Rapport n° 307 (2016-2017) de M. Éric DOLIGÉ , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 janvier 2017

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N° 307

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 janvier 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de l' accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l' échange des déclarations pays par pays ,

Par M. Éric DOLIGÉ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

4181 , 4282 et T.A. 875

Sénat :

272 et 308 (2016-2017)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays, signé à Paris le 27 janvier 2016 sous l'égide de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et approuvé par l'Assemblée nationale le 22 décembre 2016.

En soulignant le rôle des juridictions non coopératives à fiscalité privilégiée dans l'essor du système bancaire parallèle, la crise financière de 2008 a favorisé une prise de conscience , exprimée lors du sommet du G20 de Washington en novembre 2008. Elle a ensuite permis une action internationale contre l'opacité fiscale et le secret bancaire , décidée lors des sommets de Londres puis de Pittsburgh en avril et septembre 2009.

La mise sous tension des finances publiques, notamment dans le cadre spécifique de la zone euro, a révélé les coûts de l'évasion fiscale. Selon l'OCDE, les pertes de recettes au titre de l'impôt sur les bénéfices des sociétés imputables aux pratiques d'évitement de l'impôt seraient comprises entre 4 % et 10 % de son produit au niveau mondial, soit entre 100 milliards et 240 milliards de dollars par an 1 ( * ) .

Ces pratiques revêtent un triple enjeu , conjuguant des pertes de recettes reportant la charge fiscale sur d'autres agents économiques, une distorsion de concurrence entre sociétés, et une menace sur la commune contribution aux charges publiques, au fondement du contrat social défini par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen 2 ( * ) .

Dans ce contexte, les pays du G20 ont mandaté l'OCDE en vue de réfléchir à une réforme de la fiscalité internationale dans une double perspective de transparence, au sein du Forum mondial, et de lutte contre les phénomènes d'évitement de l'impôt. La lutte contre les paradis fiscaux et contre le secret bancaire a étendu les exigences de transparence fiscale. L'accord multilatéral du 29 octobre 2014 concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers traduit l'engagement des États signataires à mettre en oeuvre la « norme commune de déclaration » de l'OCDE, détaillant les règles applicables aux institutions financières pour l'échange d'informations 3 ( * ) .

Le sommet du G20 de Saint-Pétersbourg en septembre 2013 a étendu l'action à la lutte contre l'érosion des bases fiscales et le transfert des bénéfices ( Base Erosion and Profit Shifting - « BEPS »). Par rapport aux premières actions portant sur les paradis fiscaux et le secret bancaire, visant l'évasion fiscale, la perspective s'étend aux pratiques d'optimisation fiscale et, partant, à l'utilisation des règles du système fiscal international. L'ambition est renforcée, dans la mesure où il ne s'agit plus seulement d'assurer le respect des normes applicables, mais également de définir leur esprit afin d'en limiter les interstices. Pour autant, l'accord politique entre la soixantaine de pays participant au projet précise expressément que « ces mesures n'ont pas pour objectif direct de modifier les normes internationales existantes relatives à l'attribution des droits d'imposition des bénéfices transnationaux » 4 ( * ) . L'objectif vise à remettre à niveau les normes du système fiscal international, en l'adaptant au paysage actuel de l'économie mondialisée. De surcroît, le cadre multilatéral prévu par BEPS permet d'agréger des pays émergents et en voie de développement au respect d'un système fiscal à l'élaboration initiale duquel ils n'ont pas participé.

Après deux années de réflexion et de négociation, le projet BEPS a défini quinze actions, présentées en octobre 2015 et « endossées » par le G20 au sommet d'Antalya le 16 novembre 2015. Elles s'articulent autour de trois piliers , retracés par le directeur du centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, Pascal Saint-Amans : « améliorer la cohérence des règles fiscales entre les pays (...), renforcer les exigences relatives à la substance des activités (...) et garantir plus de transparence et de sécurité juridique. » 5 ( * ) Cet ensemble de bonnes pratiques et de recommandations doit désormais être transposé dans les législations nationales et les accords fiscaux internationaux : après la phase de réflexion et de négociation, s'ouvre désormais la phase de mise en oeuvre, avant le réexamen prévu en 2020 . Alors que les différentes préconisations relèvent de traductions juridiques différentes, de formes du droit mou à des accords internationaux, il conviendra de maintenir la volonté politique affirmée lors de la première phase.

L'action 13 traite des prix de transfert, en prévoyant un standard renforcé d'obligations documentaires et en introduisant une déclaration pays par pays pour les groupes d'entreprises multinationales . Retraçant leurs entités et leurs activités pays par pays, ces déclarations permettent de dresser le portrait de chaque groupe en vue de déterminer la concordance entre la substance économique et l'imposition acquittée ; elles participent à la fois de la transparence et de la correction des pratiques d'évitement fiscal.

Si la France appliquait avant BEPS des obligations renforcées en matière de documentation des prix de transfert, une disposition de la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a rapidement introduit la déclaration pays par pays. Réservée à l'administration fiscale , elle diffère du mécanisme de déclaration publique proposé par la Commission européenne le 12 avril 2016. Afin d'accroître les informations réunies, l'action 13 prévoyait un échange automatique des déclarations , pouvant intervenir sur le fondement de trois modèles d'accords, basés respectivement sur la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale 6 ( * ) , les conventions fiscales bilatérales, et les accords d'échange de renseignements fiscaux.

Alors que les États membres de l'Union européenne ont déjà prévu les modalités de l'échange automatique des déclarations pays par pays, en révisant la directive de 2011 le 25 mai 2016, l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays, signé à Paris le 27 janvier 2016, étend le champ de cet échange au-delà des frontières européennes, puisque quarante-neuf États l'ont signé. Sur le modèle de l'accord multilatéral ayant introduit la « norme commune de déclaration », il s'appuie sur la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, dont il reprend notamment les garanties.

Venant parachever le fonctionnement du mécanisme de déclaration pays par pays à destination des administrations fiscales, l'accord proposé était attendu et est bienvenu. Son entrée en vigueur permettra ainsi de procéder à l'échange automatique des premières déclarations déposées pour l'exercice 2016, à partir du deuxième semestre 2017. Pour autant, il conviendra de veiller à ce que les États parties mettent en oeuvre l'échange des déclaration tel que prévu par l'accord, et respectent les conditions d'utilisation et de confidentialité des données. De plus, il s'agira d'étendre le champ de l'échange automatique aux États non parties à cet accord et disposant de nombreux sièges de groupes d'entreprises multinationales, ainsi que de veiller à une application stricte et proportionnée des déclarations, dans la perspective du réexamen de 2020.

I. LE CONTEXTE : L'ACTION 13 DU PROJET BEPS PRÉVOIT L'ÉCHANGE AUTOMATIQUE DE DÉCLARATIONS PAYS PAR PAYS

A. L'ACTION 13 DE BEPS VISE À ADAPTER L'APPRÉHENSION DES PRIX DE TRANSFERT À L'ÉCONOMIE GLOBALISÉE

1. L'objectif : connaître et contrôler les prix de transfert

L'évaluation des prix de transfert figurait parmi les axes principaux définis dans le Plan d'action concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices en 2013. L'objectif visait à élaborer des « règles applicables à la documentation des prix de transfert afin d'accroître la transparence pour l'administration fiscale, en tenant compte des coûts de discipline pour les entreprises . On pourra notamment imposer aux multinationales de communiquer à tous les pouvoirs publics concernés les informations requises sur leur répartition mondiale du revenu, de l'activité économique et des impôts payés dans les différents pays, conformément à un modèle commun. » 7 ( * )

Le recours aux prix de transfert fait partie intégrante de la gestion normale des entreprises multinationales. Selon l'OCDE, les prix de transfert correspondent aux « prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées » situées dans des pays différents. Les prix de transfert sont donc les prix des transactions entre sociétés d'un même groupe et résidentes d'États différents : ils supposent des transactions intragroupes et le passage d'une frontière.

Les transactions ainsi facturées entre deux entreprises associées ont pour conséquence de réduire le résultat de la première et d'augmenter celui de la seconde . L'objectif est, ainsi, de déterminer l'impôt dû dans chaque pays suivant le principe selon lequel toute activité est imposée sur le territoire où elle est réalisée.

Cependant, dans la mesure où la pratique des prix de transfert confère à un groupe d'entreprises une certaine maîtrise de la localisation de ses résultats - et ce notamment dans un contexte marqué par l'importance des échanges intragroupes 8 ( * ) -, un contrôle particulier a été introduit.

Afin d'éviter les délocalisations injustifiées de bénéfices dans les pays à fiscalité réduite, les prix de transfert sont supposés être fixés selon le principe de pleine concurrence posé par l'OCDE 9 ( * ) ; celui-ci veut que le prix de transfert pratiqué soit le même que si les deux sociétés en cause étaient deux entreprises indépendantes et ne faisaient pas partie du même groupe . Aussi les prix de transfert doivent-ils être arrêtés comme s'ils l'avaient été sur un marché concurrentiel.

Dans une double perspective d'accroître le champ et le contenu des informations transmises à l'administration fiscale sur la détermination des prix de transfert, le rapport final sur l'action 13 a remplacé les précédents principes applicables, adoptés dans leur version initiale en 1995. Si le principe de pleine concurrence dans la fixation des prix de transfert a été très rapidement défini par l'OCDE 10 ( * ) , les principes élaborés en 1995 traduisent une vision encore embryonnaire du rôle des prix de transfert au sein des groupes d'entreprises multinationales. En particulier, aucune liste de pièces à fournir dans le cadre d'une documentation des prix de transfert n'était prévue.

Afin de procurer aux administrations fiscales des informations globales et détaillées leur permettant d'appréhender les risques liés aux prix de transfert, de mieux cibler les contrôles et de disposer des éléments nécessaires aux vérifications, l'action 13 retient trois outils :

- un « fichier principal » , contenant des informations générales concernant l'activité des entreprises multinationales et leur politique de prix de transfert à l'échelle mondiale, mis à la disposition de toutes les administrations fiscales des pays concernés ;

- un « fichier local » , précisant la détermination des prix de transfert sous un angle transactionnel, spécifique à chaque pays ;

- une déclaration pays par pays , déposée chaque année par les grandes entreprises multinationales, décrivant pour chacune des juridictions fiscales où elles exercent des activités, des éléments comptables, de marché et la liste de chacune des entités du groupe.

Les modalités retenues par l'accord BEPS s'agissant du dépôt de ces trois documents varient : il est prévu que les deux fichiers soient directement transmis auprès des administrations fiscales locales, tandis que les déclarations pays par pays seraient déposées dans la juridiction de résidence fiscale de l'entité mère ultime du groupe, puis fassent l'objet d'un échange automatique entre administrations fiscales concernées . L'échange à la demande, éventuellement prévu dans le cadre d'accords bilatéraux, resterait applicable aux informations contenues dans le fichier local.

Bénéficiant du soutien politique du G20, l'OCDE tient une place centrale dans la mise en oeuvre de ces dispositifs :

- d'une part, dans l'ouverture du champ de BEPS à l'ensemble des pays volontaires, placés sur un pied d'égalité, d'abord pour la négociation, puis pour l'application et le suivi des mesures préconisées. Il s'agit désormais de concevoir un cadre inclusif de suivi et d'évaluation, sur le modèle du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, qui a notamment permis de diffuser un standard minimum en matière d'échange d'informations bancaires ;

- d'autre part, dans la définition de modèles communs de législations internes et d'accords internationaux, afin de faciliter la mise en oeuvre des nouvelles normes d'information.

De fait, le projet BEPS doit être analysé comme une double actualisation du système fiscal international, s'agissant :

- de ses règles, pour mieux prendre en compte la dimension globalisée des échanges économiques, l'essor des services et du commerce intragroupe ;

- de ses acteurs, avec l'affirmation de pays n'ayant pas participé à la définition initiale du cadre fiscal international et qui n'en reconnaissent pas toujours l'autorité. Leur participation aux travaux de BEPS vise aussi à les intégrer au sein de ce corpus normatif.

2. L'innovation principale réside dans l'introduction d'une déclaration pays par pays faisant l'objet d'un échange automatique

Les outils préconisés par l'action 13 de BEPS s'inscrivent précisément dans ce double objectif : si de nombreux pays, dont la France, appliquent déjà des règles concernant la documentation des prix de transfert 11 ( * ) , la déclaration pays par pays constitue une réelle innovation.

Dans l'analyse par l'administration fiscale des prix de transfert, la déclaration pays par pays 12 ( * ) intervient en amont des deux fichiers global et local, en dressant un portrait du groupe d'entreprises multinationales et de ses différentes entités, ainsi qu'une cartographie géographique et sectorielle des activités exercées. Elles visent à évaluer les risques liés aux prix de transfert afin de centrer les contrôles approfondis sur les plus gros enjeux identifiés préalablement . De fait, elles ne se substituent pas à une analyse approfondie des prix de transfert, effectuée par la suite au moyen des obligations documentaires complémentaires. Y seront assujetties les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 750 millions d'euros . Il est prévu que ce seuil fasse l'objet d'une conversion initiale dans la monnaie nationale, reconduite jusqu'au réexamen en 2020. Selon l'OCDE, il assure un certain équilibre entre la charge déclarative et l'objectif visé : s'il exclut près de 90 % des groupes d'entreprises multinationales, les groupes soumis à l'obligation représentent environ 90 % du chiffre d'affaires agrégé des sociétés mondiales. En France, quelques 200 sociétés mères et 1 200 filiales seraient concernées 13 ( * ) .

Une seule exception à l'obligation déclarative vise les groupes d'entreprises multinationales dont les revenus sont tirés d'activités de transport international ou de transport par voies navigables intérieures. Relevant de dispositions conventionnelles spécifiques, en vertu desquelles les droits d'imposition sont attribués exclusivement à une juridiction, ces groupes ne doivent effectuer la déclaration qu'à l'intention de la juridiction destinatrice des droits d'imposition.

