Rapport n° 743 (2020-2021) de MM. Charles GUENÉ et Claude RAYNAL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juillet 2021

Disponible au format PDF (539 Koctets)


N° 743

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2020 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 26

Relations avec les collectivités territoriales

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : AVANCES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES


Rapporteurs spéciaux : MM. Charles GUENÉ et Claude RAYNAL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4090 , 4195 et T.A. 628

Sénat :

699 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. En 2020, les crédits exécutés sur la mission se sont élevés à 4,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 3,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une forte sur-exécution des crédits en AE (+ 15,2 %) comme en CP (+ 4,3 %) et un dépassement du plafond prévu dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques (+ 4 %).

2. L'exercice 2020 a en effet été marqué par d'importantes ouvertures de crédits en lois de finances rectificatives pour 2020 (+ 33,4 % par rapport à l'autorisation budgétaire initiale) , essentiellement pour financer des mesures exceptionnelles dans le contexte de la crise sanitaire, et notamment l'institution d'une dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) exceptionnelle (1 milliard d'euros) ainsi qu'une contribution de l'État aux achats de masques effectués par les collectivités territoriales entre le 11 mai et le 1 er juin 2020.

3. L'impact de la crise se ressent également sur le compte de concours financiers « Avance aux collectivités territoriales », dont le solde est fortement déficitaire
(- 2,9 milliards d'euros)
pour la première fois depuis 2013. Il s'explique notamment par une contraction du produit de certains impôts locaux, mais également par le financement d'avances remboursables de compensation des pertes de recettes au titre de droits de mutation à titre onéreux subies par certains départements.

4. En exécution 2020, les crédits consommés au titre des mesures de soutien aux collectivités territoriales financées par la mission et le compte d'avance s'élèvent à environ 1 milliard d'euros en AE et 0,5 milliard d'euros en CP , ce qui ne représente qu'une partie seulement des mesures d'urgence prise par l'État.

5. Les mesures décidées pour répondre à la crise ont fortement affecté la gestion 2020. Leur consommation très partielle a entraîné d'importants reports sur l'exercice 2021 .

6. S'agissant en particulier de la DSIL exceptionnelle, seuls 571,1 millions d'euros d'AE ont ainsi été consommés sur le milliard ouvert en loi de finances rectificative. Ce constat doit conduire à renforcer la vigilance qu'il convient de porter à l'évolution des restes à payer au titre des dotations d'investissement aux collectivités territoriales .

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2020

1. La mission « Relations avec les collectivités territoriales »

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » comporte deux programmes :

- le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » retrace des dotations versées aux collectivités territoriales en compensation de transferts de compétences , stables dans le temps, et des dotations versées par l'État aux collectivités territoriales sous la forme de subventions , notamment en vue de soutenir des projets d'investissement. Il représente près de 95 % des crédits de la mission consommés en 2020.

- le programme 122 « Concours spécifiques et administration » finance des dispositifs destinés à soutenir les collectivités territoriales faisant face à des situations exceptionnelles , les moyens attribués à la DGCL et les dotations outre-mer .

Toutefois, les principaux transferts de l'État au profit des collectivités territoriales, notamment la dotation globale de fonctionnement, constituent des prélèvements sur recettes et ne sont pas retracés par la présente mission .

Place de la mission au sein des transferts financiers
de l'État aux collectivités territoriales en 2020

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Au titre de l'exercice 2020, les crédits exécutés sur la mission se sont élevés à 4,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 3,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) .

L'exercice 2020 a été marqué par d'importantes ouvertures de crédits en lois de finances rectificatives (+ 33,4 % par rapport à la prévision initiale) , essentiellement pour financer des mesures exceptionnelles dans le contexte de la crise sanitaire (voir infra ). Ainsi, la troisième loi de finances rectificative 1 ( * ) a prévu une ouverture de 1 milliard d'euros de crédits en AE pour financer une enveloppe exceptionnelle de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) tandis que la quatrième 2 ( * ) loi de finances rectificative pour 2020 a ouvert 260 millions d'euros en AE et 240 millions d'euros en CP sur ce même programme au titre du fonds de stabilisation des départements et de la contribution de l'État aux achats de masques par les collectivités territoriales . Cette loi a également ouvert 20 millions d'euros en AE et en CP au titre de la dotation de solidarité en faveur des équipements des collectivités territoriales touchés par des évènements climatiques ou géologiques (DSEC) pour soutenir le département des Alpes-Maritimes suite aux dégâts causés par la tempête Alex.

