SOMMAIRE

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N° 424

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mars 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, et de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part,

Par M. Pascal ALLIZARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Jean-Baptiste Lemoyne, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, André Guiol, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Claude Malhuret, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (15ème législ.) :

2107, 2123, 2124 et T.A. 324

Sénat :

694 (2018-2019), 410 et 425 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL UE-CANADA : UNE ÉPÉE DE DAMOCLÈS SUR NOTRE AGRICULTURE

Ce projet de loi vise à autoriser la ratification par la France de deux accords entre l'Union européenne et le Canada : l'accord économique et commercial global (ou comprehensive economic and trade agreement, CETA) et l'accord de partenariat stratégique, dont l'essentiel du contenu est appliqué de manière provisoire depuis 2017.

Adopté par l'Assemblée nationale le 23 juillet 2019, ce projet de loi n'a cependant jamais été inscrit à l'ordre du jour du Sénat par le Gouvernement.

En raison des risques qu'il fait peser sur notre agriculture - et même si, d'une part, ceux-ci ne se sont pas matérialisés à ce stade, et d'autre part, certains secteurs ont pu bénéficier, dans des proportions néanmoins limitées, de la mise en oeuvre de l'accord - il convient, dans un contexte de grande détresse du monde agricole, que la France envoie un signal fort à l'Union européenne en refusant de ratifier l'AECG.

Réunie le 13 mars 2024, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer l'article 1er qui autorise la ratification de l'AECG. Elle a ensuite rejeté le projet de loi dans son ensemble.

I. UNE PROCÉDURE DE RATIFICATION INACHEVÉE QUI N'A CEPENDANT PAS EMPÊCHÉ L'APPLICATION PROVISOIRE DES ACCORDS DEPUIS 2017

A. À CE JOUR, 17 ÉTATS MEMBRES ONT RATIFIÉ L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL (AECG-CETA)

Après avoir été approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017 et ratifié par le Canada le 11 mai 2017, l'accord économique et commercial global est appliqué de manière provisoire depuis le 21 septembre 2017. Seules les stipulations n'entrant pas dans le champ des compétences exclusives de l'Union européenne sont exclues de cette mise en oeuvre.

Si 17 États membres l'ont déjà approuvé, 10 autres (la France, la Belgique, l'Italie, la Pologne, l'Irlande, la Bulgarie, Chypre, la Slovénie, la Grèce et la Hongrie) n'ont toujours pas ratifié l'accord1(*).

Transmis au Sénat le 23 juillet 2019, ce texte n'a cependant jamais été inscrit à l'ordre du jour par le Gouvernement, en dépit de demandes en ce sens du Sénat et d'assurances de la part de l'exécutif sur la poursuite de l'examen parlementaire.

B. UNE PROCÉDURE PLUS AVANCÉE S'AGISSANT DE L'ACCORD DE PARTENARIAT STRATÉGIQUE

L'accord de partenariat stratégique (APS) actualise l'accord-cadre de coopération commerciale et économique de 1976 entre l'Union européenne et le Canada. Il fournit un cadre de coopération renforcé entre l'Union européenne et le Canada dans différents domaines clés tels que la défense et la promotion des droits de l'Homme, des libertés fondamentales, de la démocratie et de l'État de droit (titre II), la paix et la sécurité internationales ainsi que la promotion du multilatéralisme (titre III), le développement économique et durable (titre IV), ou encore la justice, la liberté et la sécurité (titre V).

L'accord a été formellement signé le 30 octobre 2016 et est appliqué de manière provisoire depuis le 1er avril 2017, pour la partie relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne. L'accord portant sur des champs de compétence mixte, il doit être ratifié par l'ensemble des États membres de l'Union européenne avant de pouvoir entrer pleinement en vigueur. Seuls 3 États membres n'ont pas ratifié l'APS (la France, l'Irlande et l'Italie).

En France, le projet de loi autorisant la ratification de l'AECG et de l'APS a été adopté par l'Assemblée nationale le 23 juillet 2019.

II. UNE ANALYSE « BÉNÉFICE-RISQUE » QUI DOIT CONDUIRE À REJETER L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL

A. L'AECG : UN ACCORD AU CONTENU TRÈS LARGE

1. Une disparition quasi-totale des barrières tarifaires

L'AECG vise tout d'abord à éliminer les droits de douane sur 99 % des lignes tarifaires.

S'agissant du secteur agricole et agroalimentaire, l'AECG supprime la plupart des tarifs douaniers (93,8 % des droits pour l'Union européenne et 91,7 % pour le Canada), ces derniers se situant auparavant entre 10 % et 25 % et pouvant atteindre des taux bien supérieurs, de 227 % pour les fromages par exemple.

Par ailleurs, certains produits agricoles considérés comme sensibles demeurent soumis à un contingentement tarifaire. Ces dérogations concernent le boeuf canadien (45 840 tonnes), le porc (75 000 tonnes) et le maïs doux (8 000 tonnes), ainsi que le fromage européen (18 500 tonnes2(*)).

Mesures de l'AECG concernant les produits agricoles et agroalimentaires

Source : commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat

2. Accord de « nouvelle génération », l'AECG vise également une réduction des barrières non-tarifaires

- En matière de commerce transfrontalier des services, l'Union européenne et le Canada se sont engagés à assurer un accès équitable à leurs marchés respectifs. En outre, le chapitre 11 de l'AECG établit un cadre pour la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, fixant les conditions générales pour la négociation d'accords de reconnaissance mutuelle (ARM).

- En matière de marchés publics, le chapitre 19 de l'accord détaille les secteurs dans lesquels les entreprises de l'Union européenne et du Canada sont autorisées à fournir des biens et des services aux administrations publiques de l'autre partie.

- S'agissant des investissements, l'Union européenne et le Canada se sont notamment engagés à accorder un traitement non discriminatoire aux investisseurs de l'autre partie et à lever les principaux obstacles à l'investissement étranger, tels que les contraintes liées à la forme juridique des entreprises, les plafonds de capitaux étrangers ou les prescriptions de résultats restreignant indûment les investissements. Pour assurer le respect de ces garanties juridiques, il est prévu la mise en place d'un mécanisme international de règlement des différends investisseur-État via la constitution d'un système juridictionnel des investissements (Investment Court System ou ICS).

- Enfin, des mesures relatives à la protection de la propriété intellectuelle sont prévues au chapitre 20 de l'accord. L'article 20.1 fixe ainsi un double objectif : « faciliter la production et la commercialisation de produits novateurs et créatifs et la prestation de services entre les parties » et « atteindre un niveau approprié et efficace de protection et de mise en oeuvre des droits de propriété intellectuelle ». L'AECG prévoit en outre la reconnaissance de 143 indications géographiques européennes, telles que le roquefort, le vinaigre balsamique ou le gouda, qui bénéficient ainsi au Canada d'une protection contre les imitations.

B. DES BÉNÉFICES MACROÉCONOMIQUES LIMITÉS

1. Au niveau européen

Les échanges de marchandises et de services entre l'Union européenne et le Canada ont crû de respectivement 66 % et 46 % entre 2016 et 2022.

Les exportations européennes vers le Canada ont progressé de 47 % sur la période, les hausses les plus importantes concernant les produits manufacturés, les produits chimiques, les denrées alimentaires et les produits d'origine animale. En 2023, les exportations européennes de biens vers le Canada atteignaient un montant de 49 Mds€3(*).

Dans le même temps, les exportations canadiennes vers l'Union européenne ont connu une augmentation de 46,4 %, les gains les plus importants ayant été enregistrés dans les secteurs des minerais, pierres et métaux précieux et des huiles et combustibles minéraux. En 2023, les exportations canadiennes de biens vers l'Union européenne atteignaient un montant de 28 Mds€.

S'agissant des produits alimentaires et agricoles, les exportations européennes ont augmenté de 62 %, tandis que les importations depuis le Canada ont crû de 52 %. Sur un contingent total s'élevant à 53 000 tonnes équivalent carcasse (téc) en 2023, les importations de viande bovine canadienne se sont ainsi élevées à un peu plus de 1 000 téc, soit un taux d'utilisation de 1,94 %. Un constat similaire peut être dressé s'agissant des importations de viande porcine canadienne, pour lesquelles le taux d'utilisation du contingent a atteint un pic en 2018 à 1,51 %.

Cette faible utilisation des contingents d'importations de viandes résulte principalement du fait que les filières bovine et porcine canadiennes ne se sont pas structurées pour répondre aux exigences sanitaires européennes (interdiction de la viande aux hormones notamment). Au total, une quarantaine d'élevages seraient ainsi certifiés pour exporter vers l'Union européenne

2. Au niveau français

Entre 2017 et 2023, le commerce de biens entre la France et le Canada a augmenté de 2 Mds€, passant de 6,3 Mds€ à 8,4 Mds€ (répartis à hauteur de 4,2 Mds € au titre des exportations4(*) et 4,2 Mds € au titre des importations), soit une augmentation de + 33 %, c'est-à-dire un niveau comparable à celui de la croissance du commerce extérieur français sur la même période (+ 35 %).

Évolution des exportations, des importations et du solde commercial de la France vis-à-vis du Canada

En millions d'euros

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Variation 2017/2023

Export

3 156

3 371

3 750

3 135

3 597

4 316

4 198

33%

Import

3 130

3 028

3 097

3 131

3 892

4 129

4 220

35%

Solde (arrondi)

25

343

653

4

- 295

188

- 23

 

Source : Direction générale du Trésor, réponses au questionnaire du rapporteur, d'après des données Douanes

Plusieurs secteurs ont enregistré une hausse sensible de leur excédent commercial, qu'il s'agisse des boissons (principalement les vins et spiritueux) avec un excédent commercial passé de + 475 M€ à + 591 M€ ou encore des produits laitiers (excédent commercial passé de + 37 M€ à + 59 M€).

Exportations de la France vers le Canada en 2017 et 2023

Source : direction générale du Trésor, réponses au questionnaire du rapporteur, d'après des données douanes

Les importations françaises vis-à-vis du Canada ont quant à elle crû de 35 % entre 2017 et 2023. En 2023, les importations de productions agricoles canadiennes se sont élevées à 52 téc de viande de boeuf5(*) (il convient cependant de rappeler que la viande bovine importée du Canada est essentiellement constituée des morceaux nobles d'aloyau ou de ses substituts), 6 téc de viande porcine, 2 400 tonnes d'éthanol et 21 M€ de sucre.

Les derniers chiffres du solde commercial de la France vis-à-vis du Canada laissent apparaître un déficit de 23 M€ en 2023.

Selon le CEPII, à l'horizon 2035, la mise en oeuvre de l'AECG se traduira en outre par une progression plus importante des importations de la France en provenance du Canada (+ 40,4 %) que des exportations françaises vers ce pays (+ 13,74%).

Au total, l'AECG ne contribuerait à une hausse de la croissance annuelle française que de l'ordre de 0,02 % à horizon 2035, contre 0,01 % pour l'Union européenne, et 0,4 % pour le Canada.

C. L'AECG COMPORTE D'IMPORTANTS RISQUES POUR L'AGRICULTURE FRANÇAISE

1. Des modèles d'élevage radicalement opposés

Les différences fondamentales entre les modèles d'élevage canadien et français, voire européen - qu'il s'agisse des modalités de prise en compte du bien-être animal, de l'alimentation animale ou encore de l'administration d'antibiotiques comme activateurs de croissance, mais également des conditions d'élevage, l'engraissement s'effectuant, au Canada, dans des feedlots de grande taille - conduisent nécessairement à un déficit de compétitivité en défaveur de nos éleveurs.

2. L'augmentation du taux d'utilisation des contingents de viande canadienne constitue un scénario vraisemblable

Plusieurs facteurs pourraient conduire à une augmentation du taux d'utilisation des contingents par les éleveurs canadiens.

En premier lieu, le Canada, qui exporte plus de 50 % de sa production nationale de viande bovine6(*), est à l'heure actuelle principalement tourné vers les marchés américain et asiatique. Tout retournement sur ces marchés conduirait les producteurs canadiens à se concentrer sur le marché européen, ce dernier constituant dans cette hypothèse un marché de repli pour le Canada.

En second lieu, si, à l'heure actuelle, les règles européennes relatives à l'utilisation de produits sanitaires et phytosanitaires constituent une limite au développement des importations de viande canadienne, cette situation ne pourrait être que temporaire pour plusieurs raisons :

- les éleveurs canadiens n'ont pas consenti, à ce stade, d'investissements importants pour se conformer aux exigences européennes dans la mesure où l'AECG n'a pas été définitivement ratifié et il existe donc un risque pour que celui-ci soit dénoncé à la suite d'un rejet par un État-membre. L'entrée en vigueur définitive de l'accord changera certainement la donne ;

- d'importants acteurs canadiens tels que JBS et Cargill commencent à manifester des signes d'intérêt pour le marché européen ;

- plus inquiétant, à l'occasion du comité mixte qui s'est tenu du 3 au 5 octobre 2023, l'Union européenne a confirmé que l'EFSA a reçu et évalué le dossier technique du Canada à l'appui de l'acide peroxyacétique (ou peracétique) en tant que substance de décontamination pour les carcasses de boeuf, le Canada indiquant garder « l'espoir d'un résultat favorable de la part de l'EFSA ».

Or, l'interdiction de l'usage de l'acide peracétique comme traitement organique de la carcasse constitue à l'heure actuelle l'une des principales raisons pour lesquelles les producteurs canadiens ne se sont pas tournés vers le marché européen.

Si l'Union européenne devait céder sur l'utilisation de l'acide peracétique pour la désinfection des carcasses, comme elle a pu le faire par le passé pour l'utilisation de l'acide lactique, un obstacle important pour les producteurs canadiens serait levé.

3. Une absence de « clauses miroirs » qui n'est pas acceptable

Les stipulations de l'AECG ne modifient aucune des règles sanitaires applicables à l'entrée dans le marché européen. Mais l'interdiction de l'utilisation de certaines substances applicable dans l'Union européenne ne concerne pas nécessairement les produits importés, du fait de la définition de limites maximales de résidus (LMR), c'est-à-dire de niveaux supérieurs de concentration de substances autorisés dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux.

Une stricte réciprocité des normes applicables nécessite la définition de « clauses miroirs ». Or aucune mesure de ce type ne figure dans l'AECG.

Dans son rapport de 2017, la commission d'évaluation de l'impact de l'AECG sur l'environnement, le climat et la santé relevait ainsi : « Pour les pesticides, le Canada autorise encore 46 substances actives qui ont été interdites depuis longtemps dans les autres pays. Les limites maximales de résidus de pesticides autorisées dans les produits alimentaires sont beaucoup moins exigeantes au Canada, voire pour certaines moins exigeantes que celles du Codex Alimentarius ».

En 2021, 97 substances actives phytopharmaceutiques non approuvées dans l'Union européenne, pour lesquelles des préoccupations sanitaires peuvent exister, et pour lesquelles des LMR supérieures à la limite de quantification sont établies et sont compatibles avec des usages phytosanitaires ont été recensées.

À ce jour, seules deux réglementations européennes peuvent être considérées comme introduisant une forme de mesures miroirs : l'interdiction des traitements hormonaux pour les animaux et l'interdiction d'utilisation de certains antimicrobiens ou de certains usages (promoteurs de croissance) pour les animaux élevés dans les pays tiers, dont les produits seraient importés dans l'Union européenne.

S'agissant de cette dernière interdiction, l'adoption du dernier acte d'exécution nécessaire est intervenue en janvier 20247(*). Ce texte apparaît cependant insuffisant dans la mesure où, d'une part, le contrôle de cette obligation ne reposera que sur la production d'une attestation vétérinaire et, d'autre part, que son entrée en vigueur n'interviendra qu'en 2026.

L'absence de mesures miroirs dans l'AECG se double en outre de demandes régulières de la partie canadienne pour une reconnaissance de certaines pratiques ou certains usages de substances actuellement interdits au sein de l'Union européenne, ou un assouplissement des règles européennes.

