Rapport n° 356 (1988-1989) de M. Etienne DAILLY , fait au nom de la commission des lois, déposé le 7 juin 1989

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N° 356

SÉNAT

SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1988 -1989

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 juin 1989

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 juin 1989

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (1)sur la proposition de résolution de MM. Étienne DAILLY, Pierre-Christian TAITTINGER, Jean CHÉRIOUX et Michel DREYFUS-SCHMIDT tendant à modifier les articles 1 et 8 du Règlement du Sénat,

Par M. Étienne DAILLY,

Sénateur.

(1) MM. Jacques Larché, président; Félix Ciccolini, Charles de Cuttoli, Paul Girod, Louis Virapoullé, vice-présidents ; Germain Authié, René-Georges Laurin, Charles Lederman, secrétaires ; MM. Guy Allouche, Alphonse Arzel, Gilbert Baumet,. Jean Bénard-Mousseaux, Christian Bonnet, Raymond Bouvier, Auguste Cazalet, Henri Collette, Raymond Courrière, Étienne DAILLY, Michel Darras, André Daugnac, Marcel Debarge, Luc Dejoie, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. François Giacobbi, Jean-Marie Girault, Paul Graziani, Hubert Haenel, Daniel Hoeffel, Charles Jolibois, Bernard Laurent, Paul Masson, Jacques Mossion, Hubert Peyou, Claude Pradille, Albert Ramassamy, Roger Romani, Marcel Rudloff, Michel Rufîn, Jacques Thyraud, Jean-Pierre Tizon, Georges Treille.

Mesdames, Messieurs,

Notre Haute Assemblée est appelée à délibérer d'une proposition de résolution n° 319, déposée par ses quatre vice-présidents, MM. Étienne DAILLY, Pierre-Christian Taittinger, Jean Chérioux et Michel Dreyfus-Schmidt, tendant à modifier les articles 7 et 8 du Règlement du Sénat. L'objet de cette modification est de permettre aux questeurs d'être membres d'une commission permanente (modification de l'article 8) et, par voie de conséquence, de majorer de trois le nombre total des sièges répartis entre les différentes commissions permanentes (modification de l'article 7).

I. LES QUESTEURS : LEUR HISTOIRE, LEUR STATUT, LEURS MISSIONS

Ainsi qu'Eugène Pierre l'observait déjà dans son "traité de droit politique, électoral et parlementaire" (n° 439 et suivants), "les Assemblées ont une existence personnelle et compliquée ; les moindres détails qui les concernent exercent leur influence sur la dignité des délibérations. De tout temps, les représentants du pays ont choisi dans leur propre sein des membres chargés de veiller à ce qu'aucune préoccupation matérielle ne vienne entraver ou troubler la marche du travail législatif. "

De fait, dans les premières Assemblées, la gestion administrative et financière était confiée à des "prêteurs" ou à des "chanceliers", qui avaient rang de dignitaires.

La questure des assemblées parlementaires proprement dite a pris naissance dans le Sénatus-consulte du 28 frimaire an XII (20 décembre 1803) dont les articles 19 à 25 créent le titre de questeur et fixent les compétences du Conseil de Questure. Cette instance interne au Parlement est donc fondée sur une solide tradition qui s'inscrit directement dans le principe d'autonomie administrative des Assemblées, lequel résulte des règles de séparation des pouvoirs.

Il convient en effet que les Assemblées puissent gérer elles-mêmes leur administration, leur personnel et leurs crédits, de façon à ne pas être sur ce point dépendantes ou tributaires des décisions du pouvoir exécutif.

Sous la Ve République, ce rôle, administratif et financier, est essentiellement imparti aux questeurs de chacune des deux Assemblées, lesquels font l'objet de dispositions législatives et de plusieurs articles du Règlement de l'Assemblée à laquelle ils appartiennent, dont notamment :

- l'article 7 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires : cet article fixe la procédure d'attribution aux assemblées des crédits nécessaires à leur fonctionnement et institue à cette fin une commission commune composée des questeurs des deux assemblées qui a la particularité de "délibérer sous la présidence d'un président de chambre à la Cour des Comptes désigné par le premier président de cette juridiction" ;

- les articles 10, 11, 13, 14 et 18 du Règlement de l'Assemblée nationale, qui fixent les règles de désignation ainsi que les compétences des questeurs de l'Assemblée nationale ;

- les articles 3, 8 et 101 du Règlement du Sénat, qui définissent les règles applicables aux questeurs du Sénat.

