B. UN PROJET DE LOI QUI APPORTE DES AMÉLIORATIONS SANS RÉPONDRE À CERTAINS ENJEUX ESSENTIELS

Le nouveau projet de loi de programmation permet d'entériner les ambitions plus fortes affichées depuis quelques années par la politique de développement solidaire. Cependant, sur certains sujets essentiels, ce texte ne répond pas aux enjeux .

1. Des avancées certaines

Le projet de loi comporte une programmation financière qui entérine l'atteinte de l'objectif des 0,55% du RNB consacrés à l'aide publique au développement en 2022 . En outre, il est prévu une poursuite de la hausse des moyens devant transiter par les organisations de la société civile , domaine dans lequel la France est actuellement très en retrait par rapport aux pays comparables.

Par ailleurs, le texte améliore la « redevabilité » de la politique de développement solidaire via deux dispositions :

-un rapport annuel du Gouvernement au Parlement suivi d'un débat. Ce rapport comportera toutes les informations nécessaires à la bonne compréhension des actions menées au cours de l'année qui précède. Les députés y ont ajouté une information essentielle : la liste des pays dans lesquels intervient l'AFD, ce qui permettra de débattre des financements en directions de certains pays émergents (Chine, Turquie...).

- la création, conformément aux préconisations de la commission, d'une commission indépendante d'évaluation de la politique de développement solidaire . Celle nouvelle institution serait similaire à l' « Independant commission on aid impact » (ICAI) britannique. Elle serait placée auprès de la Cour des comptes et son secrétariat serait assuré par cette dernière.

- la transformation d'Expertise France en société par actions simplifiée (SAS) au sein du groupe AFD. Le modèle économique de l'agence d'expertise est ainsi conforté et les synergies entre les deux organismes seront mieux exploitées.

Le projet de loi clarifie également les dispositions relatives au volontariat international , afin de dynamiser cet outil précieux d'implication de nos concitoyens dans la politique de développement solidaire.

Enfin, il comporte un rapport annexé nommé « Cadre de partenariat global » qui présente l'intérêt de donner un « narratif » à la politique de développement solidaire, d'en énumérer les grands principes et les parties prenantes et de rappeler les objectifs de concentration sectorielle et géographique de l'aide. Il a été largement complété par les députés.

2. Des lacunes importantes
a) Une « programmation » qui ne programme... que sur une année !

Du fait du retard avec lequel a été présenté le projet de loi, la programmation financière prévue par l'article premier ne couvre paradoxalement que les années 2020, 2021 et 2022. Dans la mesure où les crédits prévus pour 2021 sont déjà fixés par la loi de finances initiale pour 2021, la seule année couverte par cette programmation est 2022 .

b) Des critères de concentration sur les pays pauvres qui restent insuffisants et un déséquilibre prêts/dons et bilatéral/multilatéral qui risque de persister

Le « cadre de partenariat » annexé reprend les critères de concentration géographique de l'aide depuis longtemps en vigueur 2 ( * ) . Or, bien qu'ils soient globalement déjà respectés, ces critères de concentration n'ont pas permis d'orienter suffisamment notre aide vers les pays les plus pauvres .

Les données relatives à l'évolution de l'APD française bilatérale selon les pays au cours des cinq dernières années reflètent cette difficulté à faire passer les priorités géographiques dans les faits malgré les critères repris par le projet de loi . La priorité sahélienne peine ainsi à se concrétiser :

En outre, l'article premier du projet de loi prévoit une augmentation des crédits en dons et des crédits bilatéraux, mais sans fixer d'objectif chiffré .

c) Des grands principes et des objectifs qui peuvent encore être clarifiés

Les finalités de l'aide publique au développement ont évolué. Aux objectifs « classiques » de lutte contre la pauvreté et de réduction des inégalités mondiales se sont ajoutés la promotion d'un développement compatible avec la protection de la planète et des objectifs transversaux tels que la promotion de l'égalité femmes/hommes, la défense des droits humains et la bonne gouvernance . La stratification dans le temps de ces objectifs appelait une clarification et une hiérarchisation. Le projet de loi s'y essaye sans pleinement y parvenir, malgré la mise en exergue par les députés de certains grands principes au sein d'un article liminaire.

d) Une organisation du pilotage qui reste marqué par une forte complexité

Le Cadre de partenariat annexé à la loi tente de préciser le pilotage de la politique de développement solidaire. Toutefois, plutôt qu'à un toilettage du dispositif, il procède à une énumération des compétences des échelons, sans que la distinction entre ces compétences n'apparaisse nettement. En outre, deux nouveaux échelons de pilotage font leur apparition : le conseil de développement, présidé par le Président de la République, et le conseil local de développement dirigé par l'ambassadeur dans chaque pays partenaire.


* 2 Notamment, la moitié des dons-projets de l'Etat et les deux tiers des subventions de l'AFD doivent être destinés aux 19 pays prioritaires.

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