N° 331

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 février 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la réforme du courtage de l' assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

2581 , 3784 et T.A. 551

Sénat :

312 et 332 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le 3 février 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Albéric de Montgolfier sur la proposition de loi n° 312 (2020-2021) relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement , déposée à l'Assemblée nationale le 14 janvier 2020 par Mme Valéria Faure-Muntian et les membres du groupe La République en Marche.

Cette proposition de loi, sur laquelle le Gouvernement a engagé la procédure accélérée , a été examinée par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 20 janvier 2021 , et en séance publique le 27 janvier 2021 .

Le dispositif proposé reprend l'essentiel des dispositions de l'article 207 du projet de loi « Pacte » , qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel, au motif que ces dispositions ne présentaient pas de lien, même indirect, avec celles du projet de loi initial. Pour mémoire, cet article était issu de l'adoption par le Sénat , en première lecture, de deux amendements identiques à l'initiative de Jean Bizet et de Richard Yung, avec un double avis favorable du Gouvernement et de la commission spéciale.

Les dispositions de la présente proposition de loi sont le fruit d'une concertation engagée depuis 2018 par la direction générale du Trésor avec l'ensemble des acteurs du courtage de l'assurance, qui a ensuite été élargie au courtage en opérations de banque et en services de paiement.

Partant du constat d'un secteur d'activité atomisé, composé essentiellement de très petites entreprises (TPE), et confronté à des évolutions réglementaires importantes, l'objectif affiché de la proposition de loi est d'accompagner les professionnels du secteur, et de mieux protéger le consommateur des défaillances dans la régulation de celui-ci .

Dans cette perspective, la proposition de loi vise à créer des associations professionnelles dont l'adhésion serait obligatoire pour les courtiers d'assurance ou de réassurance et leurs mandataires, ainsi que pour les intermédiaires en opérations de banques et de services de paiement (IOBSP) . Ces associations, agréées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), seraient chargées d'offrir un service de médiation à leurs membres, de vérifier le respect des conditions d'accès et d'exercice de leur activité, le respect des exigences professionnelles, et d'offrir un service d'accompagnement et d'observation de leur activité.

Le présent article exclut de cette obligation d'adhésion les personnes dont les obligations encadrant déjà leurs activités leur permettent de satisfaire de facto les conditions minimales requises pour exercer cette profession :

- pour le courtage en assurances, il s'agit des établissements de crédit et sociétés de financement, des sociétés de gestion de portefeuille, des entreprises d'investissement et des agents généraux d'assurance ;

- pour les IOBSP, il s'agit les mandataires exerçant en vertu de mandats, exclusifs ou non, d'établissements de paiement ou de crédit, ainsi que les mandataires de ces intermédiaires.

Ces associations professionnelles, dont les règles sont approuvées par l'ACPR, pourront refuser l'adhésion d'un intermédiaire qui ne satisfait pas les conditions d'exercice de la profession, ou prononcer d'office le retrait de l'adhésion si ces conditions ne sont plus réunies.

Le dispositif proposé s'inspire directement du modèle de « co-régulation » appliqué aux conseillers en investissements financiers (CIF) depuis la loi du 1 er août 2003 de sécurité financière, lui-même fondé sur une obligation d'adhérer à une association professionnelle agréée par l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Quel regard porter sur le dispositif proposé ?

En premier lieu, la commission des finances a souligné que sa portée effective était modeste , par rapport aux ambitions affichées par son exposé des motifs.

D'une part, la proposition de loi n'apportera pas de solution aux dysfonctionnements de la libre prestation de services , qui s'est traduite par des défaillances successives de plusieurs assureurs étrangers dont les polices étaient souscrites par des particuliers ou des professionnels en France, en particulier dans le domaine de l'assurance construction ou automobile.

