Rapport n° 65 (1984-1985) de M. André FOSSET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 novembre 1984

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N°65

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1984-1985

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 novembre 1984

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du Contrôle budgétaire et des Comptes économiques de la nation (1) sur la proposition de résolution de MM. André FOSSET, Charles ORNANO, Charles-Henri de COSSÉ-BRISSAC, Georges TREILLE, Francisque COLLOMB, Jean DELANEAU, Arthur MOULIN, Rémi HERMENT, Henri COLLETTE, Roland du LUART, Henri BELCOUR, Jacques MOUTET, les membres du Groupe de l'Union Centriste et rattachés administrativement, les membres du Groupe de U.R.E.I et rattachés administrativement et apparentés, les membres du Groupe R.P.R. apparentés et rattachés administrativement, MM. Jean-Pierre CANTEGRIT, Paul GIROD, Mme Brigitte GROS et M. Pierre MERLI tendant à la création d'une commission de contrôle chargée d'examiner la gestion de la S.N.C.F et les conditions de mise en place des Comités d'établissement au sein de cette société nationale.

PRÉSENTÉE

Par M. André FOSSET,

Sénateur.

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(1) Cette commission est composée de : MM. Edouard Bonnefous. président; Geoffroy de Montalembert, Jacques Descours Desacres, Tony Larue, Jean Cluzel, vice-présidents : Modeste Legouez, Yves Durand, Louis Perrein, Camille Vallin, secrétaires, Maurice Blin, rapporteur général, MM. René Ballayer, Stéphane Bonduel, Jean Chamant, Pierre Croze, Gérard Delfau, Michel Dreyfus-Schmidt, Henri Duffaut, Marcel Fortier, André Fosset, Jean François-Poncet, Jean Francou, Pierre Gamboa, Henri Goetschy, Robert Guillaume, Femand Lefort, Georges Lombard, Michel Manet, Jean-Pierre Masseret, Michel Maurice-Bokanowski, Josy Moinet, René Monory, Jacques Mossion, Bernard Pellarin, Jean-François Pintat, Christian Poncelet, Mlle Irma Rapuzzi, MM. Joseph Raybaud, Maurice Schumann, Henri Torre, André-Georges Voisin.

Voir le numéro :

Sénat : 231 (1983-1984).

Commissions d'enquête et de contrôle

SOMMAIRE

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Pages

- Le double contrôle exercé par la Commission

3

- Un contrôle de conformité

3

- Un contrôle d'opportunité

4

- Texte proposé par la Commission

7

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MESDAMES, MESSIEURS,

Le Sénat est appelé à se prononcer sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission de contrôle chargée d'examiner la gestion de la Société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.) et les conditions de mise en place des comités d'établissement au sein de cette entreprise présentée par MM. André Fosset, Charles Ornano, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Georges Treille, Francisque Collomb, Jean Delaneau, Arthur Moulin, Rémi Herment, Henri Collette, Roland du Luart, Henri Belcour, Jacques Moutet, les membres du groupe de l'Union centriste et rattachés administrativement, les membres du groupe U.R.E.I. et rattachés administrativement et apparentés, les membres du groupe R.P.R. et rattachés administrativement et apparentés, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Paul Girod, Mme Brigitte Gros et M. Pierre Merli.

Un double contrôle.

En application de l'article 11 du Règlement du Sénat, votre Commission saisie au fonds de cette proposition est conduite à exercer un double contrôle :

- un contrôle de conformité aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui détermine les conditions de création des commissions d'enquête et de contrôle ;

- un contrôle d'opportunité, dans la mesure où l'objet de la proposition de résolution, s'agissant du contrôle des entreprises publiques, entre plus particulièrement dans le domaine de compétence de votre Commission.

Un contrôle de conformité.

L'alinéa 3 de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 7 novembre 1958 dispose que « les commissions de contrôle sont formées pour examiner la gestion administrative, financière ou technique des services publics ou d'entreprises nationales en vue d'informer l'assemblée qui les a créées du résultat de leur examen ».

