Rapport n° 743 (2020-2021) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juillet 2021

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N° 743

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2020 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 15a

Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Crédits non répartis

Action et transformation publiques


Rapporteurs spéciaux : MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4090 , 4195 et T.A. 628

Sénat :

699 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

1. L'exécution des crédits de la mission en 2020 n'a pas été affectée par la crise sanitaire, en dépit de la mobilisation des administrations pour répondre aux conséquences de la crise. Ainsi, la consommation des crédits poursuit la baisse tendancielle observée ces dernières années : - 1,2 % pour les autorisations d'engagement et - 1 % pour les crédits de paiement. La mission s'inscrit donc à rebours de la tendance constatée sur le budget général de l'État, hors effets de la crise, avec une hausse des dépenses ordinaires de près de 2 % entre 2019 et 2020.

Pourtant, les administrations de la mission ont pleinement joué leur rôle dans la crise sanitaire, en conjuguant l'exercice de missions traditionnelles et nouvelles. La direction générale des finances publiques (DGFiP) était ainsi chargée de l'instruction des demandes et de l'octroi des aides aux entreprises éligibles au fonds de solidarité , tandis que la Douane a été mobilisée pour contrôler rapidement les équipements sanitaires importés . Le secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la relance (MEFR) a quant à lui, en interne, coordonné les plans de continuité d'activité des administrations du ministère et, en externe, servi de support à la cellule de continuité économique , qui coordonnait la réponse du Gouvernement à la crise.

2. Les dépenses de personnel, qui représentent près de 83 % des crédits de la mission, jouent un rôle déterminant pour apprécier la bonne exécution des crédits ouverts . Elles ont diminué d'1,4 % entre 2019 et 2020, poursuivant là-aussi une trajectoire entamée depuis plusieurs années. De nouveau, le schéma d'emploi de la mission a été sur-exécuté, avec 397 suppressions d'équivalents temps plein (ETP) supplémentaires par rapport à la prévision inscrite en loi de finances initiale
pour 2020 (- 2 050 ETP au total, contre - 1 693 ETP en prévision). Toutefois, sur la masse salariale, une partie de cet effet volume a été compensé par des mesures catégorielles de revalorisation.

3. Les rapporteurs spéciaux relèvent avec satisfaction la sanctuarisation des dépenses informatiques , le budget informatique de la mission s'élevant à 432 millions d'euros en 2020, un montant inédit. Le programme 156, qui correspond aux crédits octroyés à la DGFiP, a particulièrement bénéficié de cette hausse. Dans le cadre de son contrat d'objectifs et de moyens, la DGFiP s'est en effet engagée à résorber sa dette technologique, avec une trajectoire ambitieuse pour ses crédits informatiques (163 millions d'euros en CP prévus en 2020).

Toutefois , les dépenses d'investissement, dont toutes ne relèvent pas du domaine informatique, ont été largement sous-exécutées au niveau de la mission : l'écart par rapport à l'autorisation donnée en loi de finances initiale pour 2020 s'élève
à 38 %, contre 33 % en 2019 et 34 % en 2018. Elles ont cependant augmenté entre 2019 et 2020 (+ 16,4 millions d'euros) et les rapporteurs spéciaux espèrent qu'il s'agit là d'un signal positif pour les années à venir.

La mission « Crédits non répartis »

1. En 2020, près de 1,65 milliard de crédits de paiement (CP) ont été exécutés sur la mission « Crédits non répartis ». La mission, initialement dotée de 140 millions d'euros en CP, a fait l'objet d'une ouverture de crédits à hauteur de 1,62 milliard d'euros sur le programme 552 «Dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles » pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire.

Le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques », initialement doté de 16 millions d'euros en CP pour 2020, a fait l'objet d'une exécution à hauteur de 6 millions d'euros , afin de financer les mesures de revalorisation du régime indemnitaire de la filière sociale interministérielle décidées dans le cadre des rendez-vous salariaux de juillet 2019.

2. Les rapporteurs spéciaux constatent que la mobilisation de crédits du programme pour financer des mesures décidées dans le cadre de ces rendez-vous salariaux, plusieurs mois avant la programmation budgétaire, tend à se systématiser. Ils insistent de nouveau sur la nécessité de ne recourir à ce programme que pour financer des mesures n'ayant pas pu faire l'objet d'une définition précise en amont de la programmation budgétaire. Ils seront donc vigilants à ce que la provision relative aux rémunérations publiques ne soit pas utilisée à l'avenir par le Gouvernement comme une solution de facilité .

3. Les crédits du programme 552 « Dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles », exécutés à hauteur de 1,648 milliards d'euros, ont exclusivement été utilisés pour répondre à la crise sanitaire . Ainsi, pour la première fois depuis 2008, aucun crédit n'a été utilisé pour abonder les fonds spéciaux.

L'utilisation des crédits du programme a par ailleurs été conforme au critère du dernier recours , selon lequel ces crédits doivent être utilisés uniquement si les procédures d'emploi de gestion de droit commun ont été mobilisées. L'information du Parlement dans le cadre de la répartition des crédits de ce programme par voie réglementaire a été globalement respectée, mais gagnerait à être plus précise, en indiquant le respect de la condition de dernier recours.

La mission « Action et transformation publiques »

1. L'exécution des crédits de la mission « Action et transformation publiques » s'est une nouvelle fois révélée décevante et très inférieure au volume des crédits autorisés par le Parlement dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2020. La sous-consommation sur les crédits de paiement (CP) s'élève ainsi à 73,9 %,
contre 4,7 % pour les autorisations d'engagement (AE).

Le seul motif de satisfaction sur cette mission provient de la hausse des crédits consommés entre les années 2019 et 2020 (+ 97 % en AE et + 104 % en CP), même si leur niveau reste très en-deçà de la montée en charge attendue par le Gouvernement sur cette mission.

2. Au regard des sous-consommations récurrentes et des lacunes des indicateurs de performance de la mission, les rapporteurs spéciaux avaient décidé de mener un contrôle budgétaire sur les programmes de la mission, dont les résultats sont retracés dans cette contribution. En effet, si le Gouvernement s'appuie en grande partie sur la crise sanitaire pour expliquer le niveau de sous-exécution des crédits en 2020, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il s'agit là d'une explication incomplète et insatisfaisante : la mission « Action et transformation publiques » souffre en effet de problèmes structurels depuis sa création en 2018, difficultés qui alimentent les discussions sur sa pérennisation.

Ce n'est pas la crise sanitaire qui explique que seuls trois projets, sur les 39 sélectionnés sur le programme 348 de rénovation des cités administratives, aient été lancés en 2020. Les délais très longs de contractualisation pour les bénéficiaires des crédits du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP - programme 349) s'observent également depuis 2019. De même, les problèmes de dimensionnement du programme 352 (Fonds pour l'accélération des start-up d'État) et de mobilisation des crédits du programme 351 (Fonds pour l'accompagnement interministériel RH) sont soulevés par les rapporteurs spéciaux depuis la création de ces fonds, dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2019.

3. Parmi leurs recommandations, les rapporteurs spéciaux insistent sur une triple nécessité :

- modifier les indicateurs de performance des programmes 348 et 349 . En l'état, ils ne répondent pas aux exigences de l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finances : ils ne permettent pas de suivre concrètement l'avancée des projets et le décaissement des crédits, ils ne se prêtent pas à une mesure annuelle et ils ne s'appuient que sur des estimations quant aux économies attendues ;

- faire preuve de davantage de transparence sur le devenir de la mission , en particulier après la modification de sa maquette, avec le rattachement du programme 148 « Fonction publique ». Au regard du retard accumulé sur les projets financés par les programmes 348 et 349, l'existence de restes à charge
après 2022 reste plausible : si la mission n'est pas pérennisée, où ces crédits seront-ils portés ? ;

- accroître la sincérité des prévisions inscrites en projet de loi de finances initiale, afin de respecter l'autorisation parlementaire . Cet effort de sincérisation doit s'accompagner d'une rationalisation des programmes de la mission, les crédits des programmes 351 et 352 n'ayant pas vocation, selon les rapporteurs spéciaux, à continuer d'être portés par des programmes ad hoc , mais plutôt à être rattachés à des programmes existants.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES » S'EST DÉPLOYÉE SANS DIFFICULTÉ MAJEURE EN 2020

A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2020 S'INSCRIT DANS LA TENDANCE OBSERVÉE CES DERNIÈRES ANNÉES, CELLE D'UNE DIMINUTION DES CRÉDITS CONSOMMÉS

1. Une mission qui porte les crédits des deux administrations de réseau du ministère de l'économie, des finances et de la relance

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte les politiques publiques relevant du ministère de l'action et des comptes publics , ainsi que l'essentiel des effectifs des ministères économiques et financiers . Elle se compose de quatre programmes :

- le programmes 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local », qui porte les crédits alloués à la direction générale des finances publiques (DGFiP) ;

- le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges », qui porte les crédits alloués à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ;

- le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières », qui est placé sous la responsabilité de la secrétaire générale des ministères économiques et financiers. Il retrace les crédits et les effectifs des cabinets des ministres et secrétariats d'États, des directions et services en charge de missions transversales (le budget, les achats de l'État...), de l'inspection générale des finances, du secrétariat général du ministère et de toutes les directions et entités exerçant des missions nécessaires au pilotage des politiques publiques ministérielles transversales ou interministérielles (expertise, conseil, contrôle). La direction interministérielle de la transformation publique (DITP) a par ailleurs été rattachée au programme en 2019 ;

- le programme 148 « Fonction publique » , placé sous la responsabilité du directeur général de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). Il retrace les crédits alloués à la formation et à l'apprentissage dans la fonction publique d'État, les subventions pour charges de service public aux opérateurs en charge de cette formation (École nationale d'administration, instituts régionaux d'administration), ainsi que les crédits alloués à l'action sociale interministérielle. Il est rattaché à compter de l'année 2021 à la mission « Transformation et fonction publiques », issue de la modification du périmètre de la mission « Action et transformation publiques ». À compter de cette même date, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » devient la mission « Gestion des finances publiques ».

Les quatre programmes de la mission sont de poids inégaux, les programmes 156 et 302 portant près de 90 % des crédits de paiement (CP) consommés en 2020 .

Répartition par programme des crédits de paiement de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » consommés en 2020

(en % et en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

2. Une exécution 2020 qui s'inscrit dans la trajectoire de baisse tendancielle des crédits consommés

L'écart constaté entre la prévision des crédits de la mission en loi de finances initiale pour 2020 et l'exécution des crédits en 2020 est plutôt satisfaisant : il s'élève à - 1,8 % en autorisations d'engagement (AE)
et à - 2,1 % en crédits de paiement
(CP) .

Exécution par programme des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines » en 2020

(en % et en millions d'euros)

Programme

Exécution 2019

LFI 2020

Exécution 2020

Exécution 2020 / exécution 2019

Exécution 2020 / LFI 2020

[ 156] Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

AE

7 753,0

7 773,0

7 655,7

- 1,25 %

- 1,51 %

CP

7 678,5

7 697,6

7 576,7

- 1,32 %

- 1,57 %

[ 218 ] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

AE

905,9

929,6

889,2

- 1,84 %

- 4,35 %

CP

905,7

947,6

893,7

- 1,32 %

- 5,68 %

[302] Facilitation et sécurisation des échanges

AE

1 569,5

1 585,8

1 565,4

- 0,26 %

- 1,29 %

CP

1 541,7

1 588,8

1 557,3

1,01 %

- 1,98 %

[148] Fonction publique

AE

203,9

209,9

200,3

- 1,78 %

- 4,61 %

CP

198,8

209,9

198,4

- 0,22 %

- 5,51 %

TOTAL MISSION

AE

10 432,2

10 498,3

10 310,6

- 1,17 %

- 1,79 %

CP

10 324,7

10 444,0

10 226,1

- 0,95 %

- 2,09 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Surtout, l'exécution en 2020 s'inscrit dans la tendance observée ces dernières années, soit une baisse des crédits consommés , que ce soit en AE (- 1,2 % par rapport à 2019, après - 2,78 % entre 2018 et 2019 et - 1,4 % entre 2018 et 2017) ou en CP (- 0,9 % par rapport à 2019,
après - 1,5 % entre 2018 et 2019 et - 1,2 % entre 2018 et 2017).

a) Les dépenses de personnel, un enjeu fondamental pour la mission

Les dépenses de personnel (titre 2) occupent une place prépondérante dans les crédits de la mission. Si leur montant a diminué de 1,4 % entre 2019 et 2020 , pour s'établir à 8,47 milliards d'euros , leur part dans les crédits de la mission s'est stabilisée, à près de 83 %, confirmant par-là leur rôle déterminant pour apprécier la bonne exécution de la mission.

Les économies constatées sur les dépenses de personnel ont par ailleurs permis de financer certaines dépenses supplémentaires, liées notamment au versement de la prime exceptionnelle aux agents publics particulièrement mobilisés durant la crise sanitaire . Cette prime était exonérée d'impôt sur le revenu et de toutes cotisations et contributions sociales d'origine légale ou conventionnelle 1 ( * ) .

De nouveau, les rapporteurs spéciaux observent qu'il est encore très difficile de distinguer, dans l'évolution de ces dépenses de personnel, ce qui relève des effets des transformations engagées dans les administrations de la mission , notamment au sein de la DGFiP (mise en oeuvre du prélèvement à la source, suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales), mais également de la DGDDI (progression de la dématérialisation des procédures, unification du recouvrement et transfert de la gestion et du recouvrement de certaines taxes de la DGDDI vers la DGFiP). La Cour des comptes a ainsi réitéré sa recommandation de mieux documenter l'évolution des schémas d'emploi en fonction des transformations des missions en cours 2 ( * ) , une recommandation à laquelle ne peuvent que souscrire les rapporteurs spéciaux (cf. infra ).

b) Une sous-exécution très importante des dépenses d'investissement

Les rapporteurs spéciaux relèvent, pour la troisième année consécutive, une très forte sous-exécution des dépenses d'investissement , avec un écart de - 38,4 % (en CP) par rapport à l'autorisation donnée en loi de finances initiale pour 2020, après - 33,5 % en 2019 et - 34,4 % en 2018. Le seul motif de satisfaction provient de leur hausse entre 2019 et 2020,
de 15,7 % (+ 16,4 millions d'euros)
, alors même qu'elles avaient baissé entre 2018 et 2019 (- 17 %).

Si la crise sanitaire a sans doute conduit à reporter certains projets, et que des dépenses exécutées ont pu être requalifiées en fonctionnement, ces taux de sous-exécution suscite quelques inquiétudes au regard des chantiers que doivent mener à bien les administrations de la mission , notamment en matière informatique.