En pratique, les attributions et les compétences des questeurs de l'Assemblée nationale et du Sénat sont très analogues.

C'est ainsi que chacune des Assemblées élit en son sein trois questeurs qui sont membres du Bureau, Ces trois questeurs agissent collégialement au sein d'un Conseil de Questure et exercent leurs compétences "sous la haute direction" (art. 13, alinéa 3 du Règlement de l'Assemblée nationale) ou "sous le contrôle" (art. 101, alinéa 2 du Règlement du Sénat) du Bureau de leur Assemblée.

Les questeurs sont donc essentiellement investis d'attributions à caractère administratif et préparent puis exécutent le budget des Assemblées.

Les questeurs disposent d'un pouvoir réglementaire interne étendu sur l'ensemble des matières entrant dans leur domaine de compétence. Ce pouvoir est exercé collégialement, sous forme d'arrêtés ou de décisions de Questure.

L'action administrative des questeurs peut du reste être complémentaire de celle d'autres instances du Parlement et se concrétiser par exemple dans des arrêtés du Président et des questeurs, notamment en matière de statut individuel du personnel des Assemblées. C'est ainsi que par exemple l'article 46 du Règlement intérieur du Sénat, adopté par le Bureau du Sénat en application de l'article 102 du Règlement du Sénat prévoit que les jurys d'examen sont désignés par arrêtés du Président et des questeurs.

En pratique, le Conseil de Questure désigne chaque trimestre un questeur délégué, qui le représente.

Selon l'article premier, alinéa 2 du Règlement sur la comptabilité des recettes et des dépenses du Sénat. C'est le Conseil de Questure qui assure l'ordonnancement des dépenses de notre Haute Assemblée.

II. LES PARTICULARITÉS DU STATUT DES QUESTEURS DU SÉNAT

Les statuts des questeurs des deux Assemblées sont donc très similaires.

On relève néanmoins deux spécificités dans le statut des questeurs du Sénat, l'une de caractère administratif n'appelant pas de commentaire particulier, l'autre nettement plus politique, sur laquelle on peut réellement s'interroger.


• En premier lieu, les questeurs du Sénat sont investis d'un pouvoir réglementaire étendu sur la police du jardin du Luxembourg. Ce jardin étant ouvert au public, il s'agit d'un pouvoir de police fort important qui, par définition, ne peut concerner les questeurs de l'Assemblée nationale.


• D'autre part, l'article 8, alinéa 12 du Règlement du Sénat dispose que "... le Président du Sénat et les questeurs ne font partie d'aucune commission permanente". Sur ce point, les questeurs du Sénat sont donc placés dans une situation réglementaire sans équivalent à l'Assemblée nationale dont le Règlement n'interdit nullement à ses questeurs d'être membres d'une commission permanente.

On peut ainsi rappeler qu'actuellement les trois questeurs de l'Assemblée, MM. Bassinet, Cointat et Bonnemaison, appartiennent respectivement à la Commission de la production et des échanges (MM. Bassinet et Cointat) et à la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (M. Bonnemaison).

L'interdiction qui frappe les questeurs du Sénat n'apparaît guère logique.


• Elle ne s'applique pas, en effet, aux autres membres du Bureau (à l'exception bien sûr du Président), et les vice-présidents comme les secrétaires du Sénat peuvent parfaitement être membres d'une commission permanente. Ce n'est donc pas l'appartenance des questeurs au Bureau du Sénat qui les écarte des commissions permanentes.


• D'autre part, on ne peut non plus soutenir que la qualité de questeur serait en elle-même incompatible avec toute participation aux travaux d'une commission législative, quelle qu'elle soit. En effet, l'article 8, alinéa 12 du Règlement du Sénat ne vise que l'appartenance à une commission permanente proprement dite et ne fait aucunement obstacle à ce qu'un ou plusieurs questeurs du Sénat soient membres d'une commission spéciale.

On peut même soutenir que les questeurs participeraient donc normalement et régulièrement aux travaux législatifs si les textes qui viennent en discussion étaient plus souvent renvoyés à des commissions spéciales, conformément à l'esprit de l'article 43 alinéa premier de la Constitution de la Vème République.