D'autre part, la proposition de loi ne mettra pas fin aux pratiques commerciales déloyales parfois observées dans le secteur. En effet, les associations professionnelles ne seront pas habilitées à contrôler le respect des pratiques de vente et du devoir de conseil vis-à-vis des clients. Le système proposé diffère sur ce point de celui en vigueur pour les conseillers en investissements financiers , qui peuvent être contrôlés à ce titre par l'association à laquelle ils adhèrent. Le règlement général de l'AMF impose même un contrôle sur place de chacun des membres au moins une fois tous les cinq ans.

Néanmoins, l'incapacité du dispositif proposé à renforcer significativement le contrôle des conditions de commercialisation des produits d'assurance tient avant tout aux contraintes du droit européen .

En effet, le droit de l'Union européenne interdit de soumettre à une adhésion obligatoire les intermédiaires étrangers exerçant en France au titre de la libre prestation de service ou de la liberté d'établissement. Pour ces acteurs, il revient aux autorités de régulation étrangères d'effectuer les contrôles nécessaires .

En outre, l'article 12 de la directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d'assurances encadre très strictement les possibilités pour les autorités publiques de coopérer avec des associations dont les membres comprennent directement ou indirectement des intermédiaires d'assurance ou de réassurance.

Cette coopération n'est possible que lorsqu'elle est expressément prévue par la directive, soit pour l'immatriculation, d'une part, et pour vérifier les exigences professionnelles et organisationnelles prévues par son article 10, d'autre part, ce qui recouvre les conditions de formation, d'honorabilité, de capacité financière et de couverture par une assurance de responsabilité civile professionnelle.

Par conséquent, la transposition aux courtiers en assurance et aux IOBSP du modèle de « co-régulation » des CIF , dans le cadre duquel les associations professionnelles agréées sont chargées de contrôler régulièrement sur place leurs membres au titre de l'ensemble de leurs obligations n'est pas légalement possible .

Dans ce cadre, la commission a estimé que le dispositif proposé constitue une première réponse utile pour encadrer la profession de courtiers en assurance et en IOBSP .

En effet, l'obligation d'adhérer à une association professionnelle présente l'intérêt majeur de mieux accompagner l'ensemble de ces intermédiaires pour se conformer aux évolutions du cadre réglementaire de leur profession . Alors que l'essentiel du secteur est composé de très petites entreprises (TPE), la régulation de celui-ci se heurte à une double difficulté, à savoir :

- d'une part, préserver le réseau de courtage de proximité , ce qui nécessite d'avoir un maillage territorial fin en termes de contrôles ;

- d'autre part, assurer une vérification effective du respect des exigences professionnelles par ces intermédiaires, par souci de protéger le consommateur.

Face à ce constat, le renforcement des pouvoirs de contrôle de l'ACPR paraît peu opérationnel , compte tenu du nombre élevé d'intermédiaires à contrôler. En outre, le secteur d'activité est marqué par un « turn over » important, témoignant d'une forte attractivité, y compris pour certains projets professionnels qui ne sont pas aboutis.

Le dispositif proposé permettra aux associations de vérifier que les conditions d'exercice sont remplies , en particulier l'obligation d'offrir un service de médiation, de se former régulièrement et de souscrire à une garantie financière adéquate. En outre, en excluant de son champ les agents généraux d'assurance (AGA) et les IOBSP qui agissent pour le compte d'un établissement de paiement ou de crédit, le dispositif proposé ne contraint pas de façon inutilement excessive les professionnels du courtage .

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté huit amendements visant à renforcer l'effectivité du dispositif proposé.

Deux amendements proposent des améliorations substantielles, notamment en transférant à l'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias) le contrôle de l'honorabilité des dirigeants et des salariés (COM-4), et en permettant aux associations professionnelles d'émettre des recommandations à l'égard de leurs membres en matière de pratiques commerciales et professionnelles (COM-7).

En outre, la commission a adopté un amendement permettant aux associations qui le souhaitent de notifier à l'ACPR et aux autres associations un refus d'adhésion (COM-5).

Enfin, la commission a adopté cinq amendements de précision juridique et rédactionnels (COM-3, COM-6, COM-8, COM-9, et COM-10).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page