Exécution par titre des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines » en 2020

(en % et en millions d'euros)

Titre

Exécution 2019

LFI 2020

Exécution 2020

Exécution 2020 / exécution 2019

Exécution 2020 / LFI 2020

Titre 2 - Personnel

AE

8 559,9

8 590,0

8 471,1

- 1,04 %

- 1,38 %

CP

8 559,9

8 590,0

8 471,1

- 1,04 %

- 1,38 %

Titre 3 - Fonctionnement

AE

1 663,4

1 606,8

1612,3

- 5,06 %

0,34 %

CP

1 565,0

1 579,2

1 534,3

- 1,96 %

- 2,85 %

Titre 5 - Investissement

AE

114,1

223,8

128,1

12,19 %

- 42,77 %

CP

104,9

197,1

121,3

15,65 %

- 38,44 %

Titre 6 - Intervention

AE

94,4

110,7

98,9

4,74 %

- 10,63 %

CP

94,6

110,6

99,2

4,85 %

- 10,33 %

Titre 7 - Opérations financières

AE

0,4

0,3

0,3

- 27,73 %

- 17,31 %

CP

0,4

0,3

0,3

- 26,17 %

- 15,53 %

TOTAL MISSION

AE

10 432,2

10 531,6

10 310,6

- 1,17 %

- 2,10 %

CP

10 324,7

10 477,2

10 226,1

- 0,95 %

- 2,40 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

3. Une mission très peu bouleversée par la crise sanitaire

La crise sanitaire n'a que très peu affecté les crédits de la mission, même si ses administrations ont été pleinement mobilisées pour répondre à ses conséquences (cf. infra ). Aussi, les mouvements de crédits intervenus en cours de gestion ont été très limités , correspondant pour l'essentiel à des annulations sur la réserve de précaution (taux de réserve
de 3 %). La différence entre l'autorisation donnée en loi de finance initiale et l'exécution n'est que de 0,3 %, ce qui témoigne d'un pilotage rigoureux

Mouvements de crédits intervenus en gestion
au cours de l'exercice 2020

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'exécution s'étant déroulée de manière quasi-conforme à ce qui avait été voté par le Parlement, le plafond inscrit dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 3 ( * ) pour la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »
en 2020, calculé hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions », a été respecté (7,56 milliards d'euros contre 8,04 milliards d'euros).

B. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une mobilisation des administrations pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire
a) Les administrations face à la crise sanitaire : conjuguer le plein exercice de leurs missions traditionnelles et la gestion de nouvelles missions

Si la crise n'a pas eu de traduction budgétaire « visible » sur les crédits de la mission, les administrations de la mission ont été fortement mobilisées pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire et économique .

Au regard du rôle premier de la DGFiP en matière de gestion des recettes et des dépenses de l'État, son plan de continuité d'activité visait à permettre à l'administration de continuer à assurer ses missions fondamentales, tout en en menant à bien de nouvelles , liées aux mesures mises en oeuvre pour pallier les effets de la crise sanitaire sur l'économie . La DGFiP était ainsi chargée de l'instruction des demandes et de l'octroi des aides aux entreprises éligibles au fonds de solidarité . D'autres services, dont les activités ont été temporairement gelées, comme ceux du contrôle fiscal de la mi-mars à la mi-mai, ont pu venir soutenir les services en charge d'octroyer ces aides ou de répondre aux particuliers dans le cadre de la campagne de déclaration au titre de l'impôt sur le revenu 2019.

La DGDDI a quant à elle eu un double rôle à jouer durant la crise sanitaire : (1) accompagner et informer les opérateurs des restrictions mises en place et des conséquences pour leurs activités, en leur accordant par exemple des facilités de paiement ; (2) importer, avec des difficultés notables au début de la crise, des masques et du gel hydro-alcoolique , en s'assurant de leur conformité aux normes en vigueur. La Douane a par exemple empêché la distribution de 11,74 millions de masques importés mais non conformes et retiré 272 000 maques du marché pour contrefaçon 4 ( * ) . Elle devait en parallèle poursuivre la préparation au Brexit , avec des actions de sensibilisation à destination des opérateurs économiques, et continuer à mettre en oeuvre les réformes engagées les années précédentes , que ce soit la pleine application de la loi pour un État au service d'une société de confiance (loi « Essoc ») 5 ( * ) , le recours accru aux traitements de données et à l'intelligence artificielle, la dématérialisation des procédures ou les transferts progressifs d'une partie de ses missions fiscales vers la DGFiP.

Comme avait pu l'expliquer la secrétaire générale du ministère de l'économie, des finances et de la relance (MEFR), Marie-Anne Barbat-Layani, aux rapporteurs spéciaux lors de son audition dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, le secrétariat général a joué un rôle majeur de coordination . En interne, il devait coordonner l'organisation du MEFR face à la crise , avec la mise en place des plans de continuité d'activité, la fourniture du matériel informatique 6 ( * ) et des équipements de protection sanitaire ou encore la sensibilisation des personnels et la communication sur l'évolution de la crise sanitaire et ses conséquences pour les administrations du ministère. Les coûts engendrés par ces actions ont été compensés par de moindres exécutions sur plusieurs postes , tel que celui de l'action sociale - avec l'annulation des séjours touristiques en France et à l'étranger - ou les frais de mission et d'évènementiel. En externe, le secrétariat général était le support de la cellule de continuité économique , qui coordonnait la réponse du Gouvernement à la situation de crise. En parallèle de ces missions dans le cadre de la crise, le secrétariat général s'est engagé dans la mise en oeuvre de la stratégie « Bercy Vert » et doit fédérer les efforts des administrations autour de 20 engagements pour des services écoresponsables, dont 13 pilotés par la direction de l'immobilier de l'État et par la direction des achats de l'État.

b) De nouvelles missions qui ne doivent pas obérer les réformes engagées par la DGFiP sur son réseau

Sur l'aspect « réseau » de la DGFiP, 2020 devait marquer l'engagement ou la concrétisation de trois transformations.

2020 devait tout d'abord constituer la première année de mise en oeuvre du « nouveau réseau de proximité » (NPR) de la DGFiP, qui a remplacé le précédent schéma de réorganisation territoriale de la direction 7 ( * ) . Eu égard aux effets de la crise sanitaire, mais aussi aux négociations avec les collectivités pour la mise en place de ce nouveau réseau, 2020 a davantage représenté une année de transition : 35 postes comptables ont été fermés . Le NPR devrait prendre son plein effet à compter de 2021 avec la fermeture de 430 postes comptables 8 ( * ) et l'accroissement en parallèle du nombre de communes dans lesquelles la DGFiP sera présente. À la fin de l'année 2020, 77 départements sont couverts par la nouvelle charte et 39 conventions ont été signées avec des conseils départementaux. Le nombre de communes dans laquelle la DGFiP assure une présence, pas nécessairement permanente 9 ( * ) , est passé de 2 000 en 2019 à 2 250 en 2020 .

Quant à la matérialisation des transferts de service des métropoles vers les territoires ruraux et péri-urbains, elle devrait enfin se concrétiser en 2021 , avec le déménagement des premiers services. 66 villes ont été sélectionnées en 2020, en deux fois, et Roanne devrait être la première d'entre elles à accueillir un nouveau service en 2021, celui de l'enregistrement national. Les effectifs y seront progressivement transférés, pour un plein effet en 2024.

Enfin, dans le cadre du « nouveau paiement de proximité » la DGFiP a conclu en juillet 2020 une convention avec 4 700 buralistes pour permettre à ces derniers de procéder à l'encaissement en numéraire des impôts ou autres amendes inférieurs à 300 euros . L'objectif, conformément au sixième axe du plan de transformation ministériel, est de supprimer à terme le numéraire du réseau de la DGFiP.

Ces transformations ne doivent pas se faire au détriment des contribuables et doivent s'accompagner d'une capacité équivalente à répondre à leurs sollicitations . L'indicateur « Qualité de service Marianne » se stabilise en 2020 (75 %) après un léger retrait en 2019, du fait d'un allongement du délai de traitements des courriels, courriers et appels téléphoniques.

2. L'une des rares missions à contribuer à la stabilisation de la dépense publique

En dépit d'une année bouleversée par la crise économique et sanitaire, qui a conduit à une forte hausse des dépenses publiques (+ 15,5 %), la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » fait partie des rares missions à ne pas avoir connu une hausse des crédits consommés , même à périmètre constant, contre une augmentation hors effet de la crise d'environ 2 % pour le budget général de l'État.

Il en va de même pour les dépenses de personnel où, là-encore, la mission s'inscrit à rebours de la dynamique générale du budget de l'État en 2020 . En effet, si les dépenses de personnel ont globalement augmenté
de plus de 1 % à champ constant, celles de la mission ont baissé de près
de 1,4 % (- 89 millions d'euros). 2 801 créations de postes ont été comptabilisées en 2020 en équivalents temps plein (ETP) - soit 2 602 de plus que la prévision inscrite en loi de finances initiale 10 ( * ) - alors même que les ETP de la mission ont diminué de 2 050.

Les administrations de la mission, et plus particulièrement la DGFiP, continuent donc de contribuer à la maîtrise de la masse salariale de l'État, le schéma d'emploi, initialement attendu à -1 653 ETP, ayant été, à l'instar des années précédentes, sur-exécuté à hauteur de 24 %, soit 397 ETP supplémentaires supprimés . Ce taux est bien plus élevé
qu'en 2019, où il avait atteint 7 %, pour une suppression de 135 ETP de plus qu'anticipé. Cette sur-exécution, notamment à la DGFiP, s'explique par la difficulté structurelle, constatée chaque année, de comptabiliser au plus juste les départs à la retraite, souvent sous-estimés.

Toutefois, et de manière plus inquiétante, cette sous-exécution traduit également les difficultés de recrutement de la DGFiP, également partagées par la Douane pour certains de ses métiers . De telles difficultés reflètent un manque d'attractivité des concours 11 ( * ) qui pourraient, à terme, affecter la capacité de ces administrations à mener à bien leurs missions. La DGFiP et la Douane ont toutes deux mis en place des plans d'action pour renforcer l'attractivité de leurs concours et faire mieux connaître leurs métiers.

Schéma d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en ETP)

LFI 2020

Sorties

dont départs

Entrées

Exécution

Écart exécution/LFI

en retraite

2020

P.156 - Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

- 1 500

6 114

4 090

4 254

- 1 860

24,00 %

P.302 - Facilitation et sécurisation des échanges

- 93

716

522,1

548

- 168

80,65 %

P.218 - Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

-60

875,4

193,5

853,65

- 22

- 63,75 %

Total

- 1 653

7 705

4 806

5 656

- 2 050

24,00 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les programmes de la mission n'ont pas tous contribué de la même façon à la réalisation du schéma d'emplois inscrit en loi de finances initiale. Les effectifs de la DGDDI ont connu une baisse significative, après cinq années de recrutements nets pour mettre en oeuvre les plans de lutte contre le terrorisme et la gestion de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, effective au 1 er janvier 2021. Pour le schéma d'emploi de la DGDDI, il convient par ailleurs de noter que le recrutement de 100 ETP, pour faire face au Brexit, a été reporté à 2021 , afin que la DGDDI prenne toute la mesure des effectifs réellement nécessaires à la gestion de cette nouvelle frontière. Lors de son audition devant la commission des finances 12 ( * ) , la directrice générale, Isabelle Braun-Lemaire, avait estimé que ces recrutements reportés en 2021 seraient nécessaires : la charge et le rythme de travail seraient d'ores et déjà supérieurs aux estimations au premier trimestre 2021, alors même que le trafic voyageurs n'avait pas encore retrouvé son niveau antérieur à la crise sanitaire.

Les effets des suppressions de postes au sein de la Douane se sont cependant trouvés partiellement compensés par la mise en oeuvre du protocole d'accord de négociation du 17 mai 2019, conclu après un mouvement de grève. Le même effet avait été constaté l'an passé pour la DGFiP, avec la montée en charge du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), dont une partie des mesures avait été gelée en 2018. La Cour des comptes rappelle à cet égard que le ministère de l'action et des comptes publics est, en proportion de sa masse salariale, celui qui bénéficie des mesures catégorielles les plus importantes 13 ( * ) .

Quant au programme 218 , la sous-exécution de son schéma d'emploi s'explique d'une part par des départs moins importants que prévus
(875 contre 892 ETP) et d'autre part par des recrutements supplémentaires de contractuels, liés au remaniement gouvernemental et à l'accroissement du nombre de membres de cabinet dans le cadre du décret n° 2020-862
du 11 juillet 2020 14 ( * ) .

Plafonds d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en ETPT)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Plafond d'emplois de la mission prévu en LFI

134 746

131 862

129 296

128 023

126 536

123 501

121 581

Plafond d'emplois de la mission exécuté

131 575

128 875

126 699

125 370

123 484

121 499

119 113

Écart

- 2,35 %

- 2,27 %

- 2,01 %

- 2,07 %

- 2,41 %

- 1,62 %

- 2,03 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'écart structurel qui existe depuis 2014 entre les plafonds d'emplois prévus et exécutés (en équivalents temps plein travaillé [ETPT]) pour le ministère de l'action et des comptes publics s'est à nouveau accru en 2020 , le taux de vacance sous plafond passant de 1,6 % en 2019 à 2 %
en 2020
, soit un niveau proche de celui constaté en 2016 et en 2017. Pour rappel, sa nette diminution en 2019 avait conduit la Cour des comptes, dans son analyse de l'exécution budgétaire de la mission, à ne pas reconduire sa recommandation portant sur la réduction de cet écart, mais les rapporteurs spéciaux avaient appelé à poursuivre cet effort de prévision pour donner une image plus correcte des emplois portés par la mission . Au regard de l'exécution 2020, ils maintiennent leur recommandation, d'autant que le niveau moyen pour l'ensemble des ministères est de 1 %.

3. Des dépenses informatiques à sanctuariser

À l'instar des années précédentes, les rapporteurs spéciaux souhaitent rappeler l'importance des dépenses informatiques pour la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » , dont les administrations gèrent des missions tout aussi essentielles que le recouvrement de l'impôt, l'exécution des dépenses de l'État et son programme d'achats, le paiement des traitements et des pensions des agents publics ou encore la surveillance des flux de marchandises aux frontières. L'informatique et le numérique sont en outre au coeur des transformations engagées dans ces administrations et dont la nécessité s'est trouvée renforcée avec la crise sanitaire.

Le budget informatique de la mission a de nouveau connu une forte progression en 2020, en s'établissant à 432 millions d'euros 15 ( * ) après 411,9 millions d'euros en 2019, un niveau déjà exceptionnellement haut . Sur le seul programme 156, les dépenses informatiques de fonctionnement s'élèvent à 190 millions d'euros en AE et 163 millions d'euros en CP, contre 47,6 millions d'euros en AE et 37,4 millions d'euros en CP pour la partie investissement .

