III. LES APPORTS DE LA COMMISSION DES LOIS : CONFORTER LES GRANDS AXES DU TEXTE ET LE RECENTRER SUR SES OBJECTIFS

La commission des lois a souscrit aux grands axes du texte ; elle a, en particulier, mis en avant l'impact fort de la mise en place d'une confiscation « de droit » de certains biens saisis par l'article 3. Cette dernière disposition est, de toute évidence, la plus marquante du texte : elle constitue une véritable révolution copernicienne, une inversion de la logique des confiscations qui pourrait produire des effets puissants sur le « ratio » de confiscation des biens saisis.

À l'initiative du rapporteur, la commission a modifié certaines dispositions, soit pour y apporter des clarifications, des coordinations et améliorations rédactionnelles, soit pour faciliter l'appropriation par les acteurs des procédures et outils nouveaux que le texte entend créer.

Elle a ainsi :

- à l'article 1er, prévu que les biens qui pourraient être confiés à titre gratuit à de nouvelles entités seraient les biens meubles confisqués, et non saisis : outre que les ajouts proposés par l'Assemblée nationale risquaient de se faire au prix d'une dilution des affectations - et donc au préjudice de ceux qui, en première ligne dans l'exercice de la mission de saisie et de confiscation, en sont aujourd'hui les seuls bénéficiaires, à savoir les services d'enquête et les services judiciaires22(*) -, l'affectation élargie de biens saisis, donc susceptibles d'être restitués à terme, aurait risqué de soulever des problèmes de gestion pour l'Agrasc comme pour les entités bénéficiaires (amendement COM-16) ;

- au même article, par cohérence et dans un esprit de simplification, soumis à un recours devant un juge unique d'autres procédures de saisies que celles visées par le texte adopté par les députés (amendement COM-16) ;

- recentré, à l'article 1er bis C, la notification à l'Agrasc des décisions de saisies et de confiscations sur celles qui entrent dans le périmètre des compétences de l'Agence, afin d'éviter que celle-ci se trouve « noyée » sous une masse de décisions qu'elle ne pourra ni exploiter, ni conserver et qui n'auront pas d'intérêt opérationnel pour elle (amendement COM-20) ;

- supprimé l'article 1er bis C relatif aux compétences de l'Agrasc en matière de formation qui, selon l'analyse unanime des personnes entendues par le rapporteur, est dépourvu de portée normative (amendement COM-22) ;

- précisé, à l'article 3, que la nouvelle confiscation obligatoire des biens saisis qui sont l'objet, le produit ou l'instrument de l'infraction emportera l'absence d'obligation de motivation des décisions correspondantes (amendement COM-25) ;

- modifié, au même article, les dispositions relatives à l'expulsion des occupants du chef du condamné pour prévoir qu'une telle mesure ne pourrait pas toucher les occupants liés au condamné par un contrat de bail régulièrement conclu, antérieur à la confiscation et qui s'acquittent de leurs obligations en tant que locataires (amendement COM-26).

La commission a, par ailleurs, enrichi le texte en :

- transposant aux CIPJ dites « environnementales » la possibilité, prévue par le texte pour les CIPJ « classiques », d'obliger la personne morale mise en cause à se défaire de tout ou partie des biens saisis pendant la procédure (amendement COM-19 du rapporteur) ;

- ouvrant aux services d'enquête et aux services judiciaires la possibilité, dont ils disposent déjà pour les biens meubles, de se voir affecter à titre gratuit des biens immeubles saisis ou confisqués (amendements COM-4 rect.ter de Paul-Toussaint Parigi et COM-10 rect.ter de Nathalie Delattre) ;

permettant aux officiers de police judiciaire de procéder, sur autorisation d'un magistrat, à certaines saisies spéciales nouvelles : celles des biens meubles qui risquent de disparaître à défaut d'une telle saisie et celles des fonds présents sur des comptes de paiement (amendement COM-24 du rapporteur) ;

élargissant les prérogatives de l'Agrasc en matière d'alinéation ou de vente avant jugement de biens saisis : ce procédé pourra ainsi concerner les biens dont l'entretien requiert une expertise particulière ou à ceux dont la conservation présente des coûts disproportionnés (amendement COM-17) ;

mettant fin au caractère suspensif de certains recours à l'encontre des décisions de saisie ou de restitution, permettant de rendre ces décisions plus efficaces (amendement COM-18).

Les recherches et auditions conduites par le rapporteur ont également fait apparaître l'existence d'une lacune juridique quant à la gestion des biens saisis entre la clôture de l'enquête ou de l'instruction et la tenue de l'audience de jugement, aucun magistrat n'étant identifié par le code de procédure pénale pour exercer cette tâche - ce qui pose de réelles difficultés aux services d'enquête qui, s'ils n'ont pas sollicité l'affectation gratuite d'un bien pendant la durée (parfois courte) des investigations, perdent la possibilité de formuler une demande en ce sens. Elle poursuivra ses travaux d'ici à la séance publique afin de déposer, à cette occasion, un amendement permettant de combler ce vide.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.


* 22 Le rapporteur rappelle à cet égard que l'affectation de biens saisis à ces services apparaît déjà limitée et, pour beaucoup, insuffisante (à titre d'illustration, selon l'Agrasc, seuls huit biens ont été affectés aux services judiciaires au cours de l'année 2023) alors même que leurs besoins en véhicules, en matériels techniques ou en moyens informatiques sont considérables.

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