Rapport n° 250 (2022-2023) de M. Ronan LE GLEUT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 18 janvier 2023

Disponible au format PDF (835 Koctets)


N° 250

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 janvier 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d' Andorre relatif à l' exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique , consulaire , technique et administratif des missions officielles ,

Par M. Ronan LE GLEUT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Sénat :

143 (2021-2022) et 251 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Le présent accord s'inscrit dans la stratégie engagée en 2015 par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, intitulée « Ministère du XXI e siècle », qui tend à moderniser le Quai d'Orsay pour le rendre plus agile. L'un des objectifs du volet consacré au personnel est d'accroître sensiblement le nombre de conventions bilatérales permettant aux conjoints des agents affectés à l'étranger de travailler sur place, sans préjudice de leur statut diplomatique ou consulaire et de certaines immunités associées. Au total, quelque 3 000 familles d'agents publics pourraient bénéficier de ce dispositif, essentiellement des conjoints - ou partenaires de PACS - de fonctionnaires du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, auxquels s'ajoutent ceux d'agents issus d'autres administrations telles que le ministère des armées et le ministère chargé de l'économie et des finances.

Ces cinq dernières années, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné huit projets de loi autorisant l'approbation d'accords similaires, conclus avec huit pays d'Amérique, cinq pays européens, trois États africains et un pays asiatique. Ces accords répondent à une attente forte des agents des missions officielles en ce qu'ils clarifient la situation des membres de leurs familles qui souhaiteraient exercer une activité professionnelle rémunérée dans le pays d'accueil.

Le présent accord, conclu sur l'initiative de l'Andorre, a donc pour objet, sur la base de la réciprocité, de faciliter l'accès au marché du travail local des membres des familles des agents des missions officielles qui s'en trouvent parfois empêchés du fait de leur statut diplomatique ou consulaire. Les immunités de juridiction civile, administrative et d'exécution cesseront de s'appliquer pour les personnes concernées dans le cadre de leur nouvelle activité professionnelle, à la différence de l'immunité pénale qui pourra néanmoins faire l'objet, en cas de délit grave, d'une demande de renonciation écrite de la part de l'État accréditaire.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi , dont le Sénat est saisi en premier.

I. UN ACCORD DESTINÉ À AMÉLIORER LE CADRE D'EXPATRIATION DU PERSONNEL DIPLOMATIQUE, CONSULAIRE, TECHNIQUE ET ADMINISTRATIF

A. LE STATUT DE MEMBRE DE LA FAMILLE D'UN AGENT D'UNE MISSION OFFICIELLE

Les conventions de Vienne du 18 avril 1961 et du 24 avril 1963, relatives aux relations diplomatiques et consulaires, confèrent des privilèges et des immunités aux conjoints et aux personnes à charge des représentants d'un État en mission officielle dans un autre État.

L'article 37 de la convention du 18 avril 1961 stipule que « les membres de la famille de l'agent diplomatique qui font partie de son ménage bénéficient des privilèges et immunités mentionnés dans les articles 29 à 36 pourvu qu'ils ne soient pas ressortissants de l'État accréditaire » . Cette protection couvre entre autres l'inviolabilité de la personne, du domicile, de la correspondance et des biens, ainsi que les immunités de juridiction pénale, civile et administrative, sauf si l'action n'a pas de lien avec les fonctions officielles.

La convention du 24 avril 1963 prévoit quant à elle, à son article 57, que les privilèges et immunités des fonctionnaires consulaires de carrière sont accordés aux membres de leur famille vivant à leur foyer, sous réserve qu'ils n'exercent aucune activité privée lucrative dans l'État de résidence.

Par conséquent, les conventions de Vienne n'interdisent pas le travail rémunéré, mais prévoient, le cas échéant, la levée de certaines immunités. Les législations nationales sur le travail des étrangers peuvent toutefois empêcher les membres des familles desdits agents d'accéder à l'emploi. En effet, ces législations conditionnent généralement l'autorisation de travail à la détention de titres de séjour particuliers ; or, en France, comme dans la plupart des pays, le titre spécial de séjour délivré par le service du protocole de l'État d'accueil aux personnes à charge des agents diplomatiques ou consulaires, ne fait pas partie des titres régis par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile accordant de droit une autorisation de travail.