Cette hausse est inscrite dans le contrat d'objectifs et de moyens 2020-2022 conclu le 16 mars 2020 entre la DGFiP d'une part et la direction du budget et le secrétariat général du MEFR d'autre part, la première s'étant engagée à mettre en oeuvre les travaux nécessaires à la résorption de sa dette technique . C'est d'autant plus crucial que, lors de son audition devant la commission des finances au mois de mai 2020 16 ( * ) , le directeur général des finances publiques, Jérôme Fournel, avait reconnu que l'obsolescence de certaines applications informatiques avait empêché certaines activités de se poursuivre à distance lors des mesures de confinement visant à répondre à la crise sanitaire .

261 millions d'euros en AE et 233 millions d'euros en CP étaient ainsi prévus en 2020, auxquels s'ajoutent des réallocations de crédits
(63,8 millions d'euros en AE et 5,6 millions d'euros en CP) et d'autres ressources . Ces dernières correspondent aux 43,4 millions d'euros en AE et aux 32,9 millions d'euros en CP dont a bénéficié la DGFiP en provenance du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP - programme 349 de la mission « Action et transformation publiques) et du Fonds pour la transformation ministérielle (action n° 8 du programme 218). Sur le périmètre plus large de la mission, et selon les données transmises par la Cour des comptes, ces programmes, ainsi que le grand plan d'investissement et les programmes d'investissement d'avenir ont contribué pour 102 millions d'euros aux dépenses informatiques de la mission .

Ces dépenses informatiques, si elles relèvent pour la majorité de dépenses de fonctionnement, devaient également comprendre une forte composante « investissement » . Il est à cet égard regrettable que ces dépenses aient connu un taux de sous-exécution extrêmement élevé par rapport à la prévision (cf. supra ).

En matière informatique, les administrations du MEFR ont en effet abordé la crise avec un certain retard en matière d'équipements des agents . En 2019, les rapporteurs spéciaux avaient souligné avec satisfaction l'accélération de la mise en oeuvre du projet ETNA (environnement de travail numérique de l'agent), avec un taux d'équipement en matériel nomade qui avait significativement progressé. Cet enjeu a pris une nouvelle dimension avec la crise sanitaire et le recours massif au télétravail , le taux d'équipement des agents passant très rapidement de 22 % à la fin de l'année 2019 à 48 % à la fin de l'année 2020 , ce qui serait dans la moyenne des ministères 17 ( * ) . L'équipement doit néanmoins aller de pair avec la modernisation des logiciels et des applications informatiques, un point sur lequel l'exécution des dépenses informatiques de la mission suscite plusieurs inquiétudes.

Pour la Douane aussi, ces chantiers informatiques sont importants . Les rapporteurs spéciaux en citeront un, celui de la « frontière intelligente » ( smart border ) destiné à fluidifier et faciliter les échanges après le Brexit . Ce dispositif repose sur le traitement automatisé des informations et l'anticipation par les entreprises de leurs déclarations douanières : au moment où ils traversent la frontière, les transporteurs sont immédiatement avertis s'ils peuvent continuer leur route ou s'ils doivent s'arrêter, que ce soit pour un contrôle douanier ou pour compléter leurs formalités douanières. Parmi les dépenses engagées au titre du Brexit, évaluées à 70 millions d'euros par la directrice générale des douanes lors de son audition par la commission des finances, 17 millions d'euros relèvent de coûts informatiques .

À l'instar de la DGFiP, et pour favoriser la pluriannualité de ces dépenses stratégiques, les rapporteurs spéciaux encouragent la DGDDI à conclure son propre contrat d'objectifs et de moyens avec la direction du budget et le secrétariat général du MEFR. Lors de son audition par la commission des finances, la directrice générale, Isabelle Braun-Lemaire, avait indiqué que l'objectif était de parvenir à conclure ce contrat d'ici la fin de l'année 2021 . Cet engagement pourrait également être bénéfique pour renforcer les équipements de la douane (surveillance aéromaritime, scanners mobiles et fixes dans les ports et les aéroports).

4. Les réformes entreprises par les opérateurs de la mission se traduisent par une baisse de leurs dépenses

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » compte deux opérateurs, dont les subventions pour charges de service public sont portées par le programme 148 « Fonction publique » : les cinq instituts régionaux d'administration (IRA) et l'École nationale d'administration (ENA). Le total des crédits alloués à ces opérateurs par l'État 18 ( * ) connait une nette diminution, qui s'explique principalement par l'entrée en vigueur sur année pleine des réformes engagées en matière de durée et d'organisation de la scolarité 19 ( * ) .

Exécution des crédits alloués par le programme 148 aux opérateurs de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » en 2020

(en millions d'euros)

Opérateurs

Exécution 2019

LFI 2020

Exécution 2020

Exécution 2020 / exécution 2019

Exécution 2020 / LFI 2020

ENA

AE = CP

30,58

30,61

30,42

- 0,54 %

- 0,64 %

IRA

AE = CP

44,85

40,05

40,63

- 9,42 %

1,43 %

Total

AE = CP

75,43

70,67

71,04

- 5,82 %

0,53 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'excédent de l'ENA a atteint 2,5 millions d'euros en 2020, du fait de moindres dépenses liées à la crise sanitaire 20 ( * ) , certaines d'entre elles ayant cependant été reportées en 2021 21 ( * ) . Pour les IRA, l'objectif de réaliser 10 % d'économie sur la subvention pour charges de service public en année pleine compte tenu de la réforme de l'organisation de la scolarité s'est vérifié en 2020.

5. Les effets de la crise sanitaire sur la lutte contre la fraude et les flux de marchandises illicites

Si la lutte contre la fraude fiscale et contre toutes les formes de trafics est au coeur des missions de la DGFiP et de la DGDDI, c'est aussi une activité sur laquelle la crise sanitaire a eu un impact majeur, bien que parfois contre-intuitif.

Pour répondre au contexte de crise sanitaire et à la suspension des activités de nombreuses entreprises aux mois de mars et d'avril 2020, les modalités de travail et de fonctionnement des services du contrôle fiscal ont été adaptées. Comme l'a expliqué le chef du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal, Frédéric Iannuci , devant le groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales de la commission des finances, l es contrôles en cours ont ainsi été suspendus et les contrôles fiscaux externes totalement interrompus entre le 17 mars et le 11 mai 2020 . La reprise n'a pu être que très progressive, les services étant invités à faire preuve de précaution, notamment vis-à-vis des secteurs les plus sinistrés . Les services ont repris l'instruction de certains dossiers à compter du mois de juin, tandis que la plupart des nouveaux contrôles ont été lancés au mois de septembre. Les procédures de recouvrement forcé avaient également été suspendues. Pour tenir compte de ces suspensions, les délais, que ce soit en matière de prescription ou dans le cadre des travaux de contrôle et de recherche en matière fiscale, ont également été décalés, par voie d'ordonnance.

Par conséquent, les résultats du contrôle fiscal en 2020 ont connu une baisse marquée , avec une diminution de 17 % des contrôles menés (365 200 contrôles), de 30 % des sommes mises en recouvrement
(8,2 milliards d'euros) et de 30 % des sommes effectivement encaissées
(7,8 milliards d'euros). Le niveau de ces dernières est toutefois proche de celui constaté en 2018 (7,7 milliards d'euros). Par ailleurs, les indicateurs de performance montrent que les transformations engagées, avec notamment un recours accru au ciblage des dossiers par intelligence artificielle et datamining, se poursuivent . L'évolution de la part des contrôles ciblés par ces méthodes illustre sa montée en charge (33 % en 2020, contre 22 % en 2019). Elles ont été en outre mobilisées pour détecter les cas de fraude manifestes lors de l'octroi des aides au titre du fonds de solidarité .

Quant à la Douane, si le nombre de contentieux « à enjeu » en matière de lutte contre la fraude a connu une légère baisse en 2020
(11 850 contre 12 458 en 2019), cela s'explique principalement par la chute du trafic aérien et la diminution consécutive des contrôles au point de passage frontière. Une partie des effectifs des directions aéroportuaires a donc été temporairement réaffectée aux autres activités de lutte contre la fraude .

58 % des contentieux à enjeu concernent par ailleurs le domaine des stupéfiants, domaine dans lequel, en dépit des flux perturbés en 2020, les résultats de la Douane sont en hausse . Les saisies de stupéfiants ont augmenté de 1,4 % par rapport à 2019 pour atteindre 88,72 tonnes avec une hausse massive du volume de drogues de synthèses saisies (+ 56 %, pour un total saisi de 1,16 tonne) 22 ( * ) . L'interprétation de ces chiffres est difficile, en ce qu'ils peuvent tant illustrer l'efficacité des services douaniers que l'augmentation du trafic e t l'impossibilité d'arriver à tarir les flux de marchandises illicites . C'est un sujet que les rapporteurs spéciaux suivent avec attention, puisqu'ils ont choisi de mener un contrôle budgétaire sur l'action et l'organisation de la Douane en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, dont les conclusions seront présentées au premier semestre 2022.

En matière de fraude financière, les résultats sont également satisfaisants : près de 45 millions d'euros ont été saisis, 217 cas de blanchiment douanier identifiés et 304,8 millions d'euros redressés 23 ( * ) . A contrario , la lutte contre les contrefaçons demeure décevante . Certes, le volume des saisies a connu une légère hausse en 2020 , pour
atteindre 5,6 millions d'articles en 2020, contre 4,5 millions d'articles en 2019 et 5,4 en 2018, mais ces chiffres sont bien inférieurs à la tendance observée entre 2013 et 2017 , où les saisies avaient oscillé entre 7,6 et 9,2 millions d'articles.

C'est pourtant un domaine dans lequel l'action de la Douane est primordiale. Selon l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO ) 24 ( * ) , la France est le pays dont les entreprises sont les plus touchées par la contrefaçon, après les États-Unis et avant l'Italie . Les coûts, exorbitants, sont évalués à 40 000 emplois détruits et deux à dix milliards d'euros de recettes fiscales perdues chaque année, sans compter les conséquences que peuvent avoir ces produits pour la sécurité et la santé des consommateurs . La Cour des comptes, dans un rapport de 2020 25 ( * ) , insistait sur la nécessité de mieux coordonner les agents des différentes administrations concernées, sous l'égide de la DGDDI , au sein d'une unité chargée de centraliser et de partager le renseignement relatif à la contrefaçon.

6. Des indicateurs de performance satisfaisants en dépit du contexte de crise

Depuis 2015, la Cour des comptes recommandait d'harmoniser les trois indicateurs portant sur la fiscalité des entreprises des programmes 156 (DGFiP) et 302 (DGDDI), ainsi que sur le contrôle des fraudes fiscales graves , un objectif encouragé par les rapporteurs spéciaux , ce rapprochement pouvant faciliter les comparaisons dans la manière dont ces administrations accomplissent leurs missions. Ces indicateurs sont d'autant plus pertinents que les premiers transferts de fiscalité de la DGFiP à la DGDDI ont été opérés en 2019 et en 2020 26 ( * ) et devraient se poursuivre jusqu'à 2024 au moins. En la matière, les rapporteurs spéciaux relèvent les progrès de la Douane sur les rescrits fiscaux, avec 96 % de réponse dans les délais règlementaires, pour 8 000 rescrits fiscaux.

Enfin, les rapporteurs spéciaux relèvent que, sur près de 20 % des indicateurs de performance de la mission, aucune amélioration n'a été constatée cette année. Ils réitèrent leurs inquiétudes sur le taux de paiement des amendes : s'il est en hausse en 2020 (68,23 %, contre 59,26 % en 2019), il reste toujours inférieur au niveau constaté en 2018 (71,65 %) et en 2017 (76,03 %), une tendance baissière dont ils s'étaient déjà alarmés 27 ( * ) .

En revanche, ils notent avec satisfaction l'amélioration inattendue de l'indicateur relatif au taux net de recouvrement en droits et en pénalités, qui traduit concrètement les suites données aux contrôles fiscaux , à 74,5 % en 2020, après des années de stagnation autour de 68 %. Selon les données transmises par le Gouvernement, cela s'explique en grande partie par le développement des procédures de régularisation en cours de contrôle, des procédures assouplies dans le cadre de la loi pour un État au service d'une société de confiance.

II. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS » EST MARQUÉE PAR LA CRISE SANITAIRE, AVEC UNE OUVERTURE EXCEPTIONNELLE DE CRÉDITS

A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2020 A ÉTÉ BOULEVERSÉE PAR LA CRISE SANITAIRE ET ÉCONOMIQUE

1. Une dotation maintenue sur les deux programmes et renforcée en lois de finances rectificatives sur le programme 552

Le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » a fait l'objet d'une dotation pour 2020, pour la cinquième fois seulement depuis sa création par la loi organique relative aux finances publiques en 2001. Il a été doté de 16 millions d'euros en crédits de paiement (CP) pour 2020, soit un montant nettement inférieur à 2019 (52,7 millions d'euros).

Le programme 552 « Dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles » (DDAI) a été doté initialement d'un montant de 124 millions d'euros en CP en LFI, soit un montant égal à celui qui avait été budgété en 2019. Les conséquences de la crise sanitaire ont conduit à l'ouverture par la loi n°2020-473 de finances rectificative du 25 avril 2020 d'un supplément de crédits de 1,62 milliard d'euros.

Le taux d'exécution des crédits finalement ouverts sur la mission - c'est-à-dire les crédits ouverts en loi de finances initiale auxquels ont été ajoutés les crédits ouverts en lois de finances rectificative - a été de 94 %.

Consommation des crédits pendant l'exercice 2020

(en % et en millions d'euros)

Programmes

Crédits ouverts en LFI 2020

Crédits additionnels ouverts en LFR

Crédits exécutés

Taux d'exécution en 2020 / LFI+LFR 2020

551 « Provision relative aux rémunérations publiques »

AE

16

0

6

37,5 %

CP

16

0

6

37,5 %

552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

AE

424

1 620

1 648

80,6 %

CP

124

1 620

1 648

94,5 %

Total

AE

440

1620

1 654

80,3 %

CP

140

1620

1 654

94 %

Source : commission des finances, d' après les documents budgétaires

2. De nombreux mouvements de crédits sont intervenus au cours de l'année 2020
a) Le programme 551 « Provisions relatives aux rémunérations publiques » a fait l'objet d'une seule mesure de répartition

Les crédits du programme ont été utilisés pour financer les mesures de revalorisation du régime indemnitaire de certains corps de la filière sociale interministérielle annoncées dans le cadre du rendez-vous salarial de la fonction publique de juillet 2019.

L'arrêté du 25 septembre 2020 a ainsi annulé près de 6 millions d'euros de crédits au profit de sept programmes au sein des missions « Défense » (0,29 million d'euros), « Enseignement scolaire » (5,14 millions d'euros soit 86 % des crédits du programme 551), « Justice » (0,52 million d'euros), et « Solidarité, insertion et égalité des chances » (0,04 million d'euros) .

