II. LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE LOI

A. UNE PROPOSITION DE LOI POUR ANTICIPER LES ÉCHÉANCES EUROPÉENNES ET ÉVITER DE LÉGIFERER AU DERNIER MOMENT

La proposition de loi a été préparée par Hervé Maurey et Louis Nègre au cours de l'année 2017 pour accélérer la définition du cadre juridique de cette réforme d'ampleur, sans en anticiper les échéances. L'objectif était de permettre aux parties prenantes de s'y préparer en amont, alors que l'insuffisante préparation de la libéralisation du fret ferroviaire a eu des conséquences très négatives, surtout pour l'opérateur historique.

Pour préparer ce texte, les auteurs ont recueilli, lors d'auditions, les positions des différents acteurs concernés (syndicats, usagers, régions, Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, Autorité de la concurrence, groupe public ferroviaire, nouveaux entrants, ministères concernés, universitaires, etc.), puis procédé à une consultation par voie écrite.

La proposition de loi a été déposée le 6 septembre 2017. À la demande du Président du Sénat, elle a fait l'objet d'un avis du Conseil d'État, rendu le 22 février 2018, publié, avec l'accord de son auteur, en annexe du présent rapport. Cette procédure a permis d'identifier les améliorations possibles du texte sur le plan juridique.

B. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

La proposition de loi comporte trois chapitres.

Le chapitre I er fixe les dates et les modalités de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs.

L'article 1 er supprime le monopole de SNCF Mobilités sur l'exploitation des services de transport ferroviaire de voyageurs en deux temps, conformément aux échéances fixées par le quatrième paquet ferroviaire :

- du 3 décembre 2019 au 13 décembre 2020, SNCF Mobilités conservera son monopole sur les services aujourd'hui non conventionnés (TGV), tandis que les services faisant l'objet d'un contrat de service public (TER et trains d'équilibre du territoire) seront ouverts à la concurrence ;

- à partir du 14 décembre 2020, soit au début de l'horaire de service 2021, le monopole de SNCF Mobilités sur les TGV sera à son tour supprimé.

Cet article supprime également le principe de l'affectation de la gestion des gares à SNCF Mobilités, à partir du 1 er janvier 2020, en cohérence avec l'article 11.

L'article 2 définit le cadre juridique des services conventionnés , qu'ils soient organisés par l'État comme par les régions. Il comporte trois volets.

Il aborde en premier lieu la question de la communication, par l'autorité organisatrice de transport, des informations nécessaires à la présentation des offres par les candidats .

Pour éviter la multiplication des conflits relatifs à cette question et établir un cadre homogène , l'article prévoit qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, déterminera les informations que l'autorité organisatrice compétente devra communiquer aux opérateurs économiques. Ce décret pourra prévoir, de façon proportionnée et encadrée , la communication d'informations couvertes par le secret industriel et commercial.

L'article définit ensuite les modalités de conclusion des contrats de concession et des marchés publics portant sur des services de transport ferroviaire de voyageurs, à partir du 3 décembre 2019.

L'État et les régions auront le choix de conclure des contrats de concession , dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, qui s'applique aux services de transport par chemin de fer, ou des marchés publics , après une procédure de mise en concurrence définie par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, dans la mesure où l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics n'est aujourd'hui pas applicable aux services de transport par chemin de fer.

Enfin, l'article interdit expressément l'ensemble des dérogations à l'obligation de mise en concurrence prévues par le droit européen , et que les États membres sont libres d'interdire dans leur droit national, à l'exception de la possibilité de mise en régie, déjà prévue dans le code des transports pour l'ensemble des services de transport public de personnes réguliers.

L 'ouverture à la concurrence des services conventionnés à partir du 3 décembre 2019 ne produira néanmoins ses effets que de façon progressive, puisqu'elle n'entrera en vigueur qu'au terme de chacune des conventions signées entre les autorités organisatrices de transport - les régions notamment - et SNCF Mobilités avant le 3 décembre 2019.

Mais les régions volontaires, de même que l'État pour les trains d'équilibre du territoire, pourront ouvrir à la concurrence tout ou partie des services ferroviaires qu'ils organisent dès le 3 décembre 2019 dans leur convention signée avec SNCF Mobilités, comme l'ont déjà prévu les régions Grand Est et Pays de la Loire.

L'article 3 affirme clairement le rôle d'autorité organisatrice de l'État pour les services d'intérêt national.