Le risque d'un nivellement par le bas des règles européennes ou, à tout le moins, d'un assouplissement de ces dernières en faveur des importations ne semble pas à exclure.

En tout état de cause, le respect de la réglementation européenne par les produits importés suppose l'existence de dispositifs de contrôle efficaces. Or, tant du côté européen que canadien, ceux-ci souffrent de lacunes.

Côté européen, il convient de relever que l'AECG prévoit un abaissement du taux de contrôle physique sur les produits animaux de 20 % à 10 % des lots dans les postes d'inspection aux frontières.

Côté canadien, à l'occasion d'un audit mené en 2019, la Commission européenne a relevé des défaillances dans le système de contrôle et de traçabilité. Un second audit conduit en 2022 a mis en évidence la persistance des lacunes constatées 3 ans plus tôt.

III. UN MESSAGE ADRESSÉ À L'UNION EUROPÉENNE ET AU GOUVERNEMENT QUI NE DOIT PAS ÊTRE INTERPRÉTÉ COMME UN REJET DU CANADA

A. DES CONDITIONS DE RATIFICATION QUI ONT SAPÉ LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE DE L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL

Si juridiquement, l'application provisoire de l'accord ne soulève pas d'objection, d'un point de vue démocratique, cette décision de recourir au régime d'application provisoire apparaît cependant contestable, les Parlements nationaux n'étant appelés à se prononcer qu'a posteriori, alors que la majeure partie de l'accord est déjà entrée en vigueur. Au regard de la sensibilité des domaines couverts, il eut été préférable d'attendre une éventuelle ratification par l'ensemble des États-membres avant que celui-ci ne puisse commencer à produire des effets.

La stratégie du « fait accompli » retenue par la Commission européenne, tendant à privilégier la rapidité de mise en oeuvre en plaçant les Parlements nationaux au pied du mur, ne saurait être regardée favorablement par le Sénat.

Par ailleurs, il n'est pas acceptable que le présent projet de loi n'ait jamais été inscrit à l'ordre du jour du Sénat, en dépit des promesses gouvernementales réitérées, et que l'examen de ce texte ait lieu près de 7 ans après l'entrée en vigueur provisoire de l'accord.

Le Gouvernement français porte une grande responsabilité dans la fragilisation de l'assise démocratique de la procédure de ratification de l'AECG.

B. UN ACCORD ANACHRONIQUE QU'IL CONVIENT DE REJETER

L'économie globale de l'AECG est fortement marquée par le contexte dans lequel il a été négocié puis signé. Or force est de constater que l'époque de la « mondialisation heureuse » est désormais derrière nous, qu'il s'agisse i) de la montée des préoccupations sociales, environnementales, sanitaires et relatives au bien-être animal, ii) de la nécessité, rappelée par la pandémie de COVID-19 puis la guerre en Ukraine, de renforcer notre souveraineté alimentaire et iii) de la question de l'avenir de l'agriculture européenne qui est de plus en plus prégnante comme en témoigne la récente mobilisation des agriculteurs européens pour dénoncer leur situation.

Ce changement de contexte ne semble cependant pas avoir été intégré par la Commission européenne qui continue de négocier des accords de libre-échange dont les stipulations se heurtent aux attentes des peuples européens.

Ignorer les évolutions intervenues depuis les négociations de l'AECG conduira à un renforcement de la défiance vis-à-vis de l'Union européenne.

C. UN REJET DE L'AECG QUI NE SAURAIT S'INTERPRÉTER COMME UN REJET DU CANADA

Si le Sénat ne saurait rester sourd face au cri d'alarme de l'agriculture française, il n'est pas à exclure qu'un rejet de l'AECG par notre assemblée soit interprété au Canada comme une prise de distance vis-à-vis de ce pays ami.

Il n'en est évidemment rien. Le Canada est et doit rester un partenaire et un allié de la France. Les liens qui unissent nos deux pays sont anciens et profonds qu'il s'agisse de la francophonie, que nous avons en partage, de notre alliance militaire, au sein de l'OTAN, dont le Canada est un membre fondateur, ou encore de l'alignement de nos positions sur la plupart des grands sujets de politique étrangère.

Le renforcement des liens entre nos deux pays apparaît d'autant plus fondamental dans un contexte géostratégique incertain marqué par la résurgence des conflits interétatiques, la multiplication des crises ainsi qu'une incertitude sur l'évolution de la relation transatlantique à quelques mois de l'élection présidentielle américaine.

PREMIÈRE PARTIE
DES ACCORDS VISANT UN RESSERREMENT DES LIENS ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LE CANADA

I. EN RAISON DE LEUR CARACTÈRE « MIXTE », L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL (AECG) ET L'ACCORD DE PARTENARIAT STRATÉGIQUE (APS) DOIVENT ÊTRE RATIFIÉS PAR L'ENSEMBLE DES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE POUR ENTRER PLEINEMENT EN VIGUEUR

A. AU NIVEAU EUROPÉEN, UN NOMBRE SIGNIFICATIF D'ÉTATS MEMBRES N'A TOUJOURS PAS RATIFIÉ CES DEUX ACCORDS

1. À ce jour, 17 États membres ont ratifié l'accord économique et commercial global

Lors du sommet Union européenne (UE)-Canada du 17 octobre 2008, l'Union européenne et le Canada se sont accordés sur l'intérêt d'examiner les avantages potentiels d'une collaboration économique plus étroite.

Des négociations en vue de conclure un accord économique et commercial global (AECG) ou comprehensive economic and trade agreement (CETA) ont débuté moins d'un an plus tard, à l'occasion du sommet UE-Canada du 6 mai 2009.

Le mandat de la Commission européenne a été fixé par les directives de négociations adoptées par le Conseil de l'Union européenne le 27 avril 2009, complétées en 2011 par des dispositions sur l'investissement.

Les négociations ont été finalisées lors du Sommet UE-Canada du 26 septembre 2014 et l'accord a été signé le 30 octobre 2016 à Bruxelles par les représentants de l'Union européenne, de ses États membres et du Canada. La signature de l'accord au nom de l'Union européenne a été autorisée par la décision (UE) 2017/37 du Conseil du 28 octobre 2016.

L'AECG constituant un accord « mixte », c'est-à-dire comprenant à la fois des stipulations relevant des compétences exclusives et des compétences partagées de l'Union européenne, une ratification par les parlements nationaux est nécessaire pour qu'il puisse être intégralement mis en oeuvre.

Après avoir été approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017 et ratifié par le Canada le 11 mai 2017, l'accord est appliqué de manière provisoire depuis le 21 septembre 2017 (cf. infra).

À la date de présentation du présent rapport, 17 États membres8(*) l'ont approuvé. Au total, 10 États membres (la France, la Belgique, l'Italie, la Pologne, l'Irlande, la Bulgarie, Chypre, la Slovénie, la Grèce et la Hongrie) n'ont donc pas ratifié l'accord.

S'agissant de Chypre, le parlement a rejeté l'accord le 31 juillet 2020. Pour autant, le Gouvernement chypriote envisagerait de soumettre ce texte à une nouvelle délibération et n'a pas notifié ce rejet à l'Union européenne, ne conduisant donc pas à une dénonciation définitive de l'accord.

Par ailleurs, le 11 novembre 2022, la Cour suprême irlandaise a considéré que la Constitution irlandaise empêchait le Gouvernement et le Parlement de ratifier l'accord en l'état actuel du droit irlandais.

2. Une procédure plus avancée s'agissant de l'accord de partenariat stratégique

Les discussions formelles sur l'accord de partenariat stratégique (APS) ont débuté lors du sommet UE-Canada à Prague en 2009. Ces négociations ont pris fin en septembre 2014, et l'accord a été formellement signé le 30 octobre 2016.

L'accord est appliqué de manière provisoire depuis le 1er avril 2017, pour la partie relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne.

L'accord portant sur des champs de compétence mixte, il doit être ratifié par l'ensemble des États membres de l'Union européenne avant de pouvoir entrer pleinement en vigueur.

À la date de présentation du présent rapport, seuls 3 États membres n'ont pas ratifié l'APS (la France, l'Irlande et l'Italie).

B. AU NIVEAU NATIONAL, UNE PROCÉDURE DE RATIFICATION AU POINT MORT DEPUIS 2019

En France, le projet de loi autorisant la ratification de l'AECG et de l'APS a été adopté à l'Assemblée nationale le 23 juillet 2019 par 266 voix « pour », 213 « contre » et 74 abstentions.

L'examen a donné lieu à d'âpres débats en séance et à une abstention importante au sein du groupe majoritaire.

Transmis au Sénat le 23 juillet 2019, ce texte n'a cependant jamais été inscrit à l'ordre du jour par le Gouvernement, en dépit de demandes en ce sens du Sénat9(*) et d'assurances de la part de l'exécutif sur la poursuite de l'examen parlementaire10(*).

L'examen du texte au Sénat résulte ainsi de son inscription à l'ordre du jour par le groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky dans le cadre de sa « niche » parlementaire.

Il prévoit, d'une part, l'autorisation de la ratification de l'AECG (article 1er) et, d'autre part, l'autorisation de la ratification de l'accord de partenariat stratégique (article 2).

II. L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL RECOUVRE UN CHAMP TRÈS LARGE DE SUJETS

Le préambule de l'accord fixe à ce dernier 3 objectifs principaux :

- resserrer davantage les liens économiques entre les parties ;

- créer un marché élargi et sûr pour leurs marchandises et services par la réduction ou l'élimination d'obstacles au commerce et à l'investissement ;

- établir des règles claires, transparentes, prévisibles et mutuellement avantageuses pour régir leurs échanges commerciaux et leurs investissements.

L'AECG constitue un accord de « nouvelle génération » c'est-à-dire intégrant à la fois une suppression quasi-totale des droits de douane ainsi qu'une diminution des barrières non-tarifaires.

Le champ de l'accord comprend ainsi, outre des stipulations relatives aux échanges, des mesures en matière de protection de la propriété intellectuelle, d'accès aux marchés publics, de protection des investisseurs, de reconnaissance des qualifications, dans le domaine des télécommunications ou encore du commerce électronique.

La mise en oeuvre de l'accord était censée se traduire par une augmentation de 25 % des échanges commerciaux des biens et services entre l'Union européenne et le Canada, du fait principalement de la quasi-totalité des droits de douane sur les biens échangés.

L'AECG comprend, outre un préambule, 30 chapitres, complétés par 64 annexes et protocoles, qui font partie intégrante de l'accord, conformément à l'article 30.1 de l'AECG, au même titre que l'instrument interprétatif commun adopté par l'Union européenne et le Canada lors de sa signature.

L'accord est appliqué de manière provisoire depuis 2017. Seules les stipulations n'entrant pas dans le champ des compétences exclusives de l'Union européenne sont exclues de cette mise en oeuvre.

Elles concernent en particulier la protection des investissements et système juridictionnel des investissements et l'accès au marché des investissements de portefeuille.

A. LES PRINCIPAUX VOLETS DE L'ACCORD

1. Une disparition quasi-totale des barrières tarifaires

L'objectif de l'AECG consiste à éliminer les droits sur 99 % des lignes tarifaires. Dès l'entrée en vigueur provisoire de l'accord, le Canada et l'Union européenne ont supprimé 98 % de leurs lignes tarifaires et sont convenus d'éliminer progressivement la quasi-totalité des lignes tarifaires restantes. Ainsi, au 1er janvier 2024, 99 % des lignes tarifaires ont été supprimées.

a) Pour les produits industriels et manufacturés, une suppression totale des droits de douane en 7 ans

Avant la mise en oeuvre provisoire de l'AECG, les droits de douane atteignaient en moyenne 2,3 % pour les importations européennes au Canada et 4,2 % pour les importations canadiennes au sein de l'Union européenne.

L'entrée en vigueur provisoire de l'accord s'est traduite par une disparition immédiate de 99,4 % des droits de douane sur les produits industriels et manufacturés pour l'Union européenne et de 99,6 % pour le Canada. Une exception a été prévue pour certaines marchandises concernant les industries automobiles et navales pour lesquelles une suppression progressive des barrières tarifaires, sur 3, 5 ou 7 ans, a été mise en place. À terme, la totalité des lignes tarifaires des produits industriels seront supprimées.

À titre d'exemple, le tarif douanier sur les articles d'habillement textile est passé de 16 % à 0 %. De même, les dispositifs médicaux et d'optique peuvent désormais être importés en franchise de droits à l'entrée alors qu'ils étaient soumis à un droit de douane de 8 % (cf. graphique ci-après).

Conséquences du démantèlement tarifaire sur les exportations de certains produits industriels vers le Canada

Source : Commission européenne

b) Dans le domaine agricole et agroalimentaire, des dérogations sont prévues pour certaines filières sensibles

Dans le secteur agricole et agroalimentaire, l'AECG supprime la plupart des tarifs douaniers (93,8 % des droits pour l'Union européenne et 91,7 % pour le Canada), ces derniers se situant auparavant entre 10 % et 25 % et pouvant atteindre des taux bien supérieurs, de 227 % pour les fromages par exemple.

Un échéancier est cependant prévu pour certains produits tels que l'orge, le malt, le sucre raffiné, la fécule de pomme de terre, les fleurs, certains poissons et produits de la mer.

Par ailleurs, certains produits agricoles considérés comme sensibles demeurent soumis à un contingentement tarifaire, c'est-à-dire à la suppression des droits de douanes pour une quantité limitée de produits. Ces dérogations concernent le boeuf canadien, le porc et le maïs doux ainsi que le fromage européen.

À titre d'exemple, le contingent de viande canadienne pouvant être importée dans l'Union européenne en franchise de droits de douane a été porté à 45 840 tonnes pour le boeuf (viande fraîche et congelée)11(*) et à 75 000 tonnes pour le porc12(*).

En sens inverse, le contingent de fromage européen pouvant être librement importé au Canada a été porté à 18 50013(*) tonnes à compter de 2022.

Mesures de l'AECG concernant les produits agricoles et agroalimentaires

Source : commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat

Contingents tarifaires appliqués par l'Union européenne sur les viandes bovines et porcines

(Quantité agrégée annuelle /
tonnes métriques - en équivalent poids carcasse)

Année

Viandes bovines fraîches ou réfrigérées

Viandes bovines congelées

Viande des animaux de l'espèce porcine

1

5 140

2 500

12 500

2

10 280

5 000

25 000

3

15 420

7 500

37 500

4

20 560

10 000

50 000

5

25 700

12 500

62 500

6 et chaque année suivante

30 840

15 000

75 000

Source : AECG

Contingents tarifaires appliqués par le Canada sur les fromages

(Quantité agrégée annuelle /
tonnes métriques)

Année

Fromage

Fromage industriel

1

2 667

283

2

5 333

567

3

8

850

4

10 667

1 133

5

13 333

1 417

6 et chaque année suivante

16 000

1 700

Source : AECG

Enfin, la viande de volaille ainsi que les oeufs et produits élaborés à partir d'oeufs ont été pour la plupart exclus des négociations avec le Canada.

2. Une libéralisation accrue du commerce de services

Le chapitre 9 de l'AECG porte sur le commerce transfrontalier des services. Ses stipulations visent à simplifier les échanges de services entre l'Union européenne et le Canada. En particulier, les parties s'engagent à assurer un accès équitable à leurs marchés respectifs.

Les annexes I et II fixent une liste de réserves, c'est-à-dire de secteurs pour lesquels les parties conservent la possibilité de déroger aux obligations découlant des stipulations du chapitre 9. Ces réserves visent à maintenir des mesures existantes (annexe I) et, le cas échéant, à adopter de nouvelles mesures (annexe II), notamment pour les services audiovisuels, les services publics, certaines professions réglementées (avocats et pharmaciens), les navires de pêche, les guides touristiques et les agences de presse.

Certains secteurs spécifiques sont également abordés dans des chapitres dédiés, tels que les services financiers (chapitre 13), les télécommunications (chapitre 15) et le transport maritime international (chapitre 14).