B. À TRAVERS CE TYPE D'ACCORDS, LE QUAI D'ORSAY SOUHAITE ENCOURAGER LA MOBILITÉ INTERNATIONALE DE SES AGENTS...

Pour éviter cet écueil, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a lancé en 2015 le projet « Ministère du XXI e siècle », prolongé en 2017 par le projet « Action publique 2022 », qui vise notamment à moderniser le cadre d'expatriation de ses personnels en poste à l'étranger, et à permettre aux membres de leurs familles d'y poursuivre leur carrière professionnelle. Cela participera d'une meilleure conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle des agents diplomatiques et consulaires.

À cet effet, le ministère a entrepris de conclure des accords bilatéraux pour permettre aux membres des familles de ses agents d'exercer une activité professionnelle rémunérée, tout en conservant leur statut diplomatique ou consulaire et le bénéfice des privilèges et immunités octroyés par les conventions de Vienne, hors du cadre professionnel. En outre, de tels accords simplifient la procédure d'obtention d'un permis de travail.

À ce jour, vingt-quatre accords de ce type ont été ratifiés 1 ( * ) , sept sont en cours d'examen au Parlement ou le seront prochainement 2 ( * ) , et treize autres sont en cours de négociation 3 ( * ) . Par ailleurs, la France a échangé des notes verbales, juridiquement non contraignantes, avec dix-huit pays 4 ( * ) : dans ce cadre, chaque État s'engage à examiner avec une attention bienveillante les demandes d'autorisation de travail qui seraient présentées par la mission diplomatique de l'autre État, dans le respect de sa législation. En outre, certains pays autorisent, sous certaines conditions, un accès à l'emploi en l'absence d'accord 5 ( * ) . Enfin, les démarches engagées avec près d'une vingtaine de pays 6 ( * ) n'ont pas abouti, soit parce qu'il était impossible de parvenir à la signature d'un accord, soit en raison du cadre d'accès à l'emploi local jugé insuffisamment sécurisant.

Il convient de rappeler que des facilités existent au sein de l'Espace économique européen, qui réunit trente États, ainsi qu'avec la Suisse, en vertu du principe de libre circulation des travailleurs. Tel n'est cependant pas le cas dans la plupart des États tiers de l'Union européenne.

L'objectif du ministère de l'Europe et des affaires étrangères est de porter à quatre-vingts le nombre de pays au sein desquels les membres des familles des agents des missions officielles pourront accéder au marché du travail sans perdre l'intégralité de leur statut spécifique.

C. ...AINSI QUE L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

À travers son plan d'action triennal (2021-2024) en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le Quai d'Orsay poursuit ses actions permettant aux membres des familles des personnels qui le souhaitent de poursuivre leur carrière à l'étranger.

Adopté en décembre 2020, ce plan d'action s'inscrit dans le cadre fixé par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui a rendu obligatoire son élaboration et sa mise en oeuvre par les employeurs publics, et donne un nouvel élan à la politique menée en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes au sein du ministère. Son troisième axe est précisément consacré à l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale, et comprend une mesure tendant à favoriser l'emploi des conjoints à l'étranger ; le nombre d'accords bilatéraux en vigueur pour leur emploi fait partie des indicateurs retenus pour cette mesure. Il constitue un vecteur important d'amélioration des conditions d'affectation des personnels à l'étranger, lesquels souhaitent davantage pouvoir concilier leur carrière avec celle de leur conjoint.

D'après les informations transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, quelque 700 conjoints d'agents 7 ( * ) affectés à l'étranger exercent actuellement une activité professionnelle. Par ailleurs, en 2022, 70 ayants droit d'agents étrangers ont bénéficié d'une autorisation de travail en France ; 11 demandes concernaient l'exercice d'une profession réglementée (médecin, avocat, enseignant, etc.).

