CONCLUSION

Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission a adopté ce projet de loi n° 687 (2020-2021) autorisant l'approbation la ratification de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Japon, d'autre part.

En effet, cet accord poursuit trois objectifs majeurs :

- ancrer dans le droit la relation riche et dense développé par l'Union européenne et le Japon ;

- affirmer le rôle de l'Union européenne en tant qu'acteur crédible et efficace sur les enjeux de sécurité en Asie ;

- identifier de nouveaux secteurs de coopération entre l'Union européenne et le Japon, dans l'intérêt des citoyens européens et japonais, tels que l'espace, les technologies de l'information et de la communication, la politique industrielle, l'énergie, les transports, l'éducation ou encore la recherche et l'innovation. La mise en place d'un comité mixte chargé du suivi de la mise en oeuvre de l'accord, et de groupes de travail spéciaux sur les enjeux sectoriels, participe également de cette volonté d'institutionnalisation de la relation et de ce travail d'identification de nouvelles pistes de coopération.

Enfin, nous espérons que cet accord et les différents espaces de dialogue qu'il promeut, permettront de trouver une solution à la question des enfants privés de tout lien avec leur parent à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 15 juin 2021, sous la présidence de M. Pascal Allizard, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Gilbert Roger sur le projet de loi n° 687 (2020-2021) autorisant l'approbation la ratification de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Japon, d'autre part.

M. Gilbert Roger, rapporteur . - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres d'une part, et le Japon, d'autre part.

Cet accord a été signé le 17 juillet 2018, à l'occasion du 25 ème sommet UE-Japon, en même temps que l'accord de partenariat économique. Ce dernier n'a pas à être ratifié par les États membres, car, de nature commerciale, il relève de la compétence exclusive de l'Union européenne.

Ces deux accords ont été négociés par la Haute représentante de l'Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, sur la base d'un mandat confié par le Conseil de l'Union européenne.

Le présent texte est entré en vigueur à titre provisoire, le 1 er février 2019. Il s'inscrit dans une volonté de rehausser une relation bilatérale déjà dense et solide, qui donne lieu depuis trente ans à la tenue chaque année d'un sommet bilatéral entre l'Union européenne et le Japon.

Il aborde de très nombreux thèmes, allant de l'éducation et de la culture à la politique de développement, en passant par la coopération judiciaire et la promotion de la paix et de la sécurité. Il met l'accent sur la promotion de valeurs communes telles que la démocratie et l'État de droit.

Cet accord crée des contraintes juridiques pour les parties, puisqu'il dispose (article 43-4) que certaines de ses dispositions essentielles (respect des droits de l'Homme et lutte contre la prolifération des armes de destruction massive), si elles faisaient l'objet d'une « violation particulièrement grave et substantielle » pourrait mener à la suspension de l'accord.

Ceci nous amène à un sujet de préoccupation de notre Assemblée, et en particulier de notre collègue Richard Yung, celui des enfants privés de tout lien avec leur parent à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais.

Comme vous le savez, notre Assemblée a adopté deux résolutions sur le sujet, l'une, européenne, le 24 janvier 2020, l'autre, le 5 février 2020. Lors de l'audition de Son Excellence Ihara Junichi, Ambassadeur du Japon en France, par notre commission, le 7 avril dernier, certains de nos collègues ont pu à nouveau l'interroger sur cette question.

Le Parlement européen a également adopté une résolution en la matière le 8 juillet 2020 et l'Assemblée nationale projette de faire de même.

La situation de ces enfants est bien entendu dramatique. Aucun enfant ne doit être privé du droit de grandir sous l'autorité bienveillante de ses deux parents.

Ce droit est d'ailleurs reconnu par la convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, que le Japon a ratifié en 2014.

Je rappelle que le droit civil japonais ne reconnait pas le partage de l'autorité parentale aux parents séparés. Le droit parental ne peut appartenir qu'à un seul parent. Cette situation ne concerne donc pas uniquement les enfants binationaux, mais bien tous les enfants japonais de parents séparés.

De plus, le Japon s'est engagé dans une réforme de son droit de la famille, qui, si elle n'est pas encore satisfaisante, constitue toutefois une avancée.

Vous savez qu'en matière de diplomatie, il vaut mieux ouvrir des opportunités de dialogue, pour faire avancer les choses, de manière pragmatique. Cet accord, par son caractère contraignant, est l'occasion d'opposer concrètement le non-respect des textes internationaux.

Je signale qu'à l'occasion d'une audition avec le ministère de l'Europe et des affaires internationales, nous avons appris qu'un séminaire organisé d'ici la fin de l'année traitera de ce sujet. L'Union européenne et des États membres, tels que l'Allemagne et l'Italie, également concernés par le sujet, participeront également à ce séminaire. J'espère donc pouvoir vous apporter de bonnes nouvelles d'ici la fin de l'année sur une évolution du droit de la famille japonais.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi, l'accord en question permettant de renforcer nos relations avec un État avec lequel nous entretenons des relations privilégiées depuis de nombreuses décennie, dans un environnement géostratégique sensible, l'Indopacifique.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 24 juin 2021, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

M. Richard Yung . - Je veux remercier le rapporteur qui a développé tous les arguments que nous avons, il est donc inutile que je les reprenne. Cela fait presque dix-huit ans que je milite sur ce sujet. Je dois dire avec un résultat assez modeste, pour l'instant, mais nous travaillons dans le sens de l'histoire. Un jour les choses changeront, mais nous touchons là au coeur de la culture familiale japonaise. Même quand une décision de justice est prise au Japon, il arrive souvent qu'elle ne soit pas appliquée, parce que ou le juge local, ou la police considère qu'un enfant doit être avec sa mère. Nous avons donc encore un gros travail à accomplir dans ce domaine. Je me réjouis que tous ces éléments soient dans le rapport de Gilbert Roger ce qui souligne l'importance que nous accordons à ces questions.