En outre, le chapitre 11 établit un cadre pour la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, fixant les conditions générales pour la négociation d'accords de reconnaissance mutuelle (ARM). Le Comité mixte de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles émet des recommandations conjointes concernant les ARM proposés. Si le comité estime qu'un ARM est conforme à l'accord, il est adopté et peut être intégré à celui-ci. L'ARM permet au fournisseur de services établi sur le territoire d'une partie d'exercer des activités professionnelles sur le territoire de l'autre partie.

En mars 2022, le Canada et l'Union européenne ont ainsi annoncé la conclusion de négociations relatives à un accord de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles des architectes. Il s'agit du premier accord en matière de qualifications professionnelles conclu par l'Union européenne avec un pays tiers.

3. Un accès facilité aux marchés publics

Le chapitre 19 de l'accord, dédié aux marchés publics, détaille les secteurs dans lesquels les entreprises de l'Union européenne et du Canada sont autorisées à fournir des biens et des services aux administrations publiques de l'autre partie.

Des dérogations sont prévues, concernant en particulier la recherche et le développement, les services financiers, l'administration publique, ainsi que les services relevant des domaines récréatif, culturel, sportif, éducatif et social, et les soins de santé. Par ailleurs, les parties conservent la possibilité d'entreprendre des actions ou de ne pas divulguer des informations jugées nécessaires à la protection de ses intérêts essentiels de sécurité. Ces actions sont liées, le cas échéant, aux marchés d'armes, de munitions, de matériel de guerre, aux marchés essentiels à la sécurité nationale et aux marchés liés à la défense nationale.

Un Comité des marchés publics est établi pour examiner les questions liées aux marchés publics soumises par une partie et échanger des informations sur les opportunités dans le domaine des marchés publics existant dans chaque partie.

Côté canadien, les engagements englobent divers domaines, notamment les marchés publics fédéraux et provinciaux, à l'exception de certaines situations spécifiques, la plupart des appels d'offres émis par les municipalités, ainsi que les procédures d'appels d'offres dans le secteur hospitalier.

4. Une amélioration du climat des investissements entre l'Union européenne et le Canada

Les stipulations relatives aux investissements figurent au chapitre 8 de l'AECG.

Les parties s'engagent ainsi à accorder un traitement non discriminatoire aux investisseurs de l'autre partie et à lever les principaux obstacles à l'investissement étranger, tels que les contraintes liées à la forme juridique des entreprises, les plafonds de capitaux étrangers ou les prescriptions de résultats restreignant indûment les investissements.

Pour assurer le respect de ces garanties juridiques, la section F du chapitre huit met en place un mécanisme international de règlement des différends investisseur-État via la constitution d'un système juridictionnel des investissements (Investment Court System ou ICS).

Le mécanisme de règlement des différends investisseur-État prévu par l'AECG

Au titre de l'article 8.18 de l'AECG, un investisseur peut déposer une plainte lorsqu'il estime que l'une des Parties a violé les dispositions relatives à la protection des investissements contre des mesures d'expropriation par exemple (Section D), et à l'interdiction de traitement discriminatoires, e.g. l'égalité de traitement entre les investisseurs de toutes nationalités (Section C).

Une fois la plainte déposée, une période de consultations s'engage. Un règlement à l'amiable peut intervenir à tout moment au cours de la procédure (article 8.19). Les parties peuvent également recourir à la médiation à tout moment (article 8.20). Si les parties n'ont pas pu s'accorder dans les 90 jours suivants le dépôt de la demande de consultations, l'investisseur, s'il est canadien, peut solliciter un avis déterminant si c'est l'Union européenne ou un Etat membre qui agira comme défendeur. Une réponse est attendue dans les 50 jours suivant cette sollicitation.

La procédure peut être conduite suivant les règlements d'arbitrage existants (CIRDI, CNUDCI, etc.). Le consentement explicite des deux Parties au différend est requis (articles 8.22 et 8.25). Lorsque l'investisseur choisit d'avoir recours au Tribunal de l'AECG, il renonce aux procédures judiciaires ou administratives nationales qui peuvent être pendantes.

Le Tribunal (de première instance) (article 8.27) est institué, dès l'entrée en vigueur de l'AECG, le Comité mixte de l'AECG nomme quinze membres du Tribunal, dont cinq ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, cinq ressortissants du Canada et cinq ressortissants de pays tiers. Une fois la plainte reçue, et dans les 90 jours suivant son dépôt, le président du Tribunal devra nommer les trois membres composant la division chargée d'instruire l'affaire parmi les 15 membres du Tribunal. La Cour d'investissement créée par le CETA inclus un ordre pyramidal : un Tribunal de première instance et un Tribunal d'appel. Habituellement un Tribunal est composé de 3 membres mais les parties peuvent convenir de la désignation d'un seul membre du Tribunal au hasard. Les membres du tribunal sont soumis à règles éthiques très strictes (article 8.30) et à un Code de conduite adopté en 2021 par le Comité des services et de l'investissement en prévision de l'entrée en vigueur de ce Chapitre. Les parties peuvent faire appel, auprès d'un Tribunal d'appel, dans les 90 jours qui suivent la sentence rendue en première instance, ce qui est le résultat de la création du mécanisme ICS.

En cas d'appel, le Tribunal d'appel, réuni en une division de trois membres également, examinera la décision sur trois fondements définis : erreurs dans l'application ou l'interprétation du droit applicable ; erreurs manifestes dans l'appréciation des faits, y compris l'appréciation du droit interne pertinent ; les motifs énoncés aux alinéas a) à e) de l'article 52(1) de la Convention du CIRDI. Si le Tribunal d'appel rejette l'appel, la décision de première instance devient définitive. Si l'appel est bien fondé, le Tribunal d'appel doit modifier ou annuler la décision de première instance en partie ou totalement. Le Tribunal d'appel peut statuer et rendre une décision définitive, ou décider de renvoyer l'affaire au Tribunal de première instance.

Source : Direction générale du Trésor, réponse au questionnaire du rapporteur

5. Un renforcement de la protection de la propriété intellectuelle

Les mesures relatives à la protection de la propriété intellectuelle sont l'objet du chapitre 20 de l'accord.

L'article 20.1 fixe un double objectif : « faciliter la production et la commercialisation de produits novateurs et créatifs et la prestation de services entre les parties » et « atteindre un niveau approprié et efficace de protection et de mise en oeuvre des droits de propriété intellectuelle ».

Dans le secteur pharmaceutique, par exemple, l'étude d'impact du présent projet de loi relève que l'accord doit permettre de renforcer le niveau de protection (articles 20.27 à 20.30) en prévoyant i) la possibilité d'étendre jusqu'à deux ans la protection (par l'instauration du certificat complémentaire de protection) pour compenser les retards dans l'octroi de l'autorisation de mise sur le marché, qui réduisent la durée de validité du brevet, ii) la possibilité pour l'ensemble des plaideurs de disposer d'un droit d'appel effectif en vertu du régime canadien dit « patent linkage » (lien entre l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament générique et le statut du brevet du médicament princeps) et iii) un engagement à conserver la pratique actuelle du Canada consistant à offrir 8 ans de protection des données.

L'AECG prévoit en outre la reconnaissance de 143 indications géographiques européennes, telles que le roquefort, le vinaigre balsamique ou le gouda, qui bénéficient ainsi au Canada d'une protection contre les imitations.

B. LA MISE EN PLACE D'UNE GOUVERNANCE AD HOC

Accord « vivant », l'AECG prévoit la mise en place de différentes instances de dialogue et de décision permettant une évolution de l'économie de l'accord dans le temps.

Le comité mixte de l'AECG (prévu à l'article 26.1), composé de représentants de l'Union européenne et de représentants du Canada, a la responsabilité de toutes les questions concernant le commerce et l'investissement entre les parties ainsi que de la mise en oeuvre et de l'application de l'accord. Une partie peut lui soumettre toute question afférente.

Le comité mixte supervise 9 comités spécialisés (dont la création est prévue à l'article 26.2) :

le comité du commerce des marchandises (prévu à l'article 2.13), sous l'égide duquel sont établis le comité sur l'agriculture, le comité sur les vins et les spiritueux et le groupe sectoriel mixte sur les produits pharmaceutiques, est chargé des questions concernant le commerce des marchandises, les droits de douane, les obstacles techniques au commerce, le Protocole de reconnaissance mutuelle des résultats de l'évaluation de la conformité et les droits de propriété intellectuelle liés aux marchandises ;

le comité des services et de l'investissement (prévu à l'article 8.44), sous l'égide duquel est établi le comité mixte de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles (prévu à l'article 11.5), chargé des questions concernant le commerce transfrontière des services, l'investissement, l'admission temporaire, le commerce électronique et les droits de propriété intellectuelle liés aux services ;

le comité mixte de coopération douanière (prévu à l'article 6.14), chargé des questions concernant les règles d'origine, les procédures d'origine, les douanes et la facilitation des échanges, les mesures aux frontières, et la suspension temporaire du traitement tarifaire préférentiel ;

le comité de gestion mixte pour les mesures sanitaires et phytosanitaires (prévu à l'article 5.14) ;

le comité des marchés publics (prévu à l'article 19.19) ;

le comité des services financiers (prévu à l'article 13.18) ;

le comité du commerce et du développement durable (prévu à l'article 22.4) ;

le forum de coopération en matière de réglementation (prévu à l'article 21.6) ;

le comité des indications géographiques (mentionné à l'article 26.2).

Si l'Union européenne est en principe représentée par les services de la Commission européenne au sein de ces comités, des représentants des États membres peuvent cependant participer aux réunions de certains comités, en particulier celles du comité de gestion mixte pour les mesures sanitaires et phytosanitaires et du comité des services et de l'investissement.

III. L'ACCORD DE PARTENARIAT STRATÉGIQUE RENFORCE LE CADRE DE COOPÉRATION ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LE CANADA

A. UN INSTRUMENT AU SERVICE DU RENFORCEMENT DE LA RELATION UNION EUROPÉENNE-CANADA

L'accord de partenariat stratégique (APS) actualise l'accord-cadre de coopération commerciale et économique de 1976. Comprenant 34 articles répartis en 7 titres, l'APS fournit un cadre de coopération renforcé entre l'Union européenne et le Canada dans différents domaines clés tels que la défense et la promotion des droits de l'Homme, des libertés fondamentales, de la démocratie et de l'État de droit (titre II), la paix et la sécurité internationales ainsi que la promotion du multilatéralisme (titre III), le développement économique et durable (titre IV), ou encore la justice, la liberté et la sécurité (titre V).

Dans le cadre de l'APS, l'Union européenne et le Canada se sont ainsi engagés à lutter contre le commerce illicite des armes légères et de petit calibre ou encore à collaborer en matières pénale, civile et commerciale.

B. LA MISE EN PLACE DE MÉCANISMES DE CONSULTATION...

L'article 27 de l'accord de partenariat stratégique met en place un mécanisme de consultation reposant notamment sur deux instances :

- le Comité ministériel conjoint (CMC), coprésidé par le ministre des Affaires étrangères du Canada et le haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, prend ses décisions avec l'approbation des deux parties, reçoit du comité de coopération conjoint (CCC) un rapport annuel sur l'état de la relation, et formule des recommandations connexes sur le travail du CCC, y compris sur les nouveaux domaines de coopération future et la résolution de tout différend découlant de la mise en oeuvre de l'accord. Le CMC se réunit annuellement, ou sur une base mutuellement convenue en fonction des circonstances ;

- le Comité de coopération conjoint (CCC) est chargé de proposer des priorités de coopération, surveiller l'évolution de la relation stratégique, garantir le bon fonctionnement de l'accord actuel, présenter un rapport annuel public sur l'état de la relation au comité ministériel conjoint, examiner les situations où l'une des parties estime que des processus décisionnels dans des domaines de coopération non couverts par un accord particulier ont causé ou pourraient causer un préjudice à ses intérêts. Le Comité de coopération conjoint a la possibilité de former des sous-comités. Il se réunit annuellement, alternativement sur le territoire de l'Union et du Canada, avec des réunions exceptionnelles possibles sur demande d'une des parties.

C. ...ET DE SANCTION EN CAS DE MANQUEMENT D'UNE PARTIE À SES OBLIGATIONS EN MATIÈRE DE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME ET DE NON-PROLIFÉRATION

Si les stipulations de l'accord de partenariat stratégique sont, pour l'essentiel, dépourvues d'obligations, cet accord va cependant au-delà de la simple déclaration d'intention.

Son article 28 met ainsi en place un mécanisme de sanction en cas de violation « particulièrement grave et substantielle » des obligations découlant de deux stipulations présentées comme « essentielles » : l'article 2 paragraphe 1 (respect des principes démocratiques, des droits de l'homme et des libertés fondamentales) et l'article 3 paragraphe 2 (prévention de la prolifération des armes de destruction massive).

L'article 28 précité prévoit ainsi qu'en cas d'urgence particulière, une partie peut saisir le CMC de la question, lequel peut demander au CCC de tenir des consultations urgentes dans un délai de 15 jours. Si le CCC n'est pas en mesure de remédier à la situation, il peut soumettre la question au CMC. En cas d'échec de la procédure devant le CMC, chacune des parties peut décider de suspendre l'application de l'accord.

L'article 28 précité prévoit en outre qu'une violation particulièrement grave et substantielle en matière de droits de l'homme ou de non-prolifération pourrait servir de fondement à la dénonciation de l'AECG.

SECONDE PARTIE
LA POSITION DE LA COMMISSION

I. UN IMPACT DE L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL SUR LES ÉCHANGES À CE STADE POSITIF MAIS QUI DEMEURE LIMITÉ

A. LES EXPORTATIONS EUROPÉENNES ET CANADIENNES ONT CRÛ DANS DES PROPORTIONS COMPARABLES

Dans une récente résolution du 17 janvier 202414(*), le Parlement européen a dressé un bilan de la mise en oeuvre provisoire de l'AECG au niveau européen.

Il y précise que les échanges de marchandises et de services entre l'Union européenne et le Canada ont crû de respectivement 66 % et 46 % entre 2016 et 2022. Ces échanges concernent notamment les machines et les équipements de transport, qui représentent environ 34 % des exportations et des importations, et les produits chimiques, pharmaceutiques et plastiques, qui correspondent à environ 20 % du total des exportations et des importations.

Les exportations européennes vers le Canada ont progressé de 47 % sur la période, les hausses les plus importantes concernant les produits manufacturés, les produits chimiques, les denrées alimentaires et les produits d'origine animale. En 2023, les exportations européennes de biens vers le Canada atteignaient un montant de 49 Md€15(*).

Dans le même temps, les exportations canadiennes vers l'Union européenne ont connu une augmentation de 46,4 %, les gains les plus importants ayant été enregistrés dans les secteurs des minerais, pierres et métaux précieux et des huiles et combustibles minéraux. Plus précisément, « le secteur de l'exploitation et de l'extraction minières, en particulier les engrais, le nickel, l'uranium et les sables bitumineux, est très important pour ce qui est des importations en provenance du Canada par rapport à d'autres partenaires commerciaux et est à l'origine de près de 20 % du total des importations de l'Union en provenance du Canada ». En 2023, les exportations canadiennes de biens vers l'Union européenne atteignaient un montant de 28 Md€.

S'agissant des produits alimentaires et agricoles, la résolution relève que les exportations européennes ont augmenté de 62 %, tandis que les importations depuis le Canada ont crû de 52 %.

Sur un contingent total (AECG et OMC) s'élevant à 53 000 téc en 2023, les importations de viande bovine canadienne se sont ainsi élevées à un peu plus de 1 000 téc, soit un taux d'utilisation de 1,94 %. Depuis 2017, ce taux d'utilisation n'a jamais dépassé 3 % (2,97 % en 2020).

Un constat similaire peut être dressé s'agissant des importations de viande porcine canadienne, pour lesquelles le taux d'utilisation du contingent a atteint un pic en 2018 à 1,51 %.

