B. ... LE RALENTISSEMENT OBSERVÉ AU COURS DE L'ANNÉE 2018 SUGGÈRE UNE ARRIVÉE À MATURITÉ DU CYCLE ÉCONOMIQUE

1. Après la forte accélération observée en 2017, l'économie française semble s'essouffler...

Si la croissance effective s'est donc une nouvelle fois établie à un niveau significativement supérieur à la croissance potentielle en 2018, l'économie française semble progressivement s'essouffler .

Ce ralentissement est particulièrement visible lorsque l'on suit l'évolution du PIB en glissement annuel , en comparant le niveau du PIB pour un trimestre donné à ce qu'il était au même trimestre de l'année précédente.

Croissance du PIB depuis 2012

(glissement annuel de séries trimestrielles, taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Ainsi mesurée, la croissance française a connu une forte accélération entre le quatrième semestre 2016 (1,2 %) et le dernier trimestre 2017 (2,9 %), au cours duquel elle a même frôlé les 3 %.

Depuis ce point haut, elle a continument ralenti, pour finalement retrouver au quatrième trimestre 2017 un rythme de 1,2 % , qui correspond à celui observé en moyenne tout au long de la période 2013-2016.

Si l'on s'intéresse aux contributions à l'évolution en moyenne annuelle du PIB, il peut être observé que le ralentissement observé l'an dernier s'explique par une moindre contribution de la demande intérieure , et non par le commerce extérieur, qui apporte pour la première fois depuis 2012 une contribution positive à la croissance française.

Croissance du PIB et contributions à cette évolution depuis 2014

(taux d'évolution en volume, contributions à cette évolution en points de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Cette évolution paraît ainsi compatible avec la thèse d'un épuisement de la « capacité de rebond » de l'économie française , dont le rythme de croissance rejoindrait progressivement son niveau potentiel, dont il a été montré qu'il peut être estimé à 1,2 à 1,3 %.

2. ... ce qui traduit vraisemblablement l'épuisement de sa « capacité de rebond », en dépit de l'atonie des prix et des salaires

La position de l'économie dans le cycle est traditionnellement appréhendée à l'aide du concept d' écart de production , qui représente la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel. L'écart de production constitue ainsi en bas de cycle une estimation du « potentiel de rebond » de l'économie et, en haut de cycle, de son niveau de « surchauffe ».

Chaque année, l'évolution de l'écart de production dépend de l'écart entre la croissance effective et la croissance potentielle : si la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle, l'écart de production se creuse ; inversement, si la croissance effective est supérieure à la croissance potentielle, le « potentiel de rebond » de l'économie diminue.

Pendant une phase dite de « rattrapage », l'économie peut donc croître à un rythme plus élevé que son potentiel, avant de ralentir une fois l'écart de production résorbé . D'après le Gouvernement, c'est précisément dans cette situation que l'économie française se trouve désormais.

Évolution de l'écart de production, de la croissance
et de la croissance potentielle depuis 2016
selon le scénario du Gouvernement

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du Gouvernement et de l'Insee)

La croissance effective enregistrée l'an dernier (1,7 %), de nouveau supérieure à la croissance potentielle (1,25 %), aurait ainsi ramené l'écart de production à un niveau (0,1 point de PIB potentiel) très proche de zéro.

Autrement dit, l'économie française aurait épuisé sa « capacité de rebond » à l'issue de l'exercice 2018. Dès lors, la croissance potentielle devrait à l'avenir jouer le rôle d'un « limitateur de vitesse ». En effet, une fois l'écart de production résorbé, la croissance effective se rapproche en principe de la croissance potentielle, sauf à ce que l'économie entre dans une phrase de « surchauffe ».

Il doit toutefois être noté que des interrogations demeurent sur la position exacte de l'économie française dans le cycle.

En effet, l'incertitude sur le niveau de l'écart de production est actuellement bien plus élevée que sur celui de la croissance potentielle, pour lequel il a été précédemment montré que les estimations sont globalement convergentes.

Sans entrer trop en détails dans ce débat, qui avait fait l'objet d'une analyse approfondie l'an dernier, à laquelle le lecteur est invité à se reporter 2 ( * ) , la difficulté majeure tient à l'orientation des indicateurs macroéconomiques traditionnels de « surchauffe » (inflation, dynamique des salaires), qui restent aujourd'hui atones - ce qui pourrait suggérer l'existence d'une « capacité de rebond » supplémentaire.

Sur ce plan, l'exercice 2018 n'a pas permis de lever l'incertitude .

Évolution de l'indice d'inflation sous-jacente

(glissement annuel de séries mensuelles, taux d'évolution)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Si l'inflation a été tirée à la hausse par les prix de l'énergie, l'inflation sous-jacente 3 ( * ) , qui traduit davantage la « tendance de fond » de l'évolution des prix, ne s'est pas significativement redressée , ainsi que l'illustre le graphique ci-dessus.

Dès lors, les estimations du niveau de l'écart de production à l'issue de l'exercice 2018 peuvent diverger plus fortement selon les instituts . L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime par exemple que l'économie française dispose encore d'une « capacité de rebond » d'environ 1,0 point de PIB potentiel, ce qui lui permettrait de croître au même rythme qu'en 2018 pendant encore deux ans environ avant de voir l'écart de production se résorber.

Estimations de l'écart de production
à l'issue de l'exercice 2018

(en points de PIB potentiel)

Source : commission des finances du Sénat

Si des incertitudes existent donc sur la position exacte de l'économie française dans le cycle, l'hypothèse gouvernementale selon laquelle sa « capacité de rebond » serait désormais épuisée présente un caractère central au regard des estimations disponibles et paraît ainsi la plus plausible.

Pourtant, plutôt que de profiter de la conjoncture favorable dont il a peut-être pour la dernière fois bénéficié l'an dernier afin de reconstituer des marges de manoeuvre sur le plan budgétaire, le Gouvernement a préféré différer une nouvelle fois le redressement structurel des comptes publics .


* 2 Le lecteur est invité à se reporter aux développements figurant dans le rapport suivant : rapport n° 628 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier relatif au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017, fait au nom de la commission des finances et déposé le 4 juillet 2018, p. 12 et suivantes.

* 3 À titre de rappel, cet indice est corrigé des mesures fiscales (ex : variations de la TVA) et exclut les prix soumis à l'intervention de l'État (ex : tabac, alcool) ou qui présentent un caractère particulièrement volatile et sont avant tout déterminés par des phénomènes exogènes (ex : énergie).

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