Les ouvertures de crédits en LFR sur la mission
« Relations avec les collectivités territoriales » en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ainsi, au niveau de l'ensemble de la mission, l'exercice est marqué par une forte sur-exécution des crédits en AE (+ 15,2 %) comme en CP (+ 4,3 %).

Évolution des crédits de la mission
« Relations avec les collectivités territoriales » en 2020

(en millions d'euros et en pourcentage)

2019

2020

Exécution / prévision 2020

Exécution

2020 / 2019

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

119 - Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements

AE

3 657,2

3 649,3

- 0,2 %

3 587,2

4 238,8

+ 651,7

+ 18,2 %

+ 589,6

+ 16,2 %

CP

3 166,0

3 205,8

+ 1,3 %

3 266,6

3 409,5

+ 143,0

+ 4,4 %

+ 203,7

+ 6,4 %

122 - Concours spécifiques et administration

AE

238,1

197,1

- 17,2 %

242,7

172,5

- 70,2

- 28,9 %

- 24,7

- 12,5 %

CP

272,9

233,8

- 14,3 %

201,5

208,4

+ 6,9

+ 3,4 %

- 25,3

- 10,8 %

Total mission

AE

3 895,4

3 846,4

- 1,3 %

3 829,8

4 411,3

+ 581,5

+ 15,2 %

+ 564,9

+ 14,7 %

CP

3 438,9

3 439,6

+ 0,0 %

3 468,1

3 618,0

+ 149,9

+ 4,3 %

+ 178,4

+ 5,2 %

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au-delà de ce constat d'ensemble, il est à noter que cette sur-exécution est principalement liée à l'exécution du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » (+ 18,2 % en AE et +4,4 % en CP), essentiellement du fait des dépenses exceptionnelles liée à la crise supportées par ce programme, qui se sont traduites par la création de deux nouvelles actions en cours de gestion :

- l'action 08 « concours exceptionnels pour l'achat de masques » (134,2 millions d'euros d'AE et 129,1 millions d'euros de CP consommés) ;

- l'action 09 « dotation de soutien à l'investissement local exceptionnelle » (571,1 millions d'euros d'AE et 9,4 millions d'euros de CP consommés).

Le programme 112 fait quant à lui l'objet d'une sous-exécution importante en AE (- 28,9 %), comme en 2019, mais aussi d'une légère sur-consommation en CP (+ 3,4 %). Cette sous-consommation en AE s'explique principalement par le caractère incertain et imprévisible de la mobilisation des aides d'urgence, telles que la DSEC ou encore le fonds d'urgence aux départements, qui n'a pas fait l'objet de demandes en 2020.

Le taux de consommation des crédits ouverts est très élevé en CP (96,5 %), mais moins en AE (85,9 %). Cela tient notamment au fait que le milliard d'AE ouvertes au titre de la DSIL exceptionnelle dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 n'a été que partiellement consommé (57,1 %).

Mouvements des crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2020

(en millions d'euros)

Crédits ouverts en LFI ( y.c ADP et FDC)

Reports entrants

Virements ou transferts de crédits

Décret d'avance

Crédits ouverts/annulés en LFR

Total des crédits ouverts

Total des crédits consommés

Taux de consommation des crédits ouverts

119 - Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements

AE

3 587

1

-

-

1 260

4 848

4 239

87,4 %

CP

3 267

1

-

-

240

3 508

3 410

97,2 %

122 - Concours spécifiques et administration

AE

243

23

- 0,6

-

20

285

172

60,3 %

CP

202

19

- 0,6

-

20

240

208

86,5 %

Total de la mission

AE

3 830

24

- 0,6

-

1 280

5 133

4 411

85,9 %

CP

3 469

20

- 0,6

-

260

3 748

3 618

96,5 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Par rapport avec l'exécution 2019, l'évolution des montants consommés sur la mission est nettement positive en AE (+ 14,7 %) et dans une moindre mesure en CP (+ 5,2 %) . Ce résultat est en décalage avec l'autorisation budgétaire initiale qui tendait à une relative stabilité des crédits (- 1,7 % en AE et + 0,8 % en CP). Il est notamment expliqué par le fait que les AE du programme 119, qui devaient poursuivre en 2020 (- 1,9 %) leur trajectoire baissière constatée en exécution 2019 (- 3,0 %), ont, du fait des mesures prises en réponse à la crise, connu finalement une hausse de 16,2 %.