• Dès lors que les questeurs du Sénat sont titulaires du même mandat parlementaire que l'ensemble de leurs autres collègues, et qu'en elles-mêmes leurs attributions purement administratives ne leur interdisent pas de participer aux travaux législatifs de l'assemblée en séance publique, on ne voit donc guère de motif à les tenir plus longtemps écartés des travaux des six commissions permanentes du Sénat.


• Il faut d'ailleurs souligner qu'en leur exclusion a constitué une innovation dans le droit parlementaire en vigueur au sein de notre Sénat.

Le Règlement du Conseil de la République ne comportait sur ce point aucune interdiction. Il en était de même dans le Règlement du Sénat de la IIIe République, lorsque celui-ci adopta (assez progressivement) un système de commissions législatives analogue à celui des actuelles commissions permanentes.

L'article 8, alinéa 12 du Règlement du Sénat a donc constitué une innovation sur laquelle malheureusement la consultation des travaux préparatoires n'apporte aucun éclaircissement.

Cette disposition (qui figurait initialement à l'article 8, alinéa 8 de la proposition de résolution fixant le Règlement provisoire du Sénat) a en effet été adoptée sans débat, ainsi que le montre le compte rendu de la séance du 16 janvier 1959 (Journal officiel des débats du Sénat, p. 43).

Le rapport de la commission spéciale chargée d'élaborer le Règlement provisoire du Sénat n'est pas plus explicite. Compte tenu de l'urgence, le rapporteur, M. Marcilhacy, n'avait en effet commenté que les articles qui lui semblaient susciter des difficultés sérieuses et n'avait donné sur l'article 8, alinéa 8, aucune indication particulière (Rapport Sénat - Session extraordinaire de 1959, n° 3, annexé au procès-verbal de la séance du 15 janvier 1959),


• On recherche en vain une explication plausible au dispositif de l'article 8, alinéa 12. Ce ne peut être en effet l'importante charge de travail qui pèse sur les questeurs qui risquerait éventuellement de leur interdire une participation suivie aux travaux d'une commission permanente, puisque si tel était le cas il en serait de même pour les questeurs de l'Assemblée nationale.

D'une façon plus générale, il convient de constater que l'exclusion des questeurs du Sénat des commissions permanentes altère profondément les conditions d'exercice de leur mandat parlementaire, puisqu'ils sont écartés d'une phase essentielle de l'activité législative du Parlement.

III. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION


• La proposition de résolution soumise à votre examen a pour objet de rétablir les questeurs du Sénat dans la plénitude d'exercice de leur mandat de sénateur, en abrogeant l'interdiction qui leur a été faite en 1959 de faire partie d'une commission permanente.

Tel est donc l'objet paragraphe I de son article unique qui tend dans la seconde phrase du dernier alinéa (12) de l'article 8 du Règlement du Sénat : "Le Président du Sénat et les questeurs ne font partie d'aucune commission permanente" à rayer les mots "et les questeurs ".


• Cette réforme emporterait toutefois une incidence directe sur le nombre total des sièges à répartir entre les six commissions permanentes du Sénat. Le nombre des commissaires de chaque commission permanente est en effet fixé limitativement par l'article 7 du Règlement.

À cette fin, le second paragraphe de l'article unique de la proposition de résolution ventile les trois nouveaux sièges de commissaires de la façon suivante :

- un siège supplémentaire à la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées qui comprendrait ainsi 53 membres ;

- un siège supplémentaire à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation qui comprendrait ainsi 41 membres, puis 42 membres à partir d'octobre 1989, par suite de la création d'un siège supplémentaire de sénateur représentant les Français établis hors de France ;

- un siège supplémentaire à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale qui comprendrait ainsi 43 membres, puis 44 membres après le prochain renouvellement triennal, compte tenu de la création du deuxième siège supplémentaire de sénateur des Français de l'étranger.

IV. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

Votre commission a considéré que la situation réglementaire discriminatoire dans laquelle se trouvent actuellement placés les questeurs ne se justifiait guère.

Elle a estimé que les questeurs du Sénat pouvaient fort bien, comme les questeurs de l'Assemblée nationale, concilier leurs fonctions administratives et le travail en commission permanente. Il lui a paru par ailleurs très préjudiciable que les questeurs ne puissent exercer toutes les prérogatives de leur mandat parlementaire, dont le travail en commission permanente représente une part essentielle.

