EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 15 juin 2021, sous la présidence de M. Pascal Allizard, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Pascal Allizard sur le projet de loi n° 539 (2020-2021) autorisant la ratification de l'accord-cadre entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Australie, d'autre part.

M. Pascal Allizard, rapporteur. - Mes chers collègues, nous examinons à présent le projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Australie, d'autre part.

Signé le 7 août 2017, cet accord-cadre se substituera au « cadre de partenariat » de 2008, au caractère non contraignant, qui régit les relations entre les États membres de l'Union européenne et l'Australie.

Le présent texte est avant tout un accord de dialogue politique et de coopération ; il ne s'agit donc, en aucun cas, de l'accord de libre-échange que la Commission européenne négocie actuellement. Je rappelle à cet égard que le Sénat, par une résolution adoptée en février 2018, a exprimé sa position quant à la directive de négociation sur l'accord de libre-échange. Notre assemblée appelait notamment les négociateurs à protéger nos indications géographiques ainsi que nos filières agricoles, en les intégrant au sein d'une enveloppe globale d'importations tenant compte de l'ensemble des accords commerciaux. Il convient néanmoins de souligner que, dans ce secteur, les échanges sont largement au bénéfice de la France et de l'Union européenne.

En outre, le Sénat a demandé que l'accord comporte un volet environnemental et social, et que le principe de réciprocité soit respecté en matière d'ouverture des marchés publics. Sur tous ces points, la position de négociation de la France est conforme à celle exprimée par la Haute Assemblée. Notre commission continuera d'assurer le suivi de ces recommandations au travers de son groupe de suivi des négociations commerciales, commun à la commission des affaires européennes et celle des affaires économiques.

Ce n'est donc pas notre sujet aujourd'hui, même si l'un des titres de l'accord-cadre, consacré à la coopération économique et commerciale, vise à renforcer la coopération, dans un cadre multilatéral, sur plusieurs questions telles que les normes sanitaires et phytosanitaires, le bien-être des animaux ou encore la propriété intellectuelle.

Comme je l'indiquais précédemment, cet accord-cadre est principalement de nature politique. À ce titre, l'Union européenne et l'Australie s'engagent à « renforcer [leurs] approches communes [...] et cerner les possibilités de coopération face aux défis et aux enjeux régionaux et mondiaux ». Le Livre blanc de politique étrangère australien de novembre 2017 précise qu'« une Union européenne forte reste essentielle pour les intérêts de l'Australie et sera un partenaire de plus en plus important pour protéger et promouvoir un ordre international fondé sur des règles ». Ce document souligne la nécessité de coopérer étroitement avec les États membres de l'UE sur plusieurs sujets tels que la lutte contre le terrorisme, la non-prolifération, le développement durable et les droits de l'homme.

Lors de son audition, Son Excellence Mme Gillian Bird, ambassadrice d'Australie en France, m'a rappelé l'attachement du gouvernement australien au multilatéralisme et aux stratégies française et européenne dans la région. En effet, les relations sino-australiennes sont aujourd'hui au plus mal, et cette escalade rend d'autant plus prégnante la nécessité d'une présence européenne pour assurer la stabilité régionale. Pour ce faire, la présence maritime coordonnée, fondée en août 2019, tend à rationaliser les opérations navales européennes dans la zone et à développer des coopérations avec les marines des États partenaires.

Dans le domaine de la sécurité, la France et l'Australie participent à des opérations communes dans la région Indopacifique : d'une part dans un cadre trilatéral, à travers le mécanisme FRANZ (France, Australie, Nouvelle-Zélande) qui intervient en cas de catastrophe naturelle ; et d'autre part, dans le cadre du Quadrilateral Defence Coordination Group , auquel participent les États Unis, dont l'objectif est de coordonner l'effort de sécurité, prioritairement dans le domaine de la surveillance maritime. Enfin, les forces australiennes participent aux opérations de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'Union européenne.

Dans le domaine industriel, il est inutile de rappeler que Naval Group a remporté le « contrat du siècle » en Australie, qui consiste en la construction de douze sous-marins de classe Attack. Mais la coopération franco-australienne ne se résume pas à ce marché : elle doit être appréhendée dans sa dimension régionale, où la France doit défendre tant ses intérêts que sa souveraineté. Ces sujets seront d'ailleurs abordés par le Premier ministre australien à l'occasion de sa visite officielle qui débute aujourd'hui.

Notre stratégie dans l'Indopacifique concerne aussi la lutte contre le terrorisme et le développement des États insulaires ; ces champs sont précisément couverts par l'accord-cadre. Dans le domaine humanitaire, les parties réaffirment leur engagement en faveur du développement durable dans les pays en développement. L'initiative Kiwa, qui mobilise cinq bailleurs dont l'Australie et la France - à travers l'Agence française de développement -, a permis de lever 35 millions d'euros pour relever des défis communs tels que la protection de la biodiversité et l'adaptation au changement climatique.

L'accord-cadre consacre en effet une place importante au développement durable, dans son acception la plus large. Cette notion recouvre tout d'abord la lutte contre le changement climatique alors que l'Australie reste dépendante des énergies fossiles comme le charbon. Toutefois, depuis les incendies qui ont ravagé le pays il y a un an et demi, le Gouvernement a lancé un plan d'investissements dans les énergies à faible émission de carbone (éolien, solaire, hydrogène vert), et tous les États fédérés australiens se sont fixé un objectif de neutralité carbone d'ici à 2050. La notion de développement durable est également abordée sous l'angle de la responsabilité sociale visant à réduire la pauvreté et à lutter contre les discriminations et l'exclusion.