II. UN ACCORD AUX DISPOSITIONS CLASSIQUES ET À LA PORTÉE LIMITÉE

A. LES CONDITIONS D'ACCÈS À L'EMPLOI EN ANDORRE

L'Andorre n'est membre ni de l'Union européenne 8 ( * ) , ni de l'Espace économique européen, pas plus que de l'espace Schengen. Par conséquent, une convention tripartite, signée en 2000 par la France, l'Andorre et l'Espagne, a fixé les conditions d'obtention d'un titre de séjour et d'exercice d'une activité professionnelle par nos ressortissants établis dans la principauté, et réciproquement.

À la lumière de cet instrument, la question de l'opportunité de signer le présent accord bilatéral s'était posée. Un tel texte est néanmoins apparu utile pour permettre aux membres des familles des agents diplomatiques et consulaires d'exercer une activité professionnelle sur le sol andorran sans renoncer complètement à leur statut spécifique. En outre, le cadre juridique ainsi posé est nécessaire pour les membres des familles - en particulier les conjoints - qui ne possèdent pas la nationalité française.

Convention entre la République française, le Royaume d'Espagne
et la Principauté d'Andorre relative à l'entrée, à la circulation, au séjour
et à l'établissement de leurs ressortissants, signée à Bruxelles le 4 décembre 2000 (extraits)

Article 3

Pour un séjour de plus de quatre-vingt-dix jours sur le territoire d'une Partie contractante, les ressortissants de l'autre Partie doivent être en possession d'un titre de séjour dont la validité est fixée conformément à la législation de l'État d'accueil.

Article 4

Sans préjudice des dispositions de l'article 7, alinéas 3 et 4, et de l'article 9, les conditions d'établissement appliquées aux ressortissants andorrans sur le territoire de l'autre Partie sont au moins aussi favorables que celles que la France et l'Espagne appliquent aux ressortissants des États membres de l'Union européenne.

Les ressortissants français et espagnols peuvent s'établir en Andorre conformément à la législation andorrane. Les conditions d'établissement appliquées aux ressortissants français et espagnols sont toujours au moins aussi favorables que celles que l'Andorre applique aux ressortissants de tout autre État.

Au moment de leur renouvellement, les titres de séjour délivrés ont une durée au moins égale à celle des titres qu'ils remplacent.

[...]

Article 7

Les ressortissants d'une Partie contractante établis sur le territoire de l'autre Partie, conformément à l'article 4 de la présente Convention, peuvent y exercer toute activité professionnelle salariée dans les mêmes conditions que les ressortissants de cette dernière.

Les ressortissants français et espagnols qui peuvent justifier, en conformité avec la législation andorrane, d'une résidence effective et ininterrompue en Andorre d'une durée minimum de dix ans, peuvent, dans les mêmes conditions que les ressortissants andorrans, exercer toute activité professionnelle non salariée, à l'exclusion des professions libérales, participer au capital des sociétés commerciales andorranes et exercer des fonctions d'administration ou de représentation de ces dernières.

Les ressortissants d'une Partie contractante peuvent exercer une profession libérale sur le territoire de l'autre Partie dans les conditions fixées par la législation ou la réglementation de l'État d'accueil.

[...]

Chaque Partie contractante assure, entre ses ressortissants et ceux de l'autre Partie qui exercent légalement une activité professionnelle sur son territoire, l'égalité de traitement en matière de conditions de travail, en conformité avec la législation de l'État d'accueil.

Les ressortissants français et espagnols qui peuvent justifier d'une résidence effective et ininterrompue et de l'exercice d'une activité professionnelle, salariée ou non salariée, en Andorre, d'une durée minimum de cinq ans, en conformité avec la législation andorrane, reçoivent de plein droit, au moment du renouvellement de leur titre de séjour, un titre de la durée la plus longue prévue par la législation andorrane, sans préjudice des motifs d'ordre public, de sécurité ou de santé publiques.

Article 8

L'accès aux emplois du secteur public dont les attributions ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté ou comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'État ou des autres collectivités publiques est réservé aux nationaux.