Détail du mouvement réglementaire de répartition de crédits
découlant de l'arrêté du 25 septembre 2020

(en millions d'euros)

Programme bénéficiaire

Mission bénéficiaire

AE

CP

212 « Soutien de la politique de défense »

Défense

0,29

0,29

230 « Vie de l'élève »

Enseignement scolaire

4,78

4,78

214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale »

Enseignement scolaire

0,36

0,36

107 « Administration pénitentiaire »

Justice

0,11

0,11

182 « Protection judiciaire de la jeunesse »

Justice

0,31

0,31

310 « Conduite et pilotage de la politique de justice »

Justice

0,10

0,10

124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative »

Solidarité, insertion et égalité des chances

0,04

0,04

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La loi n°2020-1473 de finances rectificative du 30 novembre 2020 a finalement annulé 10 millions de crédits « en raison de moindres dépenses sur le régime indemnitaire » , qui correspondait au report en 2021 du versement de la « prime mobilité durable », elle aussi annoncée lors du rendez-vous salarial de juillet 2019.

b) L'exécution du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » a été marquée par la crise sanitaire

Le programme 552 a fait l'objet de nombreux mouvements de crédits en raison des dépenses exceptionnelles engagées pour faire face à la crise sanitaire.

Cinq décrets de dépenses accidentelles ont été pris, pour un total de 631,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement . Ces mouvements réglementaires ont ainsi permis de financer des besoins sur le fonds de solidarité 28 ( * ) et de permettre l'achat de masques sanitaires 29 ( * ) , puis à l'automne de soutenir les établissements culturels 30 ( * ) et sportifs 31 ( * ) soumis aux conséquences du deuxième confinement.

Par ailleurs, les lois de finances rectificatives intervenues en cours d'exercice ont eu un impact conséquent sur le montant et la répartition des crédits du programme :

- la loi de finances rectificative du 25 avril 2020 a ouvert 1,62 milliard d'euros de crédits afin d'anticiper les dépenses supplémentaires causées par la crise sanitaire ;

- la quatrième loi de finances rectificative du 30 novembre 2020 a annulé environ 1,02 milliard de crédits de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, tandis que parallèlement, un montant équivalent a été ouvert au profit de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances pour financer les aides exceptionnelles de solidarité annoncées par le Gouvernement.

Évolution de la dotation pour dépenses accidentelles
au cours de l'année 2020

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Référence de la mesure

Programme de destination

Mouvements de crédits sur le programme 552

Loi ° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances initiale pour 2020

Programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

+ 124

Décret n° 2020-443 du 17 avril 2020

Programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire »

- 100

Deuxième loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020

Programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

+ 1 620

Décret n° 2020-584 du 18 mai 2020

Programme 134 « Développement des entreprises et régulations »

- 284,2

Décret n° 2020-1258 du 14 octobre 2020

Programme 131 « Création »

- 13

Programme 334 « Livre et industries culturelles »

- 92

Décret n° 2020-1472 du 27 novembre 2020

Programme 219 « Sport »

- 107

Loi n°2020-1473 de finances rectificative pour 2020

Programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes »

- 1 016,8

Décret n°2020-1699 du 23 décembre 2020

Programme 131 « Création »

- 8

Programme 334 « Livre et industries culturelles »

- 27

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

B. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Un maintien de crédits sur le programme 551, qui ne doit pas devenir une solution de facilité

L'ouverture de crédits à destination des différents programmes concernés a permis de financer la revalorisation du régime indemnitaire de la filière sociale interministérielle - appelée également convergence indemnitaire - qui avait été annoncée lors du rendez-vous salarial entre le ministre de l'action et des comptes publics et les organisations syndicales.

Comme cela a été souligné par les rapporteurs spéciaux à plusieurs reprises dans les discussions budgétaires précédentes, l'ouverture de crédits sur le programme 551 pour financer ces mesures de revalorisation peut interroger dans la mesure où le rendez-vous salarial a eu lieu six mois avant le vote de la loi de finances initiale .

En effet, le programme 551 a bien vocation à financer des mesures qui, au moment de l'élaboration du budget, n'ont pas pu faire l'objet d'une définition précise.

Les rapporteurs spéciaux ont pris note du fait que le recours à cette dotation était justifié en 2020 par la difficulté à définir le périmètre exact de ces mesures de revalorisation au moment où elle a été décidée, et la nécessité de réaliser une étude pour le préciser, comme cela a été indiqué par la Cour des comptes dans sa note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la mission.

Toutefois, le maintien de crédits sur le programme 551 après le rendez-vous salarial pour la deuxième année consécutive peut laisser penser que cette pratique deviendra systématique 32 ( * ) . La mission « Crédit non répartis » déroge au principe de spécialisation des crédits, qui vise à favoriser la bonne information du Parlement. Il apparait dès lors souhaitable que les souplesses offertes par l'existence de ce programme soient utilisées à bon escient et ne constituent pas à l'avenir, une « solution de facilité » 33 ( * ) . Les rapporteurs spéciaux seront particulièrement vigilants sur ce point lors de la prochaine programmation budgétaire .

2. Les crédits du programme 552, exclusivement utilisés pour répondre à la crise, ont respecté le critère du dernier recours
a) Pour la première fois depuis 2008, le programme 552 n'a pas servi à abonder les Fonds spéciaux

Il convient de noter que la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles a été utilisée exclusivement pour financer les mesures destinées à faire face aux conséquences de la crise. Or depuis 2008, une partie de la dotation inscrite sur le programme 552 permettait de majorer les crédits disponibles de la sous-action « Fonds spéciaux » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Si ce recours fréquent aux crédits non répartis se justifiait compte tenu de l'imprévisibilité inhérente aux opérations financées par les fonds spéciaux, il a suscité par le passé la circonspection des rapporteurs spéciaux, compte tenu de l'absence d'emploi préalable des mesures de gestion de droit commun (dégel, transfert etc. ). La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles doit en effet faire l'objet d'un emploi en dernier recours, conformément au principe d'auto-assurance .

b) L'utilisation de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles a été conforme au critère du dernier recours

La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI) a été sollicitée une première fois le 17 avril 2020 à hauteur de 100 millions d'euros au profit du Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire , prévu par le programme 357. Ce fonds, créé par l'ordonnance du 25 mars 2020 et initialement doté de 750 millions d'euros, a rapidement été confronté à une explosion des demandes et s'est rapidement trouvé dans l'incapacité de répondre aux besoins des entreprises. La DDAI a donc bien été utilisée en dernier recours pour faire face à des dépenses imprévisibles pour répondre à la crise sanitaire.

Le décret du 18 mai 2020 a également mobilisé des crédits de la dotation pour permettre le financement de marchés d'acquisition de masques textiles à usage non sanitaire, à hauteur de 284,2 millions d'euros . Ce transfert est intervenu après l'ouverture par la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020 de 221,6 millions de crédits sur ce programme, et le dégel de la réserve de précaution du programme. Il apparait en ce sens conforme au principe du dernier recours.

Les décrets du 14 octobre 2020 et du 23 décembre 2020 ont été pris respectivement pour compenser les pertes d'exploitation des établissements culturels dues au prolongement des mesures de distanciation sociale et pour soutenir ces établissements après la décision de ne pas permettre leur réouverture. Ils ont permis d'abonder, comme détaillé dans le tableau ci-dessus, les programmes Création (131) et Livre et industries culturelles (334) Le recours aux crédits de la DDAI est intervenu après le dégel des réserves de précaution des deux programmes. Il est donc bien conforme au critère du dernier recours.

c) Une information du Parlement respectée pendant la crise, mais qui gagnerait à être précisée

La crise sanitaire a justifié une majoration de 1,62 milliard d'euro de crédits du programme 552 dans le cadre de la loi de finances rectificative du 25 avril 2020. Le Gouvernement entendait constituer une réserve de budgétisation en vue d'abonder d'autres missions du budget général en cours de gestion, et ainsi de financer rapidement des besoins urgents et non prévisibles. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, dans le cadre de l'examen du PLF 2020, sans s'opposer à ce procédé, soulignait qu'il fallait :

- « d'une part, limiter l'utilisation de cette « réserve de budgétisation » à des dépenses ayant pour objet soit de lutter contre la crise sanitaire, notamment par l'acquisition de matériel médical, soit d'apporter un complément aux plans de soutien d'urgence aux entreprises déjà présentés en loi de finances rectificative ;

- d'autre part, informer la commission des finances de chaque utilisation faite de cette dotation » avant que les décrets de répartition ne soient publiés au Journal officiel.

De fait, le Gouvernement a bien adressé au Président de la commission des finances du Sénat des courriers présentant les projets de décrets quelques jours avant leur publication. Ces courriers gagneraient toutefois à préciser le respect de la condition de dernier recours à la dotation pour dépenses accidentelles . En effet, ils n'indiquent pas si des mesures de redéploiements de crédits ont eu lieu au sein du programme de destination avant le recours à cette dotation.

III. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES » CONTINUE DE SOUFFRIR DE PROBLÈMES STRUCTURELS, AGGRAVÉS POUR PARTIE SEULEMENT PAR LA CRISE SANITAIRE ET ÉCONOMIQUE

Au mois de janvier 2021, les rapporteurs spéciaux ont décidé de conduire un contrôle budgétaire sur les projets financés par les crédits de la mission « Action et transformation publiques » . Leurs résultats et conclusions sont repris ci-après, en parallèle de la présentation de l'exécution des crédits pour l'année 2020.

A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2020 EST UNE NOUVELLE FOIS MARQUÉE PAR DE FORTES SOUS-CONSOMMATIONS

1. Des sous-consommations persistantes, dues pour partie seulement à la crise sanitaire en 2020

Le périmètre de la mission évoluant au 1 er janvier 2021, pour intégrer le programme 148 « Fonction publique » auparavant rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », l'exercice 2020 est le dernier reprenant l'organisation de la mission « Action et transformation publiques », avec quatre programmes :

- le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » , qui est doté d'un milliard d'euros sur cinq ans et placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE). Parmi les 56 cités administratives que compte l'État, 39 ont été sélectionnées pour bénéficier soit d'une rénovation lourde (35 cités), soit d'une reconstruction (4 cités) ;

- le programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique » (FTAP), qui est doté de 700 millions d'euros sur cinq ans et placé sous la responsabilité de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). Instauré en 2018, il vise à financer des projets de transformations structurelles générant des gains d'efficience de la dépense publique, selon le principe qu'un euro investi doit conduire à un euro d'économie pérenne au bout de trois ans ;

- le programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines » (FAIRH), qui a été institué par la loi de finances initiale pour 2019 et qui est placé sous l'autorité de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DAGFP). Il vise à financer une partie des coûts de transition induits par la mise en oeuvre de réformes structurelles dans le domaine des ressources humaines. Il vient ainsi soutenir la mise en place d'actions de formation, de valorisation des compétences et d'indemnisation des agents, afin de faciliter les mobilités au sein de la fonction publique ou les départs vers le secteur privé ;

- le programme 352 « Fonds pour l'accélération des start-ups d'État » , qui a également été créé par la loi de finances initiale pour 2019 et qui est placé sous la responsabilité de la direction interministérielle du numérique (Dinum). Il porte les crédits destinés à financer l'émergence et le développement de produits et services numériques innovants pour moderniser l'État et les services publics. Il participe également au cofinancement des recrutements dans le cadre du programme entrepreneurs d'intérêt général (EIG).

a) L'exercice 2020 est marqué par une sous-consommation importante des crédits ouverts sur la mission

Sur le périmètre de la mission, le montant des autorisations d'engagement (AE) consommées en 2020 s'élève à 327,3 millions d'euros , soit une hausse de près de 97 % par rapport à l'exécution 2019 . Toutefois, ce montant reste très en deçà du total des AE disponibles pour 2020, qui atteignait 1 473 millions d'euros, en raison de reports de crédits répétés sur les exercices précédents.

Le montant des crédits de paiement (CP) consommés s'élève quant à lui à 113,1 millions d'euros en 2020. Si ce montant est en hausse
de 103,9 %
par rapport en 2019 , il est largement inférieur au montant des crédits autorisés en loi de finances initiale, qui atteignait 434,8 millions d'euros, et reste en deçà des montants disponibles au titre de l'année 2020 (143,2 millions d'euros) .

Exécution par programme des crédits de la mission « Action et transformation publiques » en 2020

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2019

LFI 2020

Crédits disponibles

Exécution 2020

Exécution 2020/ Exécution 2019

Exécution 2020/ LFI 2020

[348] Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants

AE

93,46

80,00

903,91

165,71

77,30 %

107,13 %

CP

11,89

168,00

40,77

34,95

193,88 %

- 79,19 %

[349] Fonds pour la transformation de l'action publique

AE

65,33

200,00

544,52

151,90

132,50 %

- 24,05 %

CP

37,60

205,61

75,96

71,91

91,26 %

- 65,03 %

[351] Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines

AE

0,00

50,00

13,51

0,00

CP

0,00

50,00

13,51

0,00

[352] Fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État

AE

7,36

13,20

10,70

9,65

31,18 %

- 26,89 %

CP

5,97

9,20

12,96

6,22

4,14 %

- 32,40 %

Total

AE

166,15

343,20

1 472,65

327,25

96,97 %

- 4,65 %

CP

55,46

432,81

143,2

113,08

103,89 %

- 73,87 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'exercice 2020 ne fait donc pas exception aux sous-consommations de crédits sur la mission , déjà soulignées par les rapporteurs spéciaux lors des exercices 2018 et 2019. Comme le relève la Cour des comptes, la mission « Action et transformation publiques » est celle pour laquelle le taux de sous-exécution des dépenses d'investissement est le plus élevé (- 83,1 %), loin devant la Justice (- 34,4 %) et l'Écologie (- 23,1 %) 34 ( * ) .

Ces sous-consommations ont conduit à d' importantes annulations de crédits en cours de gestion (39,96 millions d'euros annulés en AE
et 323,5 millions d'euros en CP).

Récapitulatif des mouvements de crédits intervenus sur la mission « Action et transformation publiques » pour l'exercice 2020

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'exécution ayant été à nouveau largement en deçà du niveau des crédits autorisés et votés par le Parlement et les crédits de la mission ayant subi des annulations de grande ampleur, le montant des crédits consommés en 2020 est bien inférieur au plafond inscrit dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 35 ( * ) pour la mission « Action et transformation publiques » (113,1 millions d'euros en CP contre 550 millions d'euros).

b) La sous-consommation observée sur 2020 ne peut être expliquée qu'en partie par la crise sanitaire

Lors de l'audition du cabinet de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, le ministère a mis en avant les conséquences de la crise sanitaire afin d'expliquer la persistance des sous-consommations de crédits sur la mission. La crise sanitaire aurait à la fois conduit à geler certains projets et à reléguer la transformation de l'action publique au second rang des priorités gouvernementales.