Le montant de CP exécutés (3,61 milliards d'euros) dépasse le plafond prévu par la loi de programmation des finances
publiques 2018-2022
, fixé à 3,45 milliards d'euros (format PLF 2020), soit un dépassement de 4 % (160 millions d'euros), qui n'est pas réductible aux seuls CP afférents au financement des mesures de crise consommés en 2020 (129,1 millions d'euros au titre de la contribution aux achats de masques et 9,4 millions d'euros au titre de la DSIL exceptionnelle).

Contribution des actions du programme 119 à la hausse du volume
de crédits consommés (AE)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

2. Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales »

Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » comporte historiquement deux programmes :

- le programme 832 retrace les avances consenties aux collectivités et établissements publics, ainsi qu'à la Nouvelle-Calédonie , lorsqu'ils « connaissent des difficultés momentanées de trésorerie » ;

- le programme 833 retrace les versements aux collectivités et à leurs groupements du produit des impôts locaux perçus pour leur compte ou à leur profit par l'État . Depuis 2014 et dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité, il retrace le versement des avances sur frais de gestion des divers impôts locaux transférés aux départements et aux régions .

Enfin, un nouveau programme 834 a été institué par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 afin de retracer les avances remboursables de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) destinées à soutenir les départements et d'autres collectivités affectés par les conséquences économiques de l'épidémie de covid-19. Il a été doté de 500 millions d'euros.

Les recettes du compte se sont élevées à 105,7 milliards d'euros , soit un total sensiblement inférieur à celui qui avait été estimé en LFI, soit 112,9 milliards d'euros.

Cet écart s'explique principalement par l'effet de la crise sur le produit de la fiscalité directe locale . En 2020, à l'exception de la taxe d'habitation et de la taxe foncière, tous les impôts retracés par le programme 833 ont connu une baisse. La plus forte diminution par rapport à 2019 (- 19,3 %) a concerné la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) compte tenu de la chute de la consommation de carburant provoquée par les mesures de restrictions sanitaires.

Évolution détaillée des recettes du compte d'avance

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : Cour des comptes, d'après les données DGFIP

En 2020, l'exécution des crédits s'élève à 108,5 milliards d'euros en AE et en CP , soit une augmentation de + 1,7 % par rapport à 2019 . L'année 2020 marque donc un ralentissement par rapport à l'évolution 2018-2019 , qui était de 2,7 %, conséquence de la baisse des recettes fiscales évoquée supra .

La totalité de la consommation des crédits est portée par les programmes 833 et 834 . En effet, si la loi de finances initiale avait prévu 6 millions d'euros de crédits au titre du programme 832, aucun n'a été consommé, comme c'est le cas chaque année depuis 2013.

Le taux de consommation des crédits ouverts en 2020, qui s'élève à 95,6 %, est inférieur à celui constaté l'année précédente (96,5 %). Seuls 40 des 80 départements éligibles ayant demandé à bénéficier de l'avance remboursable, 350 millions  d'euros seulement ont été consommés sur le programme 834, qui était doté de 500 millions d'euros.

Exécution du compte de concours financiers
« Avances aux collectivités territoriales » en 2020

(en millions d'euros)

Programme

Action

Crédits consommés en 2019

Crédits ouverts en LFI 2020 ( y.c ADP et FDC)

Crédits ouverts en LFR

Crédits consommés en 2020

Évolution 2019-2020

Taux de consommation 2020

Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie

(832)

01 - Avances de l'article 70 de la loi du 31 mars 1932 et de l'article L. 2336-1 du code général des collectivités territoriales

0,0

6,0

-

0,0

-

0,0 %

02 - Avances de l'article 14 de la loi n° 46-2921 du 23 décembre 1946 et de l'article L. 2237-2 du code général des collectivités territoriales