La Principauté d'Andorre peut réserver l'accès aux emplois du secteur public à ses ressortissants lors d'un premier concours. Ce concours est également ouvert aux ressortissants français et espagnols exerçant une activité au sein du secteur public andorran. Dans le cas où ces emplois ne seraient pas pourvus à l'issue du premier concours, tous les ressortissants français et espagnols pourront se présenter à un deuxième concours dans les mêmes conditions que les ressortissants andorrans.

Chaque Partie contractante assure entre ses ressortissants et ceux de l'autre Partie légalement établis qui exercent une activité au sein du secteur public, l'égalité de traitement en matière d'accès aux emplois, de conditions de travail, et, en particulier, en ce qui concerne le renouvellement de leur contrat de travail.

La principauté offre des conditions d'emploi globalement comparables à celles qui prévalent en France. Néanmoins, la pratique du catalan, seule langue officielle du pays, peut s'avérer indispensable et constituer un frein à l'accès au marché du travail local - un diplôme de catalan est par exemple exigé pour accéder à tout emploi public, et la pratique de l'espagnol peut aussi s'avérer indispensable dans de nombreux secteurs 9 ( * ) .

Il convient également de souligner l'absence d'assurance chômage et de droits exportables pour les étrangers installés en Andorre, ce qui peut dissuader les travailleurs français de postuler à un emploi dans la principauté.

Enfin, il est nécessaire d'avoir une autorisation de travail pour pouvoir exercer une activité professionnelle salariée en Andorre, et obtenir ainsi un titre de résidence. La politique andorrane d'immigration est régie par une loi sur les quotas :

- en hiver, il existe un quota spécifique visant à répondre aux besoins des métiers du tourisme et des sports d'hiver (stations de ski, établissements d'hébergement et de restauration, agences de voyages, commerce de détail), deux secteurs qui contribuent fortement à l'économie andorrane. Chaque année, le gouvernement accorde des permis de séjour liés à ces activités ;

- en dehors de la période hivernale, le quota d'immigration est fixé d'après l'analyse des besoins économiques du pays. Suivant le profil du demandeur, il existe plusieurs types de résidence en Andorre pour lesquels des conditions administratives et financières spécifiques sont à remplir.

B. LE NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DU DISPOSITIF SERA TRÈS RESTREINT

D'après les statistiques andorranes, l'Andorre comptait, en 2021, environ 3 549 résidents français. L'ambassade de l'Andorre en France estime à quelque 1 100 le nombre d'Andorrans établis en France.

Ces communautés étant relativement modestes, les missions officielles de nos deux pays ont des effectifs limités :

- l'ambassade de France en Andorre compte quatre agents expatriés 10 ( * ) ; à ce jour, aucun membre de leurs familles n'a souhaité occuper un emploi dans la principauté ;

- l'ambassade d'Andorre en France compte également quatre agents enregistrés au protocole du Quai d'Orsay ; en outre, deux agents sont affectés auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg. D'après les informations transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, bien que l'un des agents de l'ambassade soit marié, aucun ayant droit (conjoint, ascendant ou enfant) n'est enregistré au protocole ; il n'y a donc eu, pour le moment, aucune manifestation d'intérêt pour le dispositif.

Lors de leur audition, tant l'ambassadeur de France en Andorre que la présidente du conseil consulaire ont mis en évidence le coût élevé de la vie dans la principauté, en particulier le prix de l'immobilier. Toutefois, l'indemnité d'expatriation versée aux agents du Quai d'Orsay affectés en Andorre est la plus faible pour une mobilité en Europe, avec la Principauté de Monaco. Ces éléments plaident donc en faveur d'une ratification du présent accord en ce qu'elle permettrait aux familles installées sur place de disposer d'une source supplémentaire de revenus, ce qui pourrait améliorer l'attractivité du poste diplomatique en Andorre, confronté à des difficultés de recrutement.

C. LES STIPULATIONS DE L'ACCORD

Le présent accord, conclu à la demande de l'Andorre, a pour objet de faciliter, sur la base de la réciprocité, l'accès au marché du travail local des membres des familles des agents des missions officielles qui s'en trouvent parfois empêchés par leur statut diplomatique ou consulaire particulier. Ses stipulations sont similaires à celles des accords de même nature précédemment conclus par la France.

