.

Un prix franco-allemand des droits de l'Homme « Antonio Nariño », créé en 2010, est remis chaque année à des militants et ONG oeuvrant pour la défense des droits de l'Homme.

C. DES PERSPECTIVES D'INVESTISSEMENT NOMBREUSES POUR LES ENTREPRISES FRANÇAISES

1. La France est le 6ème investisseur étranger en Colombie

Le stock français d'investissements directs en Colombie s'établit, en 2014, à 821 millions d'euros. Il est toutefois à noter que les statistiques de la Banque centrale colombienne différent très sensiblement de celles de la Banque de France, puisqu'elles estiment ce stock largement supérieur, à 2544 millions de dollars pour la même année.

Les flux d'IDE totaux vers la Colombie ont enregistré une forte croissance depuis une quinzaine d'années , passant de 2 milliards de dollars en 2002 à 16 milliards de dollars en 2014, soit environ 4% du PIB.

La France occupe une place de choix en se positionnant traditionnellement parmi les six premiers investisseurs et comme le premier employeur étranger en Colombie (environ 100 000 employés directs). Avec désormais 157 filiales de groupes français, la présence française est très diversifiée (grande distribution, hôtellerie, services, banques, assurances, etc.) sans oublier de nombreuses activités industrielles, agroalimentaires et énergétiques. Près de la moitié des filiales recensées (70) appartiennent à l'un des 28 groupes du CAC 40 présents en Colombie , souvent pour servir un marché régional. Les filiales françaises réalisaient un chiffre d'affaire collectif de 13 milliards de dollars en 2014.

Indépendamment du contexte international et grâce à la forte résilience de l'économie colombienne face aux chocs de l'année 2015 (la Colombie affiche une croissance de son PIB de 3,1% malgré la chute des matières premières et la dépréciation du peso colombien de 37,3% par rapport au dollar qui en a suivi), la confiance des investisseurs sera par ailleurs confortée par une double perspective favorable : la signature presque assurée en 2016 de la paix entre le gouvernement colombien et les FARC et sa mise en oeuvre progressive ; l'adhésion officielle de la Colombie à l'OCDE, probablement en 2017.

Plusieurs groupes français ont déjà prévu d'étendre leurs activités en Colombie en 2016 . Il en est ainsi d'Accor, Air Liquide et Casino par exemple.

2. Des perspectives limitées d'investissements colombiens en France

Alors que la France se situe parmi les 6 premiers investisseurs étrangers en Colombie avec 821 millions d'euros d'investissements en 2014 , inversement, les investissements colombiens en France métropolitaine ne s'élèvent qu'à 5 millions d'euros la même année . Au cours des dernières années, on relève un seul investissement colombien d'importance en France : celui de la société Argos qui a racheté, en 2013, les actifs de Lafarge (ciments) en Guyane.

Le Service économique de l'ambassade et le bureau local de Business France interviennent à intervalles réguliers devant des représentants du patronat colombien pour présenter les nouvelles réalités de l'économie française et l'attractivité de notre pays. Business France gère également activement quelques prospects.

D'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur, il convient toutefois de demeurer réaliste sur les perspectives réelles d'investissements colombiens en France, qui restent  certainement très limitées, a fortiori dans le contexte de très forte dépréciation du peso (plus de 60% depuis 2 ans) .

En conséquence, l'intérêt de cet accord se trouve bien davantage du côté des entreprises françaises désireuses d'investir en Colombie que l'inverse.

II. UN ACCORD DE PROTECTION DES INVESTISSEMENTS (API) INNOVANT

A. LE PREMIER ACCORD API SIGNÉ DEPUIS L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU TRAITÉ DE LISBONNE

L'« API » France-Colombie est le premier accord de protection des investissements conclu postérieurement à l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le 1 er décembre 2009. Or, depuis cette date, les investissements directs étrangers sont entrés dans le champ de la politique commerciale commune visée à l'article 207 du TFUE. En conséquence, ils relèvent des compétences exclusives de l'Union européenne et la Commission européenne a compétence pour négocier et conclure les accords de promotion et de protection des investissements.

En conséquence, alors que les premiers contacts entre la France et la Colombie en vue d'un accord de protection réciproque des investissements remontent à une dizaine d'années et qu'un accord a été sur le point d'être signé en 2009, les négociations ont été interrompues avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne .

Le 12 décembre 2012, un règlement dit de « grandfathering » 2 ( * ) a prévu que les Etats membres peuvent continuer à négocier et conclure des accords bilatéraux, sous réserve d'autorisation préalable de la Commission européenne . Conformément à la procédure issue de texte, la France a demandé l'autorisation de conclure un API à la Commission européenne, qui a donné son accord par décision du 14 mars 2014.

B. DES NÉGOCIATIONS DENSES

D'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur, les négociations ont buté sur plusieurs difficultés .

Le principal point d'achoppement a concerné la restriction au libre transfert des revenus issus de l'investissement en cas de menace pour l'équilibre de la balance des paiements. Le partenaire colombien ne souhaitait initialement pas limiter cette restriction dans le temps, ce qui soulevait des difficultés juridiques et économiques pour les investisseurs. Or, la constitution colombienne prévoyant l'autonomie de la banque centrale, une obligation de limiter la restriction au libre transfert risquait un refus de ratification par la cour constitutionnelle colombienne. Le compromis trouvé prévoit une limitation pendant une durée d'une année.

La définition de la dette publique , exclue de l'accord, a également été discutée par les parties, la Colombie souhaitant initialement prévoir une définition très large de la dette publique, ayant nécessairement pour conséquence une définition plus restreinte des investissements couverts par l'accord. Le compromis a résulté en l'annexion d'un protocole précisant que les contrats de dette publique conclus par l'Etat relèvent pas des investissements définis à l'article 1 et ne sont pas soumis au règlement des différends.

Le standard de protection pleine et entière a également généré des débats, la Colombie souhaitant initialement indiquer que la protection accordée aux investisseurs étrangers ne puisse être supérieure à celle dont bénéficient les investisseurs nationaux. Le texte final prévoit que ladite protection soit conforme au droit international coutumier et que sont inclus les dommages physiques et matériels.

La protection de la diversité culturelle et linguistique , défendue par la France, a d'abord fait l'objet de réticences par le partenaire colombien, pour finalement figurer à l'article 9.

L'application des règles de transparence en cas de différend investisseur-Etat a également été longuement discutée. La possibilité d'en faire application est prévue à l'article 15.12 de l'Accord.

C. UN ACCORD CLASSIQUE ASSORTI DE DISPOSITIONS INNOVANTES

1. Un contenu classique

La France a passé près d' une centaine d'accords bilatéraux de protection des investissements . Elle dispose ainsi d' un des réseaux d'accords les plus denses au monde dans ce domaine. De manière générale, ces accords visent à assurer une meilleure protection juridique des investisseurs français contre les risques de nature politique qu'ils encourent à l'étranger, notamment dans les pays émergents.

L'API France-Colombie contient ainsi la plupart des dispositions classiques des accords de protection des investissements, dispositions qui visent à assurer un environnement juridique sûr aux investisseurs.

A cet égard, la principale disposition consiste en la possibilité de recours à un mécanisme arbitral de règlement des différends (article 15). Si la propriété privée fait l'objet d'une protection de rang constitutionnel en Colombie, les procédures de règlement des différends, quand ils sont soumis à la justice locale, sont effet particulièrement longues (atteignant parfois 10 à 15 ans).

L'accord stipule par ailleurs que chaque partie bénéficie du traitement de la nation la plus favorisée (article 5). Cette clause assure aux investisseurs de bénéficier, sur le territoire de l'autre partie, d'un traitement non moins favorable que celui accordé par cette dernière, dans des situations analogues, à ses propres investisseurs ou à des investisseurs d'un pays tiers.

L'accord limite les possibilités d'expropriation et de nationalisation des investissements accueillis (article 6). Les parties ne peuvent ainsi exproprier ou nationaliser les investissements des investisseurs qu'elles accueillent sur leur territoire respectif que pour une cause d'utilité publique, de manière non-discriminatoire et moyennant le versement d'une indemnité.

De manière classique, l'accord stipule également que les parties encouragent et admettent les investissements de l'autre partie sur leur territoire (article 3). Cette stipulation ne crée cependant aucune obligation juridique pour les parties, l'admission et l'établissement de ces investissements restant soumis aux prescriptions de leurs lois et réglementations respectives.