Les apports concrets de la déclaration pays par pays

Dans la situation actuelle, les différentes administrations fiscales des juridictions de résidence des entités d'un groupe d'entreprises multinationales n'ont pas accès aux informations relatives au groupe dans son ensemble. Les informations dont elles disposent se limitent à l'entité présente sur leur territoire, de sorte qu'elles ne peuvent pas appréhender l'intégralité du groupe et peuvent de facto ignorer où les profits sont déclarés. Cette situation complexifie toute évaluation des prix de transfert sur les transactions intragroupe . Dans le schéma ci-dessous, l'administration fiscale brésilienne ne connaît que l'entité B, sans disposer de renseignements sur les autres entités du groupe espagnol en Turquie ou au Panama, ni sur les activités qu'elles y exercent - recherche et développement, production, etc.

L'objectif est que chaque entité du groupe d'entreprise multinationale dépose auprès de son administration fiscale de résidence une déclaration contenant huit informations retraçant ses caractéristiques financières et ses activités. Ensuite, à l'appui d'un accord d'échange entre États, chaque juridiction dans laquelle le groupe est implanté procèderait à un échange automatique des déclarations, permettant ainsi d'appréhender les différentes entités du groupe et de confronter l'activité exercée et les impôts acquittés. Dans le schéma ci-dessous, l'administration fiscale brésilienne pourrait ainsi connaître des activités de l'entité du groupe en Turquie, ainsi qu'en Espagne .

Source : commission des finances du Sénat, à partir de la vidéo de l'OCDE, « Improving transparency with Country-by-Country Reporting ».

Pour permettre une mise en oeuvre rapide et cohérente du mécanisme, l'OCDE a défini un modèle de législation imposant la déclaration pays par pays . Il précise le contenu de la déclaration, au moyen d'un modèle de déclaration annexé au rapport. La déclaration comprend trois tableaux :

- le premier dresse une vue d'ensemble de la répartition des bénéfices, des impôts et des activités du groupe par juridiction fiscale, en retraçant huit données relatives : au chiffre d'affaires, au bénéfice ou à la perte avant impôts, aux impôts sur les bénéfices réellement acquittés, aux impôts sur les bénéfices dus pour l'année en cours, au capital social, aux bénéfices non distribués, au nombre d'employés, ainsi qu'aux actifs corporels hors trésorerie et équivalents de trésorerie ;

- le deuxième dresse la liste toutes les entités constitutives du groupe réparties par juridiction fiscale, en présentant les principales activités qu'elles exercent parmi treize propositions ;

- le troisième permet au groupe de fournir des informations complémentaires facilitant la compréhension des deux premiers tableaux.

Les premières déclarations devraient porter sur l'exercice fiscal 2016 ; un délai d'un an à compter de la clôture des comptes de l'année est recommandé pour le dépôt de la déclaration, de sorte que les premières déclarations sont attendues à la fin 2017.

S'agissant des modalités de dépôt de la déclaration, trois modalités doivent être distingués :

- le mécanisme principal prévoit que les sociétés mères ultimes des groupes d'entreprises multinationales doivent y procéder auprès de l'administration fiscale de leur juridiction. Les administrations fiscales des différentes juridictions d'implantation du groupe procèderont ensuite à l'échange automatique de la déclaration, sur le fondement d'un accord international ;

- le mécanisme subsidiaire s'applique si la société mère se situe dans un État ou territoire qui n'a pas adopté une législation conforme au standard : elle pourra confier le soin de remplir cette obligation déclarative à une de ses filiales située dans un pays qui en dispose, et ce dernier assurera les échanges. De plus, à titre transitoire, un dépôt volontaire par l'entité mère ultime établie dans un État n'ayant pas encore adopté de législation sur la déclaration pays par pays, si celui-ci la reçoit et en assure la transmission auprès des autres administrations fiscales concernées, est reconnu par l'OCDE comme une application du mécanisme subsidiaire ;

- le mécanisme secondaire prévoit qu'en l'absence de désignation d'une entité subsidiaire, chaque entité peut être requise par l'État où elle est située de souscrire localement la déclaration pays par pays pour l'ensemble du groupe auquel elle appartient.

L'accord final de BEPS précise en outre les conditions d'obtention et d'utilisation des déclarations pays par pays . Est en particulier visée la protection de la confidentialité des renseignements transmis, qui doit être d'une mesure « au moins équivalente à [celle] qui s'appliquerai[t] si ces renseignements étaient communiqués au pays en vertu des dispositions de la Convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, d'un accord d'échange de renseignements fiscaux ou d'une convention fiscale satisfaisant à la norme internationalement convenue d'échange de renseignements sur demande (...). Ces protections comprennent les limitations concernant l'utilisation de l'information, les règles relatives aux personnes auxquelles les informations peuvent être communiquées, l'ordre public, etc. » 14 ( * ) De même, l'usage des renseignements collectés est limitativement ouvert à deux possibilités : l'évaluation générale des risques liés aux prix de transfert et à d'autres risques relatifs à l'érosion de la base d'imposition, ainsi que l'utilisation à des fins statistiques. En particulier, ils ne doivent pas servir de base à des ajustements sur les revenus d'une entreprise.

Par ailleurs, l'OCDE a publié des instructions relatives à la mise en oeuvre des déclarations pays par pays le 29 juin 2016, actualisées le 5 décembre 2016 ; un guide de l'utilisateur et un schéma de transmission électronique sécurisée sont également prévus.

B. DES RECOMMANDATIONS APPLIQUÉES DANS LE DROIT NATIONAL

1. Des obligations documentaires anciennes et renforcées
a) Une obligation documentaire...

La loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 15 ( * ) a institué une obligation documentaire renforcée pour les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel excède 400 millions d'euros ; y sont également soumises les entreprises détenant, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d'une entité morale satisfaisant à ce critère, ainsi que celles dont plus de la moitié du capital ou des droits de vote est détenue, directement par une entité juridique répondant à cette condition. Aux termes de l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales , ces entités « doivent tenir à disposition de l'administration » les éléments suivants :

- d'une part, les informations générales concernant le groupe (description générale de l'activité et de l'organisation, analyse des fonctions exercées, etc.)

- d'autre part, les informations spécifiques concernant l'entreprise associée faisant l'objet d'une vérification de comptabilité (description de la méthode de détermination des prix de transfert retenue et sa justification, etc.).

En outre, l'article L. 13 AB du livre des procédures fiscales impose aux entreprises concernées par l'article précité, lorsqu'elles réalisent des transactions avec des sociétés associées établies ou constituées dans des États ou territoires non coopératifs (ETNC) au sens de l'article 238-0 A du code général des impôts, de tenir à la disposition de l'administration, « pour chaque entreprise bénéficiaire des transferts, une documentation complémentaire comprenant l'ensemble des documents qui sont exigés des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés, y compris le bilan et le compte de résultat » .

Cette documentation précise les éléments juridiques, économiques, fiscaux et comptables présidant à la détermination des prix de transfert entre entités du groupe, à l'appui desquels l'administration peut appréhender la conformité des prix pratiqués au regard du principe de pleine concurrence.

Les entreprises qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales sont soumises aux dispositions de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, qui permettent à l'administration d'obtenir une documentation sur la détermination des prix de transfert.

De plus, l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales permet à l'administration fiscale française de demander des renseignements visant notamment la détermination des prix de transfert à un autre État . Dans le cadre de cette procédure d'assistance administrative internationale, le délai général de reprise est prorogé pendant une durée maximum de deux ans.

b) ...assortie d'une obligation déclarative

L'article 45 de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière 16 ( * ) a introduit une obligation de transmission des éléments documentaires à l'administration fiscale , en même temps que la déclaration d'impôt sur les sociétés mentionnée à l'article 223 du code général des impôts. Ses modalités sont précisées à l'article L. 223 quinquies B du même code ; depuis 2016, cette déclaration est dématérialisée 17 ( * ) . Le formulaire de deux pages correspond à une version allégée de la documentation exhaustive des prix de transfert de l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales.

Par ailleurs, l'article 138 de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique 18 ( * ) conduit à disjoindre les obligations de documentation de l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales et l'obligation déclarative de l'article L. 223 quinquies B du code général des impôts. Le nouveau dispositif introduit donc une gradation :

- l'obligation déclarative s'applique aux entreprises dont le chiffre d'affaires annuel hors taxe excède 50 millions d'euros ;

- s'agissant de l'obligation de documentation exhaustive, le seuil de 400 millions d'euros de chiffre d'affaires demeure applicable.

Selon la direction de la législation fiscale, les dispositions actuellement en vigueur s'agissant du fichier principal et du fichier local répondent aux recommandations du rapport final sur l'action 13 de BEPS.

2. La déclaration pays par pays à destination de l'administration fiscale a été introduite en loi de finances pour 2016

Dès la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, la France a introduit la déclaration pays par pays à destination de l'administration fiscale.

Déclarations pays par pays :

une sémantique unique pour des dispositifs pluriels

Plusieurs dispositifs de déclarations pays par pays s'appliquent déjà , selon des modalités distinctes, dans la mesure où ils ne concernent que deux secteurs d'activités et où ils sont rendus publics . Il s'agit :

- des entreprises du secteur bancaire , tenues au dépôt d'une déclaration publique d'activité pays par pays depuis l'exercice 2014, sous une forme simplifiée, et l'exercice 2015 à l'échelle de l'Union européenne. Ce mécanisme a été introduit, au sein du « paquet CRD IV » par la directive 2013/36/UE du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE, et transposé en droit national par l'article 7 de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 ;

- des entreprises du secteur des industries extractives , depuis l'exercice 2015. Cette obligation résulte du chapitre X de la directive du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises et a été transposée en droit français par l'article 12 de la loi du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

Parallèlement, la Commission européenne a proposé, le 12 avril 2016, une révision de la directive du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises en vue d'introduire un dispositif de déclaration publique pays par pays pour les entreprises multinationales exerçant dans l'Union et dont le chiffre d'affaires global dépasse 750 millions d'euros par an.

À l'appui de cette proposition, l'article 137 de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a entendu introduire ce mécanisme, selon des modalités distinctes , tant dans la présentation géographique des données que dans le seuil de chiffre d'affaires, progressivement abaissé à 500 millions d'euros, puis 250 millions d'euros. Toutefois, le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition contraire à la Constitution, considérant qu'une « telle obligation porte à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi » 19 ( * ) .

L'article 121 de la loi de finances pour 2016 crée dans le code général des impôts un article 223 quinquies C imposant une « déclaration comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités le constituant » devant être déposée, dans les douze mois suivant la clôture de son exercice, par deux types de personnes morales :

- la personne morale ayant son siège en France qui établit des comptes consolidés, détient ou contrôle, directement ou indirectement, une ou plusieurs entités juridiques établies hors de France ou y dispose de succursales, réalise un chiffre d'affaires annuel, hors taxes, consolidé, supérieur ou égal à 750 millions d'euros et n'est pas détenue par une ou des entités juridiques situées en France et soumise au dépôt de cette déclaration, ou établies hors de France et tenues au dépôt d'une déclaration similaire en application d'une réglementation étrangère ;

- la personne morale établie en France dès lors qu'elle est contrôlée directement ou indirectement par une personne morale établie dans un État ou territoire n'ayant pas adopté une réglementation rendant obligatoire la souscription d'une déclaration et répondant aux critères mentionnés précédemment et qu'elle a été désignée par le groupe à cette fin ou qu'elle ne peut démontrer qu'une autre entité du groupe a été désignée à cette fin. Aucun seuil de détention ou de contrôle n'est précisé : une personne morale est réputée détenir ou contrôler une entité établie hors de France lorsqu'elle détient une participation suffisante pour être tenue d'établir des comptes consolidés en application des règles du code de commerce 20 ( * ) .

Ce dernier cas vise notamment les filiales françaises de groupes établis dans un État qui n'aurait pas mis en place la déclaration pays par pays. Deux possibilités sont alors offertes :

- soit la filiale française du groupe étranger transmet à l'administration fiscale française les informations pays par pays relatives à l'ensemble du groupe ;

- soit une autre filiale du groupe (irlandaise, luxembourgeoise, espagnole, etc.), établie dans un pays qui met en oeuvre le mécanisme déclaratif, a été désignée pour transmettre les informations du groupe ; dans ce cas, l'administration fiscale française obtient les informations relatives à ce groupe par l'intermédiaire de cette administration fiscale étrangère. Aux fins d'application de cette possibilité, un arrêté doit préciser la liste des États ou territoires dont l'administration fiscale française peut obtenir une transmission d'informations, à savoir ceux qui ont adopté une réglementation rendant obligatoire la souscription d'une déclaration pays par pays, qui ont conclu avec la France un accord aux fins d'échange de ces déclarations et qui respectent les obligations résultant de cet accord.

Il convient de noter qu'il n'existe aucune condition d'existence de flux financiers entre l'entreprise déclarante et les entités mentionnées dans la déclaration : la déclaration doit être déposée même en l'absence de relations commerciales ou financières entre l'entreprise déclarante et les autres entités du groupe. Le défaut de dépôt de cette déclaration entraine l'application d'une amende qui ne peut excéder 100 000 euros.

Par ailleurs, l'article 223 quinquies C du code général des impôts prévoit que cette déclaration « peut faire l'objet, sous condition de réciprocité, d'un échange automatique avec les États ou territoires ayant conclu avec la France un accord à cet effet » . La France pourra ainsi transmettre les informations relatives aux personnes morales implantées sur son territoire, dès lors que l'administration fiscale étrangère aura mis en place le dispositif et échangera également les informations relatives à ses propres sociétés. Il convient de souligner qu'aucune obligation de transmission ne s'applique : l'administration fiscale française peut toujours refuser un échange de déclaration 21 ( * ) . Un arrêté fixera la liste des États et territoires qui ont adopté une législation rendant obligatoire le dépôt d'une déclaration et qui ont conclu avec la France un accord permettant l'échange automatique de ces déclarations et le respectent.