1. Objet et définitions

Aux termes de l' article 1 er , « les membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif affecté dans une mission officielle de l'État d'envoi dans l'État d'accueil sont autorisés à exercer une activité professionnelle dans l'État d'accueil, dans les mêmes conditions que les ressortissants dudit État, sous réserve qu'ils remplissent les conditions législatives et réglementaires exigées pour l'exercice de l'activité professionnelle souhaitée, une fois obtenue l'autorisation correspondante ».

Le présent accord s'applique à « toute activité professionnelle salariée, qui implique la perception d'un salaire résultant d'un contrat de travail régi par la législation de l'État d'accueil, ou non salariée impliquant l'obtention d'un bénéfice économique » . En effet, le Quai d'Orsay a souhaité inclure les activités professionnelles non salariées dans le texte, comme il le fait à chaque fois que cela est possible.

Les termes employés dans l'accord sont définis à l' article 2 :

- les « missions officielles » font référence aux missions diplomatiques régies par la convention de Vienne de 1961, aux postes consulaires régis par celle de 1963 11 ( * ) et aux représentations permanentes de chacun des deux États auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège avec l'autre État ;

- l'expression « membres de la famille » désigne quant à elle :

o le conjoint ou partenaire lié par un contrat d'union légale en conformité avec la législation du pays d'envoi, disposant d'un titre de séjour spécial délivré par le ministère des affaires étrangères de l'État d'accueil,

o les enfants célibataires âgés de moins de 21 ans ou présentant un handicap physique ou mental, qui vivent à la charge de leurs parents et qui disposent d'un titre de séjour spécial,

o tout membre de la famille déclaré sous tutelle ou curatelle par le biais d'une décision judiciaire qui présente un handicap physique ou mental et qui dispose également d'un titre de séjour spécial. Cette catégorie de personnes n'est pas systématiquement mentionnée dans ce type d'accords.

Il est à noter qu'en Andorre, les couples de même sexe peuvent s'unir civilement depuis la loi qualifiée 34/2014 du 27 novembre 2014 relative aux unions civiles. Cette union civile accorde les mêmes droits qu'un mariage civil entre personnes de sexe différent ; la loi 30/2022 du 21 juillet 2022 mettra prochainement fin à la distinction terminologique entre une union civile et un mariage civil.

2. Procédure

La procédure de demande d'une autorisation de travail est détaillée à l' article 3 de l'accord. Cette procédure implique plusieurs obligations :

- l'ambassade de l'État d'envoi doit adresser la demande au protocole du ministère des affaires étrangères de l'autre partie, en précisant, entre autres, la nature de l'activité professionnelle envisagée et les informations sur l'employeur potentiel. Dans les trois mois suivant l'autorisation de travail, l'ambassade devra fournir la preuve que l'intéressé et son employeur se conforment à la législation de l'État d'accueil en matière de protection sociale ;

- le membre de la famille à l'origine de la demande doit présenter une nouvelle demande en cas de changement de situation professionnelle (nouvel employeur, souhait de changer d'activité professionnelle). En outre, il doit se conformer à la législation du pays d'accueil relative aux professions réglementées ; à ce titre, l'accord précise que l'autorisation peut être refusée si l'emploi envisagé est réservé par la législation de l'État d'accueil à ses seuls ressortissants, pour des raisons tenant à la sécurité et à l'ordre publics ou à la sauvegarde des intérêts de l'État. Enfin, les dispositions de l'accord n'impliquent pas la reconnaissance des titres, diplômes, niveaux ou études entre les deux États ( article 4 ).

La législation française distingue plusieurs types d'activité indépendante, notamment libérale, commerciale ou artisanale. Les activités libérales sont définies comme des prestations intellectuelles, techniques ou de soins requérant des qualifications professionnelles et le respect d'une déontologie professionnelle (avocat, médecin, architecte, etc.).

