II. UN ALIGNEMENT CONTESTABLE DES SANCTIONS SUR LES LIAISONS CORSE-CONTINENT

A. UNE CONCURRENCE SOCIALE LIMITÉE PAR LE DISPOSITIF DE L'ÉTAT D'ACCUEIL

Le dispositif dit « de l'État d'accueil » est un aménagement au principe de libre prestation des services prévu par le règlement européen du 7 décembre 1992. Il vise à garantir l'application de règles uniformes en matière de droit du travail et de protection sociale à bord des navires opérant sur certaines liaisons de cabotage maritime ou réalisant certaines prestations de services à l'intérieur des eaux d'un État membre. En particulier, les lignes de transport de passagers reliant la Corse et la France continentale relèvent du champ d'application du dispositif.

Quel que soit leur pavillon, les navires entrant dans le champ d'application du dispositif sont soumis aux mêmes dispositions relatives à la nationalité des équipages et aux effectifs à bord que les navires battant pavillon français. En matière de droit du travail, les dispositions légales et les stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés sur les navires relevant du dispositif de l'État d'accueil sont celles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France, notamment en matière de libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, de salaire minimum, de durée du travail ou de santé et sécurité au travail.

Par ailleurs, les gens de mer employés à bord d'un navire concerné par le dispositif bénéficient obligatoirement du régime de protection sociale d'un État membre comprenant une couverture des risques santé (prenant en charge les accidents du travail et les maladies professionnelles), maternité-famille, emploi et vieillesse.

Il en résulte que les liaisons maritimes concernées sont largement protégées des pratiques de dumping social contre lesquelles l'article 1er de la proposition de loi entend lutter. En revanche, il peut exister des enjeux de distorsion de concurrence entre les compagnies opérant sous pavillon français et celles qui utilisent un pavillon étranger, notamment le pavillon international italien, et peuvent ainsi bénéficier de conditions fiscales et sociales plus favorables.

B. DES PROPOSITIONS EN DÉCALAGE AVEC L'OBJET DU TEXTE

Les articles 1er bis et 1er ter, introduits en séance publique à l'Assemblée nationale, concernent les sanctions qui peuvent être prononcées dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil.

Ainsi, l'article 1er bis vise à inscrire dans la loi et à renforcer les sanctions pénales applicables en cas de non-respect du salaire minimum légal ou conventionnel. En cas de paiement d'une rémunération inférieure au SMIC, la première infraction serait ainsi punie de 7 500 euros d'amende, contre 1 500 euros actuellement ; la récidive pourrait être punie de six mois d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. L'échelle des sanctions pénales applicables dans ce cadre serait ainsi alignée sur celle qui s'appliquerait dans le cadre de la « loi de police » prévue par l'article 1er et s'écarterait du droit commun du travail.

Quant à l'article 1er ter, il tend à créer un régime de sanctions administratives dans des matières autres que le salaire minimum, pour lequel elles existent déjà. L'autorité administrative pourrait ainsi prononcer une amende d'un montant maximum de 4 000 euros en cas de manquement aux règles relatives au droit du travail, à la protection sociale, mais aussi à la déclaration des accidents survenus à bord, aux personnels désignés pour aider les passagers en situation d'urgence ou aux documents obligatoires.

La commission a considéré que les mesures proposées, qui ne portent que sur les sanctions et ne modifient pas les normes sociales applicables sur les navires concernés, ne sont pas de nature à répondre aux problématiques de concurrence sur le marché des liaisons Corse-continent.

D'une part, ces enjeux de concurrence relèvent du niveau de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne l'harmonisation de l'encadrement du recours aux pavillons internationaux sur les liaisons intra-européennes. D'autre part, il serait plus efficace de renforcer les moyens de contrôle et d'appliquer effectivement les sanctions existantes pour veiller au respect des règles de l'État d'accueil.

Au total, les auditions menées par le rapporteur n'ont pas permis de mettre en évidence la nécessité d'introduire ces mesures, dont la rédaction aurait mérité des travaux plus approfondis. Par ailleurs, l'introduction de mesures concernant le cabotage en Méditerranée dans un texte visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche risque de brouiller les intentions du législateur, alors que la situation de ces deux marchés est difficilement comparable.

À l'initiative de son rapporteur, la commission a donc supprimé ces deux articles.

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