Pour les rapporteurs spéciaux, cette explication demeure toutefois insatisfaisante puisqu'elle tend à masquer le fait que ces
sous-consommations sont constatées d'année en année, depuis la création de la mission en 2018
. Ainsi, s'ils reconnaissent que la crise sanitaire a sans aucun doute bouleversé le calendrier de certains projets, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il ne s'agit pas là d'un facteur d'explication de nature à ôter toute responsabilité aux gestionnaires des programmes. A contrario , les difficultés de la mission sont avant tout structurelles.

2. Un manque de cohérence des programmes de la mission

La mission « Action et transformations publiques », créée en loi de finances initiale pour 2018 avec l'objectif d'être temporaire, regroupe désormais quatre programmes hétérogènes, poursuivant chacun un objectif bien différent : la rénovation architecturale et énergétique pour le programme 348, l'accompagnement de la transformation de l'action publique pour le programme 349, les ressources humaines pour le programme 351 et le développement numérique de l'État pour le programme 352.

Les différences en termes de montant des crédits alloués interrogent également l'équilibre de cette mission budgétaire : le programme 348 s'est vu attribuer près d'un milliard d'euros sur la période 2018-2022, quand le programme 352 présente un volume de crédits annuel de l'ordre d'une dizaine de millions d'euros.

Les rapporteurs spéciaux ont plusieurs fois exprimé leur scepticisme quant au choix du Gouvernement de créer des programmes ad hoc pour poursuivre ces objectifs . Ils estiment que cette décision relève peut-être davantage de l'effet de communication que de la recherche de l'efficience et de la cohérence budgétaires , en témoignent les difficultés constatées chaque année. Le seul point commun de ces programmes réside en effet dans la sélection de projets , un processus innovant qui ne pourrait qu'être salué par les rapporteurs spéciaux s'il avait été mené à bien. Or, bien au contraire, retards et problèmes de contractualisation avec les porteurs de projets ont été récurrents ces trois dernières années (cf. infra ). Le temps de latence est encore trop long entre la phase de sélection du projet, la contractualisation, le déblocage des crédits et, in fine , le lancement du projet.

Ces sous-consommations, ces problèmes de cohérence et la difficulté à percevoir les progrès effectivement réalisés grâce aux programmes de la mission ont conduit les rapporteurs spéciaux, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, à déposer un amendement d'appel visant à annuler 75 % des crédits sur les programmes 348, 349 et 351. S'ils l'avaient retiré après avoir entendu les explications du Gouvernement, qui promettait une traduction rapide et concrète des crédits proposés à l'autorisation du Parlement , force est de constater que l'exécution 2020 a relancé leurs craintes . Par ailleurs, ces retards, en plus du changement de périmètre de la mission à compter du 1 er janvier 2021, qui s'accompagne d'un changement de dénomination (mission « Transformation et fonction publiques ») et reprend le périmètre du ministère éponyme, interrogent sur la pérennisation de ces programmes au-delà de 2022 .

C'est pour l'ensemble de ces raisons que les rapporteurs spéciaux ont décidé de proposer à la commission des finances de mener un travail de contrôle sur cette mission et sur les projets qu'elle finance .

B. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX : UN EFFORT DE TRANSPARENCE ET DE SINCÉRISATION À MENER EN VUE DU PROJET DE LOI DE FINANCES 2022 ET DU PROLONGEMENT DE LA MISSION

1. Une sous-exécution structurelle des crédits des programmes de la mission dommageable pour l'effectivité de l'autorisation parlementaire

Les rapporteurs spéciaux soulignent le bien-fondé des objectifs poursuivis par la mission : transformer l'action publique, diffuser une « culture numérique » au sein des administrations et des services publics et responsabiliser les gestionnaires. Ils regrettent néanmoins que ces objectifs ne trouvent aujourd'hui qu'une traduction budgétaire limitée et insuffisante .

a) Une mission inscrite dans la démarche de réforme des politiques publiques amorcée par « Action Publique 2022 »

La mission s'inscrit dans les objectifs de transformation des politiques publiques définis dans le cadre de la démarche Action publique 2022 , amorcée en février 2018 à l'occasion du 1 er Comité interministériel de la transformation publique (CITP).

Pour suivre ces réformes, le Gouvernement avait retenu un baromètre de l'action publique fondé sur le suivi des « objets de la vie quotidienne » (OVQ). 66 OVQ, qui devaient concerner directement la vie quotidienne des Français avaient donc été identifiés dans une circulaire du Premier ministre en 2019 36 ( * ) .

Ces OVQ n'ont pourtant pas fait la preuve de leur efficacité. Peu connus de nos concitoyens, ils étaient jugés marqués par une approche verticale de l'action publique. Le cabinet de la ministre de la transformation et de la fonction publiques a admis devant les rapporteurs spéciaux que cette désignation un peu « barbare » des réformes à mener au sein des administrations et des ministères n'avait pas suscité l'élan attendu. Certains objectifs reprenaient pourtant des réformes aujourd'hui appréciées et menées à bien, tel le prélèvement à la source ou le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 dans les réseaux d'éducation prioritaire.

Le Gouvernement a donc fait le choix de changer cette formulation, en retenant une nouvelle architecture de réforme publique, organisée autour de « réformes prioritaires » et placée sous la responsabilité du ministère de la transformation et de la fonction publiques. Lors de chaque conseil des ministres, un ou plusieurs ministères doivent présenter les progrès accomplis dans la mise en oeuvre de ces réformes prioritaires. Elles sont concrètement suivies par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) 37 ( * ) . Un baromètre, construit à partir de données nationales et territoriales a été mis en place. Au 7 mai 2021, 36 réformes prioritaires font l'objet d'un suivi régulier.

En parallèle de cette démarche, la mission « Action et transformation publiques » doit soutenir l'engagement pris en septembre 2020 par le ministère de la transformation et de la fonction publiques de rendre accessibles en ligne les 250 démarches administratives les plus usuelles . Selon les informations communiquées par le ministère et par le directeur interministériel de la transformation publique lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, une démarche « accessible » est une démarche faisable en ligne par le plus grand nombre, avec un niveau de satisfaction élevé.

L' observatoire de la qualité des démarches en ligne , introduit en juin 2019, réalise un suivi de la satisfaction des usagers et de l'accessibilité de ces 250 démarches. Au printemps 2021, de nombreux efforts restent à faire pour respecter l'engagement pris par le Gouvernement :

- s'agissant de l'accessibilité en ligne, et en particulier sur mobile, les objectifs ne sont pas encore atteints : 37 démarches n'ont fait l'objet d'aucune numérisation, 12 ne sont que partiellement réalisables en ligne
et 4 projets de numérisation sont encore en attente de déploiement ;

- s'agissant de la satisfaction des usagers , sur les 244 démarches analysées, 45 seulement présentent un niveau acceptable de satisfaction (au moins 8 usagers satisfaits sur 10), plus de 140 démarches n'offrent aucune analyse de satisfaction ;

- s'agissant de l'intégration des démarches à la plateforme « FranceConnect » , 92 démarches, soit 37 % seulement des démarches suivies, sont accessibles via cette plateforme.

De l'audition du cabinet du ministère de la transformation et de la fonction publiques, il ressort que les difficultés rencontrées s'expliquent par le caractère interministériel des actions menées , qui nécessitent de multiples coordinations et arbitrages. Ainsi, et à moins d'un an de l'échéance, de très nombreux progrès restent encore à faire et il semble difficile, dans ces conditions, de croire que l'échéance sera tenue pour ces 250 démarches administratives. Si la ministre de la transformation et de la fonction publiques s'est présentée comme la ministre de la qualité des services publics lors de son audition par les rapporteurs spéciaux dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, force est de constater que des progrès demeurent à réaliser dans ce domaine.

b) Des objectifs ambitieux, mais des sous-consommations préjudiciables

Au regard des chiffres relatifs à l'exécution des crédits de la mission en 2020, les rapporteurs spéciaux réitèrent leurs alertes quant à la capacité des directions responsables des programmes de la mission à mobiliser les crédits à un rythme aussi soutenu que celui qui était envisagé lors de la création de la mission en 2018 .

Les sous-consommations systématiques constatées depuis 2018 indiquent une défaillance du suivi et de l'estimation des besoins réels des porteurs de projets. Cette situation est dommageable pour la sincérité de la budgétisation des programmes et l'effectivité de l'autorisation parlementaire . Après plus de trois ans de fonctionnement, et alors que la mission est supposée être menée à son terme en 2022, une réflexion sur les modalités de réduction de ces écarts de consommation doit être engagée et le devenir de la mission clarifié .

2. La sous-utilisation des crédits de la mission interroge sur sa performance et sur son suivi
a) Le programme 348, des retards et des lacunes dans l'avancement et le suivi des projets sélectionnés
(1) Un retard significatif dans la mise en oeuvre des actions du programme, aggravé par la crise sanitaire

Le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » témoigne de retards croissants par rapport au calendrier retenu lors de la création de la mission , en 2018, qui se retrouvent dans l'exécution des crédits.

Évolution des crédits du programme 348 depuis 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Pour 2020, les crédits exécutés en AE atteignent 165,7 millions d'euros, elles excèdent donc la prévision, mais plusieurs centaines de millions d'euros avaient été reportés en 2020 (cf. supra ). Ainsi, sur le milliard d'euros de crédits prévu pour le programme 348 depuis sa création en 2018, seulement 259,1 millions d'euros ont été engagés, soit un peu plus de 25 % de l'enveloppe dédiée à la rénovation des cités administratives . C'est d'autant plus dommageable que le coût des projets sélectionnés a été estimé à environ 990 millions d'euros, soit un montant équivalent à celui prévu sur le programme et qui devra in fine être engagé pour mener à bien l'ensemble des projets retenus dans ce cadre.

Les crédits de paiement du programme témoignent également d'une sous-exécution importante , avec près de 48,6 millions d'euros en CP consommés sur les 288 millions d'euros ouverts depuis l'exercice 2018, soit 16,9 % de l'enveloppe dédiée . Le démarrage des travaux financés par le programme était fixé initialement à 2020. Les rapporteurs spéciaux constatent qu'à la fin 2020, seulement 3 projets sur les 39 chantiers retenus pour le programme ont démarré leurs travaux. À la mi-2021,
seulement 6 chantiers ont débuté leurs travaux, et près de 15 projets ne démarreront pas avant l'année 2022 . Ce retard remet en cause le calendrier prévisionnel du programme, en même temps qu'il questionne l'efficacité de sa gouvernance .

S'il a pu être aggravé par la crise sanitaire, les rapporteurs spéciaux relevaient déjà le décalage entre l'ambition du programme et la réalité de son avancement lors du suivi de l'exercice en 2019 . Les gestionnaires du programme expliquent ces glissements par la nature immobilière et la grande ampleur des projets financés, ce qui peut être entendu. Toutefois, il est regrettable que ce glissement n'ait donné lieu à aucun ajustement des ambitions ou des crédits demandés chaque année, ni à aucune clarification sur le calendrier du programme . Ces retards sont d'autant plus dommageables que le risque de surcoût s'est significativement accru cette année. En effet, les maîtres d'oeuvre constatent une hausse du coût des matériaux de près de 10 % , du fait de difficultés d'approvisionnement. Or, comme la DIE l'a rappelé en réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux, l'enveloppe ouverte sur le programme 348 est une enveloppe fermée, qui nécessite un pilotage fin des crédits.

(2) Des interrogations sur la pertinence et le suivi des actions financées par le programme, auxquelles les changements d'indicateurs n'ont pas permis de répondre

Dans son avis du 23 mai 2019 sur le programme 348 38 ( * ) , le Conseil de l'immobilier de l'État (CIE) avait déjà eu l'occasion de faire part de ses préoccupations concernant la stratégie et le suivi des projets financés par le programme 348 . Le CIE avait ainsi mis en exergue des lacunes importantes s'agissant des fiches projets et le tableau de bord de la DIE , qui ne permettent pas de saisir pleinement le futur état d'achèvement des projets faisant l'objet d'opérations de rénovation.

La démarche de validation des projets de rénovation a également été mise en cause par le CIE , qui soulignait que près de 12 projets sur
les 39 retenus présentaient des gains faibles ou peu satisfaisants. En outre, près de 7 projets ont été validés malgré des avis négatifs de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages.

La maitrise d'ouvrage souffre par ailleurs de lacunes significatives , parmi lesquelles : un déficit de compétences et de moyens humains et une prise en compte encore perfectible des enjeux de modernisation et de numérisation des espaces de travail, enjeux renforcés par la crise sanitaire, qui a modifié les modes de travail des administrations et des agents publics.

Enfin, le programme n'est pas exempt d'interrogation sur sa contribution à la maitrise des dépenses publiques et les bénéfices attendus. En particulier, le risque d'une sous-occupation des cités administratives consécutive à la numérisation et la mutualisation des services hébergés n'est qu'incorrectement anticipée.

Dans ces conditions, les rapporteurs spéciaux constatent que le changement des indicateurs de performance intervenu en 2020 n'a pas permis d'accroître le suivi de l'avancement des projets financés par le programme 348.

Indicateurs de performance du programme 348
retenus pour les exercices 2018 et 2019

Indicateurs du programme

Réalisation 2018

Cible 2019

Réalisation 2019

Objectif 1 : Optimiser le parc immobilier

Indicateur 1.1 performance énergétique des bâtiments, mesuré en kWh/m2

Non déterminée

Non déterminée

Non déterminée

Indicateur 1.2

Part d'études de projets engagées, mesuré en % de crédits AE engagés

Non déterminée

100

Non déterminée

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En 2018 et 2019, la maquette de performance du programme n'avait retenu que deux indicateurs, dont l'un, bien que discutable dans son approche, permettait de suivre l'avancement du programme en évaluant la part des crédits engagés. Ces indicateurs, qui n'ont pas été suivis ni mesurés en 2019, ont été remplacés à partir de l'exercice 2020.

Indicateurs de performance du programme 348
retenus à partir de l'exercice 2020

Indicateurs du programme

Réalisation 2019

Cible 2020

Réalisation 2020

Objectif 1 : Assurer la transition énergétique

Indicateur 1.1 économie d'énergie attendue, mesurée en kWh

139 000

139 000

137 500

Indicateur 1.1 optimisation de la surface occupée, mesurée en m2

239 000

239 000

257 000

Objectif 2 : S'assurer de l'efficience des projets financés

Indicateur 2.1

Efficience énergétique des rénovations, mesurée par le coût en € par kWh économisé

7,1

7,1

7,2

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les indicateurs de performance du programme 348 retenus à partir de 2020 portent sur les gains attendus de chantiers qui peinent à être engagés. Les gains définitifs des projets ne seront mesurables précisément qu'après la mise en service effective des cités rénovées ou construites.

Les résultats retracés ici sont donc des estimations, qui n'engagent que peu les gestionnaires du programme, qui ne renseignent pas sur les effets concrets des travaux engagés et qui ne se prêtent pas non plus à une mesure annuelle . Ils ne permettent donc aucun suivi de l'avancement des projets soutenus par le programme ni des crédits alloués, pour une information quasi-nulle du Parlement. En l'état, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'ils ne répondent pas aux critères définis à l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finances 39 ( * ) , aux termes duquel « la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié ».