Cette faible utilisation des contingents d'importations de viandes résulte principalement du fait que les filières bovine et porcine canadiennes ne se sont pas structurées pour répondre aux exigences sanitaires européennes (interdiction de la viande aux hormones notamment). Au total, une quarantaine d'élevages seraient ainsi certifiés pour exporter vers l'Union européenne. 

Importations de viande bovine canadienne dans l'Union européenne et sous contingent AECG et OMC

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Volume du contingent (en téc)

/

22 440

30 080

37 720

45 360

53 000

53 000

Quantité importée sous contingent (en téc) - données Eurostat / DG AGRI

60

451

607

1121

780

1053

1 030

Taux d'utilisation du contingent par les exportateurs canadiens

/

2,01%

2,02%

2,97%

1,72%

1,99%

1,94%

Source : direction générale du Trésor, réponses au questionnaire du rapporteur

Importations de viande porcine canadienne dans l'Union européenne et sous contingent AECG et OMC

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Volume du contingent (en téc)

5 014

30 549

43 049

55 549

68 049

80 549

80 549

Quantité importée sous contingent (en téc) - données Eurostat/DG AGRI

24

461

203

0

24

46

855

Taux d'utilisation du contingent par les exportateurs canadiens

0,48%

1,51%

0,47%

0%

0,04%

0,06%

1,06%

Source : direction générale du Trésor, réponses au questionnaire du rapporteur

Il convient enfin de noter que le dialogue sur les matières premières, institué par l'AECG (article 25.4) a servi de support à la mise en oeuvre d'un Partenariat stratégique UE-Canada sur les matières premières critiques en juin 2021, lequel identifie le Canada comme un partenaire incontournable, avec 15 des 30 minéraux et métaux considérés comme critiques pour l'économie européenne.

B. UNE CROISSANCE DES ÉCHANGES COMMERCIAUX FRANCO-CANADIENS COHÉRENTE AVEC L'ÉVOLUTION GLOBALE DU COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS

S'agissant des échanges franco-canadiens, dans une étude du 31 janvier 2024, la direction générale du Trésor relève que, depuis la mise en oeuvre provisoire de l'AECG, le commerce franco-canadien a crû de 33 %, soit un niveau comparable à celui de la croissance du commerce extérieur français sur la même période (+ 35 %), tiré par les exportations françaises.

Évolution des exportations, des importations et du solde commercial de la France vis-à-vis du Canada

En millions d'euros

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Variation 2017/2023

Export

3 156

3 371

3 750

3 135

3 597

4 316

4 198

33%

Import

3 130

3 028

3 097

3 131

3 892

4 129

4 220

35%

Solde (arrondi)

25

343

653

4

- 295

188

- 23

 

Source : Direction générale du Trésor, réponses au questionnaire du rapporteur, d'après des données Douanes

Entre 2017 et 2023, le commerce de biens entre la France et le Canada a ainsi augmenté de 2 Mds€, passant de 6,3 Mds€ à 8,4 Mds€ (répartis à hauteur de 4,2 Mds€ au titre des exportations16(*) et 4,2 Mds€ au titre des importations).

Plusieurs secteurs ont enregistré une hausse sensible de leur excédent commercial, qu'il s'agisse des boissons (principalement les vins et spiritueux) avec un excédent commercial passé de + 475 M€ à + 591 M€ ou encore des produits laitiers (excédent commercial passé de + 37 M€ à + 59 M€).

La hausse des exportations a été plus particulièrement marquée pour les secteurs ayant bénéficié d'une diminution importante des droits de douane : produits chimiques et cosmétiques (+ 25 % sur la période 2017-2023), textiles et chaussures (+ 142 %), produits métallurgiques et métalliques (+ 40 %) et produits pharmaceutiques (+ 20 %).

Exportations de la France vers le Canada en 2017 et 2023

Source : direction générale du Trésor, réponses au questionnaire du rapporteur, d'après des données douanes

S'agissant des échanges de services, dans ses réponses au questionnaire du rapporteur, la direction générale du Trésor relève que l'AECG a contribué à une augmentation de 63 % des exportations françaises entre 2017 et 2022 (4 Mds€). Cette augmentation a atteint 48 % s'agissant des importations (3,7 Mds€).

S'agissant des produits agricoles, secteur dans lequel les droits de douanes appliqués par le Canada se situaient majoritairement entre 10 % et 25 %, avec des pics allant jusqu'à 227 % pour les fromages avant l'AECG, l'excédent commercial de ces secteurs est passé de 196 M€ en 2017 à 578 M€ en 2023. L'ouverture des quotas de fromage en particulier s'est traduite par une augmentation de 57 % des exportations françaises de fromage entre 2016 et 2022.

Au total, selon la direction générale des douanes et droits indirects, (DGDDI), les exportations françaises ont bénéficié de 245 M€ d'économies cumulées en matière de droits de douane depuis l'entrée en vigueur du CETA à titre provisoire jusqu'en 2022 inclus, du fait des réductions tarifaires proposées par l'accord. Selon la direction générale du Trésor, l'économie tarifaire totale pourrait en outre atteindre 90 M€ avec une pleine utilisation des préférences tarifaires prévues à l'accord17(*).

Les importations françaises vis-à-vis du Canada ont quant à elle crû de 35 % entre 2017 et 2023. Comme le relève la direction générale du Trésor18(*), « les importations de matériels de transport (1,3 Md€) et d'hydrocarbures et minerais (848 M€) représentent plus de la moitié (53,2%) de nos importations depuis le Canada. Les équipements mécaniques, électriques, électroniques et informatiques (597 M€) et les produits pharmaceutiques (381 M€) suivent ».

En 202319(*), les importations de productions agricoles canadiens se sont élevées à :

- 52 tonnes équivalent carcasse de viande de boeuf20(*) ;

- aucune viande de volaille ;

- 6 tonnes équivalent carcasse de viande porcine ;

- 2 400 tonnes d'éthanol ;

- 21 M€ de sucre, à 99,6 % sous forme de sirop d'érable.

Exportations, importations et solde commercial par industrie

Source : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/CA/relations-bilaterales

À plus long terme, une étude réalisée par le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) en juin 201921(*) estime que les effets à attendre de l'AECG pour la France sont bénéfiques mais modestes en raison du faible niveau des droits de douane avant l'entrée en vigueur de l'accord, de la taille des économies canadienne et française ainsi que de la distance entre les deux pays.

Selon le CEPII, à l'horizon 2035, la mise en oeuvre de l'AECG se traduira en outre par une progression plus importante des importations de la France en provenance du Canada (+ 40,4 %) que des exportations françaises vers ce pays (+ 13,74 %). De fait, les derniers chiffres du solde commercial de la France vis-à-vis du Canada laissent apparaître un déficit de 23 M€ en 2023.

Au total, l'AECG ne contribuerait à une hausse de la croissance annuelle française que de l'ordre de 0,02 % à horizon 2035, contre 0,01 % pour l'Union européenne, et 0,4 % pour le Canada.

D'un point de vue qualitatif, l'étude du CEPII estime que les principaux secteurs français qui devraient bénéficier de l'AECG à l'horizon 2035 sont les autres produits manufacturiers (+ 155 M€, + 0,2 % de la valeur ajoutée du secteur), le textile (+ 120 M€, + 0,4 %), la chimie (+ 94 M€, + 0,2 %) et les métaux (+ 56 M€, + 0,1 %).

À l'inverse, les principaux secteurs français qui devraient faire face à une légère diminution de leurs productions avec la mise en oeuvre de l'AECG sont les services non-marchands aux entreprises (- 131 M€, - 0,01 %), le matériel de transport (- 114 M€, - 0,15 %) et les services marchands aux entreprises (- 88 M€, - 0,01 %).

Il convient enfin de rappeler que, selon le CEPII, une part importante de l'augmentation des flux vers le Canada (à l'exception des boissons et tabacs et les produits laitiers) proviendrait, à l'horizon 2035, d'un « détournement de trafic », c'est-à-dire d'une réallocation d'une partie des flux existants vers le Canada au détriment d'autres destinations.

II. DES CONDITIONS DE RATIFICATION QUI ONT SAPÉ LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE DE L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL

En raison de son caractère mixte, l'absence de ratification de l'AECG par l'ensemble des États-membres de l'Union européenne n'a pas empêché une application provisoire de la partie relevant des compétences exclusives de l'Union européenne depuis le 21 septembre 2017. Ainsi, plus de 90 % de l'accord est actuellement mis en oeuvre.

Juridiquement, l'application provisoire de l'accord ne soulève pas d'objection. En effet, le 5. de l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) prévoit la possibilité pour le Conseil, sur proposition du négociateur, d'adopter une décision autorisant la signature de l'accord et, le cas échéant, son application provisoire avant l'entrée en vigueur. La mise en oeuvre provisoire de l'AECG a été autorisée par la décision (UE) 2017/38 du Conseil du 28 octobre 2016.

D'un point de vue démocratique, cette décision de recourir au régime d'application provisoire apparaît cependant contestable, les Parlements nationaux n'étant appelés à se prononcer qu'a posteriori, alors que la majeure partie de l'accord est déjà en vigueur. Au regard de la sensibilité des domaines couverts, il eut été préférable d'attendre une éventuelle ratification par l'ensemble des États-membres avant que celui-ci ne puisse commencer à produire des effets.

La stratégie du « fait accompli » retenue par la Commission européenne, tendant à privilégier la rapidité de mise en oeuvre en plaçant les Parlements nationaux au pied du mur, ne saurait être regardée favorablement par le Sénat.

Le Gouvernement français porte en outre une grande responsabilité dans la fragilisation de l'assise démocratique de la procédure de ratification de l'AECG. Il n'est en effet pas acceptable que le présent projet de loi n'ait jamais été inscrit à l'ordre du jour du Sénat, en dépit des promesses gouvernementales réitérées, et que l'examen de ce texte ait lieu près de 7 ans après l'entrée en vigueur provisoire de l'accord.

III. S'ILS NE SE SONT PAS MATÉRALISÉS À CE STADE, LES RISQUES QUE FAIT PESER L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL SUR LE SECTEUR AGRICOLE SUBSISTENT NÉANMOINS

A. UNE RECONNAISSANCE DES INDICATIONS GÉOGRAPHIQUES BIENVENUE MAIS NE COUVRANT QU'UNE PART MINORITAIRE DES INDICATIONS EUROPÉENNES ET FRANÇAISES

Les défenseurs de l'accord mettent en avant l'avancée que représenterait la protection de 143 indications géographiques européennes (représentant 171 produits, cf. annexe 20-A de l'accord).

Si cette reconnaissance va effectivement dans le bon sens, ces 171 produits ne représentent que 11,4 % des quelques 1 500 IG européennes alimentaires22(*).

Par ailleurs, au sein de cette liste, seuls 42 produits français (30 IG), sur un total 277 IG alimentaires, feront l'objet d'une protection au Canada.

Produits français protégés dans le cadre de l'AECG

Source : commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, d'après AECG

Il convient enfin de mentionner que la protection de ces indications souffre plusieurs exceptions (article 20.21).

Ainsi, pour le Munster, le Canada n'est pas tenu de prévoir des moyens juridiques permettant aux parties intéressées d'empêcher l'emploi des termes lorsque l'emploi de ces termes est accompagné d'expressions telles que « genre », « type », « style », « imitation » ou autres et est combinée à une indication lisible et visible de l'origine géographique du produit concerné. Par ailleurs, la possibilité d'utiliser cette indication sur le territoire du Canada par toute personne qui a utilisé l'indication en question à des fins commerciales avant le 18 octobre 2013 a été maintenue.

S'agissant du Beaufort et du Jambon de Bayonne, la possibilité d'utiliser cette indication sur le territoire du Canada est laissée à toute personne qui a utilisé l'indication en question à des fins commerciales pendant une période d'au moins dix ans avant la date du 18 octobre 2013. Une période de transition de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur du présent article, au cours de laquelle l'utilisation de cette indication ne doit pas être empêchée, s'applique à toutes autres personnes qui ont utilisé les indications en question à des fins commerciales pendant une période inférieure à 10 ans avant la date du 18 octobre 2013.

B. UNE ÉPÉE DE DAMOCLÈS SUR LA FILIÈRE BOVINE FRANÇAISE

1. Des processus d'élevage diamétralement opposés conduisant à un déficit de compétitivité des éleveurs français

Les différences fondamentales entre les modèles d'élevage canadien et français, voire européen, conduisent nécessairement à un déficit de compétitivité en défaveur de nos éleveurs.

Dans un rapport au Premier ministre rendu le 7 septembre 2017, une commission indépendante chargée de l'évaluation de l'impact de l'AECG sur l'environnement, le climat et la santé présidée par Mme Katheline Schubert23(*) relevait que « les conditions d'élevage diffèrent beaucoup entre l'Union européenne et le Canada : bien-être animal, alimentation animale, administration d'antibiotiques comme activateurs de croissance », rappelant par exemple que « au Canada, si les exploitations détenant des vaches allaitantes sont familiales et de taille comparable à celles de l'UE, l'engraissement s'effectue dans des feed lots de grande taille : 60 % des feed lots ont plus de 10 000 têtes ».

Elle en tirait la conclusion que « dans le cadre d'une libéralisation des échanges, les agriculteurs européens pourraient être pénalisés par des coûts de production plus élevés, les règles européennes ayant souvent comme conséquence des itinéraires techniques plus coûteux en équipement et/ou en travail, la réalisation d'investissements non directement productifs (traitement du lisier, aménagement des bâtiments d'élevage...) ou des coûts de transport plus élevés ».

2. Si les importations de viande bovine canadienne sont à ce jour limitées, plusieurs facteurs sont susceptibles de faire évoluer cette situation

Comme rappelé supra, les différents bilans provisoires de la mise en oeuvre provisoire de l'accord réalisés tant au niveau européen que français laissent apparaître une faible utilisation des contingents prévus pour les exportations de viande bovine canadienne. Force est cependant de constater que cet accord continue de faire peser une épée de Damoclès sur la filière bovine française.

Ainsi, selon l'étude du CEPII précitée, l'impact de l'AECG sur les secteurs de l'élevage de bétail et de la viande rouge rapporté à la valeur-ajoutée serait négatif : respectivement de - 1,7 % et - 4,8 %. En valeur absolue, les effets seraient de - 9 M€ et - 56 M€.

En outre, la viande bovine importée du Canada est essentiellement constituée des morceaux nobles d'aloyau ou de ses substituts24(*). Selon Interbev un contingent canadien pleinement utilisé et exclusivement constitué d'aloyau conduirait à un déséquilibre de la production européenne équivalant à 200 000 téc, soit environ 600 000 bovins.

Or plusieurs facteurs pourraient conduire à une augmentation du taux d'utilisation des contingents par les éleveurs canadiens.

En premier lieu, le Canada, qui exporte plus de 50 % de sa production nationale de viande bovine25(*), est à l'heure actuelle principalement tourné vers les marchés américain et asiatique. Tout retournement sur ces marchés conduirait les producteurs canadiens à se concentrer sur le marché européen, ce dernier constituant dans cette hypothèse un marché de repli pour le Canada.

En second lieu, si, à l'heure actuelle, les règles européennes en termes d'utilisation de produits sanitaires et phytosanitaires constituent une limite au développement des importations de viande canadienne, cette situation ne pourrait être que temporaire pour plusieurs raisons :

les éleveurs canadiens n'ont pas consenti, à ce stade, d'investissements importants pour se conformer aux exigences européennes dans la mesure où l'accord n'a pas été définitivement ratifié. Il existe donc un risque pour que celui-ci soit dénoncé à la suite d'un rejet par un État-membre. L'entrée en vigueur définitive de l'accord changera certainement la donne ;

- il a été indiqué en audition que d'importants acteurs canadiens tels que JBS et Cargill commencent à manifester des signes d'intérêt pour le marché européen ;

- plus inquiétant, à l'occasion du comité mixte qui s'est tenu du 3 au 5 octobre 2023, l'Union européenne a confirmé que l'EFSA a reçu et évalué le dossier technique du Canada à l'appui de l'acide peroxyacétique (ou peracétique) en tant que substance de décontamination pour les carcasses de boeuf, le Canada indiquant garder « l'espoir d'un résultat favorable de la part de l'EFSA ».