0,0

0,0

-

0,0

-

-

03 - Avances de l'article 34 de la loi n° 53-1336 du 31 décembre 1953 (avances spéciales sur recettes budgétaires)

0,0

0,0

-

0,0

-

-

04 - Avances à la Nouvelle-Calédonie, au titre de la fiscalité du nickel

0,0

0,0

-

0,0

-

-

Total du programme

0,0

6,0

-

0,0

-

0,0 %

Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes

(833)

01 - Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes

98 934,0

105 545,2

-

100 808,9

1,9 %

95,5 %

02 - Avances aux départements sur le produit de la TIPP

5 843,0

5 403,3

-

5 367,6

-8,1 %

99,3 %

03 - Avances aux départements sur les frais de gestion de la TFPB

994,3

1 016,8

-

1 015,3

2,1 %

99,9 %

04 - Avances aux régions sur les frais de gestion de la CFE, de la CVAE et de TH et sur le produit de la TICPE

982,0

1 024,2

-

993,8

1,2 %

97,0 %

Total du programme

106 753,2

112 989,6

-

108 185,6

1,3 %

95,7 %

Avances remboursables de DMTO destinées à soutenir les départements et d'autres collectivités affectés par les conséquences économiques de l'épidémie de covid-19. (834)

-

-

500,0

352,2

-

70,4 %

Total du compte de concours financiers

106 753,2

112 995,6

500,0

108 537,8

1,7 %

95,6 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le solde du compte s'est ainsi dégradé en 2020 de 2,9 milliards d'euros, alors que la LFI n'avait anticipé qu'une diminution de 126 millions d'euros . Il s'agit d'une inversion de tendance par rapport à l'excédent structurel de ce solde constaté depuis 2013.

Cette dégradation s'explique également par la forte diminution du produit de la fiscalité locale . Elle s'explique également par le financement des avances de DMTO aux départements . Le solde du programme 834 a vocation à être structurellement déficitaire puisqu'en application de l'article 25 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, les remboursements ne pourront intervenir qu'à compter de 2022.

Évolution du solde annuel du compte de concours
financiers entre 2007 et 2020

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Au 31 décembre 2020, le solde cumulé du compte est déficitaire de 1,6 milliard d'euros , alors que celui-ci était encore excédentaire de 1,3 milliard d'euros fin 2019.

II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX : UNE EXÉCUTION FORTEMENT MARQUÉE PAR LA CRISE SANITAIRE

1. La mission ne finance qu'une partie des mesures de soutien aux collectivités territoriales adoptées dans le contexte de la crise

En exécution 2020, les mesures de soutien aux collectivités territoriales financées par la mission et le compte de concours financier environ 1 milliard d'euros en AE et 0,5 milliard d'euros en CP .

Dans le détail, ces mesures sont :

- la DSIL exceptionnelle (571,1 millions d'euros en AE et 9,4 millions d'euros en CP) qui a permis le financement de 3 357 projets au 31 décembre 2021 3 ( * ) ;

- la contribution de l'État aux achats de masques (134,2 millions d'euros en AE et 129,1 millions d'euros en CP) qui s'est traduite par une prise en charge à hauteur de 50 % des achats effectués entre le 13 avril et le 1 er juin 2020, bénéficiant à 16 000 collectivités 4 ( * ) ;

- les avances remboursables de compensation des pertes de DMTO aux départements (350 millions d'euros en AE et en CP) sollicitées par 40 départements en 2020. Ce montant a vocation à être régularisé en 2021 pour s'ajuster à la perte réelle de DMTO. Selon les estimations du député Jean-René Cazeneuve, seuls 8 départements y seraient finalement éligibles, pour un coût total du dispositif de 119 millions d'euros 5 ( * ) .

En dehors de la mission, d'autres mesures d'urgence ont été financées par prélèvements sur recettes , avec notamment :

- le mécanisme de garantie de ressources fiscales et domaniales (dit « filet de sécurité ») du bloc communal 6 ( * ) (549 millions d'euros) ;

- les mécanismes de filets de sécurité similaires en faveur des collectivités territoriales d'outre-mer et de la collectivité de Corse au titre de certaines ressources fiscales qui leur sont spécifiques 7 ( * ) (28 millions d'euros).