Point n'est besoin de long développement pour indiquer que la S.N.C.F., établissement public industriel et commercial ayant «pour objet d'exploiter, d'aménager et de développer, selon les principes du service public, le réseau ferré national» (1 ( * )) entre bien dans le domaine d'investigation des commissions de contrôle.

La recevabilité de la présente proposition de résolution au regard de l'article 6 de l'ordonnance précitée du 17 novembre 1958 ne laisse donc aucun doute.

Un contrôle d'opportunité.

Il reste dans ces conditions à s'interroger sur le bien-fondé de la création d'une telle commission de contrôle.

La situation financière de la S.N.C.F. est marquée par l'accumulation de pertes d'exploitation considérables et la montée alarmante de l'endettement.

Positifs d'une centaine de millions de francs en 1979, les comptes de l'entreprise ont enregistré un déficit de 674 millions de francs dès 1980. Toutefois, à compter de cet exercice, la situation se dégrade brutalement : pertes de 2.020 millions de francs en 1981, 6.158 millions de francs en 1982 et 8.381 millions de francs en 1983.

Les résultats prévisionnels de 1984, tels qu'ils sont calculés à la fin du premier semestre, font apparaître un déficit de l'ordre de 5.540 millions de francs.

Au cours des quatre derniers exercices, la société nationale aura donc cumulé plus de 22 milliards de francs de pertes d'exploitation.

Conséquence de cette hémorragie financière à laquelle s'est ajouté le financement des investissements nécessaires de l'entreprise, notamment le train à grande vitesse sud-est, la S.N.C.F. voit son endettement croître dans des proportions très inquiétantes.

Sa dette à long terme, qui était de 36,7 milliards de francs à la fin de 1980, atteint en 1983 69,6 milliards de francs, soit un quasi doublement en trois ans.

Plus grave encore, la part de la dette libellée en devises ne cesse d'augmenter. Elle était de moins de 30 % du total en 1980. En 1983, elle atteint près de 47 %.

L'effet des variations de change qui se traduit notamment par une forte dégradation de notre monnaie nationale par rapport au dollar, mais également sur une plus longue période par rapport au mark allemand et au franc suisse, est ressenti désormais durement par la S.N.C.F.

La hausse récente du dollar entre juin et octobre 1984 a ainsi entraîné mécaniquement une hausse de plus de 12 % de l'encours de la dette évalué en francs.

Naturellement, l'effet se fait également sentir sur la charge financière résultant de cet endettement.

Celle-ci est ainsi passée de 3.318 millions de francs en 1980 à 8.529 millions de francs en 1983, soit une augmentation de 157 %.

Cette brutale aggravation de la situation financière de la S.N.C.F. est d'autant plus inquiétante et paradoxale que, parallèlement, le budget de l'Etat a été sollicité de façon croissante:

Les concours de l'Etat (2 ( * )) à la S.N.C.F. sont en effet passés de 1980 à 1984 de 17,3 milliards de francs à 32,1 milliards de francs, soit une progression de plus de 85 % en francs courants.

Pour 1985, ces subventions se stabilisent en francs constants à ce niveau élevé. Elles progressent en effet de 4,4 % pour atteindre 33,5 milliards de francs.

Parmi les différentes rubriques de ces subventions figurent notamment la contribution aux charges d'infrastructure (10,6 milliards de francs en 1985) et la contribution aux charges de retraite (13,8 milliards de francs en 1985).

S'agissant de la première, le rapport d'activité de la Société indique qu'elle couvre les dépenses d'entretien des voies ferrées existantes.

Mais la réalisation du T.G.V. Atlantique introduira sur ce plan une innovation, puisqu'il semble acquis que 30 % du coût des infrastructures seront pris en charge par l'Etat.

S'agissant de la contribution aux charges de retraite, la forte croissance enregistrée en 1984 (+ 20 %) s'explique par la réduction du taux de la cotisation de retraite à la charge de la S.N.C.F. de 43,1 % à 35 %, porté par la suite à 36 %.