Votre commission des Lois a donc décidé qu'il y avait lieu de mettre fin à la situation discriminatoire existant entre les questeurs et les autres sénateurs. À cette fin, elle s'est déclarée favorable à la modification de l'article 8 du Règlement du Sénat, telle qu'elle résulterait du paragraphe I de la proposition de résolution soumise à votre examen.

En revanche, il lui a paru que la répartition des trois sièges de commissaires prévue au paragraphe II de cette proposition de résolution n'était pas satisfaisante, dans la mesure où elle s'éloigne des principes directeurs qui ont jusqu'à présent inspiré la fixation des effectifs de chaque commission permanente du Sénat.

Si Ton procède à l'examen des effectifs successifs des commissions permanentes du Conseil de la République, et du Sénat depuis 1958, on constate qu'ils ont toujours été fixé en tentant de respecter au mieux les trois principes de base suivants :

- des effectifs égaux mais restreints pour les deux commissions les plus techniques, à savoir la commission des Finances et la commission des Lois ;

- des effectifs égaux mais plus substantiels pour les trois commissions des Affaires culturelles, des Affaires étrangères et des Affaires sociales ;

- un effectif renforcé pour la commission des Affaires économiques, j ustifié par un domaine de compétences beaucoup plus étendu, et surtout plus diversifié.

Au 2 octobre 1989, et compte tenu des deux derniers sièges supplémentaires de sénateurs représentant les Français établis hors de France, l'effectif total du Sénat s'élèvera à 322 sièges (1 ( * )), ce qui, compte tenu de l'interdiction faite au Président et aux questeurs du Sénat par l'article 8, alinéa 12 du Règlement, d'appartenir à une commission permanente, réduit à 318 le nombre total des commissaires.

La répartition de cet effectif se présentera comme suit :

- Commission des Affaires économiques et du Plan

78 membres

- Commission des Affaires culturelles

52 membres

- Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées

52 membres

- Commission des Affaires sociales

52 membres

- Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation

41 membres

- Commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

43 membres

TOTAL

318 sénateurs

Votre commission ne saurait approuver la répartition prévue par la proposition de résolution soumise à votre examen :

- d'une part, parce qu'elle romprait l'équilibre traditionnel entre les effectifs des commissions des Affaires culturelles, des Affaires sociales et des Affaires étrangères, en attribuant à cette dernière un des trois sièges à créer ;

- d'autre part, parce qu'elle ne réduirait pas l'écart de deux sièges existant actuellement entre la commission des Finances et la commission des Lois, en attribuant à chacune d'entre elles un des deux autres sièges à créer.

C'est pourquoi votre commission a préféré affecter les trois sièges en cause à raison de deux sièges à la commission des Finances, et un siège à la commission des Lois,

Il en résulterait, pour l'ensemble des six commissions permanentes du Sénat, la répartition suivante (après le renouvellement triennal de 1989) :

- Commission des Affaires économiques et du Plan

78 membres

- Commission des Affaires culturelles

52 membres

- Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées

52 membres

- Commission des Affaires sociales

52 membres

- Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation

43 membres

- Commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

44 membres

TOTAL

321 membres

À l'exception du seul siège qui distingue l'effectif de la commission des Finances de celui de la commission des Lois -écart uniquement imputable aux contraintes de l'arithmétique- les principes qui ont jusqu'ici prévalu en la matière se trouveraient ainsi respectés.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter la proposition de résolution ainsi modifiée.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Proposition de résolution tendant à modifier les articles 7 et 8 du Règlement du Sénat

Article unique

I. - La seconde phrase du dernier alinéa (12) de l'article 8 du Règlement est ainsi rédigée :

"Le Président du Sénat ne fait partie d'aucune commission permanente."

II. - En conséquence, à l'article 7 du Règlement :

A. - Le sixième alinéa (5°) est ainsi rédigé :

"5° - La commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, qui comprend 42 membres et comprendra 43 membres à partir d'octobre 1989

B. - Le dernier alinéa (6°) est ainsi rédigé :

"6° - La commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, qui comprend 43 membres et comprendra 44 membres à partir d'octobre 1989."

* (1) Compte tenu du siège définitivement vacant correspondant à l'ancien territoire des Afars et des Issas.

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