2. Des dispositions innovantes

Outre les dispositions classiques figurant dans les API, cet accord propose des éléments innovants sur l'équilibre entre la protection des investisseurs et le droit des Etats à réguler.

L'obligation d'accorder un traitement juste et équitable aux investisseurs est renforcée (article 4). L'interdiction de l'expropriation, inclut l'expropriation indirecte et est précisée par rapport à d'anciens accords (article 6).

Parallèlement à ces dispositions protectrices, le traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée ne doivent pas faire obstacle à l'adoption de mesures destinées au maintien de l'ordre public en cas de menace contre les intérêts de l'Etat (article 5.3). La clause de libre transfert est modérée par l'exception en cas de menace de déséquilibre de la balance des paiements (article 8). La clause d'exceptions concernant la sécurité concerne par ailleurs toutes les dispositions de l'accord (article 14). Il faut enfin relever les clauses relatives à la diversité culturelle et linguistique (article 9), les mesures relatives à l'environnement, à la santé et aux droits sociaux (article 10) et la responsabilité sociale des entreprises (article 11).

Concernant le règlement des différends entre l'investisseur et l'Etat (article 15), il faut d'abord préciser que l'article 10.2 relatif à l'environnement, à la santé et aux droits sociaux en est exclu, ce qui évite toute réclamation d'un investisseur sur ce fondement .

La disposition relative au règlement des différends est très précise par rapport à la rédaction d'autres API et intègre les évolutions récentes en la matière. Il est notamment prévu la possibilité de faire application des règles de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sur la transparence (article 15.12). Il est par ailleurs prévu la prise en charge des dépens (ou frais de procédure) par les demandeurs en cas de demandes frivoles ou futiles (article 15.14). La fonction du tribunal arbitral est précisée , en indiquant clairement l'obligation d'établir les constatations juridiques et factuelles, outre le type de réparations pouvant être prononcées (article 15.15). Il est notamment exclu que le tribunal arbitral puisse se prononcer sur la légalité des lois de l'Etat (article 15.16). L'indépendance des arbitres est par ailleurs prévue (article 15.19-b).

CONCLUSION

Cet accord permettra de renforcer la présence des investisseurs français en Colombie. Son entrée en vigueur sera porteuse d'un message fort renforçant le cadre des affaires pour les entreprises françaises qui s'intéressent déjà fortement au potentiel colombien.

Il pourrait également renforcer les perspectives de grands contrats pour nos entreprises, dans les domaines des transports, des infrastructures et de l'aéronautique.

Votre commission a approuvé ce projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 27 avril 2016, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Paul Fournier sur le projet de loi n° 669 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

M. Jean-Paul Fournier. - Cet accord a pour objet d'assurer une meilleure protection juridique des investissements français en Colombie et réciproquement. C'est un accord classique. Il est d'autant plus opportun que la Colombie représente un potentiel important pour les entreprises françaises et que le processus de stabilisation politique, actuellement en cours dans ce pays, ouvre des perspectives nouvelles.

Tout d'abord, quelques éléments sur la situation économique et politique de la Colombie.

L'économie colombienne est particulièrement dynamique. Elle a connu une croissance solide et régulière depuis 10 ans, avec un taux de croissance de 4,7 % en moyenne. Avec un PIB de 400 milliards de dollars, elle est la 4 ème économie d'Amérique latine, derrière le Brésil, le Mexique et l'Argentine. Le pays a bénéficié ces dernières années du cours élevé des matières premières et d'une demande externe forte. Le dynamisme de son économie lui a permis de réduire sa vulnérabilité externe, grâce à une politique d'accumulation des réserves internationales de devises et de consolidation de la dette : alors que la dette détenue par des investisseurs étrangers s'élevait à 39% du PIB en 2002, elle n'était plus que de 22,1% du PIB en 2015.

L'économie colombienne est actuellement affectée par la chute des cours des matières premières et notamment du pétrole, qui représente, selon les années, 50 à 55% des exportations, un tiers de l'investissement direct étranger et un sixième environ des recettes budgétaires du pays. En 2015, la chute des prix du pétrole a provoqué une dépréciation importante du peso, mais la croissance du PIB s'est maintenue à un taux honorable de 3,1%. En outre, les réserves de change du pays restent très élevées : en février 2016, elles s'établissaient à 46,3 milliards de dollars et elles représentaient 10,3 mois d'importations fin 2015.