Article 223 quinquies C du code général des impôts

I.-1. Une déclaration comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités le constituant, dont le contenu est fixé par décret, est souscrite sous forme dématérialisée, dans les douze mois suivant la clôture de l'exercice, par les personnes morales établies en France qui répondent aux critères suivants :

a) Établir des comptes consolidés ;

b) Détenir ou contrôler, directement ou indirectement, une ou plusieurs entités juridiques établies hors de France ou y disposer de succursales ;

c) Réaliser un chiffre d'affaires annuel, hors taxes, consolidé supérieur ou égal à 750 millions d'euros ;

d) Ne pas être détenues par une ou des entités juridiques situées en France et tenues au dépôt de cette déclaration, ou établies hors de France et tenues au dépôt d'une déclaration similaire en application d'une réglementation étrangère.

2. Une personne morale établie en France qui est détenue ou contrôlée, directement ou indirectement, par une personne morale établie dans un État ou territoire ne figurant pas sur la liste mentionnée au II et qui serait tenue au dépôt de la déclaration mentionnée au 1 si elle était établie en France dépose la déclaration :

a) Si elle a été désignée par le groupe à cette fin et en a informé l'administration fiscale ; ou

b) Si elle ne peut démontrer qu'une autre entité du groupe, située en France ou dans un pays ou territoire inscrit sur la liste mentionnée au II, a été désignée à cette fin.

3. La déclaration mentionnée au premier alinéa du 1 peut faire l'objet, sous condition de réciprocité, d'un échange automatique avec les États ou les territoires ayant conclu avec la France un accord à cet effet.

II.- La liste des États ou territoires qui ont adopté une réglementation rendant obligatoire la souscription d'une déclaration pays par pays similaire à celle figurant au 1 du I, qui ont conclu avec la France un accord permettant d'échanger de façon automatique les déclarations pays par pays et qui respectent les obligations résultant de cet accord est fixée par un arrêté.

Un recours devant le Conseil constitutionnel a été formé à l'endroit de l'article 121 de la loi de finances pour 2016, sur le fondement :

- du principe d'égalité d'une part (cf. infra ) ;

- du principe de liberté d'entreprendre d'autre part, au motif notamment que « les sociétés sont contraintes de divulguer des informations stratégiques pouvant être transmises à des États étrangers sans qu'il soit garanti que ces États respecteront le caractère confidentiel de ces informations » .

Dans sa décision n° 2015-725 du 29 décembre 2015, le Conseil a écarté ce grief en relevant que « les dispositions contestées se bornent à imposer à certaines sociétés de transmettre à l'administration des informations relatives à leur implantation et des indicateurs économiques, comptables et fiscaux de leur activité ; que ces éléments, s'ils peuvent être échangés avec les États ou territoires ayant conclu un accord en ce sens avec la France, ne peuvent être rendus publics » 22 ( * ) . De fait, la conventionalité d'un accord tendant à assurer l'échange automatique des déclarations pays par pays ne peut être mise en doute.

Le décret pris pour l'application de l'article 223 quinquies C du code général des impôts a été publié le 29 septembre 2016 23 ( * ) . Il tient compte de la mise en oeuvre prochaine de l'échange automatique des déclarations entre autorités compétentes, dans la mesure où « une déclaration prévue par une règlementation étrangère est considérée comme similaire à celle prescrite par l'article 223 quinquies C précité lorsqu'elle comporte les mêmes informations et couvre l'ensemble du groupe » .

Si le décret reprend le contenu du standard de l'OCDE s'agissant de la présentation en trois tableaux complémentaires et des données retracées (cf. supra ), il apporte des précisions concernant la source des données. Le rapport final sur l'action 13 laissait le choix de la source des données (consolidées, sociales ou analytiques), à condition qu'elle soit homogène d'un exercice sur l'autre. De fait, le décret prévoit que les données utilisées dans la déclaration peuvent être tirées des états financiers consolidés, des comptes sociaux propres à chaque entité ou des comptes de gestion internes. En cas de changement de source, les raisons doivent être exposées à l'administration.

Quoiqu'introduit en droit national, le mécanisme de déclaration pays par pays doit être complété par des accords internationaux d'échange automatique pour parachever le maillage des groupes d'entreprises multinationales et assurer sa pleine effectivité. Au sein de l'Union européenne, il devrait être effectif à compter de 2017, permettant un échange automatique des premières déclarations portant sur l'exercice 2016.

Récapitulatif des obligations en matière de contrôle des prix de transfert

Échange sur demande

Échange automatique

Lecture : Dans l'analyse des prix de transfert, le CBCR fiscal intervient en premier afin d'évaluer les dossiers concentrant les enjeux. Un accord international peut prévoir leur échange automatique réciproque entre administrations fiscales de résidence des différentes entités du groupe concerné. Sur la base du tri et des priorités dégagées, l'administration fiscale peut ensuite effectuer une évaluation renforcée aux moyens de la déclaration des prix de transfert et de la documentation relative aux prix de transfert. L'administration fiscale peut alors solliciter, sur demande, des renseignements complémentaires à d'autres États.

Source : commission des finances du Sénat.

C. L'UNION EUROPÉENNE A ADOPTÉ L'ÉCHANGE AUTOMATIQUE DES DÉCLARATIONS PAYS PAR PAYS

Dans le cadre du « paquet sur la lutte contre l'évasion fiscale » présenté le 28 janvier 2016 dans le sillage de la publication des rapports finaux de BEPS le 5 octobre 2015, la Commission européenne a proposé de réviser la directive du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal pour transcrire les recommandations de l'action 13 de BEPS, en étendant les échanges d'informations entre administrations fiscales des États membres aux déclarations pays par pays. La directive du 15 février 2011 constitue le fondement juridique de la coopération administrative entre États membres en matière fiscale : elle précise toutes les procédures relatives aux échanges d'informations sur demande, les échanges spontanés, les échanges automatiques, la participation aux enquêtes administratives, les contrôles simultanés ainsi que les notifications des décisions fiscales.

A la faveur d'une négociation rapide au sein du triangle institutionnel, le Conseil de l'Union européenne a adopté le 25 mai 2016 la directive modifiant la directive de 2011 et prévoyant l'échange automatique des déclarations pays par pays entre administrations fiscales au sein de l'Union européenne ; la transposition des dispositions en droit national doit intervenir avant le 4 juin 2017 24 ( * ) .

Aux termes de la directive, chaque État membre doit introduire la déclaration pays par pays dans sa législation nationale, en « [prenant] en considération les normes de l'OCDE » (considérant n° 14). Ensuite, l'autorité compétente d'un État membre dans lequel la déclaration pays par pays a été déposée doit la communiquer automatiquement aux autres États membres dans lesquels une ou plusieurs entités constitutives du groupe d'entreprises multinationales de l'entité déclarante sont soit résidentes à des fins fiscales, soit imposées au titre des activités exercées par l'intermédiaire d'un établissement stable.

Deux délais sont prévus :

- pour les premières déclarations, portant sur l'exercice 2016, la communication doit intervenir dans un délai de dix-huit mois après le dernier jour de l'exercice fiscal ;

- pour les déclarations portant sur les exercices suivants, le délai de transmission est de quinze mois à compter du dernier jour de l'exercice fiscal de référence.

Par ailleurs, il est prévu que les États membres transmettent chaque année à la Commission européenne une évaluation de l'efficacité de l'échange automatique des déclarations pays par pays ainsi que les résultats pratiques obtenus.

S'agissant du contenu des déclarations, ainsi que des modalités de l'échange et de l'utilisation des données collectées, la directive reprend les règles communes définies par l'OCDE . Le considérant n° 17 de la directive souligne ainsi que « lors de la mise en oeuvre de la présente directive, les États membres devraient utiliser le rapport final 2015 sur l'action 13 du projet OCDE-G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, rédigé par l'OCDE, afin d'illustrer ou d'interpréter la présente directive et de garantir la cohérence de son application dans les différents États membres » . La directive s'inscrit expressément dans le sillage du projet BEPS et de ses possibles évolutions, précisant qu'il « convient que l'Union continue à accorder, pour ses mesures en matière de déclaration pays par pays, une attention particulière aux évolutions futures au niveau de l'OCDE » .

II. LE TEXTE : UN ACCORD MULTILATÉRAL METTANT EN PLACE L'ÉCHANGE AUTOMATIQUE DES DÉCLARATIONS PAYS PAR PAYS

A. L'ACCORD PRÉSENTÉ CONSTITUE UN DES TROIS MODES D'INTRODUCTION DE L'ÉCHANGE AUTOMATIQUE DES DÉCLARATIONS PAYS PAR PAYS

Les États ayant introduit le mécanisme de déclaration pays par pays dans leur législation nationale peuvent ensuite convenir de leur échange automatique sous condition de réciprocité . Dès lors que les États sont convenus, lors des négociations de BEPS, du dépôt unique de la déclaration auprès de la juridiction fiscale de résidence, cet échange automatique permet de parachever le fonctionnement du dispositif.

À cette fin, l'OCDE a publié trois modèles d'accords entre autorités compétentes pouvant servir à faciliter cet échange. L'accord mettant en place l'échange automatique peut être conclu par le truchement de trois accords internationaux existants :

- la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale , élaborée conjointement par le Conseil de l'Europe et l'OCDE, signée le 25 janvier 1988 et amendée le 27 mai 2010 par un Protocole 25 ( * ) . Ouverte à la signature de tous les pays, elle regroupe 106 juridictions ;

- les conventions fiscales bilatérales ;

- les accords d'échange de renseignements fiscaux 26 ( * ) .

Le recours à un accord bilatéral pour mettre en place l'échange automatique des déclarations pays par pays s'imposera dans deux cas :

- si la convention concernant l'assistance mutuelle en matière fiscale de 1988 ne s'applique pas à une juridiction ;

- si une juridiction ne conclut pas l'accord multilatéral du 27 janvier 2016.

Les trois accords internationaux possibles pour prévoir l'échange automatique de la déclaration pays par pays à destination des administrations fiscales

Source : commission des finances du Sénat

Le présent projet de loi comporte un article unique autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays, signé à Paris le 27 janvier 2016 par le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin. Cet accord s'inscrit dans le cadre de la convention multilatérale sur l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale de 1988. Il a été conclu sur le fondement de l'article 6 de la Convention 27 ( * ) et sous l'égide de l'OCDE ; 48 autres pays l'ont signé (cf. tableau infra ). Parmi les trois voies possibles pour prévoir l'échange automatique, cet accord constitue le moyen le plus inclusif, dans le prolongement des caractéristiques du projet BEPS.

La convention de 1988 offre aux États un cadre juridique de coopération transfrontalière dans le respect de la souveraineté des autres États ainsi que des droits des contribuables : son objet n'est pas d'accroître les pouvoirs des administrations fiscales, mais plutôt d'en renforcer l'efficacité en élargissant le champ d'application territorial de son action. Instrument complet en matière d'assistance administrative en matière fiscale, elle recouvre toutes les formes d'échange de renseignements : sur demande, spontané et automatique. Toutefois, la mise en oeuvre d'un échange automatique nécessite un accord préliminaire des parties prêtes à s'engager 28 ( * ) , ce que le présent accord formalise. De fait, si l'accord définit les modalités de l'échange automatique, l'ensemble des dispositions de la convention s'applique dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord.

Liste des pays signataires de l'accord entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays (au 21 octobre 2016)

Hors UE

UE

Afrique du Sud *

Argentine

Australie *

Bermudes

Brésil

Canada

Chili *

Costa Rica *

Curaçao

Géorgie

Guernesey

Islande

Inde

Île Man

Israël

Japon *

Jersey

Corée du Sud

Liechtenstein *

Malaisie *

Mexique *

Nouvelle-Zélande

Nigéria *

Norvège *

République populaire de Chine

Sénégal

Suisse

Uruguay

Allemagne *

Autriche

Belgique *

Danemark *

Espagne *

Estonie *

Finlande *

France *

Grèce *

Irlande *

Italie *

Lettonie

Luxembourg *

Pays-Bas *

Pologne *

Portugal

République slovaque *

République tchèque*

Royaume-Uni *

Slovénie

Suède *

Les pays marqués d'un astérisque ont signé l'accord multilatéral le 27 janvier 2016 à Paris.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données publiées par l'OCDE

L'article 27 de la convention amendée organise l'articulation entre la convention et les autres accords internationaux , notamment les accords d'échange de renseignements fiscaux, dans la perspective de permettre l'application du texte prévoyant la coopération la plus efficace. Ces stipulations résultent des demandes formulées par les États membres de l'Union européenne lors de l'élaboration du protocole de 2010. Les stipulations de l'article 27 précisent que :

« 1. Les possibilités d'assistance prévues par la présente convention ne limiteront pas ni ne seront limitées par celles découlant de tous accords internationaux qui existent ou pourront exister entre les Parties concernées ou de tous autres instruments qui se rapportent à la coopération en matière fiscale.