Or, comme le relève le comité de suivi des filières sensibles dans son 5e rapport : « Il ressort que les règlementations sanitaires européennes constituent toujours un défi pour les producteurs canadiens, notamment s'agissant de la gamme complète de substances d'interventions antimicrobiennes que les principaux transformateurs canadiens utilisent pour répondre aux exigences réglementaires de l'Amérique du Nord (par exemple, le PAA - Acide peracétique comme traitement organique supplémentaire de la carcasse) ». Si l'Union européenne devait céder sur ce point, comme elle a pu le faire par le passé pour l'utilisation d'acide lactique, un obstacle important pour les producteurs canadiens serait ainsi levé.

Dans l'hypothèse d'une augmentation des importations de viande bovine canadienne, un rééquilibrage ne serait pas à attendre du côté des exportations européennes de produits laitiers dans la mesure où, comme le montre le tableau ci-après, le taux d'utilisation des contingents de fromage (93 % en 2023 et 83 % pour les fromages industriels) dont bénéficie l'Union européenne sont déjà pratiquement intégralement utilisés, ne laissant entrevoir que des perspectives limitées d'accroissement des exportations.

Évolution de l'utilisation des contingents tarifaires de fromage

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Tous types

Ouvert

5 333

8 000

10 667

13 333

16 000

16 000

Utilisé

5 290

7 811

10 234

13 075

15 418

14 886

%

99,2 %

97,6 %

95,9 %

98,1 %

96,4 %

93 %

Industriels

Ouvert

567

850

1 133

1 417

1 700

1 700

Utilisé

403

660

876

1 321

687

1 407

%

71,1 %

77,6 %

77,3 %

93,2 %

40,4 %

83 %

Source : direction générale du Trésor, réponse au questionnaire du rapporteur, d'après des données Global Affairs Canada

En tout état de cause, s'agissant des exportations de fromage, le contingent attribué à l'Union européenne ne représente que moins de 0,2 % des quelques 10 millions de tonnes26(*) produites chaque année au sein de l'Union européenne, les quelques 7 000 tonnes de fromage français exportées au Canada en 202227(*) au titre de ce contingent, ne représentant pour leur part que 0,37 % de la production française.

3. Une filière qui ne doit plus servir de « monnaie d'échange » dans les accords négociés par la Commission européenne

Au-delà du seul AECG, il convient de considérer les conséquences globales des accords de libre-échange sur l'élevage européen.

Dans un rapport de 202128(*), le Centre de recherche commun de la Commission européenne estimait ainsi que la mise en oeuvre de 12 accords de libre-échange conclus par l'Union européenne (dont l'AECG) se traduirait à l'horizon 2030 par une hausse des importations de viande de boeuf dans une proportion comprise entre 21 % à 26 % en valeur, correspondant à des volumes compris entre 85 000 tonnes et 100 000 tonnes. Selon cette étude, ce phénomène s'accompagnerait d'une chute des prix au producteur de l'ordre de 2,4 %.

Au total, votre rapporteur considère que l'élevage et, plus généralement, l'agriculture ne doivent plus servir de « monnaie d'échange » pour la défense des intérêts « offensifs » dans le cadre des négociations des accords de libre-échange menées par la Commission européenne.

C. PLUS GÉNÉRALEMENT, L'ABSENCE DE « CLAUSES MIROIRS » DANS LES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE CONCLUS PAR L'UNION EUROPÉENNE N'EST PAS ACCEPTABLE

Certes les stipulations de l'AECG ne modifient aucune des règles sanitaires applicables à l'entrée dans le marché européen. Mais l'interdiction de l'utilisation de certaines substances applicable dans l'Union européenne ne concerne pas nécessairement les produits importés du fait de la définition de limites maximales de résidus (LMR), c'est-à-dire de niveaux supérieurs de concentration de substances autorisés dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux.

Une stricte réciprocité des normes applicables nécessite la définition de « clauses miroirs ». Or aucune mesure de ce type ne figure dans l'AECG.

Dans son rapport de 2017, la commission d'évaluation de l'impact de l'AECG sur l'environnement, le climat et la santé relevait ainsi : « Pour les pesticides, le Canada autorise encore 46 substances actives qui ont été interdites depuis longtemps dans les autres pays. Les limites maximales de résidus de pesticides autorisées dans les produits alimentaires sont beaucoup moins exigeantes au Canada, voire pour certaines moins exigeantes que celles du Codex Alimentarius ».

En réponse au questionnaire du rapporteur, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a indiqué avoir recensé en 2021 97 substances actives phytopharmaceutiques non approuvées dans l'Union européenne, pour lesquelles des préoccupations sanitaires peuvent exister, et pour lesquelles des LMR supérieures à la limite de quantification sont établies et sont compatibles avec des usages phytosanitaires. Ces LMR peuvent être d'anciennes LMR de l'Union européenne non abaissées après l'interdiction de la substance, des tolérances à l'importation instaurées spécifiquement pour permettre le commerce de denrées végétales, ou encore des LMR du Codex alimentarius transposées dans la règlementation Union européenne.

À ce jour, seules deux réglementations européennes peuvent être considérées comme introduisant une forme de mesures miroirs.

Il s'agit tout d'abord de l'interdiction des traitements hormonaux pour les animaux tant au sein de l'Union européenne que pour les produits importés. Par ailleurs, le produit est jugé dangereux quelle que soit la dose contenue dans la viande.

Il s'agit ensuite de l'interdiction d'utilisation de certains antimicrobiens ou de certains usages (promoteurs de croissance) pour les animaux élevés dans les pays tiers, dont les produits seraient importés dans l'Union européenne établie par l'article 118 du règlement (UE) n° 2019/6.

L'adoption du dernier acte d'exécution nécessaire est intervenue en janvier 202429(*). Au cours des auditions, ce texte a cependant été présenté comme très insuffisant, dans la mesure où il n'est prévu que la fourniture d'une attestation vétérinaire certifiant que les viandes ont été produites « conformément à ces exigences, et notamment que les animaux dont les viandes sont tirées n'ont pas reçu de médicaments antimicrobiens destinés à favoriser la croissance ou à augmenter le rendement ou de médicaments antimicrobiens contenant un antimicrobien qui figure sur la liste des antimicrobiens réservés au traitement de certaines infections chez l'homme ». Par ailleurs, cette interdiction n'interviendra qu'en septembre 2026.

L'absence de mesures miroirs dans l'AECG se double en outre de demandes régulières de la partie canadienne pour une reconnaissance de certaines pratiques ou certains usage de substances actuellement interdits au sein de l'Union européenne, ou un assouplissement des règles européennes.

Ainsi, dans le compte-rendu de la réunion comité mixte de gestion des mesures sanitaires et phytosanitaires de l'AECG qui s'est tenue du 25 au 27 octobre 2022, il est indiqué : « Le Canada souligne que les intervenants canadiens sont préoccupés par le fait que la mesure proposée par l'UE pour révoquer les LMR des néonicotinoïdes est plus restrictive sur le plan commercial qu'il le faut pour atteindre l'objectif fixé par l'UE ».

Au cours de cette même réunion, les représentants canadiens ont par ailleurs demandé, s'agissant des règles européennes en matière d'utilisation des certains produits médicaux vétérinaires, « une mise à jour du calendrier de la dernière partie de la deuxième législation et des règles d'importation pour les pays tiers et d'envisager une période de transition qui reflète la réalité de la chaîne d'approvisionnement agricole ».

La réponse apportée par les représentants de l'Union européenne interpelle fortement, ces derniers indiquant que « les obligations aux termes de l'article 118 et de la réglementation sur les PMV concernent les États membres et qu'elles devraient être moins restrictives sur le plan commercial afin d'équilibrer les règles en cause et les obligations à respecter ». On relèvera en outre que la Commission européenne a accédé à la demande de délai formulée par la partie canadienne.

S'agissant de l'usage des pesticides, le compte-rendu de la réunion du comité qui s'est tenue du 3 au 5 octobre 2023 fait état d'une proposition de la partie canadienne tendant à ce que la Commission « autorise les pays tiers à réglementer les pesticides dans leur pays souverain de la manière qu'ils jugent appropriée et adaptée à leur environnement local ». Or, les représentants de l'Union européenne se sont déclarés disposés à « poursuivre la discussion sur les préoccupations particulières que le Canada pourrait avoir en ce qui concerne la fixation des limites maximales de résidus pour les pesticides et les tolérances à l'importation ».

Au total, le risque d'un nivellement par le bas des règles européennes ou, à tout le moins, d'un assouplissement de ces dernières en faveur des importations ne semble donc pas à exclure.

En tout état de cause, le respect de la réglementation suppose l'existence de dispositifs de contrôle efficaces.

En France, ces contrôles relèvent de la direction générale des douanes et droits indirects (DGCCRF), pour ce qui concerne les denrées alimentaires d'origine non animale, et de la direction générale de l'alimentation (DGAL) pour les produits d'origine animale et les aliments pour animaux.

Bilan des contrôles les marchandises agricoles originaires du Canada réalisés en 2023 par les autorités françaises

En ce qui concerne les produits d'origine animale, destinés à la consommation humaine ou non, en 2023, 1 125 envois depuis le Canada destinés à des opérateurs français ont été contrôlés dans des points de contrôle aux frontières (PCF) de l'Union européenne. Parmi ces 1 125 envois, près des deux tiers (725) ont été contrôlés par des PCF français. Par ailleurs, au total, sur ces 1 125 envois, 22 ont été refusés, soit moins de 2%, dont 9 par un PCF français.

En ce qui concerne les animaux vivants, en 2023, 106 envois depuis le Canada destinés à des opérateurs français ont été contrôlés dans des PCF de l'Union européenne. Parmi ces 106 envois, 83% (88) ont été contrôlés par des PCF français. Il n'y a pas eu de refus.

En ce qui concerne les contrôles phytosanitaires sur les végétaux et produits végétaux, en 2023, 770 envois depuis le Canada destinés à des opérateurs français ont été contrôlés dans des PCF de l'Union européenne. Parmi ces 770 envois, 99% (765) ont été contrôlés par des PCF français. Parmi ces 770 envois, 0,3% (2) ont été refusés par des PCF français.

Source : Direction générale de l'alimentation, réponses au questionnaire du rapporteur

L'AECG prévoit cependant un abaissement du taux de contrôle physique sur les produits animaux de 20 % à 10 % des lots dans les postes d'inspection aux frontières.

Côté canadien, les contrôles relèvent de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA). Or, à l'occasion d'un audit mené en 2019, la Commission européenne a relevé des défaillances dans le système de contrôle canadien. La Commission estimait en premier lieu qu'il n'était pas garanti que les établissements autorisés à exporter vers l'Union européenne respectent tous les exigences européennes. Elle considérait en deuxième lieu que le dispositif de traçabilité de la viande bovine n'était pas satisfaisant dans la mesure où celui-ci reposait sur des documents en version papier, pour lesquels des contrôles avaient montré qu'ils pouvaient s'avérer incomplets ou contenant des informations erronées. L'audit identifiait en troisième et dernier lieu un « conflit d'intérêts potentiel » pour les vétérinaires privés agréés chargés de contrôler le respect des règles sanitaires dans la mesure où ces derniers étaient rémunérés par les exploitants qu'ils contrôlaient et à qui ils fournissaient par ailleurs une assistance zootechnique et sanitaire.

Un second audit conduit en 2022 a mis en évidence la persistance des lacunes constatées 3 ans plus tôt.

Au total, le rapporteur ne peut que faire siennes les prescriptions du Sénat qui demandait, en février 2018, que tout accord : « soit établi sur l'exigence de mise en oeuvre de normes comparables à celles de l'Union Européenne, concernant les produits destinés aux consommateurs de l'espace communautaire, cela tant au niveau des normes sanitaires et phytosanitaires, environnementales, sociales, qu'au niveau des normes relatives au bien-être animal et aux prescriptions de la dénomination de vente »30(*) et, en janvier 2024, à « obtenir l'adoption et l'application systématiques de mesures miroirs dans nos relations commerciales avec les États tiers et à renforcer la qualité et la quantité des contrôles aux frontières, une fois ces mesures miroirs instaurées, pour en assurer l'effectivité »31(*).

IV. UN ACCORD PEU AMBITIEUX EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Le développement durable et la lutte contre le changement climatique sont souvent présentés comme les grands absents de l'AECG. La commission indépendante sur l'évaluation de l'impact de l'accord sur l'environnement, le climat et la santé relève ainsi les insuffisances de l'accord « dans trois dimensions : (1) la dimension purement commerciale (rien n'est prévu pour limiter le commerce des énergies fossiles et la hausse des émissions de CO2 du transport international maritime et aérien induite par l'augmentation des flux de commerce), (2) la dimension investissement (rien n'est prévu pour inciter à la mise au point et l'adoption de technologies moins émettrices de carbone, pas de clause d'exclusion pour les mesures relatives à la lutte contre le changement climatique dans l'ICS), (3) la dimension de la politique économique (rien sur la convergence des instruments de lutte contre le changement climatique) ».

Le chapitre 22 de l'AECG a certes trait au commerce et à l'environnement, l'article 22.1 stipulant que « Les parties reconnaissent que le développement économique, le développement social et la protection de l'environnement sont interdépendants et forment des composantes du développement durable qui se renforcent mutuellement, et elles réaffirment leur engagement à promouvoir le développement du commerce international d'une manière qui contribue à la réalisation de l'objectif de développement durable, pour le bien-être des générations présentes et futures ».

Deux instances mises en place par l'accord sont en outre compétentes sur les questions relatives au développement durable : i) le comité mixte du commerce et du développement durable, qui est chargé de superviser la mise en oeuvre des engagements de l'Union européenne et du Canada en matière de commerce et développement durable, commerce et travail et commerce et environnement et des activités de coopération, et ii) le Forum de la société civile mixte créé afin de dialoguer sur les questions de développement durable.

Néanmoins, force est de constater que, dans la mesure où les négociations de l'accord commercial ont été conclues avant que n'intervienne la COP21, l'AECG ne fait pas explicitement référence à l'accord de Paris.

Seule une recommandation non-contraignante sur le commerce, l'action climatique et l'Accord de Paris a été signée par l'Union européenne et le Canada le 26 septembre 2018 dans laquelle ils y réaffirment leur engagement à mettre en oeuvre de manière effective l'Accord de Paris et à coopérer étroitement dans la lutte contre le changement climatique, y compris par le biais d'actions conjointes sous l'égide de l'AECG. L'accord de Paris est en outre cité dans l'instrument interprétatif commun32(*).

Plus généralement, les stipulations de l'AECG ayant trait au climat et à l'environnement relèvent davantage de la déclaration d'intention que d'obligations contraignant les parties.

Enfin, le mécanisme de règlement des différends investisseur-État porte sur un risque de remise en cause des règles nationales par l'ICS, notamment en matière de lutte contre le changement climatique. Afin de limiter ce risque, la décision n° 002/2021 du comité mixte de l'AECG a prévu l'instauration d'un « véto climatique » censé permettre aux parties à l'accord de faire échec à des plaintes visant des mesures répondant à des objectifs légitimes de politique publique, en particulier dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. Pour autant, la portée de ce dispositif semble incertaine dans la mesure où il ne fait qu'imposer l'application par l'ICS d'une interprétation adoptée par le Comité mixte de l'AECG. En cas de désaccord entre les parties, il est à craindre que l'ICS retrouverait sa capacité d'interprétation pleine et entière.

S'agissant de l'impact de la mise en oeuvre de la partie commerciale, l'accord sur le volume d'émissions de gaz à effet de serre, selon l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, estime que celle-ci devrait être négative même si limitée : « à l'échelle mondiale, le scénario central estime que l'AECG devrait engendrer une hausse de 2,5 Mt d'équivalent CO2 à horizon 2035 (moins de 0,01 % des émissions mondiales à cette date), dont 0,04 Mt CO2eq issu du fret international. Cette hausse serait quasi-exclusivement concentrée aux Etats-Unis. La faiblesse des effets de l'AECG en matière d'émissions serait due, au-delà des effets modestes sur l'activité économique, à un effet de substitution de transports maritimes (UE-Canada) à des transports routiers (intra-UE) plus émetteurs ».