Du fait de son dynamisme, la Colombie est regardée aujourd'hui comme un des nouveaux pays émergents susceptibles de prendre le relai des BRICS actuellement en phase d'essoufflement. Un nouvel acronyme a été forgé pour désigner ces pays : les « CIVETS », pour Colombie, Indonésie, Vietnam, Egypte, Turquie et Afrique du Sud. La COFACE, quant à elle, range la Colombie parmi les « PPICS » - pour Pérou, Philippines, Indonésie, Colombie et Sri Lanka. Autre signe de son dynamisme, la Colombie devrait bientôt devenir membre de l'OCDE : le processus d'adhésion, officiellement engagé en 2013, est actuellement en bonne voie.

La bonne santé économique du pays s'accompagne en outre d'une amélioration de sa situation sécuritaire. La politique dite « de sécurité démocratique » engagée par le président Uribe en 2002 a conduit à neutraliser progressivement les groupes armés illégaux. L'actuel président Juan Manuel Santos, élu en 2010 et réélu en 2014, a poursuivi les efforts de son prédécesseur pour tenter de mettre fin à un conflit de cinquante ans, qui a fait plus de 200 000 morts. En 2012, le gouvernement a officiellement engagé des négociations de paix avec la guérilla des FARC. Quatre des cinq volets de l'ordre du jour ont désormais été conclus. Les négociations portent actuellement sur le dernier point à l'ordre du jour : l'arrêt définitif des combats. Les discussions ayant pris du retard, la signature de l'accord de paix global, qui avait été annoncée pour mars 2016, a dû être différée. Cet accord global reste attendu prochainement. Sa mise en oeuvre sera supervisée par une mission politique composée « d'observateurs internationaux non armés », mise en place par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies de janvier dernier. Les premiers effets des négociations de paix sur le terrain devraient être observables à partir du premier semestre 2017. En attendant, du fait de la guerre et du narcotrafic, la violence reste à un niveau préoccupant dans le pays, mais l'Etat a multiplié les efforts pour améliorer cette situation ces dernières années, en coopérant avec la communauté internationale.

Dans ce contexte économique et politique globalement favorable, la Colombie représente une destination attractive pour nos investissements. Les flux d'IDE français vers la Colombie ont enregistré une forte croissance depuis une quinzaine d'années, passant de 2 milliards de dollars en 2002 à 16 milliards de dollars en 2014, soit environ 4% du PIB. La France occupe une place de choix en se positionnant traditionnellement parmi les six premiers investisseurs et comme le premier employeur étranger en Colombie, avec environ 100 000 employés directs. Avec 157 filiales de groupes français, la présence française est très diversifiée : grande distribution, hôtellerie, services, banques, assurances... sans oublier de nombreuses activités industrielles, agroalimentaires et énergétiques. Près de la moitié des filiales recensées appartiennent à l'un des 28 groupes du CAC 40 présents en Colombie, souvent pour servir un marché régional. Les filiales françaises réalisaient un chiffre d'affaire collectif de 13 milliards de dollars en 2014.

Par ailleurs, l'AFD intervient en Colombie dans le cadre des orientations formulées pour les pays émergents, c'est-à-dire dans le sens d'une croissance « verte et solidaire ». 1,2 milliards de dollars d'euros d'engagements ont été approuvés sous forme de 7 prêts. L'AFD s'efforce de promouvoir le savoir-faire français en soutenant la mise en place de coopérations décentralisées et en se positionnant dans des secteurs où il existe une offre commerciale française compétitive.

Les investissements colombiens en France sont quant à eux peu nombreux. Le stock d'IDE colombiens ne s'élevait qu'à 5 millions d'euros en 2014. Au cours des dernières années, on relève un seul investissement colombien d'importance en France : celui de la société Argos qui a racheté, en 2013, les actifs de Lafarge en Guyane.

Le service économique de l'ambassade et le bureau local de Business France interviennent à intervalles réguliers devant des représentants du patronat colombien pour présenter les nouvelles réalités de l'économie française et l'attractivité de notre pays, mais il convient de rester réaliste sur les perspectives réelles d'investissement en France : elles restent très limitées, a fortiori dans le contexte de très forte dépréciation du peso.

En conséquence, l'intérêt de l'accord que nous examinons se trouve bien davantage du côté des entreprises françaises désireuses d'investir en Colombie que l'inverse.