Le titre de séjour spécial délivré par le protocole ne permet pas de créer ou de posséder une entreprise dans le cadre d'une profession artisanale ou commerciale ; le demandeur peut néanmoins investir dans une société sans la créer, ni en être le représentant légal 12 ( * ) : il doit en confier la gestion, ou s'associer avec une tierce personne pouvant légalement se voir reconnaître le statut de commerçant ou d'artisan.

Aux termes de l' article 5 , l'autorisation accordée cessera lorsque les fonctions de l'agent auront pris fin, ou lorsque le bénéficiaire n'aura plus la qualité de « membre de la famille » telle que définie à l'article 2.

3. Régimes fiscal et de protection sociale

S'agissant de la protection sociale du salarié, l' article 4 prévoit que « le membre de la famille est soumis à la législation applicable en matière de droit du travail, d'imposition et de sécurité sociale de l'État d'accueil pour tout ce qui concerne son activité professionnelle dans cet État » .

Ainsi, en application de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, les intéressés devront être affiliés à l'assurance maladie française dès lors qu'ils exercent une activité professionnelle en France. En outre, les intéressés sont soumis à la législation fiscale de l'État d'accueil pour ce qui concerne l'imposition de leurs revenus. Enfin, l'article 4 précise que les privilèges douaniers cessent à compter de la date de l'autorisation d'exercer.

4. Immunités civiles, administratives et pénales

Les articles 6 et 7 traitent des immunités civiles, administratives et pénales.

Les immunités de juridiction civile et administrative, ainsi que l'immunité d'exécution, ne s'appliquent pas dans le cadre de l'exercice d'une activité professionnelle, à la différence de l'immunité pénale. Toutefois, en cas de délit grave commis dans le cadre professionnel, l'immunité de juridiction pénale peut faire l'objet d'une demande de renonciation de la part de l'État accréditaire ; en revanche, cette demande ne sera pas applicable à l'exécution de la sentence, qui devra faire l'objet d'une renonciation spécifique.

L'octroi de ces immunités est très important en ce qu'elles protègent nos diplomates de toute pression qui pourrait être exercée sur eux par l'intermédiaire de leur famille.

5. Dispositions finales

L' article 8 précise que l'accord s'applique, en France, aux membres de la famille des agents des missions officielles implantées dans les territoires métropolitains, ainsi que dans les départements ultramarins figurant en annexe, à savoir la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, la Guyane et Mayotte.

Enfin, les articles 9 et 10 traitent, de manière classique, de règlement des différends et d'entrée en vigueur de l'accord. À ce titre, l'Andorre a informé la partie française, en octobre 2021, de l'achèvement de son processus de ratification interne.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 18 janvier 2023, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Ronan Le Gleut sur le projet de loi n° 143 (2021-2022) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à l'exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles.

M. Christian Cambon, président . - Nous examinons le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à l'exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles, sur le rapport de notre collègue Ronan Le Gleut.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur . - Depuis 2018, notre commission a examiné huit projets de loi autorisant l'approbation d'accords similaires, conclus avec cinq pays européens, huit pays d'Amérique, trois États africains et un pays d'Asie.

La volonté de favoriser la mobilité géographique de ses agents a conduit le ministère de l'Europe et des affaires étrangères à moderniser le cadre d'expatriation et à tenir compte, notamment, du souhait croissant des familles de ses personnels, en particulier les conjoints et les partenaires de pacte civil de solidarité (PACS), d'occuper un emploi dans le pays d'affectation. En effet, la possibilité de poursuivre sa carrière professionnelle est un critère de plus en plus déterminant dans la décision d'expatriation.

À cet égard, des facilités existent au sein de l'Espace économique européen, qui regroupe trente États, en vertu du principe de libre circulation des travailleurs. Ce n'est pas le cas dans la plupart des pays situés hors des frontières de l'Union européenne.