« 2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les Parties qui sont États membres de l'Union européenne, peuvent appliquer, dans leurs relations mutuelles, les possibilités d'assistance prévues par la Convention, dans la mesure où elles permettent une coopération plus large que celles offertes par les règles applicables de l'Union européenne. »

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN ÉCHANGE AUTOMATIQUE SOUS CONDITION DE RÉCIPROCITÉ, SOUS L'ÉGIDE DU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE L'OCDE

1. Le cadre de l'échange automatique

L'accord multilatéral entre autorité compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays comporte 11 considérants, 9 sections et 24 paragraphes . Il vise à définir les règles et procédures nécessaires pour permettre aux autorités compétentes des juridictions qui mettent en oeuvre l'action 13 d'échanger automatiquement les déclarations pays par pays, préparées par l'entité déclarante d'un groupe d'entreprises multinationales et remises chaque année aux autorités fiscales de la juridiction de résidence fiscale de cette entité, avec les autorités fiscales de toutes les juridictions dans lesquelles le groupe d'entreprises multinationales exerce des activités. Selon l'OCDE, la formulation de la plupart des dispositions s'inscrit dans la continuité de l'accord entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers 29 ( * ) . Lorsque cela s'est avéré nécessaire, le texte a été complété ou modifié pour refléter les orientations sur le CBCR.

Les considérants définissent le contexte de l'accord . En particulier, il est précisé que :

- les juridictions des signataires sont des parties à la convention de 1988 ou à la convention amendée par le protocole de 2010 ;

- la déclaration pays par pays participe des trois outils recommandés par l'action 13 de BEPS, avec les fichiers principal et local permettant de fournir aux administrations fiscales des informations fiables et pertinentes pour effectuer une analyse efficace des risques liés aux prix de transfert ;

- les juridictions parties à l'accord doivent avoir mis en place, lors du premier échange des déclarations, les « protections adéquates pour faire en sorte que les renseignements reçus conformément à cet accord restent confidentiels et soient utilisés » 30 ( * ) conformément aux objectifs prévus par l'action 13 de BEPS, les infrastructures nécessaires à un échange efficace, ainsi que la législation nationale prévoyant la déclaration pays par pays ;

- les procédures amiables, prévues par exemple par une convention de double imposition conclue deux États, restent applicables aux échanges de déclarations pays par pays ;

- les dispositions de la convention de 1988 relatives à la confidentialité et à la limitation de l'utilisation des renseignements échangés sont applicables au présent accord .

La section 1 procède aux définitions des principales expressions utilisées dans le présent accord. En particulier, il est précisé que l'organe de coordination correspond à l'organe de coordination de la convention de 1988, assisté par le secrétariat de l'OCDE.

La section 2 régit le cadre de l'échange automatique des déclarations pays par pays , selon les dispositions des articles 6, 21 et 22 de la convention de 1988 31 ( * ) . Les deux paragraphes de la section 2 distinguent le cadre d'échange commun et une exception :

- le cadre commun prévoit que « chaque autorité compétente échangera chaque année, de manière automatique, la déclaration pays par pays reçue de chaque entité déclarante résidente de sa juridiction à des fins fiscales, avec toutes les autres autorités compétentes des Juridictions pour lesquelles cet accord a pris effet et dans lesquelles, sur la base des informations contenues dans la déclarations pays par pays, une ou plusieurs entités constitutives du groupe d'entreprises multinationales de l'entité déclarante sont résidentes à des fins fiscales ou sont imposées au titre d'activités menées par l'intermédiaire d'un établissement stable » ;

- une juridiction peut toutefois demander à être inscrite sur la liste des juridictions pour lesquelles il n'y a pas de réciprocité ; elle devra alors transmettre les déclarations mais n'en recevra pas des autres juridictions. Pascal Saint-Amans a précisé, devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale le 7 décembre 2016, que cette possibilité traduit une nécessité juridique : « il n'y a pas de réciprocité systématique car certains États n'ont pas d'impôt sur les sociétés ».

La section 7 prévoit que l'accord peut être modifié par consensus , par accord écrit de toutes les autorités compétentes pour lesquelles il a pris effet.

La section 9 précise que le secrétariat de l'organe de coordination informe l'ensemble des autorités compétentes de toute notification qu'il reçoit au titre du présent accord, sauf exceptions prévues par l'accord, et notifie toute signature par une nouvelle autorité compétente.

2. Les modalités et garanties prévues

La section 3 détermine le calendrier de l'échange automatique des déclarations . L'échange des premières déclarations doit intervenir dans les dix-huit mois suivant le dernier jour de l'exercice fiscal sur lequel porte la déclaration ; pour les déclarations relatives aux exercices suivants, le délai est de quinze mois .

S'agissant des modalités, l'échange des déclarations doit être effectué selon un schéma commun en langage à balise extensible (XML). En outre, il est prévu que les autorités compétentes doivent s'accorder sur « une ou plusieurs méthodes de transmission électronique de données, y compris sur des normes de cryptage, en vue de renforcer autant que possible la standardisation et de réduire la complexité et les coûts » , puis en informer le secrétariat de l'organe de coordination.

La section 5 fixe le cadre applicable aux renseignements échangés dans une double perspective :

- en matière de confidentialité et de secret des données , les protections prévues par la convention de 1988 et renforcées par le protocole de 2010 sont pleinement applicables 32 ( * ) ;

- concernant l'utilisation des renseignements , le deuxième paragraphe énumère une liste limitative d'usages , conformément au cadre défini par l'OCDE dans le rapport final sur l'action 13 de BEPS, à savoir : « une évaluation générale des risques liés aux prix de transfert et aux pratiques d'érosion de la base d'imposition et de transfert de bénéfices et, le cas échéant, [une] analyse économique et statistique » . Si les renseignements obtenus par l'échange automatique des déclarations pays par pays ne doivent pas remplacer une analyse détaillée des prix de transfert et ne permettent donc pas de « déterminer de manière concluante si les prix de transfert sont corrects ou non » et encore moins de fonder des ajustements de prix de transfert, « il n'y a aucune restriction à l'utilisation des renseignements [échangés] comme point de départ à un examen plus approfondi des prix de transfert établis par le groupe d'entreprises multinationales ou d'autres questions fiscales lors d'un contrôle » .

Toute violation des garanties de confidentialité et d'utilisation des données doit être notifiée au secrétariat de l'organe de coordination par l'autorité compétente la constatant ; le secrétariat en informera ensuite les autres autorités compétentes.

Par ailleurs, l'étude d'impact annexée au présent projet de loi souligne que les données de la déclaration étant relatives à des personnes morales, elles ne constituent pas des données personnelles au sens de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes morales sont également exclues du champ d'application des garanties prévues dans le droit dérivé de l'Union européenne.

La section 4 entend répondre aux éventuelles erreurs et défaillances dans le dépôt d'une déclaration en déterminant la collaboration entre autorités compétentes . Aussi est-il prévu qu'une entité compétente informe l'autre autorité compétente « lorsqu'elle a des raisons de croire, s'agissant d'une entité déclarante résidente à des fins fiscales dans la juridiction de l'autre autorité compétente,

- « qu'une erreur peut avoir eu pour conséquence la communication de renseignements erronés ou incomplets ;

- « ou qu'une entité déclarante ne respecte pas ses obligations de dépôt d'une déclaration pays par pays ».

L'autorité compétente ainsi notifiée doit alors faire usage de toutes les dispositions appropriées de son droit interne pour corriger ces erreurs ou remédier aux manquements.

Surtout, la section 6 détermine les consultations entre États parties en cas de difficultés de deux ordres :

Tout d'abord, lorsqu'un « ajustement du bénéfice imposable d'une entité constitutive, effectué à la suite d'investigations supplémentaires fondées sur les données figurant dans la déclaration pays par pays, aboutit à des résultats économiques indésirables , y compris pour une entreprise en particulier, les autorités compétentes des Juridictions dans lesquelles les entités constitutives concernées ont leur résidence fiscale doivent se consulter et dialoguer en vue de résoudre ce cas » . Ce dispositif participe des garde-fous prévenant les risques d'utilisation détournée du mécanisme à des fins de compétition fiscale entre États.

Ensuite, lorsqu'il est constaté un défaut d'application ou d'interprétation de l'accord multilatéral d'échange , une procédure en trois temps est prévue par le paragraphe 2 :

- l'État ayant fait ce constat peut solliciter des consultations avec une ou plusieurs autorités compétentes en vue d'élaborer des mesures d'exécution de l'accord ;

- il doit d'abord consulter l'autorité compétente concernée par le défaut d'application ou d'interprétation de l'accord multilatéral, avant de « conclure à l'existence d'une défaillance systémique (...) concernant l'échange des déclarations pays par pays » ;

- s'il conclut à l'existence de cette défaillance, l'État doit en informer le secrétariat de l'organe de coordination, qui transmet à l'autorité compétente concernée puis le notifie à l'ensemble des États parties.

Tout État ayant engagé une procédure de consultation prévue au paragraphe 2 de la section 6 « doit veiller, s'il y a lieu, à ce que le secrétariat de l'organe de coordination soit informé des conclusions apportées et de toutes mesures ainsi définies, y compris l'absence de conclusions ou de mesures, et le secrétariat de coordination informera l'ensemble des autorités compétentes ».

3. Les conditions d'entrée en vigueur et de suspension de l'accord

La section 8 fixe les conditions d'entrée en vigueur de l'accord, ainsi que la possibilité de suspendre temporairement ou de mettre fin à l'échange automatique de renseignement qu'il introduit.

S'agissant de l'entrée en vigueur, il est prévu que l'autorité compétente doit, au moment de la signature de l'accord ou le plus rapidement par la suite, adresser cinq notifications au secrétariat de l'organe de coordination (cf. tableau infra ). Toute modification de ces éléments doit faire l'objet d'une notification au secrétariat. Le secrétariat publie sur le site Internet de l'OCDE une liste des autorités compétentes ayant signé l'accord et entre lesquelles il a pris effet, ainsi que les deux premières notifications fournies par les États parties et retracées dans le tableau ci-dessous. Les trois autres notifications sont mises à la disposition des autres signataires sur demande écrite auprès du secrétariat.

Liste des notifications devant être transmises au secrétariat

Une notification indiquant la mise en place de la législation nécessaire pour imposer le dépôt d'une déclaration pays par pays, ainsi que le premier exercice fiscal d'application

Publication sur Internet

Une notification précisant si la juridiction doit figurer dans la liste de celles pour lesquelles il n'y a pas de réciprocité

Publication sur Internet

Une notification précisant une ou plusieurs méthodes de transmission électronique des données

Mise à disposition sur demande

Une notification indiquant la mise en place du cadre juridique et des infrastructures nécessaires pour assurer la confidentialité et le respect des normes de protection des données, ainsi que l'utilisation appropriée des informations contenues dans les déclarations

Mise à disposition sur demande

Une notification dressant la liste des juridictions des autorités compétentes à l'égard desquelles elle a l'intention que l'accord prenne effet ou, à défaut, une déclaration de l'autorité compétente exprimant son intention que l'accord prenne effet à l'égard de tous les États parties

Mise à disposition sur demande

Source : commission des finances du Sénat à partir des paragraphes 1, 3 et 4 de la section 8 du présent accord

L'accord prend effet entre deux autorités compétentes dès lors que la seconde a déposé au secrétariat de l'organe de coordination la notification dressant la liste des juridictions à l'égard desquelles elle a l'intention que l'accord s'applique. Toutefois, pour que l'accord soit applicable, il faut que la Convention soit entrée en vigueur et ait pris effet pour les deux juridictions.

Le paragraphe 5 de la section 8 prévoit la possibilité de suspendre temporairement l'échange de renseignement à l'égard d'un État partie . Seuls les manquements graves relatifs aux obligations de confidentialité et de protection des renseignements échangés, aux usages limitativement énumérés au paragraphe 2 de la section 5, ou à l'obligation de consultation préalable en cas d'ajustement du bénéfice imposable aboutissant à des résultats économiques indésirables visé au paragraphe 1 de la section 6, ainsi que le défaut de communication des informations appropriées en temps voulu ouvrent droit à la suspension temporaire de l'échange. La procédure suivante est prévue :

- l'État doit d'abord consulter l'autorité compétente de la juridiction à l'égard de laquelle il souhaite suspendre l'échange ;

- il doit ensuite adresser un préavis à l'autorité compétente de la juridiction visée en indiquant que cette dernière commet ou a commis un manquement grave au présent accord.

La suspension prend effet immédiatement et se poursuit jusqu'à ce que l'autorité visée « établisse d'une façon satisfaisante pour les deux autorités compétentes qu'il n'y a pas eu de manquement grave ou qu'elle a pris les mesures appropriées » pour y remédier. Une consultation par le biais du secrétariat et associant d'autres États parties en vue de rechercher une solution peut aussi être engagée.

Enfin, le paragraphe 6 de la section 8 prévoit la possibilité, pour un État partie, « de mettre fin à sa participation au présent accord ou vis-à-vis d'une autre autorité compétente moyennant un préavis adressé au secrétariat de l'organe de coordination ». La dénonciation prend effet au terme d'un délai de douze mois à compter de la date du préavis. En ce cas, il est précisé que toutes les informations déjà reçues restent confidentielles et soumises aux dispositions de la convention de 1988.

III. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR : UN MÉCANISME PERTINENT, MAIS DES MODALITÉS ET UNE PORTÉE À SURVEILLER

A. UN ACCORD PARACHEVANT LE MÉCANISME DES DÉCLARATIONS PAYS PAR PAYS

L'accord proposé complétant le mécanisme de déclarations pays par pays des groupes d'entreprises multinationales constitue un jalon important . En effet, au cours des négociations, deux options ont été envisagées pour la collecte des déclarations :

- prévoir le dépôt local d'une déclaration par chaque entité du groupe ;

- faire reposer l'obligation déclarative sur la société mère pour le compte du groupe, ce qui impliquait ensuite une transmission aux États d'implantation des différentes entités du groupe.