Rappelons sur ce point que le cahier des charges de l'entreprise prévoit désormais que les nouveaux avantages propres au régime S.N.C.F. qui pourront être accordés en sus de ceux déjà existants dont la Cour des comptes, dans son rapport de 1983, estime déjà qu'ils n'ont que peu de justification objective, resteront à la charge de la société.

Toutefois, l'on peut douter du bien-fondé de cette ligne de partage entre les comptes de la S.N.C.F. et le budget de l'Etat, dès lors que l'entreprise enregistre des pertes de plusieurs milliards de francs chaque année qui devront être prises en charge d'une façon ou d'une autre par la collectivité nationale.

Ainsi, en 1984 et 1985, une contribution exceptionnelle à l'assainissement financier de la S.N.C.F., respectivement de 3,51 et de 3,25 milliards de francs, a été financée par le budget de l'Etat.

En réalité, une réelle rigueur de gestion semble plus que jamais nécessaire pour limiter la charge que fait peser la S.N.C.F. sur l'économie nationale.

Aussi, n'est-ce pas sans appréhension que l'on peut lire dans les comptes de la nation (3 ( * )) que «pour la première fois dans l'histoire de la S.N.C.F. d'après la guerre, les effectifs ont augmenté en 1982, augmentation de plus de 4.000 unités, qui porte les effectifs à environ 253.000 en fin d'année».

Ce n'est pas sans moins de perplexité que l'on voit successivement justifier les embauches pratiquées dès le deuxième semestre 1981 par la nécessité, certes, de tenir compte des nouvelles dispositions concernant la durée du travail, mais également par l'amélioration du service (4 ( * )) et légitimer les suppressions d'emplois en 1983 et 1984 (5 ( * )) par l'absence de conséquences sur la qualité des prestations ou le volume de l'activité.

Dans ces conditions, il convient de s'interroger sur une politique aussi erratique des effectifs ainsi que sur l'utilité réelle et l'affectation précise des embauches pratiquées massivement en 1981-1982 et plus généralement sur la part des personnels qui concourent réellement au service public.

En effet, il semble notamment que la mise en place des différentes instances représentatives du personnel se soit accompagnée de la multiplication du nombre des cheminots considérés comme des permanents.

Le dernier rapport d'activité de l'établissement indique ainsi que la mise en place des nouvelles institutions de représentation du personnel a donné lieu à l'élection de 2.183 représentants dans 327 comités d'établissement et de 4.710 délégués du personnel, auxquels s'ajoute le même nombre de suppléants.

La constatation de la dégradation de la situation financière de la S.N.C.F., en dépit de la croissance considérable des concours publics, la conviction qu'une plus grande rigueur de gestion est nécessaire pour mettre fin à l'une et à l'autre conduisent votre Commission à proposer au Sénat l'adoption de la proposition de résolution ci-après :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission de contrôle chargée d'examiner la gestion de la S.N.C.F. et les conditions de mise en place des comités d'établissement au sein de cette société nationale.

(Texte proposé par la Commission.)

Article premier.

Il est créé, conformément à l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, une commission de contrôle chargée d'examiner :

1° l'évolution de la situation financière de la S.N.C.F. ;

2° la politique menée pour alléger la charge que les transports ferroviaires font supporter à l'économie nationale ;

3° les conditions de mise en place des comités d'établissement au sein de la S.N.C.F.

Article 2.

Cette commission est composée de 21 membres désignés conformément à l'article 11 du Règlement du Sénat.

* 1 Selon les termes mêmes de l'article 18 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs qui a transformé, à compter du 1 er janvier 1983, la société anonyme d'économie mixte créée le 31 août 1937 en un établissement public industriel et commercial.

* 2 - Loi de finances initiales

* 3 - Cité dans le rapport 2365, annexe 41, de l'Assemblée nationale, page 11.

* 4 Voir rapport d'activité 1981, page 17

* 5 1.500 postes en 1983, 5.000 en 1984. Voir le journal « Le Monde » des 12 mai 1983 et 2 novembre 1984

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