Il convient enfin de mentionner les avances remboursables versées aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et à Île-de-France Mobilités (IDFM) au titre de leurs pertes de recettes fiscales et tarifaires instituées par la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 , retracées par le compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». L'avance à IDFM s'est élevée en exécution 2020 à 1 175 millions d'euros (soit l'intégralité du montant prévu). Les 750 millions d'euros prévus pour financer les avances aux AOM ont quant à eux été reportés sur l'exercice 2021. 85 AOM ont sollicité le dispositif, pour un montant de 549 millions d'euros 8 ( * ) .

Au total, il apparaît qu'en exécution 2020, 1,0 milliard d'euros de crédits (CP) et de prélèvements sur recettes ont effectivement été mobilisés par l'État en faveur des collectivités territoriales (hors IDFM) en 2020 dans le cadre des mesures d'urgence ou de soutien .

Ce montant est à rapporter au coût de la crise pour celles-ci, estimé à environ 5,0 milliards d'euros par l'Observatoire des finances et de la gestion publiques locales (OFGL), qui se décomposent en 4,2 milliards d'euros de pertes de recettes et 0,8 milliard d'euros de dépenses supplémentaires.

Les rapporteurs spéciaux relèvent ainsi que si l'État a effectivement mobilisé des moyens conséquents pour soutenir les collectivités territoriales, l'essentiel de l'impact de la crise est resté à leur charge. Son coût n'a pu être absorbé que grâce à la bonne santé financière des collectivités territoriales à l'échelle nationale, imputable au dynamisme de la fiscalité locale mais aussi à d'importants efforts consentis en gestion, et qui s'est traduite par cinq exercices consécutifs d'excédents budgétaires entre 2015 et 2019.

Principales mesures de soutien de l'État aux collectivités territoriales
en 2020 (CP et PSR)

(en millions d'euros)

Mesure

Financement

Prévision 2020

Exécution 2020

DSIL exceptionnelle

Mission « Relations avec les collectivités territoriales »

0,0

9,4

Contribution aux achats de masques

Mission « Relations avec les collectivités territoriales »

60,0

129,1

Renforcement du fonds de stabilité des départements

Mission « Relations avec les collectivités territoriales »

85,0

0,0

Avances remboursables de DMTO

CCF « Avances aux collectivités territoriales »

500,0

352,2

Total RCT-ACT

645,0

490,7

Avance remboursable IDFM

CCF « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics »

1 175,0

1 175,0

Avances remboursables AOM

CCF « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics »

750,0

0,0

« Filet de sécurité » bloc communal

PSR

625,0

549,0

« Filet de sécurité » outre-mer et Corse

PSR

46,0

28,0

Total général

3 241,0

2 242,7

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Les mesures de crise ont fortement affecté la gestion et entraîné d'importants reports sur 2021

Le financement des mesures d'urgence a eu un impact important sur la gestion 2020.

On constate en premier lieu des mouvements de crédits en direction de ces dispositifs :

- le dispositif de contribution aux achats de masques a notamment bénéficié d'un dégel de crédits mis en réserves à hauteur de 73,6 millions d'euros ainsi que d'un redéploiement de 30 millions d'euros de crédits initialement alloués à la DSIL « classique » ;

- la DSIL « exceptionnelle », pour laquelle aucun CP n'a été ouvert en loi de finances rectificative, a finalement bénéficié d'un redéploiement de 9,4 millions d'euros en CP également issus de la DSIL « classique » afin de financer des avances versées en faveur de projets déjà engagés.

Surtout, l'exercice 2020 s'est caractérisé par des reports de crédits conséquents sur le programme 119 , portant notamment sur :

- le reliquat du milliard d'euros d'AE de DSIL exceptionnelle (soit 428,9 millions d'euros) ouvert par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 ;

- l'enveloppe de crédits supplémentaires de 85 millions d'euros allouée au fonds de stabilité des départements , au titre duquel 200 millions d'euros ont été ouverts par la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 (contre 115 millions d'euros annuels prévus par la loi 9 ( * ) ) ;

Il est à noter que la crise sanitaire n'est pas l'unique cause des reports de crédits, puisque le soutien aux collectivités du département des Alpes-Maritimes affectées par la tempête Alex a également justifié un report de crédits sur le programme 122, à hauteur de 95,6 millions d'euros en AE et 20,8 millions d'euros en CP.