J'en viens maintenant à cet accord.

Je rappellerai d'abord que la France a passé près d'une centaine d'accords bilatéraux de protection des investissements. Notre pays dispose ainsi d'un des réseaux d'accords les plus denses au monde dans ce domaine. De manière générale, ces accords visent à assurer une meilleure protection juridique des investisseurs français contre les risques de nature politique qu'ils encourent à l'étranger, notamment dans les pays émergents.

L'accord que nous examinons est le premier accord de protection des investissements conclu par la France depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui a transféré les investissements étrangers directs dans le champ de l'Union européenne au titre de la politique commerciale commune. Depuis 2009, les investissement relèvent ainsi des compétences exclusives de l'Union et la Commission européenne a compétence pour négocier et conclure les accords de promotion et de protection des investissements. Toutefois, un règlement européen de 2012 prévoit que les Etats membres peuvent continuer à négocier et conclure des accords bilatéraux, sous réserve d'autorisation préalable de la Commission. Conformément à la procédure issue de ce texte, la France a demandé l'autorisation de conclure un accord de protection des investissements avec la Colombie à la Commission européenne, qui a donné son accord par décision du 14 mars 2014.

Sur le fond, cet accord contient la plupart des dispositions classiques des accords de protection des investissements, qui visent à assurer un environnement juridique sûr aux investisseurs.

La principale disposition consiste en la possibilité de recourir à un mécanisme arbitral de règlement des différends. En effet, si la propriété privée fait l'objet d'une protection de rang constitutionnel en Colombie, les procédures de règlement des différends, quand ils sont soumis à la justice locale, sont particulièrement longues, atteignant parfois 10 à 15 ans.

L'accord stipule également que chaque partie bénéficie du traitement de la nation la plus favorisée. Cette clause assure aux investisseur de bénéficier, sur le territoire de l'autre partie, d'un traitement au moins aussi favorable que celui accordé par cette dernière, dans des situations analogues, à ses propres investisseurs ou à des investisseurs d'un pays tiers.

L'accord limite en outre les possibilités d'expropriation et de nationalisation des investissements accueillis. Les parties ne peuvent ainsi exproprier ou nationaliser les investissements des investisseurs qu'elles accueillent sur leur territoire respectif que pour une cause d'utilité publique, de manière non-discriminatoire et moyennant le versement d'une indemnité.

De manière classique, l'accord stipule également que les parties encouragent les investissements de l'autre partie sur leur territoire. Cette stipulation ne crée cependant aucune obligation juridique pour les parties.

A côté de ces dispositions classiques, qui figurent dans la plupart des accords de protection des investissements, l'accord contient également des stipulations innovantes qui visent à assurer un équilibre entre la protection des investisseurs et le droit des Etats à réguler.

L'accord stipule par exemple que le traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée ne doivent pas faire obstacle à l'adoption de mesures destinées au maintien de l'ordre public en cas de menace contre les intérêts de l'Etat.

La clause de libre transfert des revenus est atténuée par une exception en cas de menace de déséquilibre de la balance des paiements. Cette exception, qui prévoit que les parties peuvent adopter des mesures de sauvegarde temporaires lorsque les transferts de capitaux menacent l'équilibre de la balance des paiements, a fait l'objet de négociations serrées avec la Colombie : les Colombiens souhaitaient que cette possibilité de restriction aux mouvements de capitaux ne soient pas limitée dans le temps - le compromis trouvé prévoit finalement une limitation pendant une durée d'une année au maximum.

L'accord consacre une « exception culturelle » permettant aux parties de déroger aux stipulations de l'accord pour l'adoption de mesures destinées à préserver la diversité culturelle et linguistique. Cette clause, incluse dans l'accord à l'initiative de la France, avait fait l'objet de quelques réticences de la part de la Colombie.

Parmi d'autres dispositions innovantes, l'accord mentionne aussi l'obligation pour les entreprises de se conformer aux standards internationaux en matière de responsabilité sociale des entreprises. Il interdit également le « dumping » en matière de réglementation environnementale ou sociale pour attirer les investisseurs.