Recommandation n° 1 : revoir les indicateurs de performance du programme 348 « Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants » pour donner une idée précise, en cours de gestion, de l'état d'avancement des projets, du calendrier prévisionnel d'engagement des crédits et des économies d'énergie attendues au fur et à mesure de leur réévaluation. Une partie de ces données est d'ores et déjà transmises à la Cour des comptes.

b) Sur le programme 349, un pilotage structurellement complexe et une sous-exécution systématique
(1) Les sous-consommations sur le programme 349, le reflet d'un pilotage des crédits complexe

L'objectif du programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique» (FTAP) est louable : il doit soutenir les réformes porteuses d'économies à moyen terme au sein des services de l'État en finançant le coût supplémentaire que peut représenter une telle réforme dans sa phase initiale . En effet, les rapporteurs spéciaux s'accordent avec le Gouvernement sur le fait que le premier obstacle à la mise en oeuvre d'une réforme est bien souvent son coût d'entrée. De fait, la création d'un Fonds destiné à soutenir les projets dans leur phase d'amorçage devait conduire les administrations volontaires à dépasser cet obstacle initial.

Évolution des crédits du programme 349 depuis 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Pour 2020, les crédits exécutés en AE atteignent 151,9 millions d'euros. Depuis le lancement du programme, 237,3 millions d'euros en AE ont été engagés, sur les 685 millions d'euros ouverts, soit 34,6 % . La nette accélération constatée en 2020, et saluée par les rapporteurs spéciaux, s'explique malheureusement par les délais constatés les années précédentes dans la contractualisation des projets (cf. infra ), avec pour résultat un retard dans l'engagement des dépenses.

Cet effet de rattrapage ne s'est pas encore matérialisé pour les crédits de paiement. Ainsi, les crédits de paiement consommés en 2020 s'élèvent à 71,9 millions d'euros. Sur deux ans, 109,5 millions d'euros sur les 365,6 millions d'euros ouverts ont été consommés, soit moins d'un tiers de l'enveloppe autorisée .

Les sous-consommations sur le programme 349 reflètent le retard significatif pris dans sa mise en oeuvre, retard encore aggravé par le contexte de crise sanitaire . Le FTAP est en effet fondé sur des séquences d'appels à projet, ouverts aux administrations centrales et déconcentrées de l'État. À ce jour, six sessions d'appels à projet ont été menées, aboutissant à la sélection de 97 projets . Selon les données transmises par le Gouvernement dans le programme de stabilité 40 ( * ) , ces projets devraient générer 850 millions d'euros annuels d'économies pérennes sur le moyen-terme . Il ne s'agit toutefois que d'une prévision.

(2) Le FTAP, un dispositif complexe qui peine à trouver le bon rythme d'exécution des crédits

Depuis sa création en 2018, le programme 349, en partie du fait de sa vocation interministérielle, souffre de freins structurels.

Le pilotage du FTAP, assuré en 2018 et 2019 par la direction du budget, est transféré depuis 2020 à la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) . Lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, le cabinet du ministère de la transformation et de la fonction publiques a indiqué que ce changement de tutelle devait permettre une « reprise en main » du programme , dont la gestion souffrait jusqu'ici de multiples lacunes. Les rapporteurs spéciaux constatent toutefois que cette reprise en main n'a pas encore produit ses effets : au contraire, la crise sanitaire est venue aggraver les fragilités existantes.

Évolution de l'indicateur d'efficience du FTAP

Sous-indicateurs

Cible 2019

Réalisation 2019

Cible 2020

Réalisation 2020

Indicateur 1.1 : Efficience du fonds pour la transformation de l'action publique

Taux de sélectivité des projets, en % de projets retenus

25

58

50

57

Délai d'instruction moyen des projets, en jours

70

71

60

98

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La cible retenue pour le taux de sélectivité du FTAP est passée
de 25 % en 2019 à 50 % en 2020, soit un taux de sélectivité moindre pour les projets financés par le FTAP
. Elle n'en a réalité jamais été atteinte, que ce soit en 2019 ou en 2020.

Deux explications peuvent être apportées : soit, et c'est la thèse défendue par la DITP et le ministère, les administrations présentent des projets de très bonne qualité , ce qui accroît leur probabilité d'être sélectionnées, soit, et c'est plus inquiétant, cet assouplissement traduit la difficulté pour le FATP de disposer d'un nombre suffisant de projets à porter et à financer et interroge donc sur l'attractivité du Fonds pour les administrations, centrales comme déconcentrées. Pour les rapporteurs spéciaux, l'explication se situe probablement entre les deux : ils rappellent en effet que le principe du « un euro investi pour un euro d'économie pérenne » a lui-même été remis en cause pour pouvoir accroître le nombre de projets sélectionnés.

Le délai d'instruction moyen des projets est en forte dégradation en 2020 (98 jours). S'il faut sans doute y voir l'une des conséquences de la crise sanitaire, qui a logiquement conduit à retarder le processus de contractualisation et les discussions avec les porteurs de projets, il convient de relever que ce délai d'instruction apparaissait déjà trop élevé en 2019 (71 jours) :

- la validation et le financement des projets incluent de nombreuses parties prenantes, compliquant de fait la démarche de contractualisation. Le délai de contractualisation, procédure au cours de laquelle interviennent les ministères de tutelle des lauréats, les porteurs lauréats, la direction du budget et la DITP, s'en ressent. Cinq mois en moyenne sont aujourd'hui nécessaires pour négocier et approuver les contrats de transformation, préalable nécessaire à tout déblocage des crédits ;

- la mise en oeuvre des projets implique la coordination d'acteurs évoluant dans des administrations et des ministères différents , ce qui complique leur gestion et leur application ;

- enfin, la crise sanitaire est venue aggraver les difficultés existantes . Plusieurs réunions, qui devaient conduire à préparer des projets pour la sélection ou à négocier des contrats de transformation, ont dû être annulées. De même, une partie des équipes de la DIPT a été mobilisée pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire sur l'organisation du travail des agents publics. La gestion du FTAP a donc été confiée à une équipe réduite, alors même qu'elle nécessite des expertises rares et fortement sollicitées.

Ainsi, alors qu'il a entamé sa quatrième année d'existence en 2021, le FTAP témoigne encore d'un niveau d'exécution comme d'une qualité de pilotage préoccupants. Pour les rapporteurs spéciaux, et bien qu'il s'agisse d'un choix bienvenu en termes de cohérence, il demeure très probable que le transfert de la gestion du FTAP au sein du ministère de la transformation et de la fonction publiques ne suffise pas à mettre un terme aux carences observées ces trois dernières années.

Les rapporteurs spéciaux ne sont pas entièrement convaincus du choix initial de créer un programme ad hoc pour lancer des projets innovants en phase d'amorçage. Certains d'entre eux auraient très bien pu être portés directement par les gestionnaires des programmes des administrations concernées. Par ailleurs, dans les documents budgétaires, la part des crédits obtenus par chacun des programmes en provenance du FTAP devrait être très clairement identifiée, ainsi que leur utilisation .

Recommandation n° 2 : identifier clairement dans les documents budgétaires, et pour chacun des programmes concernés, la part des crédits en provenance du Fonds pour la transformation de l'action publique. Cet effort de clarification doit également porter sur les projets soutenus : date d'amorçage, coût prévisionnel total, part et utilisation des crédits en provenance du FTAP. Les indicateurs de performance du programme 349 doivent être modifiés en conséquence.

Recommandation n° 3 : hors de la phase d'amorçage, confier directement aux gestionnaires et responsables de programme les crédits prévus sur le Fonds pour la transformation de l'action publique. Prévoir de réutiliser les crédits non consommés sur le FTAP pour les réformes et les chantiers informatiques conduits par les gestionnaires eux-mêmes, dans un effort de responsabilisation des administrations.

c) Le programme 351, un fonds de soutien dont l'existence même interroge
(1) Une sous-exécution très significative des crédits, antérieure à la crise sanitaire

Le programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines » (FAIRH) vise à soutenir des programmes de transformation en matières de ressources humaines. Il ne réalise quasiment aucune consommation directe de crédits, mais opère des transferts et des virements de crédits à destination de programmes portant des réformes en matière de ressources humaines sur leur périmètre.

Évolution des crédits du programme 351 en 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En 2020, les crédits consommés en AE et en CP atteignent
6,9 millions d'euros, sur les 50 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale,
dont 40 millions en titre 2 (dépenses de personnel). Toutefois, ces crédits ne sont pas, pour la grande majorité, « directement » consommés sur le programme 351 , ils sont transférés vers les programmes des administrations bénéficiaires 41 ( * ) . En 2020, dix programmes, pour douze projets de réforme, ont bénéficié d'un transfert depuis le programme 351
pour 463 803 euros en titre 2 et 4 349 913 euros en hors titre 2.

La sous-consommation observée sur le FAIRH est, à l'instar des programmes 348 et 349, récurrente. Sur l'enveloppe de 100 millions d'euros de crédits ouverts entre 2019 et 2020 pour le programme, seulement
15,8 ont été mobilisés.
Le Gouvernement explique cette sous-consommation par le caractère progressif des transformations d'ampleur qui devraient recevoir un appui du Fonds, et qui prennent du temps à se déployer et
à produire leurs effets en matière de ressources humaines
(fermeture de certains services, mobilités entre services publics ou vers le privé, réaffectation des agents). Par ailleurs, toujours selon les informations transmises par le Gouvernement, ces projets d'accompagnement sont majoritairement construits dans une perspective pluriannuelle et ont subi un fort glissement calendaire du fait de la suspension de certaines réformes dans le contexte de la crise sanitaire .

Pour les rapporteurs spéciaux, ces explications, et en particulier celles liées à la crise, sont une nouvelle fois insuffisantes pour défendre l'exécution d'un programme structurellement sur-budgétisé. Ainsi, les crédits devraient de nouveau être sous-consommés en 2021. La DGAFP évalue en effet l'enveloppe prévisionnelle des besoins à 30 millions d'euros, dont 15 millions relevant de cofinancements initialement prévus pour l'année 2020 et reportés. C'est donc bien inférieur aux 41,3 millions d'euros ouverts sur le programme en loi de finances initiale pour 2021.

(2) Une faible lisibilité des opérations budgétaires

En plus des douze projets déjà évoqués, le programme 351 a cofinancé en 2020 un projet de transformation des ressources humaines du nouveau réseau de proximité des finances publiques, à hauteur de deux millions d'euros en titre 2.

Toutefois, en raison des règles de gestion applicables aux crédits de titre 2, et à l'instar de ce que les rapporteurs spéciaux avaient constaté en 2019, le ministère a eu recours à une mécanique budgétaire peu lisible pour financer ce projet. En effet, les virements de crédits ne sont possibles que dans la limite d'un plafond de 2 % des crédits ouverts sur le titre 2 du programme destinataire du virement, ce qui rendait impossible le virement prévu pour accompagner la mise en oeuvre du nouveau réseau de proximité. Pour contourner cet obstacle, et pour traduire le financement du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local » par le programme 351, le Gouvernement a procédé en loi de finances rectificative à une moindre annulation des crédits sur le programme 156 et une sur-annulation à due concurrence des crédits sur le programme 351.

Les rapporteurs spéciaux estiment que ce type d'opération budgétaire, complexe, est symptomatique des défauts structurels du Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines (FAIRH). Non seulement les crédits sont plus difficiles à suivre, tout comme les réformes accompagnées par le programme 351, mais ces opérations montrent que le véhicule choisi, celui d'un programme ad hoc , n'est sans doute pas le plus adapté.

Recommandation n° 4 : supprimer le programme 351 et réallouer les crédits aux programmes qui mettent directement en oeuvre les réformes à forte composante ressources humaines. À défaut, redéployer les crédits au programme 148 « Fonction publique », rattaché à la mission » Transformation et fonction publiques » depuis le 1 er janvier 2021. L'action n° 3 du programme porte en effet plusieurs fonds destinés à soutenir des réformes ou des actions dans le domaine des ressources humaines : le fonds d'innovation RH, le fonds interministériel pour l'amélioration des conditions de travail, le fonds pour les systèmes d'information des ressources humaines, le fonds pour l'égalité professionnelle. Par cohérence, les indicateurs du programme 351, tel que présentés dans la maquette 2021, devraient être repris sur le programme 148.

Le programme 351, dont la suppression était prévue initialement pour 2022, n'a en effet pas fait la preuve de son utilité . Sa mise en oeuvre témoigne d'une sous-exécution structurelle en même temps que sa valeur ajoutée reste à démontrer. Ce constat semble partagé par la ministre de la transformation et de la fonction publiques , Amélie de Montchalin, qui a indiqué, lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2020 à l'Assemblée nationale, « réfléchir au positionnement » et aux évolutions à apporter au programme 351 42 ( * ) .

Dans ces deux notes d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Action et transformation publiques » en 2019 et en 2020 , la Cour des comptes recommande également de supprimer le Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines , ou tout du moins de le rattacher au programme 148 « Fonction publique ».

(3) Un suivi fragile de la performance du FAIRH

Pour l'exercice 2020, le programme 351 retient un indicateur unique, relatif au délai d'instruction des projets à compter de l'accusé de réception des dossiers complets . Cet indicateur doit permettre d'évaluer l'efficacité à mobiliser les crédits du fonds pour les administrations porteuses de transformation, dès réception de leur dossier. La cible, d'abord fixée à 60 jours en 2019, a été ramenée à 50 jours pour 2020 et 2021. En 2020, le délai moyen atteint 27,5 jours. Pour la Cour des comptes, cette rapidité pourrait être le signe d'une moindre sélectivité du fonds, qui a validé l'ensemble des projets présentés en 2019 et en 2020 43 ( * ) . Elle souligne également que les projets cofinancés, du fait de leur caractère le plus souvent interministériel ou inter-administrations, sont bien souvent connus avant leur examen par le jury de sélection du FAIRH. La valeur de cette procédure de sélection s'en trouve donc amoindrie.

Cet indicateur ne permet par ailleurs aucunement de suivre l'évolution des opérations de transfert et les effets des réformes financées. La fragilité de la maquette de performance du FAIRH avait été identifiée dès l'exercice 2019 par les rapporteurs spéciaux, ainsi que par la Cour des comptes 44 ( * ) .