Le Quai d'Orsay a donc entamé, en 2015, des négociations visant à tripler le nombre de conventions bilatérales permettant aux conjoints des agents en mission officielle à l'étranger d'avoir accès au marché du travail local, sans préjudice de leur statut diplomatique ou consulaire et de certaines immunités qui leur sont accordées. L'activité professionnelle rémunérée peut être exercée au sein d'une entreprise privée, ou bien au sein d'une structure française sous tutelle du ministère - ambassade, consulat, Institut français, Alliance française, établissement scolaire relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Au total, 3 000 familles d'agents publics pourraient bénéficier du dispositif, essentiellement des conjoints de fonctionnaires du Quai d'Orsay, auxquels s'ajoutent les conjoints d'agents issus d'autres administrations, telles que le ministère des armées ou encore le ministère chargé de l'économie et des finances.

Cet accord résulte de négociations engagées à la demande de la partie andorrane. Il a pour objet d'autoriser, sur la base de la réciprocité, les membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles à occuper un emploi pendant toute la durée d'affectation dudit personnel sur le territoire de l'autre partie. Cela participera à une meilleure conciliation de leur vie privée et de leur vie professionnelle.

L'accord s'appliquera, en premier lieu, au conjoint de l'agent ou à son partenaire de PACS ayant obtenu un titre de séjour spécial délivré par le protocole du pays d'accueil. L'Andorre reconnaît les unions civiles entre personnes du même sexe. L'accord concernera également les enfants célibataires vivant à la charge de leurs parents, âgés de moins de 21 ans ou présentant un handicap physique ou mental.

La procédure de demande d'autorisation de travail est détaillée dans l'accord. Toute demande doit être transmise par la mission officielle au ministère des affaires étrangères de l'autre partie. Une nouvelle demande doit être établie en cas de changement d'activité professionnelle ou d'employeur. Bien entendu, les bénéficiaires d'une autorisation de travail doivent se conformer à la législation sociale de l'État d'accueil, y compris lorsqu'ils exercent une profession réglementée. Il leur est interdit de poursuivre l'exercice de leur emploi après la fin de la mission officielle de l'agent de leur famille, ou lorsqu'ils cessent d'avoir la qualité de membre de la famille.

Enfin, les immunités de juridiction civile, administrative et d'exécution cessent de s'appliquer aux personnes concernées dans le cadre de leur nouvelle activité professionnelle, à la différence de l'immunité de juridiction pénale qui, en cas de délit grave commis dans le cadre de l'emploi salarié, pourra toutefois faire l'objet d'une demande de renonciation écrite par l'État accréditaire. L'octroi de ces immunités est très important, en ce qu'elles protègent nos diplomates de toute pression qui pourrait être exercée sur eux par l'entremise de leur famille, en particulier dans un pays sensible.

Cet accord répond à une volonté de notre diplomatie d'améliorer la qualité de vie des familles de leurs agents en mission. Il permettra principalement à leurs conjoints de mieux s'insérer dans le pays d'affectation et de poursuivre ou de diversifier leur parcours professionnel, en exerçant une activité rémunérée.

La portée de cet accord est certes limitée, compte tenu du nombre restreint d'agents affectés auprès des postes diplomatiques français et andorran. Néanmoins, eu égard aux difficultés d'attractivité que rencontre notre ambassade sur place, pénalisée par le coût élevé de l'immobilier et par une indemnité d'expatriation peu incitative, il est important de permettre aux conjoints des agents d'occuper un emploi salarié. La Principauté d'Andorre offre des conditions d'emploi similaires à celles que nous connaissons en France. Cependant, la connaissance du catalan ou de l'espagnol peut constituer un frein à l'accès au marché du travail local. En outre, l'Andorre ne propose aucun dispositif d'assurance chômage en cas de perte d'emploi.

Bien que le nombre de personnes concernées soit modeste, ce type d'accords est important pour nos concitoyens expatriés, car leurs partenaires ou conjoints interrompent leur carrière pour les accompagner à l'étranger. Ces instruments, juridiquement contraignants, leur permettent de poursuivre leur vie professionnelle et d'apporter des compétences nouvelles aux pays d'accueil ; il est donc essentiel d'élargir le tissu conventionnel à l'ensemble des pays où notre diplomatie est présente.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi. Son examen en séance publique est prévu le mercredi 25 janvier, selon la procédure simplifiée.