Afin de limiter la charge administrative des entreprises et de protéger la confidentialité des données, les États ont privilégié la deuxième solution en février 2015, au cours des négociations sur le projet BEPS : il s'agit du mécanisme principal de dépôt, tandis que la première solution ne s'applique qu'à titre secondaire 33 ( * ) . La société mère, qui centralise les données comptables et définit la stratégie du groupe, est donc investie de la responsabilité de déposer la déclaration pays par pays auprès de sa juridiction fiscale de résidence. Entendu par la commission des finances du Sénat le 9 mars 2016, le directeur du centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, Pascal Saint-Amans, rappelait ainsi le processus de négociation : « initialement, nous avions prévu que la déclaration se fasse dans tous les pays où la société opère. Mais certains pays ont insisté pour obtenir quelques garanties quant à la confidentialité de ces informations, et donc pour que la déclaration soit faite dans l'État du siège, charge à lui de la transmettre, via les accords d'échange d'information, aux pays où sont établies des filiales. Il s'agit également de garantir par là une bonne utilisation de l'information » .

Dans ces conditions, un accord international doit intervenir entre les États ayant introduit le dispositif dans leur législation nationale pour prévoir le principe et les modalités de l'échange automatique et réciproque des déclarations pays par pays.

Si l'accord proposé ne constitue qu'un des trois types d'accords prévus pour convenir de cet échange , votre rapporteur relève qu'il s'inscrit toutefois dans un cadre multilatéral , dans le prolongement des travaux du projet BEPS, et réunit un grand nombre de puissances économiques. De plus, se plaçant dans le truchement de la convention multilatérale sur l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale de 1988, son articulation avec les autres accords internationaux qui pourraient intervenir pour prévoir l'échange automatique des déclarations est assurée 34 ( * ) . De fait, par rapport au cadre actuel, il permet une double avancée :

- d'une part, il étend le champ de l'échange automatique effectif au sein de l'Union européenne à la fin de l'année 2017 pour les déclarations portant sur l'exercice 2016. Sur les quarante-neuf pays signataires, seuls vingt-et-un sont des États membres de l'Union européenne ; l'accord réunit la signature de dix-neuf des vingt-cinq premières économies mondiales en termes de PIB nominal 35 ( * ) . Surtout, il agrège à l'échange automatique des déclarations pays par pays la République populaire de Chine, le Japon, la Corée du Sud, la Suisse, ainsi que le Canada. Selon les données de l'Association française des entreprises privées (AFEP), neuf des dix pays hébergeant le plus grand nombre de sièges sociaux des 500 plus grandes entreprises mondiales seraient ainsi parties à l'accord , représentant 59 % des sièges sociaux de ces groupes 36 ( * ) . Toutefois, ces considérations demeurent suspendues à la ratification effective de l'accord par les différents États parties ;

- d'autre part, il rend effectif le mécanisme déclaratif prévu par l'action 13 de BEPS pour les États parties mais non membres de l'Union européenne. En prévoyant l'échange automatique des déclarations entre juridictions parties, il permet d'étendre doublement le champ des entités que l'administration fiscale française pourra connaître : par la voie de l'échange automatique, mais également par l'activation possible du mécanisme de dépôt secondaire . Dès lors qu'une société mère d'un groupe d'entreprises multinationales réside fiscalement dans une juridiction non partie à un accord d'échange automatique, une entité locale doit être désignée par le groupe pour procéder au dépôt de la déclaration. Toutefois, cette possibilité reste suspendue à la publication de l'arrêté fixant la liste des États et territoires qui ont adopté une législation rendant obligatoire le dépôt d'une déclaration et qui ont conclu avec la France un accord permettant leur échange automatique et le respectent. Selon les informations communiquées par la direction de la législation fiscale, cette liste sera publiée dans le courant de l'année 2017, « dès qu'une information suffisamment complète sur l'état de la mise en place de la déclaration pays par pays dans les autres juridictions sera disponible, afin que les multinationales qui opèrent en France puissent connaître en temps utile l'étendue de leur obligation déclarative ».

De fait, la conclusion rapide de cet accord multilatéral permettra la mise en oeuvre de l'échange automatique dès le premier exercice de dépôt des déclarations (2016). Selon les modalités prévues, les premiers échanges interviendront entre les États ayant ratifié l'accord multilatéral dix-huit mois après le dernier jour de l'exercice fiscal sur lequel porte la déclaration, soit à partir de juillet 2018. Les différents acteurs bénéficieront ainsi d'un certain recul lors de l'examen à mi-parcours des actions du projet BEPS prévu en 2020.

La conclusion rapide de cet accord multilatéral s'explique notamment par le fait qu'il s'inscrit dans le sillage de l'accord multilatéral introduisant la « norme commune de déclaration » et l'échange automatique de renseignements en matière bancaire, signé le 24 octobre 2014 sous l'égide de l'OCDE et intervenant également par le truchement de l'article 6 de la convention de 1988.

Par ailleurs, alors que la doctrine s'interroge sur les traductions réelles des préconisations de BEPS 37 ( * ) , il convient de relever la spécificité de ce dispositif, nécessitant le recours à des formes juridiques contraignantes, déjà intervenues pour certains États parties. Si des accords bilatéraux doivent encore être négociés pour étendre le champ de l'échange automatique des déclarations pays par pays, notamment avec les États-Unis, cette recommandation de BEPS est désormais inscrite dans le droit.

Contrairement à d'autres actions de BEPS relevant d'un droit mou , sans portée juridique contraignante, l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays fixe des modalités précises et prévoit des garanties relatives à la confidentialité et à l'utilisation des données collectées. En cas de non-respect de ces principes ou de non transmission des données, un État peut décider de suspendre l'échange automatique à l'égard d'une autre juridiction.

B. UN ACCORD ÉQUILIBRÉ, MALGRÉ CERTAINES LIMITES

1. L'échange automatique prévu par l'accord est assorti de garanties relatives à la confidentialité et à l'utilisation des données

L'équilibre du mécanisme retenu par l'accord proposé est satisfaisant tant concernant les modalités de l'échange automatique qu'il prévoit, en termes de confidentialité et d'utilisation des données, qu'an regard des procédures de consultation et de sauvegarde qu'il comporte. Ces garanties permettent d'encadrer l'ouverture de l'accord à la signature de pays en cours d'insertion dans le système fiscal international.

En particulier, il convient de souligner que l'échange automatique ne constitue pas un échange ouvert à tous les États parties de toutes les déclarations, mais intervient uniquement entre juridictions dans lesquelles une des entités du groupe concerné exerce une activité, et sous condition de réciprocité.

L'adossement de cet accord à la convention de 1988 lui permet certes une ouverture à un grand nombre de pays, dont des États qui ne disposent pas des moyens humains et juridiques nécessaires à la conclusion d'un corpus de conventions et accords bilatéraux en matière fiscale, mais offre surtout des garanties de confidentialité des données transmises . En particulier, l'article 22 de la convention précise que « les renseignements obtenus par une partie en application de la présente convention sont tenus secrets et protégés dans les mêmes conditions que celles prévues pour les renseignements obtenus en application de la législation de cette partie » .

De même, l'accord reprend expressément les strictes conditions d'utilisation des renseignements échangés , en précisant qu'ils ne doivent pas être utilisés par les administrations fiscales pour proposer des ajustements de prix de transfert fondés sur une méthode de répartition globale des bénéfices. Les déclarations s'entendent comme un outil d'évaluation générale des risques liés aux prix de transfert.

Malgré ces strictes conditions, le risque d'une utilisation détournée ne peut être complètement écarté . Entendu par la commission des finances du Sénat le 9 mars 2016, Pascal Saint-Amans le notait ainsi : « il demeure certes un petit risque, celui que l'administration du pays A, où la marge serait de 10 % alors qu'elle est de 15 % dans le pays B, estime que 5 % lui sont soustraits et opère un redressement dans cette proportion, alors même que cette différence peut ne pas tenir à la planification fiscale mais à des conditions de marché différentes - l'entreprise pouvant se heurter à un compétiteur dans un pays et pas dans l'autre » .

Aussi l'accord multilatéral prévoit-il la possibilité de consultations entre parties et confie-t-il un rôle central au secrétariat de l'organe de coordination. En particulier, les dispositions contenues à la section 6 déterminent opportunément les consultations à effectuer en cas de difficulté relative à un ajustement du bénéfice imposable aboutissant à des résultats économiques indésirables et de défaut d'application ou d'interprétation de l'accord.

Enfin, dans les cas de défaillance manifeste ou de comportement à visée non-coopérative d'un État partie, l'accord multilatéral ouvre deux possibilités :

- d'une part, le multilatéralisme est pondéré dans la mesure où il est loisible à une partie de choisir les États avec lesquels elle souhaite mettre en oeuvre l'échange automatique : une des cinq notifications adressées au secrétariat peut ainsi dresser la liste des juridictions des autorités compétentes à l'égard desquelles il a l'intention que l'accord prenne effet ;

- d'autre part, est expressément prévue la possibilité de suspendre temporairement l'échange automatique en cas de manquements graves précisés au paragraphe 5 de la section 8. Même, un État peut mettre fin à sa participation au présent accord ou vis-à-vis d'une autre juridiction.

2. Plus largement, le dispositif prévu par BEPS présente toutefois certaines limites pratiques

En l'état actuel, le dispositif souffre de certaines faiblesses , relatives au maillage des différents groupes d'entreprises multinationales d'une part, et aux modalités techniques retenues dans le cadre de l'accord de BEPS.

S'agissant de la capacité du cadre prévu à couvrir effectivement l'ensemble des groupes d'entreprises multinationales, la principale difficulté porte sur la mise en oeuvre du mécanisme secondaire de dépôt pour les groupes dont la société mère est établie dans une juridiction ne prévoyant pas la déclaration pays par pays. Cette situation avait d'ailleurs été invoquée dans le recours formé devant le Conseil constitutionnel à propos de l'article 121 de la loi de finances pour 2016 introduisant le dispositif en droit national. Il était ainsi soutenu que la mesure soulevée méconnaissait le principe d'égalité devant la loi, dès lors qu'elle avait pour effet d'instaurer des obligations déclaratives différentes entre une société mère ayant son siège en France et une entité contrôlée par une société ayant son siège à l'étranger. En effet, la seconde serait soumise à une formalité impossible dans la mesure où elle serait dans l'incapacité de produire des informations qui ne lui auraient pas été transmises par sa société mère. Cependant, le Conseil constitutionnel a considéré que ces dispositions ne créaient pas de différence de traitement, compte tenu du fait que « les dispositions contestées imposent la même obligation déclarative à une société mère ayant son siège en France (...) et à une société établie en France contrôlée par une société ayant son siège à l'étranger » 38 ( * ) .

Pour autant, si le problème juridique a été écarté, la difficulté pratique subsiste : une filiale devant déposer la déclaration au nom de la société mère du groupe pourrait ne pas disposer des éléments nécessaires, en raison soit d'un obstacle volontaire, soit de difficultés concrètes. Le droit en vigueur 39 ( * ) prévoit que la désignation de l'entité chargée de souscrire la déclaration pays par pays se fera à l'occasion du dépôt de la déclaration de résultat, de sorte que la décision de désignation appartient au groupe. Lorsqu'une entité tenue au dépôt de la déclaration pays par pays s'abstient de la déposer ou dépose une déclaration incomplète ou inexacte, une pénalité jusqu'à 100 000 euros est prévue par l'article 1729 F du code général des impôts. Dans ces conditions, il existe bien une limite au mécanisme prévu, qui pourrait placer des groupes concurrents dans une situation différente .

S'agissant des modalités techniques retenues , deux observations peuvent être formulée, relatives :

- à la source des données utilisées dans la déclaration . Le rapport final sur l'action 13 de BEPS offre la possibilité de choisir la source des données utilisables - données consolidées, sociales ou analytiques - à condition qu'elle soit homogène d'un exercice sur l'autre et que les sources et principes retenus soient expliqués à l'administration fiscale dans le troisième tableau de la déclaration comportant les « informations complémentaires ». En France, la coexistence de deux référentiels comptables pour l'établissement des comptes consolidés, soit selon les normes françaises, soit selon les principes de l'IFRS 40 ( * ) , laisse le choix pour les entreprises françaises. Il est précisé que le choix d'un référentiel ne sera pas neutre du point de vue des données qui seront retracées dans la déclaration ;

- à la référence monétaire utilisée pour le seuil de chiffre d'affaires conditionnant l'assujettissement à l'obligation de déclaration . Il est précisé que « le seuil retenu est égal à 750 millions d'euros ou à un montant équivalent en monnaie nationale au cours en vigueur en janvier 2015 (...). Une juridiction qui utilise un seuil exprimé dans une autre monnaie que l'euro n'est pas tenue de réviser périodiquement le montant de ce seuil pour tenir compte des fluctuations monétaires » 41 ( * ) . Une éventuelle actualisation du seuil ne pourrait intervenir qu'à l'occasion du réexamen de 2020. Par conséquent, des fluctuations monétaires importantes pourraient conduire à un traitement différent de groupes d'entreprises multinationales dont le chiffre d'affaires s'approche du seuil.

C. LA DÉCLARATION PAYS PAR PAYS ENTRAÎNERA DES CONSÉQUENCES, TANT POUR LES ADMINISTRATIONS FISCALES QUE POUR LES ENTREPRISES

1. L'administration fiscale disposera du portrait des groupes d'entreprises, renforçant l'acuité de ses contrôles

Parachevé par la mise en place d'un échange automatique entre administrations fiscales des États parties, le mécanisme de déclaration pays par pays complète les outils permettant d'appréhender la politique de prix de transfert d'un groupe d'entreprises multinationales. Compte tenu des obligations déjà en vigueur en matière de documentation des prix de transfert, la déclaration pays par pays ne constitue pas tant un renforcement des informations à la disposition des services fiscaux qu'un moyen de mieux les utiliser , notamment en décloisonnant les différentes données relatives à un même groupe. À l'appui de la cartographie des implantations et des activités de chaque entité d'un groupe, il sera possible d'opérer une première analyse des risques et de hiérarchiser les évaluations approfondies à conduire au moyen des documentations déjà fournies. C'est en ce sens que la déclaration pays par pays s'inscrit au sein de l'action 13 en complément des obligations documentaires.