Pour ces raisons, les indicateurs du projet annuel de performance du programme ont été complétés à partir de l'exercice 2021 :

- le premier objectif, relatif à l'efficience du fond et intégrant le sous-indicateur existant, a été enrichi d'un sous-indicateur représentant le « taux de consommation effective des plafonds de co-financement alloué » , afin de mesurer le niveau de consommation des crédits par les projets bénéficiaires d'un cofinancement issu du FAIRH ;

- un second objectif, relatif à l'accompagnement des agents publics , a été introduit dans la maquette du programme 351. Il se décline en trois sous-indicateurs. Le premier mesure le nombre total d'agents bénéficiaires de mesures d'accompagnement cofinancées par le FAIRH. Les deux autres sous-indicateurs décomposent ce résultat en distinguant le nombre d'agents bénéficiaires d'un dispositif indemnitaire et le nombre d'agents bénéficiaires d'un ou de plusieurs autres dispositifs d'accompagnement.

S'il va dans le bon sens, ce changement de la maquette de performance ne résoudra pas l'ensemble de lacunes observées s'agissant du suivi de l'efficience du FAIRH. Conformément à leur précédente recommandation, et si les crédits y étaient redéployés, les rapporteurs spéciaux préconisent plutôt d'intégrer ces indicateurs dans le cadre du programme 148 « Fonction publique » .

d) Le programme 352, un instrument dynamique dont le devenir doit être clarifié

Le programme 352 « Fonds pour l'accélération des start-ups d'État » vise à financer l'émergence et le développement de produits et services numériques innovants pour moderniser l'État et les services publics. En comparaison avec les autres programmes de la mission « action et transformation publiques », le programme 352 affiche des niveaux d'exécution satisfaisants.

Évolution des crédits du programme 352 depuis 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En 2020, 9,6 millions d'euros ont été consommés en AE, sur
les 9,2 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale.
Ce haut niveau d'engagement se place dans la continuité de l'exercice 2019 (7,3 millions d'euros consommés, contre 7,2 millions d'euros en prévision). Le niveau de consommation des crédits de paiement est quant à lui inférieur à la prévision, à 6,2 millions d'euros, contre 11,2 millions d'euros autorisés en loi de finances initiale pour 2020. Il se situe néanmoins à un niveau proche de celui constaté en 2019.

Cette sous-exécution en 2020 est d'autant plus sujette à interrogation qu' un examen des crédits fait apparaître des dépenses qui dépassent largement les objectifs fixés par le Fonds du programme 352 et qui relèvent davantage d'une politique plus large en faveur de la numérisation de l'État, dans le contexte de la crise sanitaire :

- le financement du Commando UX 45 ( * ) , une équipe d'experts chargée d'améliorer le processus de dématérialisation des 250 démarches administratives les plus usuelles (cf. supra ), dont 14 membres ont été intégrés dans l'administration en 2020 ;

- le recrutement des entrepreneurs d'intérêt général (EIG), au nombre de 41 en 2020. Les administrations ont en effet la possibilité de recruter, sur une durée inférieure à un an, des experts du numérique et de la société civile, désignés sous le sigle EIG ;

- la préparation des volets innovation et transformation numérique dans le cadre du plan de relance , ainsi que le soutien à la mise en oeuvre du télétravail pour les agents publics .

Si le changement de dénomination du programme, désormais intitulé « Innovation et transformation numériques », a permis de clarifier son périmètre lors de l'examen de la loi de finances pour 2021, la pertinence de son rattachement à la mission « Transformation et fonction publique » reste contestable . Il est de très faible ampleur comparé aux programmes 348 (un milliard d'euros pour les cités administratives) et 349 (700 millions d'euros au titre du Fonds pour la transformation de l'action publique). Les actions qu'il finance pourraient être plus à propos intégrées, avec les crédits alloués au Fonds pour l'accélération des start-ups d'État (FAST), à l'action 16 du programme 129 de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » , qui correspond à la coordination de la politique numérique . La dimension interministérielle du FAST serait ainsi conservée.

Recommandation n° 5 : supprimer le programme 352 et faire porter ses crédits et ses objectifs par l'action 16 « Coordination de la politique numérique » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». La logique interministérielle du programme serait ainsi conservée et le Fonds pourrait s'intégrer aux autres actions d'ores et déjà portées par la Direction interministérielle du numérique (Dinum), responsable du programme 352.

3. Une réflexion à engager sur le devenir des programmes de la mission au-delà de 2022

En dépit de ses faiblesses, la mission « Action et transformation publiques » porte des enjeux majeurs pour la modernisation et l'amélioration de la gestion des services publics . La crise sanitaire constitue un défi supplémentaire pour les administrations de l'État.

Toutefois, l'approche adoptée depuis 2018, par le biais de programmes ad hoc , souffre de nombreuses lacunes, qui se révèlent dans les sous-exécutions systématiques constatées chaque année par les rapporteurs spéciaux. Certains de ces programmes devraient être supprimés, d'autres devront par la force des choses être pérennisés, puisque le rythme de décaissement des crédits est insuffisant pour permettre d'atteindre les cibles fixées d'ici 2022. Les indicateurs de suivi, le pilotage des programmes, les informations disponibles ainsi que les effets attendus ne sont pas à la hauteur des attentes, d'autant plus que la sincérité budgétaire n'a jamais été respectée pour cette mission.

L'impression de complexité et le caractère encore laborieux de la mise en oeuvre des projets sélectionnés ont été renforcés par la création, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, de la mission « Plan de relance » . Les gestionnaires des programmes ont admis que cela leur avait posé des difficultés pour suivre leurs programmes, d'autant plus que certaines actions du plan de relance recoupent en partie leurs objectifs, à l'image de l'appel à projet pour la rénovation des bâtiments publics ou de l'enveloppe de 500 millions d'euros ouverte pour accélérer la transformation numérique des administrations et des services publics.

Le devenir de la mission, dont l'extinction était à l'origine prévue pour 2022, doit être clarifié. Elle pourrait être prolongée , le cabinet du ministère de la transformation et de la fonction publiques ayant par ailleurs évoqué lors de leur audition par les rapporteurs spéciaux un projet de modification de la maquette de la mission , afin de regrouper l'ensemble des moyens relevant du ministère , et qui devrait comprendre la nouvelle direction de l'e nseignement supérieur de l'État (Diese). De plus, la DIE a indiqué aux rapporteurs spéciaux que l'ensemble des livraisons de travaux prévues en 2022 a pour la plupart été décalé à la fin de l'année 2023, voire à la fin de l'année 2024 pour la cité de Bordeaux . Pour autant, dans sa réponse au questionnaire, le ministère de la transformation et de la fonction publiques a indiqué qu' une réflexion était encore en cours pour définir le portage budgétaire des restes à payer au-delà de 2022 , que ce soit pour le programme 348 ou pour le programme 349.

La modification de la maquette serait sans doute la bienvenue, si elle a bien lieu puisqu'aucune information concernant son périmètre n'a été transmise dans le cadre du débat d'orientation des finances 46 ( * ) publiques. Elle devra également s'accompagner d'un effort de rationalisation des programmes existants, de transparence sur l'état d'avancement des projets et de sincérisation sur les crédits soumis à l'autorisation parlementaire .

Recommandation n° 6 : clarifier, dès le projet de loi de finances pour 2022 et en prévision, les programmes sur lesquels pourraient éventuellement être portés les restes à charge des programmes 348 et 349 si la mission « Transformation et fonction publiques » n'était pas conservée. C'est d'autant plus important que la mission a été renommée et que sa maquette devrait être modifiée dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Cette clarification devra s'accompagner d'un effort de transparence sur l'état d'avancement des projets et les économies effectivement réalisées, ainsi que d'un effort de sincérité budgétaire pour les crédits soumis à l'autorisation du Parlement.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 juillet 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de MM. Albéric de Montgolfier et Claude Nougein, rapporteurs spéciaux, sur les projets financés par la mission « Transformation et fonction publiques ».

M. Claude Raynal , président . - Nous en venons maintenant à une communication des rapporteurs spéciaux de la mission « Transformation et fonction publiques » sur l'exécution des crédits de la mission.

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Nous vous présentons ce matin, avec Albéric de Montgolfier, les résultats de notre contrôle sur les projets financés par la mission « Action et transformation publiques ». Cette mission a été créée par le Gouvernement en 2018, pour une durée de vie à l'origine temporaire, puisqu'elle devait s'éteindre en 2022. La mission regroupe désormais quatre programmes hétérogènes, chacun poursuivant un objectif bien différent : la rénovation énergétique des cités administratives pour le programme 348, l'accompagnement de la transformation de l'action publique pour le programme 349, les ressources humaines pour le programme 351 et le développement numérique de l'État pour le programme 352.

Même pour nous, rapporteurs spéciaux, il est parfois difficile de nous y retrouver et de savoir ce que fait chacun. Un cinquième programme a par ailleurs été rattaché à la mission au 1 er janvier 2021, le programme 148 « Fonction publique ». Il était auparavant attaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », que nous suivons également en tant que rapporteurs spéciaux.

J'en viens maintenant aux raisons qui justifient ce contrôle, et j'en citerai deux.

La première vient du constat que nous faisons maintenant depuis trois ans : les crédits de la mission sont chaque année sous-consommés, de l'ordre de 75 % à 80 % pour trois programmes, et l'année 2020 ne fait pas exception. Cette gestion, que l'on ne saurait qualifier de satisfaisante, remet en cause le vote du Parlement. Nous avions proposé un amendement d'appel lors du projet de loi de finances 2021 pour annuler 75 % des crédits de la mission et ainsi attirer l'attention du Gouvernement sur ces graves problèmes d'exécution budgétaire.

La seconde raison vient du contexte de crise sanitaire, qui a remis en avant quelques-unes des grandes priorités de la transformation de l'action publique, telle la numérisation de nos administrations et de nos services publics. Pourtant, en dépit de la création d'une mission et de programmes ad hoc , il nous est très difficile de suivre les résultats dans ce domaine.

Notre principale conclusion est la suivante : si la mission soutient des objectifs que nous pouvons partager, les véhicules budgétaires sont totalement inadaptés. Le Gouvernement aura beau jouer la carte de la « crise » pour expliquer les nouveaux problèmes de consommation des crédits en 2020 et, même si nous ne nions pas ses conséquences, cette explication est insuffisante. Chaque année, le Gouvernement propose une « nouvelle excuse ». La mission souffre en réalité de problèmes structurels, qu'il nous semble urgent de régler.

Je commencerai par aborder le programme 348, supposé porter un milliard d'euros pour la rénovation des cités administratives. Les 39 cités éligibles au programme ont bien été sélectionnées, en 2018 et 2019. Or, les travaux ont commencé pour seulement deux d'entre elles en 2020, Bordeaux et Colmar. Six cités les ont rejoints au premier semestre 2021 et 15 projets ne devraient pas commencer avant 2022. Les travaux ne devraient donc constituer la majorité des dépenses du programme qu'en 2022.

Par conséquent, aucune livraison des travaux ne pourra intervenir avant 2023, voire 2024 pour Bordeaux. Il est donc quasiment certain qu'il y aura des restes à payer au-delà de 2022, mais le ministère se refuse encore à se prononcer sur le portage de ces crédits, dans l'éventualité où la mission ne serait pas reconduite.

Certes, ces retards ont pu être aggravés par la crise sanitaire, mais ils lui sont antérieurs. La direction de l'immobilier de l'État prévoyait au départ d'engager les travaux dès l'année 2019. Ces retards sont d'autant plus dommageables que le risque de surcoût s'est significativement accru cette année. En effet, les maîtres d'oeuvre constatent une hausse du coût des matériaux de près de 10 %, du fait de difficultés d'approvisionnement. Or, l'enveloppe ouverte sur le programme 348 est une enveloppe fermée, qui nécessite un pilotage fin des crédits. Tout ceci n'incite guère à l'optimisme.

Par ailleurs, nous constatons que, parmi les projets sélectionnés, 12 ne présentent que des gains énergétiques faibles et sept ont été validés malgré un avis négatif de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages. La maitrise d'ouvrage souffre par ailleurs de lacunes significatives, parmi lesquelles un déficit de compétences et de moyens humains.

Pour un programme de cet ampleur, de près d'un milliard d'euros je le rappelle, il est enfin extrêmement dommage de ne disposer d'aucun indicateur de performance vraiment pertinent. Le principal indicateur n'est qu'une estimation des économies d'énergie attendues, basées sur des auto-évaluations des porteurs de projet, autant dire que cela n'engage pas beaucoup le responsable du programme ! Ces indicateurs ne renseignent donc pas sur les effets concrets des travaux engagés et ne se prêtent pas non plus à une mesure annuelle.

Notre première recommandation porte sur l'urgence de revoir les indicateurs du programme 348, sachant qu'une partie de ces données est d'ores et déjà transmise à la Cour des comptes. Il faut aussi aller plus vite : les crédits sont disponibles, mais rien n'est prêt ! Il revient pourtant à l'État de donner l'exemple en matière de rénovation énergétique ou de cadre de vie et d'accessibilité pour les agents !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Le rapporteur général posait la question de la réduction des déficits publics et de la masse salariale de l'État dans son rapport sur la loi de règlement 2020, ce que doit normalement permettre la transformation de l'action publique. Or, nous ne pouvons que constater son échec à produire ses effets, avec des responsables de programme incapables de consommer les crédits. Nous avons également eu l'impression, lors de nos auditions, d'une certaine auto-satisfaction des directions en charge de suivre la transformation de l'action publique : à les écouter, nos concitoyens seraient parfaitement satisfaits de leurs services publics, de leur accessibilité et de leur qualité. Ce n'est pas du tout en accord avec ce que nous pouvons observer sur le terrain.

Ainsi, les difficultés que vient de décrire Claude Nougein sur le programme 348 de rénovation des cités administratives, nous les constatons aussi sur les autres programmes. Je commencerai par le deuxième le plus important par son volume de crédits : le programme 349, qui porte le Fonds pour la transformation de l'action publique. Il était supposé être doté de 700 millions d'euros sur cinq ans, mais nous sommes encore loin du compte. Moins de 35 % des crédits ont ainsi été consommés en trois ans, et il ne reste plus que deux ans au Fonds, en théorie, pour produire ses effets.

Son objectif est pourtant louable : il doit soutenir les réformes porteuses d'économies à moyen terme au sein des services de l'État en finançant le coût supplémentaire que peut représenter une telle réforme dans sa phase initiale. Un euro investi devait ainsi conduire à un euro d'économie pérenne au bout de trois ans. Ce critère de sélection a toutefois été remis en cause, justement pour pouvoir accroître le nombre de projets sélectionnés.

Là-encore, les délais sont encore trop importants pour envisager une exécution au plus juste des crédits du programme. Les délais de contractualisation avec les porteurs de projets sont en effet extrêmement longs : il y a de nombreux allers-retours avec les administrations, notamment pour réévaluer le montant d'économies attendu et le montant de crédits alloué. Résultat, la plupart de ces projets ne produiront pas leurs effets avant 2023 au moins, posant là-aussi la question du portage budgétaire des restes à payer.