V. LE REJET DE L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL CONSTITUERAIT UN MESSAGE FORT ADRESSÉ À L'UNION EUROPÉENNE ET NON UNE REMISE EN CAUSE DES LIENS PROFONDS QUI UNISSENT LA FRANCE AU CANADA

A. UN ACCORD ANACHRONIQUE QU'IL CONVIENT DE REJETER

L'économie globale de l'AECG est fortement marquée par le contexte dans lequel il a été négocié puis signé. Or force est de constater que l'époque de la « mondialisation heureuse » est désormais derrière nous. En effet :

- les préoccupations sociales, environnementales, sanitaires et relatives au bien-être animal sont désormais prégnantes auprès des consommateurs européens ;

- les vertus du libre-échange sont questionnées ;

- la pandémie de COVID-19 puis la guerre en Ukraine ont rappeler l'impérieuse nécessité de retrouver notre souveraineté alimentaire ;

- la question de l'avenir de l'agriculture européenne est de plus en plus prégnante comme en témoigne la récente mobilisation des agriculteurs européens pour dénoncer leur situation.

Ce changement de contexte ne semble cependant pas avoir été intégré par la Commission européenne qui continue de négocier des accords de libre-échange dont les stipulations se heurtent aux attentes des peuples européens.

Pourtant, ignorer ces évolutions conduira immanquablement à un renforcement de la défiance vis-à-vis de l'Union européenne.

Il convient par conséquent d'adresser un message fort à l'Union européenne en supprimant l'article 1er du présent projet de loi, c'est-à-dire en rejetant un accord dont les bénéfices pour l'économie française sont négligeables, mais dont les risques qu'il fait peser sur les agriculteurs français ne sont pas acceptables alors que ceux-ci n'ont cessé de faire part, au cours des dernières semaines, de leur grande détresse.

B. UN VOTE QUI NE SAURAIT S'INTERPRÉTER COMME UN REJET DU CANADA

Si le Sénat ne saurait rester sourd face au cri d'alarme de l'agriculture française, il n'est pas à exclure qu'un rejet de l'AECG par notre assemblée soit interprété au Canada comme une prise de distance vis-à-vis de ce pays ami.

Il n'en est évidemment rien. Le Canada est et doit rester un partenaire et un allié de la France. Les liens qui unissent nos deux pays sont anciens et profonds qu'il s'agisse de la francophonie, que nous avons en partage, de notre alliance militaire, au sein de l'OTAN, dont le Canada est un membre fondateur, ou encore de l'alignement de nos positions sur la plupart des grands sujets de politique étrangère.

Le renforcement des liens entre nos deux pays apparaît d'autant plus fondamental dans un contexte géostratégique incertain marqué par la résurgence des conflits interétatiques, la multiplication des crises ainsi qu'une incertitude sur l'évolution de la relation transatlantique à quelques mois de l'élection présidentielle américaine.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 13 mars 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport et du texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 694 (2018-2019) relatif à l'accord économique et commercial global UE-Canada (M. Pascal Allizard, rapporteur).

M. Cédric Perrin, président. - Nous examinons le rapport de M. Pascal Allizard sur le projet de loi relatif à l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada. M. Pascal Allizard a été retardé à cause d'une grève. En attendant son arrivée, dans quelques instants, Mme Catherine Dumas va nous lire l'intervention qu'il avait préparée.

Mme Catherine Dumas, en remplacement de M. Pascal Allizard, rapporteur. - Tout vient à point à qui sait attendre ! Cela faisait près de cinq ans que le Sénat attendait l'inscription à son ordre du jour du comprehensive economic and trade agreement (CETA), en français Accord économique et commercial global (AECG).

Las de ne rien voir venir, nos collègues du groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky ont forcé la main du Gouvernement et notre attente est désormais satisfaite. Cela dit, nous ne saurions nous réjouir de cette situation, car il nous est demandé, ni plus ni moins, de nous prononcer sur un projet de loi dont l'essentiel du contenu est mis en oeuvre depuis près de sept ans !

C'est là le péché originel de ce texte : une procédure de ratification bien peu démocratique. Bien sûr, l'application provisoire du Ceta était juridiquement possible, puisqu'elle était prévue par l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; de plus, elle a été autorisée par le Conseil de l'Union européenne.

Les questions agricoles sont toutefois des sujets très sensibles au niveau national - chacun le sait. Dès lors, appliquer provisoirement cet accord ne revient-il pas à nous mettre dos au mur, nous les parlementaires ? D'aucuns pourraient considérer que nous n'oserions pas le dénoncer alors qu'il a déjà commencé à produire des effets.

De plus, serait-il démocratique de maintenir en vigueur un accord rejeté par le parlement d'un pays souverain, Chypre ? On me répondra que ce rejet n'a pas été notifié par le gouvernement chypriote. Cette réponse ne me satisfait pas et nous verrons, en cas de rejet de ce texte par le Parlement, si le Gouvernement respectera le choix de la représentation nationale.

Ce dernier porte aussi une grande responsabilité dans la fragilisation de l'assise démocratique de cet accord. En n'inscrivant pas ce projet de loi à l'ordre du jour de notre assemblée immédiatement après son adoption - de justesse - par l'Assemblée nationale, l'exécutif a préféré le statu quo à un risque de rejet, quitte à passer outre le Parlement.

Cependant, à quelque chose malheur est bon : cette situation nous permet de juger in concreto les effets de cet accord. Dès lors, quel bilan peut-on tirer après presque sept ans de mise en oeuvre du Ceta ?

D'abord, l'impact sur le commerce bilatéral semble positif, tant au niveau européen que français. Les échanges entre la France et le Canada ont ainsi progressé de 33 % entre 2017 et 2023, passant de 6 à 8 milliards d'euros.

Par ailleurs, certains secteurs ont vu leur excédent commercial progresser. C'est par exemple le cas des boissons, en particulier les vins et spiritueux, soumis avant 2017 à un taux moyen de droits de douane de 10 % contre un taux nul aujourd'hui ; l'excédent du secteur est ainsi passé de 475 à 591 millions d'euros. C'est aussi le cas des produits laitiers, dont l'excédent commercial a atteint 59 millions d'euros en 2019 contre 37 millions d'euros en 2017, du fait notamment de l'augmentation du contingent de fromages en franchise de droits, alors qu'ils étaient auparavant soumis à un droit de 227 % !

Mais derrière ces chiffres brandis par les défenseurs de l'accord, à quelle réalité faisons-nous face ?

L'augmentation des relations commerciales franco-canadiennes est certes élevée, mais elle n'est que le reflet de la croissance globale du commerce extérieur français, qui lui aussi a crû de plus d'un tiers.

Par ailleurs, les excédents enregistrés par certains secteurs ne doivent pas masquer un solde commercial déficitaire en 2023, de l'ordre de 23 millions d'euros.

Enfin, à plus long terme, une étude économique réalisée par le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii) montre que les effets du Ceta sur la croissance française et européenne seront très modestes, avec une hausse de 0,02 % pour la France et de 0,01 % pour l'Union européenne.

Nous sommes donc loin du scénario idyllique mis en avant dans la communication du Gouvernement et de la Commission européenne.

Au-delà de l'impact macroéconomique de l'accord, dont chacun jugera le bilan, le Ceta constitue fondamentalement une épée de Damoclès sur notre agriculture, et en particulier sur la filière bovine.

Une fois encore, les défenseurs de l'accord mettront en avant le fait que le Canada sous-utilise le contingent de viande bovine dont il dispose, du fait de normes européennes dissuasives pour les producteurs canadiens. À peine plus de 52 tonnes de viande bovine canadienne auraient ainsi été importées en France l'an passé, une goutte d'eau...

Mais ce simple constat mérite d'être mis en perspective.

D'abord, le faible contingent de viande importé depuis le Canada correspond à des morceaux nobles, d'aloyau et de ses substituts principalement. Or le déséquilibre produit par ce type d'importations sur le secteur est démultiplié.

Par ailleurs, cette situation ne sera pas immuable, et ce pour plusieurs raisons.

En premier lieu, la forte dépendance des exportations canadiennes de viande vis-à-vis des marchés américain et asiatique pourrait conduire les producteurs canadiens à s'intéresser au marché européen. L'argument selon lequel un tel scénario ne s'est pas produit presque sept ans après l'accord n'est pas recevable dans la mesure où chacun peut comprendre la frilosité des producteurs canadiens à consentir à des investissements importants, alors que le Ceta n'est pas définitivement adopté.

En second lieu, si les autorités européennes devaient céder aux demandes canadiennes en autorisant l'usage de l'acide peracétique pour le traitement des carcasses, comme cela a été le cas pour l'usage de l'acide lactique il y a une dizaine d'années, un obstacle important pour l'accès au marché européen serait levé.

Compte tenu des différences fondamentales entre les modèles d'élevage européen et canadien, nos éleveurs ne pourraient pas faire face à une montée de la concurrence canadienne.

Plus généralement, nous ne pouvons que regretter que la Commission européenne négocie des accords dépourvus de clauses miroirs, c'est-à-dire sans réciprocité des normes.

L'argument des défenseurs du Ceta selon lequel cet accord ne remet pas en cause les règles sanitaires et phytosanitaires européennes est spécieux. Certes, l'application du Ceta en tant que telle ne nous conduit pas ipso facto à revoir nos normes, mais les réglementations applicables aux importations depuis des pays tiers diffèrent de celles applicables aux productions européennes. Concrètement, l'utilisation de produits interdits au sein de l'Union européenne peut être tolérée pour les importations dès lors que les limites maximales de résidu ne sont pas dépassées. L'absence de mesures miroirs dans le Ceta se double en outre de demandes régulières de la partie canadienne pour une reconnaissance de certaines pratiques ou de certains usages de substances actuellement interdits au sein de l'Union européenne, ou pour un assouplissement des règles européennes. J'ai déjà évoqué la question de l'acide peracétique, mais cela est également le cas pour l'interdiction de certains néonicotinoïdes.

Le risque d'un nivellement par le bas des règles européennes ou, à tout le moins, d'un assouplissement de ces dernières en faveur des importations ne semble pas à exclure.

En tout état de cause, le respect de la réglementation européenne par les produits importés suppose l'existence de dispositifs de contrôle efficaces. Or, tant du côté européen que canadien, ceux-ci souffrent de lacunes.

Côté européen, le Ceta prévoit un abaissement du taux de contrôle physique sur les produits animaux de 20 % à 10 % des lots dans les postes d'inspection aux frontières.

Côté canadien, à l'occasion d'un audit mené en 2019, la Commission européenne a relevé des défaillances dans le système de contrôle et de traçabilité. Un second audit conduit en 2022 a mis en évidence la persistance des lacunes constatées trois ans plus tôt.

Au total, le Ceta, qu'on nous présente comme un accord de « nouvelle génération », apparaît en réalité aujourd'hui anachronique. Il ne tient pas compte des demandes qui se font jour en matière de bien-être animal ou encore de renforcement de notre souveraineté alimentaire.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris : être rapporteur sur ce texte n'était pas chose aisée. Le contexte actuel de détresse de nos agriculteurs aurait pu me conduire à adopter une position de principe. J'ai voulu pour ma part mener un travail objectif afin de me prononcer en conscience et en responsabilité.

À l'issue de mes travaux, je ne peux que constater que les bénéfices liés à la mise en oeuvre du Ceta ne permettent pas de contrebalancer les risques que porte cet accord pour nos agriculteurs. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter un amendement visant à refuser la ratification du Ceta.

Il ne s'agit pas d'un retour au protectionnisme, comme j'ai pu l'entendre : ôtez la dimension agricole à cet accord de libre-échange et ma position eût été tout autre !

Je sais que, de l'autre côté de l'Atlantique, un rejet du Ceta pourra surprendre, voire peut-être décevoir. Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j'ai rencontré l'ambassadeur du Canada en France. Comme lui, je suis profondément attaché à la relation franco-canadienne.

C'est pourquoi je veux redire avec force qu'un rejet du Ceta ne doit pas être interprété comme un rejet du Canada. Le Canada est et restera un pays allié et ami de la France avec qui nous partageons des liens historiques évidents, mais aussi, et cela est crucial, des valeurs communes.

Je sais aussi que la relation commerciale que nous entretenons avec le Canada revêt une importance croissante dans un contexte géopolitique de plus en plus instable. J'espère que le Canada, qui est aussi un pays agricole, comprendra que la France souhaite protéger ses agriculteurs et son modèle d'agriculture.

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Comme l'a souligné Pascal Allizard dans son rapport, nous constatons depuis sept ans que la valeur issue de cet accord n'est pas exceptionnelle, même s'il est bon pour certaines filières.

En revanche, reparler du Ceta en 2024 nous oblige à regarder la réalité en face. Trop souvent, notre image du Canada passe par le prisme du Québec, dont l'agriculture est proche de la nôtre. Mais les importations permises par le Ceta sont tout autres : les bovins qui nous seront envoyés sont principalement issus de l'Alberta. Ils sont élevés dans des exploitations sans aucune traçabilité sur les animaux à la naissance ni sur les produits et les antibiotiques utilisés. Ils sont engraissés dans des feedlots de plus de 30 000 bêtes.

L'agriculture canadienne utilise 41 substances phytosanitaires interdites en France et en Europe, comme l'atrazine ou des hormones et des médicaments activateurs de croissance.

Si cet accord est bon, pourquoi le Canada sollicite-t-il régulièrement le droit d'utiliser de l'acide peracétique, comme en octobre 2023 ? Cet accord renvoie à deux mondes totalement différents. D'un côté, le monde français et européen, avec la traçabilité des produits agricoles et la sécurité alimentaire pour les bovins, de la naissance à l'abattage. De l'autre, le système canadien : aucune sécurité alimentaire et l'utilisation de l'acide pour décontaminer les carcasses - c'est le « zéro contrainte » !

La réalité de l'agriculture canadienne est aux antipodes de la nôtre. La Commission européenne ne peut pas continuer à être un tigre avec les agriculteurs européens et un agneau avec les agriculteurs étrangers !

Les audits réalisés en 2019 et en 2022 ont révélé non pas des lacunes, mais des anomalies majeures au Canada. L'ancien chef du corps des inspecteurs de santé publique vétérinaire a dit très clairement en audition que si de telles anomalies avaient été détectées dans l'autre sens, on nous aurait immédiatement bloqué l'accès au marché canadien. Comment peut-on interdire certaines pratiques en Europe et ne pas soumettre nos importations aux mêmes règles ? Ce n'est pas tenable. Il est temps, comme le propose Pascal Allizard, de dire stop ! Les agriculteurs viennent de se mobiliser pour dénoncer un système qui « marche sur la tête ». Nul ne comprendrait que l'on continue dans cette voie.

M. Didier Marie. - Ce rapport va dans le bon sens.

Cet accord est le premier à ne pas être centré uniquement sur les barrières tarifaires ; il englobe bien d'autres éléments : les investissements, les normes environnementales, les services publics, la culture, etc.

Il souffre depuis l'origine d'un grand déficit démocratique. Les négociations ont été opaques. Nous ne pouvions consulter les documents que dans une salle fermée, sans téléphone portable, sans avoir le droit d'en parler, etc. L'accord n'a pas pu être ratifié, car le Président de la République n'a pas souhaité aller jusqu'au bout de la procédure au Parlement. D'ailleurs, si nous ne le votons pas, il sera toujours possible au Président de la République de ne pas notifier le rejet à la Commission européenne, comme cela a été le cas à Chypre, ce qui constituerait une marque supplémentaire de déni démocratique.