En effet, l'apport de ce mécanisme est double , en ce qu'il complète l'information à la disposition des administrations fiscales en présentant un portrait des plus grandes firmes internationales, et qu'il renforce l'effectivité des dispositifs préexistants de documentation des prix de transfert. Si l'échange des renseignements relatifs à ces fichiers demeure régi par le principe d'une demande présentée par une juridiction à une autre 42 ( * ) , l'échange automatique des déclarations pays par pays supprime un obstacle à sa mise en oeuvre. En effet, pour formuler une demande de renseignement auprès d'une autre juridiction, il est nécessaire de disposer d'éléments suffisants conduisant à l'analyse approfondie. Grâce aux déclarations pays par pays et aux éventuelles difficultés ainsi révélées, l'administration fiscale requérante disposera plus facilement de ces éléments.

De plus, les coûts de collecte de la déclaration pays par pays par la direction générale des finances publiques seront limités, dans la mesure où elle sera produite en même temps que la liasse fiscale.

Dans le processus d'analyse des prix de transfert, la déclaration pays par pays s'insère en amont des phases d'enquête et de contrôle , pour en renforcer la précision. Une meilleure programmation des contrôles fiscaux peut ainsi être attendue, ce qui pourrait indirectement contribuer à accroître le rendement budgétaire. Entendu par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 24 novembre 2015, le directeur général des finances publiques Bruno Parent précisait ainsi la portée de ces dispositions : « quant à savoir si le programme BEPS et les travaux de l'OCDE permettront de produire des recettes significatives, l'objectif global est de localiser les assiettes en cohérence avec le lieu où se produit la valeur ajoutée. Si le système fonctionne bien, ce n'est pas dans le ressort du contrôle fiscal que les recettes s'accroîtront mais bien dans l'assiette normale d'entreprises payant leurs impôts. Nous avons l'espoir que cela génère des recettes supplémentaires (...). Je défie quiconque de parvenir à estimer cette recette supplémentaire. »

Selon les informations transmises par la direction de la législation fiscale, les services fiscaux ont anticipé la mise en oeuvre de ce mécanisme, en conduisant plusieurs évolutions informatiques préalables à une exploitation effective des données fournies . Il s'agit en particulier de :

- l'identification précise des personnes concernées par les informations transmises au moyen de leur numéro d'identification fiscale, en assurant l'appariement automatique entre les données d'identification transmises et les données d'identification des contribuables déjà présentes dans les bases de données de l'administration fiscale française. Le format d'échange des données du mécanisme de déclaration pays par pays défini par l'OCDE rend ainsi obligatoire la transmission du numéro d'identification fiscale pour chaque entité concernée ;

- l'intégration automatique des données reçues dans les applications existantes du système d'informations des services fiscaux ;

- une fois ces préalables effectués, les dispositifs de recoupements et d'analyse-risque trouveront à s'appliquer. L'application renforcée du datamining au sein de la programmation du contrôle fiscal s'appuiera notamment sur les données des déclarations pays par pays.

Dans ces conditions, le processus d'évaluation et de contrôle des prix de transfert se trouvera désormais complété. En effet, dans le cas où, sur la base de l'analyse initiale de la déclaration pays par pays, étayée par une analyse approfondie des documentations relatives aux prix de transfert, l'administration fiscale identifie une anomalie, elle peut recourir aux dispositions de l'article 57 du code général des impôts. Aux termes de cet article, « les bénéfices indirectement transférés à [des entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France], soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités » et entrent dans l'établissement de l'impôt sur les bénéfices dû. En 2014, les services fiscaux ont eu recours à 394 reprises à ces dispositions, pour un montant de rehaussements en base de 3,6 milliards d'euros 43 ( * ) . En outre, les rappels en matière de prix de transfert peuvent être assortis des majorations prévues à l'article 179 du code général des impôts, à savoir 40 % de droits supplémentaires en cas de manquements délibérés et 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses.

Par ailleurs, l'extension de la transparence fiscale s'accompagne d'une modification des attentes de l'administration fiscale lors des contrôles. Prenant en compte l'existence de stratégies fiscales s'insérant dans les interstices de la légalité et disposant de renseignements plus étendus, elle s'attache à vérifier la réalité des descriptions avancées par le contribuable, en confrontant le comportement effectif au comportement décrit dans les différentes déclarations transmises 44 ( * ) . En parallèle, des initiatives ont été prises pour aider les entreprises à formaliser une politique de prix de transfert :

- l'administration fiscale met en ligne des exemples de schémas fiscaux qu'elle considère comme agressifs et qui ont fait l'objet de redressements, dans le but de dissuader les entreprises de recourir à de tels schémas ;

- afin de sécuriser juridiquement leur politique de prix de transfert, les entreprises peuvent recourir à l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, écartant tout rehaussement d'imposition lorsque « l'administration a conclu un accord préalable portant sur la méthode de détermination des prix [de transfert], soit avec l'autorité compétente désignée par une convention fiscale bilatérale destinée à éliminer les doubles impositions, soit avec le contribuable ».

2. Soumises à des contraintes supplémentaires, les entreprises pourront également s'en saisir comme d'un outil

Cette nouvelle approche entraînée par l'extension de la transparence fiscale concerne également les entreprises.

Tout d'abord, une nouvelle charge administrative s'impose aux grandes entreprises . Toutefois, les modalités retenues par l'action 13 de BEPS et inscrites dans le droit témoignent d' un certain équilibre . La difficulté pour les entreprises est de deux ordres :

- d'une part, pour collecter les informations nécessaires, ce qui implique le développement d'outils informatiques adaptés ;

- d'autre part, pour traiter et présenter les données requises, afin notamment d'éviter le risque d'une mauvaise interprétation. Il s'agira notamment de s'assurer de la cohérence des données communiquées dans les différentes déclarations et documentations fournies aux services fiscaux.

Lors des précédents travaux de la commission des finances du Sénat sur la déclaration pays par pays à destination des administrations fiscales, il avait été indiqué que le coût annuel de production des déclarations pour un groupe d'entreprises multinationales s'élevait à plusieurs millions d'euros. Les sociétés de conseil aux entreprises ont rapidement développé un service d'accompagnement à la mise en place de la déclaration pays par pays.

En particulier, outre l'assistance technique pour la préparation et l'élaboration de la déclaration, les cabinets de conseil proposent d'en effectuer une analyse, déterminant notamment les écarts entre l'allocation du profit et la substance des activités exercées . Cette revue peut ensuite alimenter une stratégie visant à améliorer la substance dans les pays les plus profitables. De fait, cette prestation souligne en creux la double portée du mécanisme de déclaration pays par pays pour les groupes d'entreprises multinationales :

- d'une part, le renforcement des outils d'analyse et de contrôle des prix de transfert conduit à une intériorisation des principes de détermination de ces prix par les entreprises. Au-delà du renforcement des renseignements de l'administration fiscale, le mécanisme peut contribuer à l'instauration d'une culture de conformité au sein des entreprises ;

- d'autre part, la revue des entités et des activités exercées conduit les groupes à une autoanalyse et renforce leurs propres connaissances et donc l'élaboration de leurs grandes orientations .

L'objectif poursuivi par la déclaration pays par pays de donner à l'administration fiscale une vision d'ensemble du groupe d'entreprises multinationales peut également conduire ce groupe à mieux gérer sa stratégie et sa communication fiscales .

En interne, les données collectées pourront servir à une analyse de la chaîne de valeur , indiquant la contribution des différentes sociétés du groupe à la génération du résultat global du groupe, compte tenu de leurs caractéristiques propres. La revue des données comptables et financières peut ainsi constituer une opportunité pour les directions fiscales de renforcer leurs prérogatives au sein des directions financières en identifiant des risques et en planifiant leur résolution.

Entendu par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale le 7 décembre 2016, Pascal Saint-Amans, directeur du centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, relevait à cet effet que « ces dispositions [de l'action 13 du projet BEPS] auront un impact majeur car les directeurs juridiques et fiscaux des entreprises considérées devront désormais expliquer à leurs présidents comment le groupe pourra justifier que tous ses profits soient abrités aux Bermudes. Je pense que l'obligation de reporting pays par pays entraînera une forte autorégulation en raison du risque de redressement fiscal encouru mais aussi en raison du risque de dommage à la réputation de l'entreprise » .

En externe, la déclaration pays par pays peut aussi amener le groupe à définir une communication fiscale active . L'extension de la transparence concerne désormais les données fiscales des grandes entreprises : elles font l'objet d'enquêtes fréquentes de la part des acteurs de la société civile et peuvent écorner leur image. Disposant des informations nécessaires et sensibilisée aux règles du système fiscal international, une entreprise pourrait ainsi choisir de définir une communication sur ce champ. Par exemple, depuis 2015, le groupe minier anglo-australien Rio Tinto publie un rapport 45 ( * ) présentant les différents montants d'impôts payés par pays, incluant l'impôt sur les bénéfices, les charges sociales, les droits de douanes, les taxes foncières, etc.

D. FACE AUX INCERTITUDES ENTOURANT LES EFFETS DE BEPS, DEUX ENJEUX PRIORITAIRES

Votre rapporteur formule deux craintes :

- s'agissant, d'une part, d'un possible syndrome de Prométhée que BEPS pourrait entraîner : en particulier, les conséquences réelles et à moyen terme de la déclaration pays par pays demeurent incertaines à ce stade , tant de la part des entreprises que des administrations fiscales ;

- s'agissant, d'autre part, des intentions des États parties motivant leur participation à l'échange automatique . Certains grands groupes occidentaux ont ainsi alerté sur les risques présentés par la transmission d'informations stratégiques à certains États où les frontières entre l'administration fiscale et le pouvoir politique sont moins marquées.

1. BEPS : le risque de conséquences non anticipées

L'appréhension du nouveau mécanisme de déclaration pays par pays par les grandes entreprises soulève certaines interrogations. En particulier, l'élaboration des déclarations par les grands groupes ne se réduira pas à une simple agrégation des données requises, mais se conjuguera avec une première analyse des renseignements . Les prestations proposées par les cabinets de conseil l'illustrent : certaines entreprises pourraient se servir de la revue qui leur est imposée pour préciser leur stratégie de répartition des activités et, donc, la valeur imposable.

Certes, votre rapporteur prend note des objectifs initialement fixés dans le cadre du projet BEPS et rappelés par Pascal Saint-Amans 46 ( * ) , précisant que « les dirigeants du G20 ont très tôt perçu le risque que les travaux sur le projet BEPS aient pour effet délibéré ou involontaire de bouleverser le partage existant de la compétence fiscale entre les États, notamment la répartition des droits d'imposition entre les pays émergents, majoritairement importateurs de capitaux, et les pays développés, principalement exportateurs de capitaux. C'est pourquoi, dès le lancement du projet en 2013, le G20 a convenu que les travaux de l'OCDE ne porteraient pas sur la répartition des droits d'imposition entre États de la source et de la résidence, mais sur la révision des normes du système fiscal international qui gouvernent l'imposition des entreprises multinationales pour s'assurer que celles-ci déclarent fiscalement leurs bénéfices dans les juridictions où les activités économiques sous-jacentes sont réalisées, c'est-à-dire où la valeur est créée » . Aussi le plan d'action de BEPS stipule-t-il que « ces mesures n'ont pas pour objectif direct de modifier les normes internationales existantes relatives à l'attribution des droits d'imposition des bénéfices transnationaux » 47 ( * ) .

De fait, le projet BEPS a été conçu comme une remise à niveau des règles du système fiscal international plutôt qu'une révolution fiscale. L'intérêt du cadre multilatéral ayant présidé à ces travaux est également d' agréger des pays non-membres de l'OCDE dans le cadre des principes traditionnels du système fiscal international, ce que Pascal Saint-Amans souligne : « alors que nombre [des pays du G20 non-membres de l'OCDE] ne reconnaissaient pas jusqu'ici officiellement l'autorité des normes fiscales internationales développées par l'OCDE, leur association aux travaux sur le BEPS les engage non seulement à mettre en oeuvre les mesures du paquet dans le cadre structuré d'un mécanisme multilatéral de suivi et d'accompagnement sous l'égide de l'OCDE, mais aussi à reconnaître l'autorité du contexte normatif dans lequel ces mesures s'inscrivent : les principes et standards de l'OCDE figurant dans le modèle de convention fiscale et ses commentaires (y compris les principes en matière de prix de transfert) » 48 ( * ) .

Si les garanties prévues dans l'accord multilatéral proposé peuvent être jugées suffisantes pour répondre à ces risques, l'évolution lente qui pourrait suivre l'utilisation des déclarations pose des difficultés plus profondes et structurelles pour appréhender ce qui fait la valeur taxable . Ces risques ont d'ailleurs été bien identifiés par l'OCDE, dans la mesure où le rapport final sur l'action 13 reconnaît que « la nécessité d'améliorer l'efficacité du règlement des différends pourrait s'accroître sous l'effet du renforcement des capacités d'évaluation des risques à la suite de l'adoption et de la mise en oeuvre de l'obligation de communiquer les déclarations d'activité pays par pays » 49 ( * ) .

En particulier, la volonté d'obtenir une prise fiscale sur les nouveaux secteurs de l'économie numérique ne doit pas conduire à une révolution de l'appréhension de la valeur taxable , privilégiant la consommation à la conception et à la production. Une extension de ce raisonnement dans le secteur industriel pourrait entrainer des risques, en remettant en question l'importance de la conception et de la production dans la création de valeur. Cet enjeu est d'autant plus fort que les pôles de consommation se trouvent désormais dans les pays émergents, en Asie notamment, alors que la recherche et la conception demeurent encore dans les pays avancés, entraînant des risques à long terme pour les finances publiques nationales.