Enfin, l'accord traite du renforcement de la coopération dans les domaines de la recherche et de l'innovation. La coopération scientifique et technologique franco-australienne est aujourd'hui bien développée ; elle mobilise des partenariats tant publics (universités, CNRS) que privés (Naval Group) pour rassembler leurs capacités de recherche afin de favoriser, par exemple, l'innovation dans les domaines de l'ingénierie et des technologies maritimes.

Pour conclure, l'accord-cadre renforcera le positionnement politique de l'Union européenne dans la zone indopacifique où il est important qu'elle reste engagée, notamment pour répondre à la présence et à l'influence grandissantes de la Chine. Cet accord est aussi important pour la France, seule véritable puissance européenne de l'Indopacifique, qui possède une connaissance fine de la zone et y dispose de moyens militaires permanents et de capacités de projection.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 15 avril dernier.

L'Australie a achevé son processus de ratification interne en septembre 2018, de même que vingt-trois États membres de l'Union européenne. Je précise néanmoins que l'accord-cadre est appliqué depuis le 4 octobre 2018, à titre provisoire, pour les seules dispositions relevant de la compétence de l'Union européenne, à savoir celles qui concernent le dialogue politique et la coopération au sein des organisations régionales et internationales.

L'examen en séance publique au Sénat est prévu le jeudi 24 juin, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.

M. Philippe Folliot. - À titre liminaire, je ferai deux clins d'oeil : le premier pour rappeler qu'un buste du comte de La Pérouse, offert par l'Australie à la France en 1989, se trouve le long du Quai Branly, près du poste diplomatique australien ; le second pour souligner que les relations euro-australiennes ont débuté dans la ville tarnaise de Mazamet où des peaux de moutons australiens étaient délainées.

Par ailleurs, la France partage avec l'Australie sa frontière maritime la plus longue : d'une part, dans la mer de Corail avec la Nouvelle-Calédonie, et d'autre part, dans l'océan Indien avec les îles Kerguelen, voisines des îles Heard-et-MacDonald. L'accord-cadre prévoit-il des coopérations spécifiques avec nos territoires ultramarins situés dans la région ?

M. Pascal Allizard, rapporteur. - J'ai abordé cette question avec l'ambassadrice d'Australie qui m'a confirmé que son pays suivra de près les résultats du référendum d'autodétermination, qui aura lieu en Nouvelle-Calédonie à la fin de l'année. En effet, au-delà des coopérations locales, la France est une puissance de l'Indopacifique car elle y possède des territoires et une part importante de sa zone économique exclusive. L'accord-cadre est donc important pour notre pays, eu égard aux tensions qui existent actuellement avec la Chine. Le groupe de travail sur la puissance chinoise en Europe, dont je suis le co-rapporteur, va tenter d'éclairer la commission sur ce point, car il est important de maintenir les équilibres dans la région indopacifique et de nous doter des moyens nécessaires pour défendre l'intégrité de notre souveraineté, grâce notamment à la surveillance maritime. Pour ce faire, les accords avec l'Australie doivent être encouragés.

Mme Michelle Gréaume. - Je ne prendrai pas part au vote car je n'ai pas fini d'étudier les stipulations de cet accord-cadre.

Dans votre intervention, vous avez indiqué que l'Australie allait réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le pays a pourtant lancé le projet de mine de charbon « Carmichael » qui devrait générer, chaque jour, 32 tonnes de dioxyde de carbone. Ceci ne prend d'ailleurs pas en compte les émissions induites par le transport du charbon extrait jusqu'au port, en vue de son exportation, situé près de la grande barrière de corail. Par ailleurs, le projet impose l'évacuation de 12 milliards de litres d'eau par année, pendant 60 ans, pour dénoyer le terrain, privant ainsi les populations locales d'un accès à l'eau.

S'agissant des normes sanitaires, je précise que l'Australie a saisi les tribunaux d'arbitrage à deux reprises dans le cadre de litiges avec l'Union européenne : en 2017 contre les normes européennes en matière de perturbateurs endocriniens, puis en 2018 contre les normes européennes en matière de pesticides.

M. Pascal Allizard, rapporteur. - L'Australie reste en effet très dépendante des énergies fossiles, en particulier du charbon. Le pays a toutefois infléchi sa politique environnementale, comme l'a confirmé l'ambassadrice d'Australie lors de son audition : son pays a renoncé au report de ses crédits d'émission obtenus dans le cadre du Protocole de Kyoto, et a lancé un plan d'investissements dans les énergies à faible émission de carbone. En outre, la part des énergies renouvelables a triplé en dix ans pour atteindre 21 % de l'électricité produite en 2019, et tous les États fédérés australiens se sont fixé un objectif de neutralité carbone d'ici à 2050. La transition énergétique de l'Australie est donc engagée, ce qui devrait lui permettre de respecter les engagements qu'elle a pris au titre de l'accord de Paris sur le climat.

S'agissant des normes sanitaires, les normes européennes semblent bien moins éloignées des normes australiennes que celles d'autres pays partenaires. Ce sujet est abordé lors des négociations de l'accord de libre-échange.

Mme Michelle Gréaume. - Sauf erreur, il n'est pas fait mention de l'accord de Paris sur le climat dans cet accord-cadre...

M. Pascal Allizard, rapporteur. - L'accord-cadre a été paraphé avant l'accord de Paris sur le climat ; par conséquent, il n'y fait pas explicitement référence. Néanmoins, à l'article 46, les parties s'engagent à « oeuvrer ensemble pour parvenir à un accord international sur le climat solide, juridiquement contraignant et applicable à tous les pays ».

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.

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