L'accord traduit un abandon de souveraineté. Un forum de coopération en matière de réglementation doit ainsi être créé, pour éliminer les obstacles au commerce et à l'investissement et faire prévaloir le droit commercial sur tous les autres droits. Il permettra au Canada de contester l'imposition de normes européennes, dès lors que celles-ci seront susceptibles d'entraver le commerce. Le Canada a d'ailleurs attaqué l'Union européenne devant l'OMC pour contester l'interdiction de 46 pesticides.

La création d'un tribunal arbitral est très dangereuse. Les multinationales auront la possibilité d'attaquer les décisions qu'elles jugent préjudiciables à leurs intérêts et de demander des dommages et intérêts. Ces affaires pourraient très bien relever des juridictions ordinaires.

Cet accord marque aussi un abandon de nos ambitions écologiques ; il est contraire à l'accord de Paris, qui prévoit que les gouvernements doivent limiter l'extraction et le commerce des énergies fossiles. Or 40 % des échanges avec le Canada concernent des produits issus des énergies fossiles, notamment du pétrole et du béton produits à partir de sables bitumineux.

Cet accord marque aussi un abandon sur les questions agricoles, ce qui peut avoir des conséquences néfastes sur la santé. L'Union européenne importe ainsi, par exemple, la moitié de ses lentilles du Canada. Or elles sont produites avec de la métribuzine, une substance qui est interdite en Europe. Les normes relatives au glyphosate sont aussi très différentes.

Le texte ne comporte aucune clause miroir ni aucune mention du principe de précaution.

Ceux qui sont favorables à l'accord veulent montrer que les échanges commerciaux se sont accrus, mais ils raisonnent en valeur. Or, à cause de l'inflation, il faut raisonner en volume : les exportations du Canada n'ont augmenté que de 7 % et les nôtres de 1 % seulement...

Les effets de cet accord sont minimes sur le plan commercial, et dangereux en matière d'écologie et de souveraineté ; nous voterons donc contre cet accord.

Arrivée de M. Pascal Allizard, rapporteur

M. Jean-Pierre Grand. - Élu d'une région viticole, je sais que cet accord est essentiel pour la viticulture.

Les chiffres du Trésor parlent d'eux-mêmes : depuis 2017, les exportations de vins et de spiritueux ont augmenté de 24 %, celles de fromages de 57 %, celles de cosmétiques de 46 %, tandis que les importations de viande canadienne sont très faibles. Notre balance commerciale est excédentaire avec le Canada.

La viticulture française est au bord du drame - je n'exagère pas ! Les vignerons sont acculés. Il est question aujourd'hui du Ceta, mais les importations de vins espagnols ne sont soumises à aucun contrôle. C'est inacceptable. Des sommes colossales sont en jeu. Il y va de la survie de notre viticulture.

Je voterai ce texte important pour la viticulture et voterai contre tout amendement. Il faut se pencher sur toutes les distorsions de concurrence qui pénalisent notre économie. La viticulture traverse une crise historique et le secteur peut s'enflammer : ne frottons pas l'allumette !

Mme Michelle Gréaume. - Le CETA, qui a été approuvé en 2017 par le Parlement européen, devait être ratifié par les parlements nationaux ou par référendum. Après un examen du texte à l'Assemblée nationale, le Président de la République ne l'avait pas soumis au Sénat, ce qui constitue une atteinte à l'article 53 de notre Constitution.

Notre groupe s'oppose au Ceta et à la démarche de la Commission européenne, qui a choisi d'appliquer cet accord à titre provisoire, sans attendre le résultat des procédures de ratification. Nous voterons donc l'amendement de suppression de l'article 1er. L'article 2 mérite aussi un débat, car de nombreux secteurs sont concernés.

Il faut prendre en compte le changement climatique et défendre notre souveraineté alimentaire. Cet accord est très important ; ses conséquences doivent être détaillées et précisées.

M. Alain Houpert. - Je soutiens la position de notre rapporteur.

On oppose la qualité et la quantité. Certains veulent augmenter la quantité des échanges, mais ils se moquent complètement de la qualité.

Élu de Bourgogne, région qui produit les meilleurs vins du monde, je sais qu'une augmentation de 24 % des exportations vers le Canada ne changera pas fondamentalement la donne pour le secteur. Le problème est ailleurs. Je rappelle aussi qu'une seule marque - la marque Edmond Fallot - produit de la moutarde de Dijon avec des graines cultivées en France. Tout le reste vient du Canada, sans que l'on sache comment elle est fabriquée.

En tant que médecin, je préfère que l'on se préoccupe de la qualité plutôt que de la quantité. À titre personnel, je voterai donc contre le texte.

M. Olivier Cadic. - Mon avis sera différent !

Je suis vraiment stupéfait par le rapport qui nous a été présenté. Notre rapporteur ne prend nullement en compte les effets positifs du CETA.

L'agriculture française sera gagnante de cet accord. M. Grand a rappelé les chiffres pour la viticulture. Ne balayons pas tout cela d'un revers de la main. Ceux qui refusent cet accord devront, un jour ou l'autre, répondre de leur vote devant le secteur agroalimentaire. Certains propos me semblent excessifs, voire outranciers...

L'agriculture ne représente que 20 % de l'accord. L'essentiel est donc ailleurs : les ventes de produits industriels, chimiques, cosmétiques, etc. Grâce à la suppression des droits de douane, nos exportations de produits chimiques et cosmétiques vers le Canada ont augmenté de 46 %, celles de produits textiles de 142 %, celles de produits sidérurgiques de 106 %. Le Ceta offre un meilleur accès aux marchés publics à nos entreprises et elles ont su en tirer parti. Elles réalisent ainsi des gains exceptionnels ; or notre rapporteur n'en dit mot !

Le Ceta facilite aussi l'accès à des minerais stratégiques nécessaires pour la transition énergétique et numérique ; si le traité n'est pas ratifié, on sera obligé de se tourner vers la Russie et la Chine. Comment peut-on proposer cela ?

Ceux qui s'opposent au Ceta s'opposent en fait à l'Union européenne. Ils reprennent tous les arguments du trumpisme, cette approche protectionniste qui consiste à prendre prétexte de petits détails pour refuser l'accès au marché. Que fait-on d'autre en prenant pour prétexte les néonicotinoïdes ? Qui se bat pour les conserver dans notre agriculture ? Un jour, on met leur usage en avant pour refuser le Ceta, mais le lendemain, on plaide pour leur maintien en Europe, afin que l'agriculture ne souffre pas de leur disparition ! C'étaient les mêmes arguments qu'utilisaient les Brexiters. Or, en quittant l'Union européenne, le Royaume-Uni est sorti mécaniquement du Ceta. Les Britanniques espéraient conclure de nouveaux accords de libre-échange. Or, les Canadiens refusent de conclure avec les Britanniques un accord du même type que le CETA, car ils constatent que, à cause du Ceta, ils n'arrivent pas à vendre leur viande dans l'Union européenne !

Les Canadiens ne comprennent pas pourquoi la viande qui est consommable en Amérique du Nord ne le serait pas en Europe. Ils trouvent que le Ceta est très déséquilibré et à leur désavantage. Ne pas le ratifier serait un recul pour l'Union européenne, mais aussi pour la France ! Il faut regarder l'accord dans sa globalité et éviter d'en rester à des points de détail.

Mme Nicole Duranton. - En 2019, l'Assemblée nationale a voté pour la ratification du traité, après des débats houleux. Nous manquions encore de recul sur ses effets à l'époque. Nous disposons désormais de davantage de données.

Le Ceta a permis de supprimer 90 % des droits de douane. De nombreux secteurs en profitent, comme la filière viticole. Le Canada est notre 8e client mondial pour les vins et le 7e pour les spiritueux. Les barrières non tarifaires sont également en baisse. Cela témoigne d'un excellent climat d'affaires entre la France et le Canada, qui bénéficie à nos entreprises : celles-ci peuvent répondre plus facilement aux marchés publics canadiens.

Nos exportations vers le Canada ont augmenté de 33 % depuis 2017. En outre, les produits agricoles et agroalimentaires représentent 21 % du total des exportations françaises vers le Canada. L'excédent commercial de ces secteurs a été multiplié par trois atteignant 578 millions d'euros en 2023. Par ailleurs, le Ceta a permis de protéger 42 indications géographiques protégées françaises qui nous sont chères : fromages, foie gras, etc.

Se pose aussi la question de notre approvisionnement en matériaux critiques : quinze des trente matériaux importants pour notre transition écologique sont extraits au Canada. Le Ceta nous permet d'en importer.

Certes, des inquiétudes subsistent concernant l'agriculture française. Mais grâce aux mesures miroirs en vigueur, l'importation de boeuf traité aux antibiotiques aux États-Unis et au Canada est interdite en Europe. Nous avons simplement importé 74 tonnes équivalent-carcasse depuis le Canada en 2021. Quant aux importations de viande porcine et de volailles, elles sont quasiment nulles.

Sur les plans sanitaire et phytosanitaire, les produits canadiens importés dans l'Union européenne répondent à nos exigences sanitaires et de protection du consommateur.

Le Ceta constitue donc un bon accord pour nos entreprises et pour l'économie française. Les résultats le prouvent. Je voterai cet accord, tout comme le fera Jean-Baptiste Lemoyne. Ludovic Haye s'abstiendra.

M. Guillaume Gontard. - Je remercie les rapporteurs pour leur travail et le groupe communiste qui a pris l'initiative d'inscrire l'examen de ce texte à son ordre du jour réservé.

La ratification du Ceta soulève une question démocratique. Il est déjà appliqué à plus de 90 % depuis 2017, sans que le Parlement, du moins pas le Sénat, ait donné son accord. Que se passera-t-il d'ailleurs si la France ne le ratifie pas ?

Son bilan économique est très contestable. Selon l'institut Veblen, le nombre d'emplois européens liés aux exportations vers le Canada n'a quasiment pas évolué et aucun effet n'a été constaté sur les PME exportatrices. En matière d'importations, le bilan est très négatif. Les importations d'engrais ont doublé et celles de pétrole issu de schistes bitumineux ont augmenté de 50 %. Je rappelle que ce type d'hydrocarbure est trois à quatre fois plus polluant que le pétrole conventionnel et que son extraction consomme énormément d'eau et de produits chimiques.

Les agriculteurs dénoncent une concurrence déloyale. Comme cela est indiqué dans le rapport Schubert d'évaluation du Ceta de 2017, rien n'est prévu sur l'utilisation de soja OGM, de farines animales, d'antibiotiques, etc. Le texte est aussi muet sur le bien-être animal. On risque d'importer encore une fois d'énormes quantités de viande qui ne respectent aucune des normes en vigueur en Europe.

Une ratification du Ceta entraînerait l'application de son dernier volet, peut-être le plus dangereux, qui permet à des multinationales s'estimant lésées par une loi d'attaquer un État devant un tribunal d'arbitrage privé. Ce traité est donc contraire à notre souveraineté, à nos exigences démocratiques, à nos objectifs de décarbonation et au Pacte Vert.

Nous nous opposerons à cet accord et soutiendrons la position de notre rapporteur.

Mme Valérie Boyer. - Lorsque j'étais députée, je m'étais prononcée sur ces accords. Dans les Bouches-du-Rhône, les agriculteurs sont désemparés. Ils ont un sentiment de colère et d'abandon : on leur interdit certaines pratiques, alors que nous importons des productions réalisées dans des conditions éthiques, sociales ou écologiques contraires à nos principes. Je ne voterai donc pas cet accord, non par opposition au libre-échange ou à l'Europe, mais par refus du double langage, car celui-ci détruit la politique. Je soutiens la position de nos rapporteurs. Nous devons avoir un langage de vérité à l'égard des agriculteurs et des Français. Les Canadiens sont nos amis, mais importer et consommer certains produits serait tromper les consommateurs et les Français.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous devons nous prononcer sur un accord mixte. Le volet commercial est déjà en vigueur : la compétence en matière de commerce relève de l'Union européenne et le Parlement européen s'est déjà prononcé en février 2017. Les États membres doivent se prononcer sur le volet relatif aux investissements, qui relève de leur compétence.

Nous disposons aujourd'hui d'un certain recul pour évaluer les effets de cet accord : l'excédent commercial agricole a été multiplié par trois depuis 2017, passant de 200 à 600 millions d'euros.

Les craintes concernant l'importation massive de viande ne se sont pas réalisées : on importe 52 tonnes de viande bovine depuis le Canada, c'est peu ! Les exploitations canadiennes ne sont pas équipées pour fournir le marché de l'Union européenne. En revanche, nos filières viticole, lait et fromages ont des bilans excellents.

L'accord a aussi été amélioré grâce à un plan d'actions en 2017 : un véto climatique a ainsi été instauré, ce qui protège les États de tout recours devant un tribunal arbitral relatif à leurs politiques environnementales.

Pour ce qui est de la démocratie, il convient de souligner qu'aucun accord commercial n'a fait l'objet d'une telle discussion au Parlement. Il faut rendre hommage à Marielle de Sarnez : les études d'impact, réalisées par des experts indépendants, sont très détaillées. C'est très différent de la manière avec laquelle le Sénat a examiné l'accord commercial entre l'Union européenne et la Corée du Sud, qui a été adopté en forme simplifiée ! Il faut donc reconnaître l'effort fait depuis 2017 pour éclairer les parlementaires.

Les discussions de cet accord ont commencé en 2009 sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Il a été signé en 2016, sous le quinquennat de François Hollande. La majorité actuelle l'a encore amélioré. Il ne faut donc pas avoir peur de voter ce texte. Les résultats sont là et les craintes s'avèrent infondées. N'ayons pas peur de ceux qui craignent de dire à leur électorat que cet accord est bon. Le groupe RDPI votera cet accord.

M. Rachid Temal. - Je regrette que le Gouvernement n'ait pas souhaité que le Sénat se prononce de façon classique. Résultat, nous examinons ce texte dans le cadre d'un espace réservé d'un groupe ! Ce n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Quelles seront les suites si le Sénat devait voter contre cet accord ?

M. Roger Karoutchi. - Aucune !

M. Rachid Temal. - On ne peut pas voter pour rien !

M. Cédric Perrin, président. - La question du rôle du Parlement est en effet un point important de ce dossier.

M. Claude Malhuret. - Qui veut noyer son chien l'accuse d'avoir la rage. Notre rapporteur a commencé son propos en disant que le traité avait un péché originel - on voit aussitôt dans quelle direction on s'engage ! -, celui d'être en application depuis sept ans. Mais c'est plutôt un avantage : on peut s'appuyer sur des faits, et non sur de simples conjectures.

Les chiffres ont été rappelés. Ils sont extrêmement positifs, et encore plus pour l'Union européenne que pour le Canada. Nous n'importons que 52 tonnes de viande de boeuf, et presque rien en ce qui concerne la viande de porc et les volailles. Tous les autres chiffres sont extrêmement positifs.

L'agriculture ne concerne en outre qu'une petite partie de l'accord. Or un tel accord est essentiel pour notre fourniture de métaux stratégiques : il nous éviterait d'avoir à nous fournir auprès de la Russie ou de la Chine. Cet accord est largement bénéfique, non seulement pour les régions viticoles, mais aussi pour les régions productrices de lait, de fromage, etc.

Je comprends donc mal comment la majorité peut nous proposer de le rejeter. Comme les faits ne vont pas dans son sens, elle invoque les risques ! Le rapporteur estime que « les bénéfices liés à la mise en oeuvre du Ceta ne permettent pas de contrebalancer les risques ». Mais ces derniers ne se sont pas réalisés depuis sept ans, et ils ne peuvent pas se matérialiser, car il y a des contrôles sanitaires...

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Ils sont insuffisants !

M. Claude Malhuret. - Nul ne peut démontrer que ces risques existent. Je ne comprends pas comment on peut comparer des bénéfices et des risques : il faut comparer les bénéfices et les désavantages !

Le Canada est un pays ami et allié. S'il n'a pas les mêmes normes que nous, ses pratiques restent très proches des nôtres. Si le Ceta n'est pas ratifié, aucun accord ne sera ratifié demain, et il faudra s'attendre, quoi qu'en dise le rapporteur, à un retour du protectionnisme, à un rapetissement de l'Occident, à une renonciation à tout ce qui a fait sa richesse. Cette période est inquiétante.