Entendue par la commission des finances du Sénat le 1 er juillet 2015, la directrice fiscale de Sanofi, Catherine Henton, formulait ainsi ces inquiétudes : « déjà, certains pays, notamment parmi les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), s'appuient sur les principes BEPS dans leurs contrôles fiscaux. Ces pays se plaignent du fait que les entreprises ne laissent pas assez de profits taxables dans les pays où elles vendent leurs produits. S'ils décident d'agir pour que nous changions nos prix de transferts, nous qui exportons depuis la France, l'Allemagne et les États-Unis, devrons baisser ces prix pour éviter la double imposition. Nous nous y préparons déjà. Ces pays expliquent que les incorporels ne valent rien sans marchés solvables. Les exemples abondent déjà, comme ceux de BMW ou du lait breton en Chine. Même le Canada nous a redressés sur une répartition de profits.

Vu de l'extérieur, on pourrait croire qu'il suffit, comme le prévoit BEPS, de répartir les profits entre pays en fonction de quelques critères. Mais c'est une vision naïve. Cela suppose l'accord de tous. Actuellement, pour chasser l'abus, on attrape tout le monde ! Il faudrait étudier l'impact des propositions avancées. Par exemple, les principes BEPS permettraient sans doute de mieux taxer les GAFA, mais a-t-on mesuré les pertes de recettes fiscales qu'ils occasionneraient pour des entreprises telles que Sanofi-Aventis ou LVMH ? On ne peut pas à la fois prétendre face à Apple que c'est le marché des consommateurs qui compte, et tenir un discours inverse à la Chine ou au Brésil... Nous participons activement aux discussions sur le projet BEPS. Dans sa mise en oeuvre, il faudra ne pas se hâter et bien veiller à ce que nos partenaires avancent au même rythme. »

2. Un projet ambitieux et inédit, interrogeant sur la volonté réelle des États

De fait, ces craintes soulignent la nouveauté du projet BEPS par rapport aux initiatives passées en matière de fiscalité internationale . En effet, la prise de conscience à la suite de la crise de 2008 est principalement due aux conséquences budgétaires de l'évitement de l'impôt et au rôle du système bancaire parallèle dans le développement de la titrisation. Aussi les premières actions ont-elles visé les paradis fiscaux ou le secret bancaire.

Pour autant, avec BEPS, la réflexion ne vise plus tant l'illégalité que l'amélioration des règles existantes . Il ne s'agit pas tant de définir des règles que de s'interroger sur l'esprit des règles et sur les moyens d'en renforcer l'effectivité ainsi que de limiter les chevauchements entre législations fiscales. Entendu par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 18 mai 2016, M e Frédéric Teper, membre de la commission fiscalité des entreprises de l'Institut des avocats conseils fiscaux (IACF), insistait sur ce point : « je pense qu'il s'agit d'un changement de paradigme, d'une révolution à laquelle nous devons tous être attentifs. Non que les thèmes évoqués dans le cadre de [BEPS] soient totalement nouveaux : prix de transfert, déductions de charges financières et sociétés soumises à une fiscalité privilégiée à l'étranger sont des thèmes présents sur la scène internationale depuis des décennies. Ce qui est nouveau, c'est la prise de conscience, au nom de la concurrence loyale entre les États, de ces phénomènes. Nous sortons donc de la simple question des paradis fiscaux : il s'agit de savoir si ces pratiques fiscales dommageables sont tolérables entre des États rationnels , disciplinés, qui prétendent favoriser la croissance économique mondiale. »

Dans ces conditions, la volonté de certains États de s'engager dans cette direction peut être mise en doute : elle dépend fortement de considérations économiques , d'autant que les pratiques d'optimisation fiscale peuvent concerner des groupes fleurons de grandes puissances économiques et des systèmes fiscaux permettant certaines pratiques. À ce stade, la position des États-Unis sur le mécanisme de déclarations pays par pays échangées automatiquement demeure l'objet de débats . Si le Congrès a rapidement manifesté son opposition, les dispositions internes, relevant du pouvoir exécutif, ont bien été prises 50 ( * ) , pour une application effective pour les exercices ouverts à compter du 30 juin 2016. Cependant, compte tenu de ce décalage d'un semestre, l'OCDE encourage les entreprises américaines possédant des entités dans des pays européens appliquant le mécanisme dès l'exercice 2016, à utiliser le mécanisme secondaire de dépôt. Le standard du projet BEPS prévoit que les déclarations pays par pays doivent être fournies aux administrations fiscales de manière volontaire à travers une filiale désignée dans un État disposant d'une législation conforme. À défaut, elles peuvent être exigées des entités du groupe, pour l'ensemble de ce dernier, au niveau des différents États. Ainsi, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont publiquement indiqué qu'ils accueilleraient le dépôt de ces déclarations auprès de leurs services fiscaux, et qu'ils les échangeraient dans le cadre des accords d'échange automatique qu'ils auront conclus. Devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale le 7 décembre 2016, Pascal Saint-Amans a précisé ce mécanisme transitoire : « les États-Unis ont donc adopté les mesures réglementaires nécessaires pour commencer à échanger les informations, avec six mois de retard. Néanmoins, pour les États-Unis et les autres - la Suisse a six mois de retard - nous avons mis en oeuvre un mécanisme de déclaration volontaire des multinationales. Si leur gouvernement n'échange pas les renseignements, elles peuvent déposer leurs déclarations dans les pays où elles opèrent. Nous le verrons en 2017, ce mécanisme sera très largement utilisé, car les entreprises prennent cela au sérieux, dans la mesure où notre dispositif prévoit que si l'échange ne prend pas place, les États peuvent demander l'information unilatéralement, comme dans FATCA. Cette mesure de rétorsion incite les entreprises à déclarer dans le pays où elles opèrent, même si l'État de siège n'est pas prêt à faire de l'échange de renseignements. »

Pour autant, l'attitude des États-Unis depuis le lancement du projet se caractérise par une certaine ambiguïté . Alors qu'ils avaient initialement manifesté un retrait du projet, qu'ils considèrent comme une tentative d'imposer les revenus apatrides, les États-Unis ont ensuite décidé d'y participer. Or, selon la fiscaliste américaine Lee Sheppard, « les États-Unis ne prennent pas au sérieux l'imposition des multinationales américaines sur leurs revenus étrangers et n'ont pas besoin des revenus correspondants. Ce constat fondamental est amplement démontré par l'attitude des États-Unis par rapport au projet concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, soit une volonté de participation polie et un sabotage discret » 51 ( * ) . Certes, le préambule de la final regulation publiée par le Trésor américain le 29 juin 2016 précise que « les États-Unis sont résolus à s'engager dans des accords bilatéraux d'échange automatique des déclarations avec les autorités compétentes en temps opportun ». Il est de surcroît indiqué que le Trésor fournira la liste des juridictions avec lesquelles les États-Unis ont conclu un tel accord. Toutefois, le renouvellement de l'administration américaine ne peut qu'accentuer les incertitudes pour des sujets relevant des prérogatives du pouvoir exécutif.

3. Deux enjeux prioritaires : conclure des accords bilatéraux pour étendre l'échange automatique et préparer le réexamen de 2020

L'incertitude entourant l'engagement de la première puissance économique mondiale et de l'État comptant le plus grand nombre de sièges de groupes d'entreprises multinationales pourrait de surcroît constituer une brèche dans le dispositif . Certains États hésitants pourraient arguer de la position américaine pour en réduire l'effectivité.

Dans ces conditions, votre rapporteur formule deux recommandations principales :

- d'une part, il convient de voir l'accord multilatéral proposé comme une première étape, devant être rapidement complété par la négociation d'accords bilatéraux prévoyant l'échange automatique des déclarations pays par pays avec les partenaires pertinents non parties à l'accord multilatéral . Cet enjeu est d'autant plus important qu'aucun accord bilatéral d'échange automatique d'informations en matière fiscale, quelle que soit l'imposition, n'a été conclu à ce stade. Ainsi, l'accord multilatéral de Berlin du 29 octobre 2014 n'a pas encore été complété par des accords bilatéraux prévoyant le standard mondial relatif aux comptes financiers. Selon les informations transmises par la direction de la législation fiscale, les États-Unis ont d'ores et déjà proposé la conclusion d'un accord bilatéral à la France, sur le fondement de la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994 modifiée, afin d'organiser ce mécanisme en cohérence avec le standard international ;

- d'autre part, il s'agit pour l'OCDE de mettre en oeuvre les outils de suivi de l'application du dispositif, dans la perspective du réexamen des actions de BEPS prévu en 2020 . Un premier bilan de l'échange automatique des déclarations pays par pays, de leur fiabilité et de leur utilisation pourra alors être dressé. En particulier, le respect de la confidentialité des données et de leur utilisation strictement réservée aux services fiscaux devra faire l'objet d'une analyse étayée. À défaut, le risque d'un détournement du contenu des déclarations pays par pays à des fins d'intelligence économique existe. De plus, votre rapporteur insiste sur la vigilance dont la France devra faire preuve afin de limiter l'extension des données retracées dans la déclaration , ce que les entreprises redoutent, ou un abaissement du seuil de chiffre d'affaires annuel à partir duquel les groupes sont assujettis à la déclaration. En effet, lors des négociations préalables, les principaux pays émergents souhaitaient inclure des données supplémentaires sur les transactions concernant les paiements d'intérêts entre parties liées, les paiements de redevances et surtout les commissions au titre de services rendus entre parties liées. Or l'accord multilatéral vise expressément le rapport de 2015 sur l'action 13 du projet BEPS tel qu'il pourrait être amendé à la suite du réexamen de 2020, de sorte que les modifications éventuelles seraient automatiquement applicables. C'est pourquoi, si cette occasion doit permettre une actualisation du projet BEPS, elle ne saurait constituer un nouveau cycle de négociation . En tout état de cause, les modifications qui pourraient en résulter devront traduire uniquement les enseignements tirés de la première phase de mise en oeuvre par les différents acteurs, afin de maintenir l'équilibre ayant présidé à l'élaboration du mécanisme actuel .

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 18 janvier 2017, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a examiné le rapport de M. Éric Doligé sur le projet de loi n° 272 (2016-2017) autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays.

M. Éric Doligé , rapporteur . - Notre commission est saisie du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays, signé à Paris le 27 janvier 2016 sous l'égide de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et approuvé par l'Assemblée nationale le 22 décembre 2016.

De façon préalable, compte tenu des nombreux mécanismes de déclaration pays par pays proposés, il convient de préciser le sujet dont nous traitons ce matin. Il s'agit des déclarations pays par pays auxquelles sont soumises les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à 750 millions d'euros et qui sont transmises à l'administration fiscale. Ce dispositif a été introduit en France par anticipation par la loi de finances pour 2016. L'objectif est de connaître les différentes filiales des groupes d'entreprises multinationales et de révéler d'éventuelles discordances de localisation entre les activités et leur imposition. La lecture des déclarations pays par pays à destination des administrations fiscales intervient donc en amont d'une éventuelle enquête approfondie, afin de déterminer les dossiers prioritaires.

Il diffère du mécanisme de déclaration publique pays par pays, pour lequel la Commission européenne a présenté une proposition le 12 avril 2016, que l'article 137 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (« Sapin 2 ») prévoyait d'introduire en droit national, selon des caractéristiques distinctes. Dans sa décision du 8 décembre 2016, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, en ce qu'elles portaient une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre. À la différence de la déclaration transmise à l'administration fiscale, la déclaration publique participe du mouvement d'extension de la transparence, afin de permettre aux acteurs de la société civile d'évaluer la stratégie fiscale des grands groupes d'entreprises internationales.

La déclaration pays par pays transmise à l'administration fiscale s'inscrit dans le cadre de l'action 13 du projet Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) de l'OCDE portant sur la documentation des prix de transfert. Afin de réduire les contraintes déclaratives pesant sur les entreprises, les États parties à la négociation ont convenu d'une déclaration unique déposée par un groupe d'entreprises auprès de l'administration fiscale du pays de siège, cette déclaration faisant ensuite l'objet d'un échange automatique entre autorités compétentes. Afin de permettre aux services fiscaux français de récupérer les déclarations des entités de groupes d'entreprises ayant leur siège à l'étranger, un accord international entre États parties est nécessaire pour parachever le fonctionnement du mécanisme.

Tel est précisément l'objet de l'accord multilatéral signé à Paris le 27 janvier 2016. À l'instar de l'accord multilatéral concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers du 29 octobre 2014, il a été conclu sur le fondement de la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale de 1988. Les principes qu'elle garantit en matière de protection des données et de confidentialité lui sont donc pleinement applicables. Il réunit aujourd'hui la signature de 49 États, parmi lesquels neuf des dix pays hébergeant le plus grand nombre de sièges sociaux des cinq cents plus grandes entreprises mondiales. Préférant conclure des accords bilatéraux, les États-Unis n'ont pas signé cet accord multilatéral.

Cet accord organise les modalités de l'échange automatique des déclarations pays par pays, sous condition de réciprocité, sous l'égide du secrétariat général de l'OCDE. Il précise également les conditions d'utilisation des données contenues dans la déclaration : en particulier, si elle permet une évaluation générale des risques liés aux prix de transfert, la déclaration ne peut servir de base à des ajustements. Elle permet une analyse risque préalable, afin de définir des priorités. Une enquête approfondie, conduisant notamment à analyser la documentation exhaustive des prix de transfert, doit ensuite être effectuée pour procéder à un éventuel ajustement.

Par ailleurs, l'accord définit des procédures de consultation en cas de difficultés de mise en oeuvre, comme la non transmission des déclarations par un État partie ou une utilisation inappropriée des données. Une possibilité de suspension temporaire ou définitive de l'échange automatique peut également être décidée par un État partie soit à l'égard d'un autre État partie, soit à l'égard de tous.