Comme pour le programme 348, les indicateurs de performance sont lacunaires et il est quasiment impossible de suivre le montant total des crédits alloués à chacune des administrations. Notre deuxième recommandation invite ainsi à identifier clairement, dans les documents budgétaires, et pour chacun des programmes concernés, la part des crédits en provenance du Fonds pour la transformation de l'action publique. Cet effort de clarification doit également porter sur les projets soutenus : date d'amorçage, coût prévisionnel total, part et utilisation des crédits en provenance du FTAP. Les indicateurs de performance du programme 349 doivent être modifiés en conséquence. Nous recommandons également, hors de la phase d'amorçage, de confier directement aux gestionnaires et responsables de programme les crédits prévus sur le Fonds, pour accélérer leur mobilisation.

J'en viens maintenant au programme 351, correspondant aux crédits du Fonds pour l'accompagnement interministériel Ressources humaines, et au programme 352, qui porte les crédits de ce qui était jusqu'au 31 décembre 2020 le Fonds pour l'accélération des start-up d'État. Je vais être clair : nous recommandons de les supprimer et de réallouer leurs crédits.

L'exécution du programme 351 entraine chaque année des contorsions budgétaires, en raison des règles applicables au transfert de crédits du titre 2, soit les dépenses de personnel. Simplifions tout cela et attribuons directement les crédits sur les programmes des administrations qui mènent des réformes structurelles en matière de ressources humaines. Ces crédits pourraient sinon être portés par le programme 148 « Fonction publique », dont l'action n° 3 porte déjà plusieurs fonds destinés à soutenir des réformes ou des actions dans le domaine des ressources humaines.

Le programme 352 est de taille très limitée, autour de quelques millions d'euros par an. Nous ne voyons pas l'intérêt de maintenir ce programme, d'autant qu'il a dû être renommé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 pour mieux correspondre aux projets qu'il finançait. Il vaudrait mieux redéployer ses crédits sur l'action 16 « Coordination de la politique numérique » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». La logique interministérielle du programme serait ainsi conservée et le Fonds pourrait s'intégrer aux autres actions d'ores et déjà portées par la Direction interministérielle du numérique.

Pour résumer, nous souhaitons insister sur une triple nécessité.

Premièrement, il faut modifier les indicateurs de performance et permettre au Parlement de mieux suivre l'avancée concrète des projets financés par la mission.

Deuxièmement, il convient de faire preuve de davantage de transparence sur le devenir de la mission.

Troisièmement, il est nécessaire d'accroître la sincérité des prévisions inscrites en projet de loi de finances initiale, afin de respecter l'autorisation parlementaire. Cet effort de sincérisation doit s'accompagner d'une rationalisation des programmes de la mission.

Pour conclure, le sentiment que nous retenons avec Claude Nougein à la fin de ce contrôle est celui d'un gâchis. La ministre de la transformation et de la fonction publiques se définit elle-même comme la ministre de la qualité des services publics, mais tout ceci semble manquer d'élan, à la fois sur le plan budgétaire et sur le plan des indicateurs.

Regardez par exemple les objets de la vie quotidienne (OVQ) : le cabinet a admis devant nous que cette désignation un peu trop « incompréhensible » des réformes à mener au sein des administrations et des ministères n'avait pas suscité l'élan attendu. Rien de surprenant ! Le Gouvernement nous parle donc désormais de réformes prioritaires.

Même constat pour l'objectif de rendre accessibles en ligne les 250 démarches administratives les plus usuelles, avec un haut niveau de satisfaction des usagers d'ici 2022. Au printemps 2021, nous ne pouvons que constater que de nombreux efforts restent à mener pour que le Gouvernement respecte ses engagements. 37 démarches n'ont fait l'objet d'aucune numérisation, 45 seulement présentent un niveau acceptable de satisfaction, 140 démarches ne sont pas évaluées. Tout ceci sans compter les problèmes d'accessibilité pour nos concitoyens les plus éloignés du numérique.

M. Jérôme Bascher . - La question que je souhaite poser aux rapporteurs est celle des objectifs fixés pour la mission. Ceux-ci vous paraissent-ils être clairement définis ? En effet, on peut s'interroger, au-delà de l'incantation à la transformation publique, sur les véritables objectifs poursuivis par le Gouvernement au travers de cette mission budgétaire.

M. Vincent Capo-Canellas . - En tant que rapporteur des crédits de Météo France, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), j'ai pu constater que si ces établissements bénéficiaient en effet des crédits du fonds pour la transformation de l'action publique, ceux-ci sont de faible niveau au regard des mutations en cours.

Ces différentes structures se sont engagées dans des réorganisations internes très importantes et je m'interroge donc sur les raisons justifiant la sous-consommation des crédits du fonds. Est-ce un problème de critère ? Faut-il au contraire considérer que ce niveau de consommation relève d'une bonne gestion ou d'une volonté de montrer aux administrations bénéficiaires que ces crédits ne sont pas récurrents ?

M. Éric Bocquet . - Quel a été l'effet de levier de la transformation publique sur la diminution du nombre d'emplois publics ? François Fillon, alors candidat à l'élection présidentielle, avait pour objectif la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires. Aujourd'hui, où en est-on par rapport à cet objectif ambitieux ?

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je me joins aux constats des rapporteurs spéciaux : à partir du moment où 75 % des crédits ne sont pas consommés, il y a effectivement un problème majeur.

Les rapporteurs ont évoqué la situation des cités administratives et la nécessité de les moderniser pour renforcer leur efficience environnementale. Il me semble néanmoins qu'il n'y a pas d'indicateur pour mesurer cet objectif. Concernant la numérisation des services publics, on constate, d'une part, qu'elle n'est pas assez rapide sur certains services et, d'autre part, qu'elle ne prend pas toujours en compte l'ensemble des publics, surtout les plus éloignés du numérique.

M. Claude Nougein . - Concernant la rénovation des cités administratives, seuls des objectifs théoriques d'économies d'énergie ont été fixés, basés sur une auto-évaluation des porteurs de projet ! Ce constat, sur un programme d'un milliard d'euros, est d'autant plus préoccupant que les travaux n'ont été entamés que dans trois cités administratives en 2020, et six en 2021, sur les 39 sélectionnés.

Vous l'avez rappelé, plus de 75 % des crédits du programme dédié à la rénovation n'ont pas été consommés ces trois dernières années. Le Gouvernement nous promet chaque année un effet de rattrapage. Il s'agit en réalité d'un problème de fond, qui interroge sur la sincérité des prévisions du Gouvernement et sur le rôle du Parlement. Nous espérons que 2021 et, surtout, 2022, marqueront enfin de vraies améliorations quant à la consommation de ces crédits. Beaucoup de responsables de programmes aimeraient bénéficier de moyens aussi importants pour mener à bien leurs projets !

Les cités administratives, qui sont souvent des passoires thermiques construites dans les années 1970, demandent beaucoup de travaux. Ces crédits sont indispensables pour les rénover et pour améliorer la qualité de vie au travail des agents publics.

M. Albéric de Montgolfier . - Qu'on ne se trompe pas sur nos principaux constats. Oui, il nous apparaît nécessaire de donner des moyens aux administrations pour transformer la fonction publique, accélérer la numérisation et moderniser l'action publique. Ce sont des objectifs utiles pour lesquels il faut savoir investir et mobiliser des crédits.

Cependant, le système qui consiste à recourir à une direction interministérielle et à saupoudrer des crédits ne fonctionne pas. Il y a un grand nombre d'administrations et d'organismes qui ont un besoin en investissement considérable, en particulier dans le domaine informatique, et Météo France constitue de ce point de vue un bon exemple. Ce n'est pas en accordant ponctuellement quelques millions d'euros que l'on peut apporter des solutions durables et accompagner des transformations profondes. Nous considérons qu'il faut redonner aux gestionnaires des administrations les moyens d'accompagner les transformations.

Par ailleurs, je n'ai pas l'impression que les Français soient satisfaits de l'accès aux services publics sur le terrain. Avec la fermeture des trésoreries et des points d'accueil de la sécurité sociale, les démarches sont parfois très compliquées. Il faut revenir à la réalité et renforcer les moyens d'accès aux services publics des personnes les plus éloignées du numérique.

Il faut enfin que soient respectées les autorisations du Parlement et arrêter de faire de la communication et de l'affichage.

Il n'est pas normal que nous progressions aussi lentement sur les passoires thermiques ou qu'autant de démarches ne soient pas numérisées avec un niveau élevé de satisfaction. La mission « Transformation et fonction publiques » emporte de grandes déceptions et affiche des résultats qui ne sont pas à la hauteur.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet de la ministre de la transformation et de la fonction publiques

- M. Boris MELMOUX-EUDE, directeur de cabinet ;

- M. David BONNOIT, conseiller budgétaire ;

- Mme Marie PERDOUX, conseillère parlementaire.

Direction de l'immobilier de l'État

- M. Alain RESPLANDY-BERNARD, directeur ;

- Mme Agnès TEYSSIER d'ORFEUIL, sous directrice gouvernance, financement et support ;

- M. Joël BYÉ, chef du bureau expertises de l'immobilier de l'État ;

- M. Ludovic ULAN, chargé de mission auprès du chef du bureau expertises de l'immobilier de l'État ;

- M. Alain JOSSERAND, chef du bureau financement et inventaire immobilier.

Direction interministérielle de la transformation publique (DITP)

- M. Thierry LAMBERT, délégué interministériel à la transformation publique ;

- Mme Claire OROSCO, responsable du fonds d'action pour la transformation publique.


* 1 Article 11 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 .

* 2 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2020 de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » , avril 2021.

* 3 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 .

* 4 Selon les données communiquées dans le Bilan annuel de la Douane pour 2020 .

* 5 Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance .

* 6 Le plus souvent, et concrètement, cela a pris la forme d'une compensation du surcoût lié à l'acquisition de matériels nomades par rapport à un poste fixe aux administrations, par le biais des crédits du Fonds pour la transformation ministérielle, porté par l'action n° 8 du programme 218.

* 7 Cette démarche était dénommée « adaptation des structures de réseau » (ASR).

* 8 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2020 de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » , avril 2021.

* 9 Le point de présence DGFiP peut prendre la forme d'une présence au sein d'une maison France Services, de permanences dans les locaux mis à disposition par les collectivités locales ou encore de dispositifs mobiles.

* 10 Selon les données inscrites dans le « Rapport sur le budget de l'État en 2020 » de la Cour des comptes, avril 2021.

* 11 Selon les informations présentées dans la note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » de la Cour des comptes, ce manque d'attractivité s'inscrit dans la diminution généralisée du nombre de candidats aux concours de la fonction publique, aggravée par le contexte de crise sanitaire. Par ailleurs, un nombre conséquent d'agents a réussi le concours externe, ce qui ne s'est pas immédiatement traduit par des recrutements supplémentaires.

* 12 Audition de la directrice des douanes et des droits indirects , Isabelle Braun-Lemaire, devant la commission des finances du Sénat le 6 avril 2021.

* 13 Selon les données inscrites dans le « Rapport sur le budget de l'État en 2020 »de la Cour des comptes, avril 2021.

* 14 Décret n° 2020-862 du 11 juillet 2020 modifiant le décret n° 2017-1063 du 18 mai 2017 relatif aux cabinets ministériels .

* 15 D'après les données figurant dans la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2020 de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » de la Cour des comptes, avril 2021.

* 16 Audition du directeur général des finances publiques , Jérôme Fournel, devant la commission des finances du Sénat le 7 mai 2020.

* 17 Selon les informations transmises dans le rapport annuel de performance de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » , annexé au projet de loi de règlement des comptes et d'approbation du budget 2020.

* 18 C'est-à-dire par le programme 148 de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », mais également par d'autres programmes allouant des crédits à ces opérateurs.

* 19 Ces réformes sont décrites dans l'annexe n°15 au rapport général n° 140 (2019-2020) de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019, sur le projet de loi de finances pour 2020.

* 20 Il s'agit notamment de dépenses de fonctionnement (économies en fluides ou en frais de déplacement) ainsi que sur les charges de rémunération (stagiaires des cycles préparatoires moins nombreux, nombre d'intervenants plus restreints).

* 21 Pour la plupart des projets d'investissements.

* 22 Selon les données communiquées dans le Bilan annuel de la Douane pour 2020 .

* 23 Ibid.

* 24 Selon les données reprises par la Cour des comptes dans son rapport sur « La lutte contre les contrefaçons », février 2020.

* 25 Ibid.

* 26 Il s'agissait par exemple de la gestion et du recouvrement des taxes sur les boissons non alcooliques et de la taxe générale sur les activités polluantes, hors déchets.

* 27 Rapport d'information de MM. Thierry Carcenac et Claude Nougein, fait au nom de la commission des finances n° 651 (2018-2019) - 10 juillet 2019. « Le recouvrement des amendes de circulation et des forfaits de post-stationnement : un système grippé ? »

* 28 Décret n°2020-443 du 17 avril 2020, permettant de combler un manque de financement avant la promulgation de la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril.

* 29 Décret n° 2020-584 du 18 mai 2020, sur la mission « Économie », antérieur à la création à cet effet, par la loi de finances pour 2021, du programme 366 « Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la covid-19 » sur la mission « Plan d'urgence ».

* 30 Décrets n° 2020-1258 du 14 octobre 2020 et n° 2020-1699 du 23 décembre 2020, sur les missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles ».

* 31 Décret n° 2020-1472 du 27 novembre 2020, sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

* 32 Une crainte par ailleurs confirmée par la programmation budgétaire pour l'année 2021, qui a de nouveau prévu la dotation de crédits sur le programme 551 pour financer des mesures décidées lors du rendez-vous salarial.

* 33 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2020 de la mission « Crédits non répartis » , avril 2021.

* 34 Selon les données inscrites dans le « Rapport sur le budget de l'État en 2020 » de la Cour des comptes, avril 2021.

* 35 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 .

* 36 Circulaire n°6117/SG du Premier ministre du 3 octobre 2019 . Objet : suivi des priorités de l'action gouvernementale.

* 37 Circulaire n°6230/SG du Premier ministre du 18 novembre 2020 . Objet : suivi de l'exécution des priorités gouvernementales.

* 38 Conseil de l'Immobilier de l'État, Avis de suite sur la rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants (programme 348), mai 2019.

* 39 Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances .

* 40 Programme de stabilité 2021-2027 , présenté par le Gouvernement au mois d'avril 2021.

* 41 Ce qui avait pu conduire à certaines difficultés en gestion. Se référer à la contribution des rapporteurs spéciaux Thierry CARCENAC et Claude NOUGEIN au titre de la mission « Action et transformation publiques » dans le cadre du rapport n° 528 (2019-2020) sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019
de M. Albéric de MONTGOLFIER, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 juin 2020.

* 42 Audition de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin , par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale le 1 er juin 2021.

* 43 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2020 de la mission « Action et transformation publiques » , avril 2021.

* 44 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 de la mission « Action et transformation publiques » , avril 2020.

* 45 UX désigne l'expérience utilisateur.

* 46 Tome 2 du rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques en 2022 , juin 2021.

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