Mme Gisèle Jourda . - En Andorre, on parle plutôt l'andorran que le catalan.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur . - Dont acte.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

ANNEXE :
L'ACCÈS AU MARCHÉ DU TRAVAIL POUR LES PERSONNES À CHARGE DES MEMBRES DES MISSIONS OFFICIELLES

Situation au mois d'octobre 2022

Source : ministère de l'Europe et des affaires étrangères

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

• S. E. M. Jean-Claude Tribolet , ambassadeur de France en Andorre

• Mme Mélina Monteil , adjointe à la sous-directrice de l'Europe méditerranéenne

• M. Yannick Andrianarahinjaka , chef du pôle conventions à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire

• M. Valentin Allary-Lacroix , rédacteur à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire

• Mme Claire Giroir , conseillère juridique à la mission des accords et traités

Conseil consulaire en Andorre

Mme Catherine Métayer , présidente

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Déplacement en Andorre les lundi 16 et mardi 17 janvier 2023. À cette occasion, le rapporteur a rencontré :

• S. E. M. Jean-Claude Tribolet , ambassadeur de France en Andorre

• M. Pascal Escande , directeur de cabinet du représentant du coprince français

• Mme Catherine Métayer , présidente du conseil consulaire en Andorre


* 1 Albanie, Argentine, Arménie, Australie, Bénin, Bolivie, Brésil, Burkina Faso, Canada, Chili, Congo, Costa Rica, Équateur, États-Unis, Moldavie, Nicaragua, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Serbie, Turkménistan, Uruguay et Venezuela.

* 2 Andorre, Émirats arabes unis, Kosovo, Namibie, Panama, Sénégal et Sri Lanka.

* 3 Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Corée du Sud, Guatemala, Kazakhstan, Macédoine du Nord, Monténégro, Oman, Royaume-Uni, Taïwan, Togo, Vietnam et Zambie.

* 4 Afrique du Sud, Cambodge, Cap-Vert, Colombie, Gabon, Ghana, Guinée, Honduras, Inde, Israël, Japon, Malaisie, Maurice, Mexique, Ouganda, Salvador, Singapour et Zimbabwe.

* 5 Djibouti, Géorgie, Hong Kong (cadre formel non nécessaire) ; Maroc (pas d'objection à un emploi dans le réseau) ; etc. Cf. annexe.

* 6 Afghanistan, Angola, Arabie Saoudite, Birmanie, Guinée équatoriale, Irak, Iran, Jordanie, Koweït, Libéria, Libye, Mozambique, Niger, Ouzbékistan, Seychelles, Soudan, Thaïlande et Yémen.

* 7 Agents titulaires, contractuels et volontaires internationaux.

* 8 Depuis 2015, l'Andorre négocie, aux côtés de Monaco et Saint-Marin, un accord d'association avec l'Union européenne pour pouvoir accéder au marché intérieur. La Commission européenne et l'Espagne souhaitent conclure les négociations sous présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne, soit au second semestre 2023. Le gouvernement andorran s'est engagé à faire valider un éventuel accord par référendum ; à ce jour, l'adhésion des acteurs économiques au projet d'association, tout autant que celle de de l'opinion publique, demeure incertaine.

* 9 La moitié de la population n'est pas andorrane mais étrangère, en grande partie espagnole ; l'espagnol est ainsi la principale langue de communication.

* 10 Les attachés sectoriels (chef du service économique régional, attaché douanier et attaché de sécurité intérieure) sont en résidence à Madrid, et il n'y a ni consulat ni d'Institut français en Andorre. En outre, la délégation à l'enseignement français en Andorre et ses 300 personnels enseignants, qui sont partie intégrante du système éducatif public andorran, relèvent de l'académie de Montpellier et non de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

* 11 L'Andorre a ratifié les conventions de Vienne en 1996, soit trois ans après l'entrée en vigueur de sa constitution.

* 12 C'est-à-dire être considéré comme commerçant au sens du code de commerce.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page