Au-delà de ces précisions, j'approuve la conclusion rapide d'un accord équilibré qui permettra une application complète du mécanisme de déclaration pays par pays dès les premières déclarations sur l'exercice 2016, dix-huit mois après leur date de dépôt, soit à compter du deuxième semestre 2018. Plus largement, concernant la portée du mécanisme et du projet BEPS, je tiens à formuler trois observations.

Premièrement, il ne constitue qu'un des trois accords internationaux pouvant prévoir l'échange automatique des déclarations, avec les conventions fiscales bilatérales et les accords bilatéraux d'échange de renseignements fiscaux.

Deuxièmement, un enjeu particulier réside dans la conclusion rapide d'accords bilatéraux avec les États qui n'ont pas signé le présent accord multilatéral et qui hébergent le siège de nombreux grands groupes d'entreprises internationales. Alors que le consensus né des négociations de BEPS, cristallisé dans les recommandations des rapports finaux d'octobre 2015, doit être transposé dans le droit, il convient que tous les États s'engagent. Je pense particulièrement aux États-Unis, qui ont introduit la déclaration pays par pays dans leur droit interne pour les exercices ouverts à compter du 30 juin 2016. Selon les informations qui m'ont été transmises, les États-Unis ont proposé à la France d'engager les négociations préalables à la conclusion d'un accord bilatéral d'échange. Mais cette matière relève des prérogatives du pouvoir exécutif : le renouvellement de l'administration américaine ne peut qu'accentuer les incertitudes sur la position réelle des États-Unis sur ce dossier. Or leur implication est indispensable à deux titres : pour récupérer les données des groupes américains, mais aussi pour ne pas menacer le consensus né des négociations sur BEPS.

Troisièmement, le projet BEPS prévoit une clause de réexamen en 2020. Grâce à la mise en oeuvre rapide, un premier retour d'expérience sera possible. Pour autant, le clivage qui existait entre pays, notamment entre les États hébergeant le siège de nombreux groupes et les autres concernant les données à inclure dans la déclaration ou le seuil de chiffre d'affaires à partir duquel les entreprises y sont assujetties, pourrait à nouveau se former. Surtout, la volonté des États-Unis de préférer la conclusion d'accords bilatéraux négociés au cas par cas à un accord multilatéral souligne la nécessaire vigilance dont il faudra faire preuve dans la mise en oeuvre de l'échange automatique. Cet aspect est d'autant plus important que le multilatéralisme, s'il symbolise une volonté commune, conduit à inclure des États pour lesquels les barrières entre services fiscaux et entreprises publiques doivent encore être éprouvées.

Sous le bénéfice des observations qui précèdent, je vous propose donc d'adopter le présent projet de loi de ratification sans modification.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Un des problèmes de cet accord multilatéral est l'absence du principal pays, les États-Unis. Le changement d'administration américaine peut avoir deux conséquences. Une première, positive, serait un scénario à la Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA), où l'initiative américaine a déclenché une intervention de l'OCDE et s'est finalement révélée bénéfique, en permettant la fin du secret bancaire, qui était totalement impensable quelques années plus tôt. Mais la conséquence peut aussi être négative, dans le cas où l'administration américaine proposerait aux grandes entreprises américaines des accords d'amnistie fiscale ou de réduction d'imposition pour rapatrier les bénéfices localisés à l'étranger, notamment dans les îles des Caraïbes.

Cet accord prévoie-t-il un standard technique pour l'échange des informations ? L'échange automatique des déclarations pays par pays porte sur une masse considérable de données, et je ne sais pas si toutes les administrations fiscales de tous les pays sont capables de les traiter. Il en va de l'exploitation des fichiers transmis.

M. Éric Bocquet . - Nous allons soutenir ce texte, de façon lucide et sans illusion. Il faut soutenir les initiatives en ce sens : c'est un petit pas en avant qu'il convient de souligner. Mais le contexte s'oppose de tous les côtés à ces dispositions. Les États-Unis, dont la position est connue, ont été cités. Les propos de Theresa May lors de son discours sur les modalités du « Brexit » vont dans le même sens. Aussi est-ce une bonne chose que le Sénat exprime cette position. Le Conseil économique, social et environnemental a aussi pris des positions dans le même sens sur ce sujet en décembre 2016. Par conséquent, nous approuvons ce texte, tout en sachant que la bataille sera rude et longue.

M. Éric Doligé , rapporteur . - Concernant la standardisation des informations transmises, l'OCDE a fourni un modèle de déclaration en trois points que tous les États parties doivent reprendre. Il s'agit de donner des informations sur les filiales, sur le groupe et d'éventuels commentaires complémentaires permettant de lire ces renseignements. De plus, un travail de mise à niveau des applications informatiques est actuellement conduit par l'administration fiscale française afin d'intégrer les informations des déclarations pays par pays.

Les interrogations exprimées sur la position des États-Unis sont justifiées. De plus, bien que le Royaume-Uni soit signataire de l'accord, il est difficile de connaître les conséquences que le « Brexit » entraînera. Cependant, je pense qu'il faut suivre l'avancée proposée par cet accord et essayer d'aboutir le plus rapidement possible sur les enjeux soulevés par ailleurs.

La commission a adopté le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays.


* 1 « Action 11 : Measuring and monitoring BEPS », Rapports finaux de 2015, page 79.

* 2 L'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dispose : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

* 3 Rapport n° 59 (2015-2016) d'Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances, déposé le 14 octobre 2015, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers.

* 4 « Plan d'action concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices », 2013, page 11.

* 5 « Le projet BEPS et la longue marche en direction d'une fiscalité globale pour l'économie du XXI e siècle », Pascal Saint-Amans et Éric Robert, Revue de droit fiscal n° 49, 3 décembre 2015.

* 6 Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, élaborée conjointement par l'OCDE et le Conseil de l'Europe, signée à Strasbourg le 25 janvier 1988, entrée en vigueur le 1 er avril 1995 et amendée par le Protocole du 27 mai 2010.

* 7 « Plan d'action concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices », 2013, page 25.

* 8 Les échanges intragroupes représentent environ 50 % des échanges commerciaux dans le monde. En outre, selon l'INSEE, les groupes contribuent à près de 75 % des échanges internationaux réalisés par les entreprises françaises.

* 9 Cf. Les principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, publiés en 1995 et régulièrement modifiés depuis.

* 10 Le principe de pleine concurrence, « arm's length principle » , veut que le prix de transfert pratiqué soit le même que si les deux sociétés en cause étaient deux entreprises indépendantes et ne faisaient pas partie du même groupe. Le prix de transfert doit donc être arrêté comme s'il l'avait été sur un marché concurrentiel.

* 11 Par exemple, la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 27 juin 2006, concernant le code de conduite relatif à la documentation des prix de transfert pour les entreprises associées au sein de l'Union européenne prévoit pour les groupes d'entreprises multinationales une manière de fournir aux autorités fiscales des informations sur l'ensemble des activités économiques et les politiques de fixation des prix de transfert, ainsi que des informations relatives aux transactions concrètes de l'entité locale.

* 12 La déclaration pays par pays ou « Country by Country Reporting » est communément désignée par l'acronyme CBCR.

* 13 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, page 3.

* 14 « Documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays », Rapport final 2015 sur l'action 13 de BEPS, OCDE 2015, page 25.

* 15 Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

* 16 Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

* 17 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 86.

* 18 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

* 19 Conseil constitutionnel, Décision n° 2016-741 DC du 08 décembre 2016, loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, considérant n° 103.

* 20 L'article L. 233-16 du code de commerce prévoit l'établissement de comptes consolidés lorsqu'une société exerce une influence notable sur une autre entreprise. Toutefois, seule une présomption d'influence notable est prévue, lorsqu'une société dispose, directement ou indirectement, d'une fraction au moins égale à 20 % des droits de vote d'une autre entreprise, sans qu'une définition générale de cette influence ne soit précisée.

* 21 La section 8 de l'accord multilatéral du 27 janvier 2016 précise ainsi que chaque État partie adresse au secrétariat général de l'OCDE une notification dressant la liste des juridictions des autorités compétentes à l'égard desquelles elle a l'intention que l'accord prenne effet ou, à défaut, une déclaration de l'autorité compétente exprimant son intention que l'accord prenne effet à l'égard de tous les États parties.

* 22 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015 rendue sur la loi de finances pour 2016, considérant n° 33.

* 23 Décret n° 2016-1288 du 29 septembre 2016 pris pour l'application de l'article 223 quinquies C du code général des impôts.

* 24 La transposition de ces dispositions en droit national est assurée par l'article 223 quinquies C du code général des impôts.

* 25 La convention est entrée en vigueur pour la France le 1 er septembre 2005 et son protocole additionnel le 1 er avril 2012. Ce protocole renforce les exigences des normes d'échange de renseignements, notamment concernant l'impossibilité pour une juridiction d'invoquer le secret bancaire ou l'intérêt domestique pour le pas donner suite à une demande de renseignements ; il a également permis d'ouvrir l'adhésion à la Convention aux pays non-membres de l'OCDE et du Conseil de l'Europe.

* 26 Pris notamment sur le fondement du « Tax Information Exchange Agreeement » ou TIEA, accord cadre d'échange de renseignement de l'OCDE, élaboré en 2002. Selon la direction de la législation fiscale, le modèle d'accord d'échange de renseignement (TIEA) a permis à des juridictions disposant d'une fiscalité directe faible ou nulle rendant sans objet la conclusion d'une convention fiscale bilatérale de s'insérer dans la dynamique de l'assistance administrative. À ce stade, la France a conclu 27 TIEA.

* 27 L'article 6 de la convention prévoit la possibilité d'un échange automatique de renseignements entre deux ou plusieurs parties, dans des conditions déterminées d'un commun accord.

* 28 La convention a servi de cadre juridique à l'accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, signé à Berlin le 29 octobre 2014 sous l'égide de l'OCDE.

* 29 Cf. Rapport n° 59 (2015-2016) d'Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances, déposé le 14 octobre 2015, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers.

* 30 Considérant n° 8.

* 31 L'article 6 de la convention prévoit la possibilité de conclure un accord d'échange automatique de renseignements ; l'article 21 fixe les garanties de protection des personnes et les limites de l'obligation d'assistance ; l'article 22 porte sur le secret des renseignements échangés.

* 32 En particulier, l'article 21 fixant les garanties de protection des personnes et les limites de l'obligation d'assistance et l'article 22 relatif au secret des renseignements échangés.

* 33 À titre de rappel, le mécanisme secondaire s'applique dans trois cas : lorsque la juridiction de résidence de la société mère ne prévoit pas le dépôt de la déclaration, lorsqu'elle n'a pas convenu d'un accord d'échange automatique, ou lorsque l'échange automatique n'est pas effectif. Dans ces conditions, il est prévu qu'une entité locale désignée par le groupe et agissant au nom de la société mère ultime procède au dépôt de la déclaration.

* 34 L'article 27 de la convention amendée organise l'articulation entre la convention et les autres accords internationaux, notamment les accords d'échange de renseignements fiscaux, dans la perspective de permettre l'application du texte prévoyant la coopération la plus efficace.

* 35 Sur la base des données du Fonds monétaire international d'avril 2016 portant sur l'année 2015. Les États-Unis (1 er ), la Russie (12 e ), l'Indonésie (16 e ), la Turquie (18 e ) et l'Arabie-Saoudite (20 e ) ne l'ont pas signé.

* 36 « Fiscalité européenne : des propositions récentes susceptibles d'avoir un impact important sur les entreprises françaises », AFEP, 2016.

* 37 Voir par exemple « Mise en oeuvre du projet BEPS : le moment de vérité approche », étude de Grégory Abate, Droit fiscal n° 5, 4 février 2016.

* 38 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015 rendue sur la loi de finances pour 2016, considérant n° 31.

* 39 Le VIII de l'article 46 quater-O YE de l'annexe III au code général des impôts.

* 40 International financial reporting standards , normes comptables élaborées par le bureau international des normes comptables (IASB).

* 41 « Instructions relatives à la mise en oeuvre de la déclaration pays par pays », BEPS action 13, OCDE, décembre 2016, page 8.

* 42 En particulier, l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales prévoit la possibilité pour les services fiscaux de demander « à l'autorité compétente d'un autre État ou territoire des renseignements concernant un contribuable ».

* 43 Rapport d'information au Parlement pour 2014, sur le fondement de l'article 136 de la loi de finances pour 2011.

* 44 Voir « La transparence fiscale, nouvelle contrainte ou opportunité », étude de Pierre Escaut, avocat associé, PwC Société d'avocats, Revue de droit fiscal n° 30-35, 28 juillet 2016.

* 45 « Taxes paid in 2015 : a report on the economic contribution made by Rio Tinto to public finances ».

* 46 « Le projet BEPS et la longue marche en direction d'une fiscalité globale pour l'économie du XXI e siècle », Pascal Saint-Amans et Éric Robert, Revue de droit fiscal n° 49, 3 décembre 2015.

* 47 OCDE, « Plan d'action concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices », 2013, page 11.

* 48 « Le projet BEPS et la longue marche en direction d'une fiscalité globale pour l'économie du XXI e siècle », Pascal Saint-Amans et Éric Robert, Revue de droit fiscal n° 49, 3 décembre 2015.

* 49 « Documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays », Rapport final 2015 sur l'action 13 de BEPS, OCDE 2015, page 11.

* 50 Le Trésor américain a publié les final regulations relatives à la déclaration pays par pays le 29 juin 2016.

* 51 L. Sheppard, International changes the United States shouldn't have made, 2014, cité par « Le projet BEPS : contexte, contenu et perspectives », Alexandre Laumonier, Droit fiscal n° 17, Avril 2016.

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