Rachid Temal a raison de s'inquiéter de ce qui arrivera si nous rejetons cet accord. L'examen de ce texte lors d'une niche parlementaire n'est pas la bonne manière de procéder, car le débat est contraint. Peut-être serait-il possible de demander un renvoi en commission ? En tout cas, nous serions bien avisés de nous interroger sur la manière dont nous examinons le texte.

M. Mickaël Vallet. - Un renvoi en commission est-il possible ?

M. Cédric Perrin, président. - La motion de renvoi en commission est l'une des motions de procédure pouvant être déposées en vue de l'examen en séance publique.

M. Pascal Allizard, rapporteur. - Je vous prie d'excuser mon retard dû à la grève d'un transporteur aérien. Je répondrai d'abord sur la forme. L'Assemblée nationale a voté en juillet 2019 pour la ratification de l'accord par un peu plus de cinquante voix de majorité. Tous les groupes étaient partagés, y compris le groupe majoritaire. Voilà cinq ans que je travaille sur ce sujet, mais le texte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour du Sénat. Le Gouvernement craignait un débat difficile au Sénat et il avait raison ; il redoutait surtout que le texte ne puisse être adopté par l'Assemblée nationale en cas de deuxième lecture. Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K) a pris l'initiative d'inscrire ce texte à son ordre du jour réservé.

Le traité a des effets positifs sur certains secteurs d'activité. Il a beaucoup été question de pourcentages, mais, pour les apprécier correctement, il faut étudier l'évolution des volumes. Certes, les échanges franco-canadiens ont augmenté de 33 %, mais, dans le même temps, le commerce extérieur français a progressé de 35 % ! L'environnement économique est donc favorable et d'autres pays obtiennent les mêmes résultats, sans avoir conclu de Ceta !

J'ai beaucoup échangé avec les représentants de la filière viticole : certes les flux sont positifs, mais les viticulteurs expriment néanmoins une certaine inquiétude quant à leur compétitivité et au risque d'apparition d'une concurrence par les coûts de la part des producteurs canadiens, en raison de mesures de soutien des Provinces.

J'en viens aux indications géographiques protégées. La perspective d'une élection de Trump à la présidence des États-Unis a été citée. N'oublions pas que ce dernier avait imposé la renégociation de l'accord avec accord de libre-échange nord-américain (Aléna) lorsqu'il était président. Voilà qui explique en partie l'état d'esprit canadien aujourd'hui à l'égard de l'Europe. Les Canadiens ont accepté la prise en compte des IGP dans le Ceta, mais seulement 10 % des IGP européennes sont reconnues dans l'accord : cela signifie que 90 % d'entre elles ne bénéficieront d'aucune protection.

En ce qui concerne la dimension environnementale, les injonctions sont contradictoires : nous poussons nos agriculteurs à faire une agriculture d'excellence, en leur interdisant d'employer certaines molécules, mais, dans le même temps, on leur impose d'entrer en concurrence avec des agriculteurs qui n'ont pas du tout les mêmes contraintes. Par exemple, pour permettre la mise en oeuvre du Ceta, la limite maximale de résidus de glyphosate autorisée pour la lentille en Europe a été multipliée par 100, alors même que les seuils en vigueur au Canada sont bien inférieurs... Les Canadiens sont donc prêts à nous livrer des lentilles qui contiennent un taux de produits phytosanitaires interdit chez eux ! C'est une des raisons pour lesquelles je vous propose de ne pas adopter cet accord. Il s'agit bien d'injonctions contradictoires pour notre agriculture, et je pourrais citer d'autres exemples.

Je ne reviendrai pas sur la question de l'arbitrage entre la qualité et la quantité. Tout a été dit. C'est une dimension à prendre en compte également.

Les éleveurs canadiens n'utilisent pas leurs quotas d'exportation de viande. Leur système de production est très différent du nôtre. Pour exporter en Europe, il faudrait qu'ils investissent pour transformer leurs exploitations. Tant que la réglementation n'est pas stabilisée, ils n'ont pas intérêt à le faire, mais cela changera dès que le Ceta aura été ratifié et qu'ils bénéficieront d'une plus grande sécurité juridique, notamment grâce à l'instauration de tribunaux arbitraux.

Actuellement, leurs principaux débouchés sont les États-Unis d'Amérique et la Chine. L'Europe constituerait pour eux un marché de repli si ces marchés se fermaient : si Trump est élu, soyez sûrs que les exportations de viande du Canada vers l'Europe augmenteront ! Et les quotas ne seront pas utilisés pour vendre des tonnes équivalent-carcasse : les exportations seront constituées de morceaux nobles, qui ont la valeur la plus élevée. Le risque d'une « guerre de l'aloyau », pour reprendre l'expression des producteurs, est donc réel ! Notre marché sera déstabilisé. Il faut donc craindre l'apparition d'une forme de concurrence déloyale.

Certains d'entre vous ont dit que le vote de notre commission serait plus un message adressé à l'Union européenne qu'à destination du Canada. C'est vrai. Je suis pourtant un Européen convaincu. En négociant de tels accords, Bruxelles abîme l'image de l'Europe. Je ne suis pas protectionniste par principe. Je suis élu d'un territoire de viticulture et d'élevage. J'ai été sollicité à la fois par des partisans et des opposants de l'accord.

Je vous propose donc de ratifier l'accord de partenariat stratégique, afin de réaffirmer que le Canada est un pays ami, et de rejeter l'accord économique et commercial, car ce dernier ne nous convient pas. Bruxelles doit revoir sa copie.

Examen des articles

Article 1er

M. Pascal Allizard, rapporteur. - L'article 1er autorise la ratification du Ceta. Mon amendement COM-1 vise à le supprimer. L'amendement COM-2 de M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques, est identique.

L'article 2 concerne l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et les États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part. Je vous propose de l'adopter. Nous n'enverrons ainsi pas de message négatif au Canada. Simplement, le Ceta contient des éléments qui ne nous conviennent pas.

Nous examinons ce texte dans le cadre d'une niche parlementaire. Le débat sur l'article 1er reviendra dans l'hémicycle. Certains proposeront de le rétablir. D'autres déposeront sans doute une motion de renvoi de l'ensemble du texte. Je vous propose de supprimer l'article 1er et d'adopter le texte ainsi modifié.

M. Rachid Temal. - Je ne comprends pas très bien. On dit que l'accord n'est pas satisfaisant, mais on ne va pas jusqu'au bout... Soit on adopte le texte, soit on le rejette. On ne peut pas distinguer les deux articles. Nous ne voterons pas l'amendement du rapporteur. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. Que se passera-t-il si le texte est voté ? Une CMP sera-t-elle convoquée ?

M. Cédric Perrin, président. - Tout dépendra du Gouvernement : même si la procédure accélérée a été engagée, celui-ci reste libre convoquer une CMP ou de demander à l'Assemblée nationale d'examiner le texte en deuxième lecture. Mais il peut aussi ne rien faire...

M. Pascal Allizard, rapporteur. - Nous ne sommes pas les seuls à nous interroger sur le Ceta. Dix pays ne l'ont toujours pas ratifié. La Cour suprême irlandaise a considéré que la Constitution irlandaise ne permettait pas au Parlement de ratifier l'accord en l'état.

À Chypre, le Parlement a rejeté le texte, mais le gouvernement n'a pas notifié ce vote à Bruxelles, car il souhaite une nouvelle lecture, mais il craint un nouveau vote négatif. D'autres pays ne se sont pas prononcés pour les mêmes raisons. Il y a une forte résistance des Parlements régionaux en Belgique. Les arguments que nous avons évoqués sont donc mis en avant par d'autres pays. Nous avons le droit de dire que nous ne sommes pas prêts à tout accepter, ce qui ne signifie pas que nous sommes hostiles au libre-échange par principe.

M. Didier Marie. - Je rappelle que 46 assemblées sont appelées à ratifier cet accord : on est encore loin du compte. En France, la position finale relève du Gouvernement, qui choisira ou non de notifier à la Commission le résultat du vote.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) est opposé à l'accord économique et commercial, mais aussi à la mise en oeuvre de forums réglementaires et de tribunaux arbitraux. Nous voterons contre les deux articles.

Les amendements identiques COM-1 et COM-2 sont adoptés.

L'article 1er est supprimé.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Compte tenu de la suppression de l'article 1er, le texte est désormais déséquilibré, car les deux articles forment un tout. Je ne peux donc pas voter pour un texte amputé de l'essentiel.

Le projet de loi n'est pas adopté.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

La réunion est close à 12 h 15.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 5 mars 2023 

- MM. Denis Redonnet, directeur général adjoint, DG Commerce, Commission européenne, et Martin Pouliot, conseiller commerce internationale, représentation de la Commission européenne en France (en visioconférence) ;

- S.E M. Stéphane Dion, ambassadeur du Canada auprès de la France et Monaco et envoyé spécial auprès de l'Union européenne et de l'Europe, Mme Nadia Burger, ministre plénipotentiaire et cheffe de mission, et MM. Stéphane Lambert, ministre-conseiller (affaires économiques), Vincent Garneau, conseiller et chef de la section politique, Yannick Dheilly, attaché, section économique et commerciale et Cyrille Sanchez, chef d'unité, politique intérieur, ambassade du Canada en France ;

- Mmes Muriel Lacoue-Labarthe, directrice générale adjointe, Sabine Desforges, sous-directrice de la politique commerciale, de l'investissement et de la lutte contre la criminalité financière, et MM. Pierre-Eliott Rozan, chef du bureau de la politique commerciale, de la stratégie et de la coordination, Thomas Brisset, adjoint au chef du bureau épargne et marché financier, et Paul Babin, adjoint au chef du bureau des règles internationales du commerce et de l'investissement, direction générale du Trésor ;

Mercredi 6 mars 2023

- Table-ronde 

o M. Arnold Puech d'Alissac, membre du Bureau, président de l'Organisation mondiale des agriculteurs (OMA), M. Xavier Jamet, responsable des affaires publiques, et Mme Céline Meyer, chargée de mission international et Europe au sein du service économie et développement durable, Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA);

o M. Patrick Benezit, président de la Fédération nationale bovine (FNB) et vice-président, et Mmes Louison Camus, responsable juridique et des affaires publiques, et Hélène Fuchey, chargée de mission, Interbev ;

o MM. Thierry Roquefeuil, président, et Jean-Marc Chaumet, directeur économie, centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL), et M. François-Xavier Huard, président-directeur général, fédération nationale de l'industriel laitière (FNIL) ;

Vendredi 8 mars 2023

- M. Étienne Ranaivoson, sous-directeur des relations extérieures de l'Union européenne, ministère de l'Europe et des affaires étrangères (en visioconférence) ;

Contributions écrites :

- Direction générale de l'alimentation ;

- Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises ;

- Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ;

- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ;

- Business France ;

- Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) ;

- Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) ;

- Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ;

- Association française des entreprises privées (AFEP) ;

- Mme Marine Colli, consultante.


* 1 Le Parlement chypriote l'a rejeté le 31 juillet 2020. Pour autant, le Gouvernement chypriote envisagerait de soumettre ce texte à une nouvelle délibération et n'a pas notifié ce rejet à l'Union européenne, ne conduisant donc pas à une dénonciation définitive de l'accord. Par ailleurs, le 11 novembre 2022, la Cour suprême irlandaise a considéré que la Constitution irlandaise empêchait le Gouvernement et le Parlement de ratifier l'accord en l'état actuel du droit irlandais.

* 2 17 700 tonnes auxquelles il convient d'ajouter une réattribution à l'Union européenne d'une partie du contingent OMC à hauteur de 800 tonnes.

* 3 Les exportations européennes de biens atteignaient un montant de 2 840 Mds€ en 2023.

* 4 Pour un montant total d'exportations françaises atteignant 607 Mds€ en 2023.

* 5 0,0034 % de la consommation française.

* 6 Source : https://agriculture.canada.ca/fr/secteur/production-animale/information-marche-viandes-rouges/commerce-international/pourcentage-exportations-du-secteur-viande-rouge.

* 7 Règlement d'exécution 2024/399 de la Commission du 29 janvier 2024 modifiant l'annexe III du règlement d'exécution (UE) 2020/2235 et l'annexe II du règlement d'exécution (UE) 2021/403 en ce qui concerne les modèles de certificats pour l'entrée dans l'Union d'envois de certains produits d'origine animale et de certaines catégories d'animaux.

* 8 Le Royaume-Uni l'avait ratifié en 2018.

* 9 En particulier, résolution invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA adoptée par le Sénat le 15 avril 2021.

* 10 Le 15 avril 2021, Franck Riester déclarait ainsi : « j'indique que le projet de loi autorisant la ratification de l'accord poursuivra bien évidemment son chemin parlementaire au Sénat ».

* 11 Qui s'ajoute au contingent OMC de 4 160 tonnes, soit un total de 53 000 tonnes.

* 12 Qui s'ajoute au contingent OMC de 5 549 tonnes, soit un total de 80 549 tonnes.

* 13 17 700 tonnes auxquelles il convient d'ajouter une réattribution à l'Union européenne d'une partie du contingent OMC à hauteur de 800 tonnes.

* 14 Résolution du parlement européen du 17 janvier 2024 sur la mise en oeuvre de l'accord économique et commercial global (AECG) entre l'Union européenne et le Canada (2023/2001(INI)).

* 15 Les exportations européennes de biens atteignaient un montant de 2 840 Mds€ en 2023.

* 16 Pour un montant total d'exportations françaises atteignant 607 Mds€ en 2023.

* 17 En 2022, le taux d'utilisation des accords à l'exportation depuis l'Union européenne vers le Canada s'élevait à 63 %. Pour la France, le taux d'utilisation des préférences tarifaires à l'exportation depuis la France atteignait 65 %, soit un taux d'utilisation inférieur au taux moyen d'utilisation des accords par la France (76 %).

* 18 Source : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/CA/relations-bilaterales.

* 19 Source : direction générale du Trésor, réponses au questionnaire du rapporteur.

* 20 0,0034 % de la consommation française.

* 21 CEPII, Évaluation macro-économique des impacts de l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, rapport d'étude n° 2019-01, juin 2019.

* 22 Source : https://www.tmdn.org/giview/gi/search.

* 23 « L'impact de l'Accord Économique et Commercial Global entre l'Union européenne et le Canada (AECG/CETA) sur l'environnement, le climat et la santé », rapport de la commission indépendante présidée par Mme Katheline Schubert remis au Premier ministre le 8 septembre 2017.

* 24 Source : https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_boeuf_cle46febe.pdf.

* 25 Source : https://agriculture.canada.ca/fr/secteur/production-animale/information-marche-viandes-rouges/commerce-international/pourcentage-exportations-du-secteur-viande-rouge.

* 26 Donnée Eurostat.

* 27 Donnée CNIEL.

* 28 Joint Research Center, Cumulative economic impact of trade agreements on EU agriculture, 2021.

* 29 Règlement d'exécution 2024/399 de la Commission du 29 janvier 2024 modifiant l'annexe III du règlement d'exécution (UE) 2020/2235 et l'annexe II du règlement d'exécution (UE) 2021/403 en ce qui concerne les modèles de certificats pour l'entrée dans l'Union d'envois de certains produits d'origine animale et de certaines catégories d'animaux.

* 30 Résolution européenne du Sénat du 21 février 2018 sur les directives de négociation en vue d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie, d'une part, et la Nouvelle-Zélande.

* 31 Résolution du Sénat du 16 janvier 2024 relative aux négociations en cours en vue d'un accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur.

* 32 « L'AECG comporte des engagements en faveur d'une gestion durable des forêts, des pêches et de l'aquaculture, ainsi que des engagements de coopérer sur des questions environnementales d'intérêt commun liées au commerce, telles que le changement climatique, pour lequel la mise en oeuvre de l'Accord de Paris constituera une importante responsabilité partagée de l'Union européenne et de ses États membres ainsi que du Canada ».

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