Évolution des crédits reportés sur l'exercice suivant entre 2019 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les notes d'analyse de l'exécution budgétaire de la Cour des comptes

Si ces reports sont compréhensibles compte tenu du caractère exceptionnel de l'année 2020, ils peuvent tout de même susciter certaines interrogations .

Le milliard d'euros de DSIL exceptionnelle ouvert en loi de finances rectificative semblait en effet avant tout relever de l'affichage politique , au détriment de la sincérité budgétaire, le Gouvernement ne pouvant ignorer que l'atteinte d'un tel niveau de consommation d'AE en six mois était impossible.

Par ailleurs, le mode de financement du fonds de stabilisation interroge. En effet, les modalités de fonctionnement et le montant annuel alloué à ce fonds (115 millions d'euros), qui permet de soutenir les départements dont la situation financière est particulièrement fragilisée au regard des charges induites par le financement obligatoire des allocations individuelles de solidarité (AIS), sont fixées par la loi. Il est donc permis de se demander pour quelle raison, comme en 2019, les crédits qui lui sont afférents ont été ouverts en PLFR de fin de gestion. Dans le cas précis de l'année 2020, ces crédits ont été augmentés par une enveloppe exceptionnelle de 85 millions d'euros, aussitôt reportée sur l'exercice 2021. Il aurait été davantage lisible d'ouvrir les 115 millions d'euros de crédits du fonds au titre de l'année 2020 dès la loi de finances initiale pour 2020, et de prévoir en loi de finances initiale pour 2021 une enveloppe renforcée de 200 millions d'euros.

En tout état de cause, le soutien budgétaire de l'État aux départements, qui font face à des dépenses sociales en très forte croissance dans le contexte de la crise, est indispensable . Sur les seules dépenses de revenu de solidarité active (RSA), une hausse de 7,5 % (soit 787 millions d'euros) 10 ( * ) a été constatée en 2020. À cette aune, il n'est pas certain que les 85 millions d'euros supplémentaires alloués au fonds de stabilisation en 2021 soient pleinement à la hauteur des enjeux .

3. Les points de vigilance déjà identifiés concernant l'évolution des dotations d'investissement aux collectivités territoriales subsistent

Lors de leurs précédents rapports sur l'exécution des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », les rapporteurs spéciaux avaient insisté sur la nécessaire vigilance à accorder au rythme de consommation des CP au titre des dotations d'investissement , afin de soutenir efficacement l'effort d'investissement mené par les collectivités territoriales. Cet enjeu est d'autant plus important dans le contexte de la relance, les administrations publiques locales réalisant près de 60 % de l'investissement public total 11 ( * ) .

La Cour des comptes relève à ce titre une hausse préoccupante des restes à payer au titre des trois principales dotations d'investissement portées par le programme 119 12 ( * ) , l'écart entre les AE et les CP consommés ayant triplé entre 2016 et 2020 .

Consommation de crédits des dotations à l'investissement
sur la période 2016-2020 (AE et CP)

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent donc que souscrire à la recommandation de la Cour tendant à renforcer la fiabilité des échéanciers de paiement , ce d'autant plus que l'enjeu est accentué par l'engagement prévu de 1 milliard d'euros supplémentaire en 2020 et 2021 au titre de la DSIL exceptionnelle.


* 1 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 2 Loi n° 2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 3 Source : ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ( lien ).

* 4 Observatoire des finances et de la gestion publiques locales, Pré-rapport 2021.

* 5 Jean-René Cazeneuve, Baromètre n° 4 au 31 mars 2021 de l'impact de la crise du covid-19 sur les finances locales, 18 mai 2021.

* 6 Article 21 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020.

* 7 Articles 22 à 24 troisième loi de finances rectificative pour 2020.

* 8 Observatoire des finances et de la gestion publiques locales, Pré-rapport 2021.

* 9 Article 261 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 10 Observatoire des finances et de la gestion publiques locales, Pré-rapport 2021.

* 11 Source : données DGFIP, 2019.

* 12 Il s'agit de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et de la dotation politique de la ville (DPV).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page