II. DES CONDITIONS DE RATIFICATION QUI ONT SAPÉ LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE DE L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL

En raison de son caractère mixte, l'absence de ratification de l'AECG par l'ensemble des États-membres de l'Union européenne n'a pas empêché une application provisoire de la partie relevant des compétences exclusives de l'Union européenne depuis le 21 septembre 2017. Ainsi, plus de 90 % de l'accord est actuellement mis en oeuvre.

Juridiquement, l'application provisoire de l'accord ne soulève pas d'objection. En effet, le 5. de l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) prévoit la possibilité pour le Conseil, sur proposition du négociateur, d'adopter une décision autorisant la signature de l'accord et, le cas échéant, son application provisoire avant l'entrée en vigueur. La mise en oeuvre provisoire de l'AECG a été autorisée par la décision (UE) 2017/38 du Conseil du 28 octobre 2016.

D'un point de vue démocratique, cette décision de recourir au régime d'application provisoire apparaît cependant contestable, les Parlements nationaux n'étant appelés à se prononcer qu'a posteriori, alors que la majeure partie de l'accord est déjà en vigueur. Au regard de la sensibilité des domaines couverts, il eut été préférable d'attendre une éventuelle ratification par l'ensemble des États-membres avant que celui-ci ne puisse commencer à produire des effets.

La stratégie du « fait accompli » retenue par la Commission européenne, tendant à privilégier la rapidité de mise en oeuvre en plaçant les Parlements nationaux au pied du mur, ne saurait être regardée favorablement par le Sénat.

Le Gouvernement français porte en outre une grande responsabilité dans la fragilisation de l'assise démocratique de la procédure de ratification de l'AECG. Il n'est en effet pas acceptable que le présent projet de loi n'ait jamais été inscrit à l'ordre du jour du Sénat, en dépit des promesses gouvernementales réitérées, et que l'examen de ce texte ait lieu près de 7 ans après l'entrée en vigueur provisoire de l'accord.

III. S'ILS NE SE SONT PAS MATÉRALISÉS À CE STADE, LES RISQUES QUE FAIT PESER L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL SUR LE SECTEUR AGRICOLE SUBSISTENT NÉANMOINS

A. UNE RECONNAISSANCE DES INDICATIONS GÉOGRAPHIQUES BIENVENUE MAIS NE COUVRANT QU'UNE PART MINORITAIRE DES INDICATIONS EUROPÉENNES ET FRANÇAISES

Les défenseurs de l'accord mettent en avant l'avancée que représenterait la protection de 143 indications géographiques européennes (représentant 171 produits, cf. annexe 20-A de l'accord).

Si cette reconnaissance va effectivement dans le bon sens, ces 171 produits ne représentent que 11,4 % des quelques 1 500 IG européennes alimentaires22(*).

Par ailleurs, au sein de cette liste, seuls 42 produits français (30 IG), sur un total 277 IG alimentaires, feront l'objet d'une protection au Canada.

Produits français protégés dans le cadre de l'AECG

Source : commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, d'après AECG

Il convient enfin de mentionner que la protection de ces indications souffre plusieurs exceptions (article 20.21).

Ainsi, pour le Munster, le Canada n'est pas tenu de prévoir des moyens juridiques permettant aux parties intéressées d'empêcher l'emploi des termes lorsque l'emploi de ces termes est accompagné d'expressions telles que « genre », « type », « style », « imitation » ou autres et est combinée à une indication lisible et visible de l'origine géographique du produit concerné. Par ailleurs, la possibilité d'utiliser cette indication sur le territoire du Canada par toute personne qui a utilisé l'indication en question à des fins commerciales avant le 18 octobre 2013 a été maintenue.

S'agissant du Beaufort et du Jambon de Bayonne, la possibilité d'utiliser cette indication sur le territoire du Canada est laissée à toute personne qui a utilisé l'indication en question à des fins commerciales pendant une période d'au moins dix ans avant la date du 18 octobre 2013. Une période de transition de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur du présent article, au cours de laquelle l'utilisation de cette indication ne doit pas être empêchée, s'applique à toutes autres personnes qui ont utilisé les indications en question à des fins commerciales pendant une période inférieure à 10 ans avant la date du 18 octobre 2013.


* 22 Source : https://www.tmdn.org/giview/gi/search.

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