Le principal intérêt de cet accord est d'apporter à nos entreprises un degré élevé de protection juridique pour leurs investissements actuels ou à venir en Colombie. Il est particulièrement bienvenu dans la mesure où les investisseurs français sont très présents en Colombie dans le domaine des concessions de services publics : la société Transdev, par exemple, est présente dans le transport urbain, Veolia dans le secteur de l'eau et des déchets... Les grandes entreprises françaises envisagent également de se positionner sur de futurs projets, comme la construction de lignes de métro et de tramway dans plusieurs grandes villes colombiennes, de nombreux projets d'usines de traitement des eaux ou encore un grand programme des concessions routières - sur lequel Vinci est déjà pré-qualifié ... Les perspectives sont également nombreuses dans le domaine de l'aéronautique et de l'énergie.

De manière générale, il est clair que l'intérêt de nos investisseurs est fort pour ce pays, qui dispose d'un marché dynamique portée par une population jeune et nombreuse. Cet intérêt ne pourra que croître à l'avenir, avec l'adhésion prochaine de la Colombie à l'OCDE et la perspective de la signature d'un accord de paix avec les FARC dans un futur proche. Dans ce contexte, l'initiative a été prise par les présidents français et colombiens d'illustrer le renforcement de la relation entre la France et la Colombie par l'organisation de « saisons croisées » en 2017. La Colombie deviendra ainsi le deuxième pays après le Brésil avec lequel la France organise un tel programme.

Cet accord est d'autant plus opportun que certains de nos concurrents les plus sérieux, comme l'Espagne, disposent déjà d'un accord de protection des investissements et que d'autres, comme les Etats-Unis, bénéficient de dispositions équivalentes dans des accords de libre-échange. Face aux autres concurrents étrangers qui ne bénéficient pas d'un accord de protection des investissements, l'accord nous donnera un avantage comparatif.

Il permettra également aux entreprises qui souhaitent investir en Colombie d'être éligibles à la garantie investissement apportée contre les risques politiques par la COFACE. Cette garantie peut avoir au cas par cas un impact positif sur la tarification appliquée par les opérateurs privés. Il s'agit d'un bénéfice non négligeable pour nos entreprises, en particulier pour les PME, qui pourront ainsi plus facilement concrétiser leur stratégie d'internationalisation.

Sous le bénéfice de ces observations, je recommande donc l'adoption de ce projet de loi dont l'examen simplifié en séance publique est fixé au jeudi 12 mai 2016.

Mme Nathalie Goulet. - En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment d'argent, la Colombie collabore très peu avec le Groupe d'action financière (GAFI). C'est un sujet d'autant plus important que tous les rapports sur le terrorisme montrent un lien avec le trafic de drogue. Cette convention ne prévoit apparemment rien en matière de lutte contre le blanchiment, domaine dans lequel la Colombie devrait pourtant faire des efforts.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Les travaux de Tracfin mettent bien en évidence qu'à côté des activités légales retracées dans les comptes financiers, l'activité des mafias représente des sommes très importantes. La Colombie apparaît comme la 4 ème économie d'Amérique latine si l'on se réfère à ses comptes consolidés, mais il est possible qu'elle se situe en réalité à un autre rang en tant que premier pays producteur de cocaïne. Or cet accord ne semble pas prendre en compte cette réalité.

M. Jean-Paul Fournier . - La Colombie est devenue un « bon élève » du GAFI et on peut espérer que les négociations de paix avec les FARC permettront d'avancer dans la lutte contre le narcotrafic.

M. Jean-Pierre Raffarin . - La Colombie sera peut-être un de nos prochains sujets de travail. C'est incontestablement un des pays les plus dynamiques d'Amérique latine. En même temps, la Colombie fait face à un défi politique majeur qui consiste à réintégrer les FARC à la société après des années de violence. La Colombie doit être aidée dans cet effort.

M. Michel Billout . - Ma remarque concerne aussi bien cet accord que celui avec la République d'Irak. Il ne vous aura pas échappé qu'il comporte, comme la plupart des accords de ce type, le recours à l'arbitrage privé. Pourtant, depuis que l'Union européenne a commencé à négocier des accords avec le Canada et les Etats-Unis, la question du recours à l'arbitrage privé a été beaucoup débattue et on a assisté à une assez forte opposition de l'opinion à ce type d'arbitrage. L'année dernière, notre Haute Assemblée a adopté une résolution prévoyant que le recours à l'arbitrage privé ne devrait plus figurer systématiquement dans ce type d'accord. Depuis, le secrétaire d'Etat au commerce Matthias Fekl s'est exprimé à plusieurs reprises en faveur du recours à des tribunaux publics. Par souci de cohérence, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra sur ces accords.