L'article 4 prévoit que l'État accordera aux entreprises ferroviaires des droits exclusifs pour l'exploitation des services de transport ferroviaire de voyageurs à grande vitesse, en contrepartie de la réalisation d'obligations de service public définies en fonction des besoins d'aménagement du territoire.

L'article prévoit l'attribution de ces contrats de service public par voie de mise en concurrence , en renvoyant à un décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, le soin de définir cette procédure.

L'article 5 fixe les modalités du droit d'accès au réseau prévu par le droit de l'Union européenne et les conditions dans lesquelles les autorités organisatrices de transport peuvent le limiter, en cas d'atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public.

L'article 6 comporte des dispositions transitoires prévoyant que, dans l'attente de l'entrée en vigueur effective de la généralisation du droit d'accès prévue par l'article 5, soit jusqu'au 13 décembre 2020, le dispositif actuellement prévu pour les dessertes intérieures réalisées dans le cadre de services internationaux reste applicable.

Le chapitre II vise à poser les conditions d'une ouverture à la concurrence effective et réussie.

L'article 7 impose à SNCF Mobilités de fournir à l'autorité organisatrice compétente, à sa demande, toute information relative à l'exécution des missions qui lui ont été confiées par un contrat de service public, sans que puisse y faire obstacle le secret en matière industrielle et commerciale.

Pour éviter toute contestation, de la part de SNCF Mobilités, du bien-fondé des demandes d'informations faites par les autorités organisatrices, un décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Arafer, établira une liste minimale d'informations qu'une autorité organisatrice est en droit d'obtenir en application de cet article, sans préjudice des autres demandes d'informations qu'elle pourrait être amenée à faire. Le manquement à cette obligation de transmission pourra être sanctionné par l'Arafer.

Le même dispositif s'appliquera à SNCF Réseau , qui devra fournir toute information nécessaire pour l'organisation des services faisant l'objet d'un contrat de service public.

L'article 8 détermine les modalités de transfert des salariés entre entreprises ferroviaires . Il prévoit que les autorités organisatrices de transport sont compétentes pour délimiter le périmètre des salariés à transférer . Feront l'objet d'un transfert les salariés affectés de manière directe ou indirecte à l'exploitation du service ferroviaire concerné au moins six mois avant la date du transfert.

Cet article détermine également les droits sociaux garantis aux salariés de SNCF Mobilités transférés - il s'agit de la rémunération, des facilités de circulation et, s'agissant des salariés statutaires, de la garantie de l'emploi et des droits à la retraite.

Les salariés de SNCF Mobilités qui, à l'issue d'un premier transfert, réintègrent cet établissement pourront de nouveau être régis le statut .

L'article 9 modifie le dispositif introduit par la loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014, pour réaffirmer le caractère automatique du transfert de propriété des matériels roulants de SNCF Mobilités à l'autorité organisatrice, dès lors qu'elle en fait la demande et après versement d'une indemnité égale à la valeur nette comptable, nette de toutes subventions .

L'article 10 prévoit la même disposition pour les ateliers de maintenance totalement ou majoritairement affectés à l'entretien des matériels roulants utilisés dans le cadre d'un contrat de service public, pour faciliter l'accès des nouveaux entrants à ces ateliers.

L'article 11 procède à la transformation Gares et Connexions en société anonyme à capitaux publics , filiale de l'EPIC SNCF. L'État sera tenu de demeurer actionnaire majoritaire de la société. Gares et Connexions conclura un contrat pluriannuel à dix ans avec l'État fixant des objectifs en matière, entre autres, de qualité de service et de développement des gares.

Cet article détermine la composition du conseil d'administration de Gares et Connexions, et fixe les garanties d'indépendance applicables à son président et à ses dirigeants à l'égard des entreprises ferroviaires, sous contrôle de l'Arafer. Il prévoit l'attribution en pleine propriété des biens immobiliers gérés par Gares et Connexions.

L'article 12 autorise l'État à imposer aux entreprises ferroviaires exploitant des services de transport de voyageurs de participer à un système commun d'information des voyageurs et de vente de billets , pour permettre aux usagers d'acheter un billet unique, même lorsque la prestation de transport est assurée par plusieurs opérateurs.

Le chapitre III comprend plusieurs mesures de coordination .

L'article 13 tire les conséquences de la suppression du monopole de SNCF Mobilités et de l'ouverture à la concurrence dans le code des transports.

L'article 14 procède à une coordination dans l'article du code énumérant les ressources de SNCF Mobilités.

L'article 15 tire les conséquences de la transformation de Gares et Connexions en société anonyme en modifiant les articles du code relatifs à la structure du groupe public ferroviaire.

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