III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

Votre commission approuve dans leur principe les objectifs poursuivis par le présent projet de loi.

Elle considère tout d'abord comme nécessaire une adaptation du droit français aux exigences de la convention de Strasbourg, et vous propose même certaines modifications tendant à assurer pleinement le respect de cet engagement international dont la loi autorisant l'approbation sera soumise au Parlement en même temps que le présent projet.

Elle partage en outre le souci du Gouvernement d'améliorer la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Sur un plan général, votre commission se félicite des nouveaux instruments que le projet de loi devrait donner à l'autorité judiciaire pour lutter contre la grande criminalité organisée.

Il lui paraît cependant souhaitable d'apporter certaines précisions concernant, d'une part, l'interprétation des infractions qu'il vous est proposé de créer et, d'autre part, les règles de procédures applicables à la poursuite des actes de blanchiment.

A. LE CARACTERE INTENTIONNEL DU BLANCHIMENT

La seule infraction de blanchiment prévue actuellement par le code pénal, à savoir celle qui concerne les capitaux issus du trafic de stupéfiants (article 222-38), suppose, de manière expresse, l'intention délictueuse de l'auteur : le concours à l'opération de dissimulation doit être apporté « sciemment ».

Plusieurs autres incriminations du code pénal exigent formellement ce caractère intentionnel. On citera le recel, défini notamment par l'article 321-1 comme « le fait, en connaissance de cause , de bénéficier, par tout moyen du produit d'un crime ou d'un délit  ». De même, l'incrimination d'atteinte à la vie privée (article 226-1) ne peut être commise que « volontairement ».

A la différence de ces dispositions, les articles du projet de loi créant de nouveaux délits n'exigent pas expressément une intention frauduleuse.

Dès lors, un raisonnement a contrario ne pourrait-il conduire les tribunaux à considérer que, certaines dispositions du code pénal exigeant expressément l'intention délictueuse, le silence des autres articles sur ce point confère aux actes incriminés un caractère objectif ?

Votre commission considère qu'une telle interprétation ne saurait être retenue. En effet, l'article 121-3 du nouveau code pénal pose un principe général selon lequel « il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». En conséquence, dans le silence des dispositions spéciales dudit code, le caractère volontaire des actes est une condition nécessaire de l'existence de l'infraction.

On observera, par ailleurs, que le présent projet de loi a pour objet d'adapter la législation française à la convention de Strasbourg. Or, celle-ci exige que soit conféré le caractère d'infraction pénale au blanchiment « commis intentionnellement ».

Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission des Lois considère que l'infraction générale de blanchiment, tout comme celle du blanchiment de fonds issus du trafic de stupéfiants, ne sera constituée que s'il est rapporté la preuve d'une intention délictueuse de la part de son auteur.

B. APPLIQUER AUX ACTES DE BLANCHIMENT LES RÈGLES DE POURSUITES PRÉVUES POUR L'INFRACTION ORIGINAIRE

Le code de procédure pénale et plusieurs autres textes, tels que le livre des procédures fiscales, édictent des règles de poursuites dérogatoires au droit commun.

Tel est le cas par exemple pour les actes de terrorisme, la fraude fiscale ou le délit d'initié.

Compte tenu de l'étroite imbrication existant entre le blanchiment et l'infraction qui en est à l'origine, il paraît souhaitable de leur appliquer les mêmes règles de poursuites.

En effet, la condamnation d'un prévenu pour blanchiment supposera l'établissement préalable de l'existence du délit principal. Or, cet établissement nécessite parfois, compte tenu de la technicité de la matière (notamment dans le domaine financier), le respect de règles supplémentaires de procédure telles que la saisine de la commission des opérations de bourse ou l'avis conforme de la commission des infractions fiscales. Si le blanchiment obéissait aux règles du droit commun, un tel avis ne serait pas requis, rendant ainsi possible la condamnation de son auteur dans des cas où l'auteur de l'infraction principale aurait été mis hors de cause.

Le législateur a pris en compte ces éléments lors de la création du délit de blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants dont la poursuite, l'instruction et le jugement obéissent aux mêmes règles que le trafic de stupéfiants lui-même (art. 706-26 du code de procédure pénale).

Votre commission vous propose également de les prendre en considération en alignant, d'une manière générale, le régime de la poursuite du blanchiment sur celui de l'infraction originaire. Elle a toutefois donné mandat à votre rapporteur pour retirer l'amendement qu'elle vous soumet à cette fin dans l'hypothèse où le Gouvernement fournira des éléments de nature à garantir que l'auteur d'un blanchiment ne pourrait être sanctionné alors que l'auteur de l'infraction pénale échapperait à toute répression ou serait mis hors de cause.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.

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