M. Jeanny Lorgeoux. - Je voudrais apporter un élément d'information au débat s'agissant du narcotrafic. Dans les réseaux du narcotrafic, on a assisté ces dernières années à une substitution de Cosa Nostra par la `Ndrangheta calabraise. Aujourd'hui, la Guardia di Finanza et les Carabinieri ont donné des coups de boutoir à l'importation de l'héroïne et de la cocaïne colombiennes dans les ports de la Calabre. En la matière, les succès policiers ont été considérables, provoquant une déstabilisation de la route Colombie-Calabre.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité.

ANNEXES

Liste des API passés par la France

Pays

Signature

Entrée en vigueur

Afrique du sud*

11-oct-95

22-juin-97

Albanie

13-juin-95

14-juin-96

Algérie

13-févr-93

27-juin-00

Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM)

28-janv-98

31-mars-00

Arabie saoudite

26-juin-02

18-mars-04

Argentine

03-juil-91

03-mars-93

Arménie

04-nov-95

21-juin-97

Azerbaïdjan

01-sept-98

24-août-00

Bahreïn

24-févr-04

03-oct-05

Bangladesh

10-sept-85

09-oct-86

Bolivie**

25-oct-89

12-oct-96

Bosnie-Herzégovine

12-déc-03

18-déc-05

Bulgarie

05-avr-89

01-mai-90

Cambodge

13-juil-00

24-juil-02

Chili

14-juil-92

05-déc-94

Chine

26-nov-07

20-août-10

Colombie

10-juil-14

En cours de ratification

Corée du Sud

28-déc-77

01-févr-79

Costa Rica

08-mars-84

18-juin-99

Croatie

03-juin-96

05-mars-98

Cuba

25-avr-97

06-nov-99

Djibouti

13-déc-07

15-juin-10

Egypte

22-déc-74

01-oct-75

El Salvador

20-juil-78

12-déc-92

Emirats arabes unis

09-sept-91

10-janv-95

Equateur

07-sept-94

10-juin-96

Estonie

14-mai-92

25-sept-95

Ethiopie

23-juin-03

07-août-04

Géorgie

03-févr-97

13-avr-00

Guatemala

27-mai-98

28-oct-01

Guinée Equatoriale

03-mars-82

23-sept-83

Haïti

23-mai-84

25-mars-85

Honduras

28-avr-98

08-mars-01

Hong Kong

30-nov-95

30-mai-97

Hongrie

06-nov-86

30-sept-87

Inde

02-sept-97

17-mai-00

Indonésie***

14-juin-73

29-avr-75

Irak

31-oct-10

En cours de ratification

Iran

12-mai-03

12-nov-04

Israël

09-juin-83

11-janv-85

Jamaïque

25-janv-83

15-sept-94

Jordanie

23-févr-78

18-oct-79

Kazakhstan

03-févr-98

21-août-00

Kenya

04-déc-07

26-mai-09

Kirghizistan

02-juin-94

10-août-97

Kosovo

28-mars-74

03-mars-75

Koweït

27-sept-89

16-mai-91

Laos

12-déc-89

08-mars-91

Lettonie

15-mai-92

01-oct-94

Liban

28-nov-96

26-oct-99

Libéria

23-mars-79

22-janv-82

Libye

19-avr-04

29-janv-06

Lituanie

23-avr-92

27-mars-95

Madagascar

25-juil-03

17-avr-05

Malaisie

24-avr-75

01-août-76

Malte

11-août-76

01-janv-78

Maroc

13-janv-96

30-mai-99

Maurice****

22-mars-73

01-avr-74

Mexique

12-nov-98

12-oct-00

Moldavie

08-sept-97

03-nov-99

Mongolie

08-nov-91

22-déc-93

Monténégro

28-mars-74

03-mars-75

Mozambique

15-nov-02

06-juil-06

Namibie

25-juin-98

26-févr-06

Népal

02-mai-83

13-juin-85

Nicaragua

13-févr-98

31-mars-00

Nigéria

27-févr-90

19-août-91

Oman

17-oct-94

04-juil-96

Ouganda

03-janv-03

20-déc-04

Ouzbékistan

27-oct-93

15-juin-96

Pakistan

01-juin-83

14-déc-84

Panama

05-nov-82

03-oct-85

Paraguay

30-nov-78

11-déc-80

Pérou

06-oct-93

30-mai-96

Philippines

13-sept-94

13-juin-96

Pologne

14-févr-89

10-févr-90

Qatar

08-juil-96

27-juil-00