Mme Hélène Conway-Mouret . - C'est un rapport attendu par les familles binationales. Richard Yung a été la tête de pont pour répondre à toutes ces Françaises et ces Français qui sont privés du droit de voir leurs enfants. Ce sont de vrais drames. Nous avons tous été à un moment ou un autre saisis par nos compatriotes de ces dossiers tragiques. Je voudrais témoigner d'une réunion organisée par nos associations au Japon, qui avait réuni des avocats japonais. La conclusion était qu'il fallait attendre patiemment que la loi japonaise change. Il faut être délicat dans cette affaire qui relève du droit national japonais. Nous pouvons témoigner de ce que nous observons, mais je crois que c'est aux Japonais seuls de prendre la décision qui irait dans le sens de résoudre ces drames humains.

Mme Michelle Gréaume . - Je voudrais relever une incohérence dans cet accord qui prévoit la facilitation de l'importation et de l'exportation de la viande. D'un point de vue climatique et de la pollution, ces dispositions ne me semblent pas pertinentes.

Au moment où l'accord de partenariat entrait en vigueur, le Japon autorisait à nouveau la pêche à la baleine, y compris dans le sanctuaire baleinier de l'Océan austral pourtant protégé. Le Japon est régulièrement mis en cause pour la surpêche de certaines espèces menacées, telles que le thon rouge, mais aussi de poissons trop jeunes.

De plus, le Japon a annoncé mi-avril sa volonté de rejeter dans l'océan un million vingt-cinq de tonnes d'eau contaminée à Fukushima, ce qui interroge sur l'impact de cette décision sur la biodiversité marine.

Le respect de la liberté de la presse, les conditions de détention posent également question.

Sur la question du droit du travail, il est problématique de soutenir un accord favorisant favorisant la mobilité des salariés mais aussi leur mise en concurrence, quand dans le même temps, Tokyo a refusé de signer certaines des conventions cadres de l'Organisation internationale du travail, c'est à dire la convention contre le travail forcé et celle contre les discriminations à l'emploi.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - J'irai dans le même sens que Richard Yung et qu'Hélène Conway puisque j'ai moi aussi beaucoup travaillé sur cette question des enfants franco-japonais. Je souhaite insister sur les différences culturelles que nous avons avec le Japon.

J'ai travaillé avec les services de la convention de La Haye, qui étudie justement sur ces questions de déplacements d'enfants. Nous souhaitions obtenir que le Japon signe et adhère à la convention de La Haye, ce qui n'était pas gagné. J'étais allée avec l'ambassadeur, plaider auprès du ministre de la justice, pour que le Japon adhère à cette convention.

Hélène Conway a raison quand elle dit qu'il faut faire très attention à ne pas froisser les Japonais et à avancer dans ce domaine de manière extrêmement délicate. C'est pour cela que lorsque Richard Yung m'avait proposé de signer le projet de résolution en faveur de l'adhésion à la Convention de La Haye par le Japon, j'avais refusé de le faire, trouvant qu'il était un peu gênant que nous, Français, intimions un ordre à un gouvernement étranger. J'avais voté pour, mais je ne l'avais pas signée, parce qu'il faut faire extrêmement attention, en particulier avec le Japon où les pratiques culturelles sont très encrées. Je félicite Gilbert Roger d'avoir soulevé à nouveau cette question car effectivement, nous devons travailler, davantage, au niveau européen, d'ailleurs, pour essayer d'avancer.

Le Japon a finalement signé la convention de La Haye, mais il faut aussi veiller à son application.

M. Gilbert Roger, rapporteur . - En ce qui concerne le droit des enfants, je pense que l'avancée majeure est la tenue d'un séminaire. C'est un pas intéressant.

J'ai beaucoup travaillé aussi sur l'égalité entre les hommes et les femmes, et si les Français se considèrent comme des champions en la matière, il y a toujours des progrès à réaliser. Je salue la volonté des Japonais de faire évoluer leur législation.

Sur l'importation de viande, en effet, cela fait de la distance, mais c'est le cas aussi avec l'Argentine, le Brésil, les États-Unis, le Canada. Nos exportations vers le Japon sont orientées à plus de 18 % dans le secteur de agroalimentaire, il n'y a donc pas que le boeuf qui soit concerné. J'ajoute que maintenant, on élève du boeuf de Kobé dans la Somme, ce qui réduit passablement son trajet jusqu'à l'assiette du consommateur.

En ce qui concerne la pêche à la baleine et au thon rouge, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères m'a indiqué que la commission mixte Union européenne - Japon, travaille sur ces sujets.

Sur Fukushima, la question se pose sur la qualité, absolument nécessaire, des rejets, et je ne parlerai pas de l'EPR bien français en Chine qui pose des soucis tout récemment.

Je vous invite à ratifier cette convention par voie simplifiée.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.

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