Rép. démocratique du Congo

05-oct-72

01-mars-75

République dominicaine

14-janv-99

23-janv-03

République tchèque

13-sept-90

27-sept-91

Roumanie

21-mars-95

20-juin-96

Russie

04-juil-89

18-juil-91

Sénégal

26-juil-07

30-mai-10

Serbie

28-mars-74

03-mars-75

Seychelles

29-mars-07

28-déc-14

Singapour

08-sept-75

18-oct-76

Slovaquie

13-sept-90

27-sept-91

Slovénie

11-févr-98

05-août-00

Soudan

31-juil-78

05-juil-80

Sri Lanka

10-avr-80

19-avr-82

Syrie

28-nov-77

01-mars-80

Tadjikistan

04-déc-02

24-août-04

Trinité-et-Tobago

28-oct-93

16-mai-96

Tunisie

20-oct-97

10-sept-99

Turkménistan

28-avr-94

02-mai-96

Turquie

15-juin-06

03-août-09

Ukraine

03-mai-94

26-janv-96

Uruguay

14-oct-93

09-juil-97

Venezuela

02-juil-01

15-avr-04

Vietnam

26-mai-92

10-août-94

Yémen

27-avr-84

19-juil-91

Zambie

14-août-02

03-mars-14

* Cet API n'est plus en vigueur depuis le 1er septembre 2014, suite à sa dénonciation par l'Afrique du sud. Toutefois, les investissements réalisés avant cette date restent protégés par les dispositions de l'Accord pendant une durée de 20 ans.

** Cet API n'est plus en vigueur depuis le 6 mai 2013, suite à sa dénonciation par la Bolivie. Toutefois, les investissements réalisés avant cette date restent protégés par les dispositions de l'Accord pendant une durée de 20 ans.

*** Cet API n'est plus en vigueur depuis le 25 avril 2015 suite à sa dénonciation par l'Indonésie. Pour autant, les investissements dûment agréés par l'Indonésie et réalisés avant cette date continueront à bénéficier des dispositions de l'accord, sans limitation de durée.

**** Un nouvel API, signé en 2010 entre la France et la République de Maurice, devant remplacer l'Accord de 1973 est en cours d'approbation.

Liste des API passés par la Colombie

Pays

Signature

Entrée en vigueur

Espagne

31 mars 2005

Septembre 2007

Suisse

Octobre 2009

Pérou

Décembre 2010

Chine

Juillet 2012

Inde

Juillet 2012

Royaume-Uni

Octobre 2014

Singapour

Procédure d'approbation en cours

Turquie

Procédure d'approbation en cours

Accords de libre-échange comportant des chapitres sur l'investissement

Mexique

1995 et protocole modificatif en 2011

Chili

Mai 2009

Triangle nord

Salvador (novembre 2009), Guatemala (février 2010) et Honduras (mars 2010)

Association européenne de libre-échange (AELE)

Suisse et Lichtenstein (juillet 2011) Norvège (septembre 2014) et Islande octobre 2014)

Etats-Unis

22/11/2006

Mai 2012

Canada

Août 2011

Corée

21/02/2013

Procédure d'approbation en cours

Négociations en cours

Russie : Rencontre bilatérale en juin 2013 et négociation d'un API

Costa-Rica : Négociation d'un accord de libre-échange avec un chapitre sur l'investissement

Israël : Négociation d'un accord commercial avec un chapitre sur l'investissement depuis 2012


* 1 Acronyme forgé par Robert Ward de l'Economist Intelligence Unit en 2009, et rendu public par Michael Geoghegan de la banque HSBC lors d'un discours devant la chambre du commerce de Hong Kong en avril 2010

* 2 Règlement (UE) n° 1219/2012 du 12 décembre 2012 (entré en vigueur le 9 janvier 2013) établissant des dispositions transitoires pour les accords bilatéraux d'investissement conclus entre des Etats membres et des pays tiers.

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