Rapport n° 113 (1995-1996) de M. Jean HUCHON , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 6 décembre 1995

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N° 113

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 décembre 1995.

RAPPORT

FAIT

ou nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer,

Par M . Jean HUCHON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy. vice-présidents ; Gérard César, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Minetti, Louis Moinard. secrétaires : Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Roger Husson, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet

Voir le numéro :

Sénat : 394 (1994-1995).

Départements et territoires d'outre-mer.

Mesdames, Messieurs,

Les problèmes posés par la situation des 30.000 habitants de la Guadeloupe et de la Martinique qui vivent dans la zone littorale dite des « cinquante pas géométriques » ont attiré l'attention du précédent Gouvernement sur une bande littorale qui comme cela a été relevé, concentre pratiquement tous les enjeux du développement des îles.

C'est dans ce contexte qu'en 1993, le ministre chargé des départements et territoires d'outre-mer a confié à une mission interministérielle la rédaction d'un rapport sur le sujet ( ( * )2) .

Cette mission interministérielle, présidée par M. Rosier, a examiné, notamment avec les services et les élus locaux de Guadeloupe et de la Martinique, les mesures de nature à concilier :

- les intérêts de l'État propriétaire ;

- la protection du littoral ;

- le développement économique ;

- les intérêts des occupants sans titre.

Elle a analysé le régime juridique et la situation économique et sociale actuelle de la zone des « cinquante pas géométriques » qui résulte d'une longue évolution historique et d'une succession de textes contradictoires.

Le présent projet de loi tend à définir, à partir des enseignements de ce rapport, un dispositif législatif de nature à résoudre les problèmes posés actuellement par l'occupation mal maîtrisée de cette zone.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE SUCCESSION DE TEXTES CONTRADICTOIRES

Pour protéger les rivages des Antilles on a créé, sous l'ancien régime, une zone dite « des cinquante pas du roi », qui constituait une réserve domaniale parallèle au rivage destinée à la défense des îles, à ravitaillement et à l'entretien des navires et aux communications. Cette zone dont l'appellation a varié au fil du temps existe aujourd'hui non seulement en Guadeloupe, en Martinique, mais aussi à La Réunion et en Guyane.

L'article L.86 du code du domaine de l'État la définit ainsi :

« La réserve domaniale dite « des cinquante pas géométriques » est constituée par une bande de terrain déjà délimitée dans le département de la Réunion et présentant, dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française et de la Martinique, une largeur de 81,20 mètres comptée à partir de la limite du rivage de la mer tel qu'il a été délimité en application de la législation et de la réglementation relatives à la délimitation du rivage de la mer. »

La situation juridique de cette réserve domaniale a varié depuis l'Ordre royal de 1704 qui délimita cette bande de terre. L'article 34 § 2 d'une ordonnance organique du 22 juin 1827 réaffirma l'inaliénabilité de la zone, laquelle appartint, sous le régime colonial, au domaine public national.

A la Réunion, la situation des occupants sans titres fut résolue notamment par la publication d'un décret du 13 janvier 1922 qui permit la délivrance de titres de propriété aux occupants ( ( * )3) . En Guyane, le problème de l'occupation sans titre des rivages ne se posa pas. En revanche la situation Perdura à la Martinique et à la Guadeloupe, malgré la publication du décret n° 55.885 du 30 juin 1955. Ce texte institua une procédure de déclassement afin d'intégrer la zone au domaine privé de l'État, ce qui permettait en principe de vendre à certains occupants des parcelles de celle-ci, et de faire jouer au bénéfice d'autres occupants les dispositions des articles 2262 et 2265 du code civil, relatives à la prescription acquisitive. Mais, faute d'un arrêté portant clôture des opérations de délimitation, le délai de la prescription acquisitive ne fut jamais ouvert.

La loi « littoral » tenta, à son tour de résoudre le problème posé par l'occupation sans titre qui se développait dans la zone. L'article L.87 du code du domaine de l'État qui résulte de l'article 37 de la loi n°86-2 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral dite loi « littoral » réintégra la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine public maritime de l'État. Ce texte tendait à la fois à protéger les espaces naturels et à faciliter la cession aux communes et aux particuliers. C'est pourquoi il prévoyait que les terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques pourraient, dans des conditions strictes, être déclassés au profit de communes ou d'occupants de bonne foi.

II. UNE OCCUPATION PROGRESSIVE

La zone des cinquante pas géométriques fut peu à peu investie par des occupants publics et privés ayant pour caractéristique commune d'être dépourvus de tout titre de propriété, mais également par des personnes ayant obtenu une autorisation de s'installer par arrêté du gouverneur.

Ce mouvement d'occupation débuta à une époque reculée.

Dès la fin du XVIIème siècle, les marins, les réparateurs de navires, les menuisiers avaient été autorisés par le roi à se loger sur la bande côtière avec leurs familles. Puis les grand propriétaires fonciers exploitant la canne à sucre, le café et la banane ont toléré une telle occupation, au bénéfices des employés de leurs domaines. Ce mouvement séculaire s'est renforcé, au vingtième siècle du fait de l'exode rural et de la pénurie de logements sociaux.

A. ÉTENDUE ET CARACTÉRISTIQUES DU PHÉNOMÈNE D'OCCUPATION DE LA ZONE

Selon le rapport de la mission interministérielle, une grande partie des terrains occupés sont situés dans le centre ville des communes concernées, et supportent des bâtiments publics et privés de toute nature, des voies de circulation, des places, des cimetières, ou à proximité du centre-ville « [...] là où la squattérisation est la plus forte. ( ( * )4) » En outre, l'occupation concerne parfois des zones naturelles ou des parcelles confiées à la gestion de l'Office national des forêts (ONF).

Selon les services de la direction départementale de l'équipement (DDE), le nombre de cas d'occupation, toutes catégories d'occupants confondues, avoisine 15.000 en Martinique et 12.000 en Guadeloupe. Le phénomène de squattérisation ne touche pas les deux autres départements d'outre-mer où existe la zone des cinquante pas géométriques.

La situation de la zone des cinquante pas géométriques est différente dans chacun des deux départements touchés par la « squattérisation », à savoir, la Guadeloupe et la Martinique.

L'État dispose, au total, de 7.770 hectares au titre de la zone des cinquante pas géométriques, dont 4.263 en Guadeloupe et 3516 en Martinique. Le domaine public y est préservé dans 86 % de la superficie en Guadeloupe et 84 % en Martinique. Le problème de l'occupation sans titres concerne 1.655 hectares en Guadeloupe (38,8 % de la zone dans ce département) et 563 hectares (soit 16% de la zone) en Martinique.

Ces données sont reprises dans les tableaux ( ( * )5) reproduits ci-dessous :

STATUT FONCIER DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES

EN GUADELOUPE

STATUT FONCIER DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES

EN MARTINIQUE

B. UN ÉTAT IMPUISSANT ?

Selon le rapport Rosier, l'insuffisance des moyens mis à la disposition des directions départementales de l'Équipement (DDE) et des directions départementales des services fiscaux (DSF) les laisse dans l'impossibilité de gérer efficacement la zone, dont l'étendue n'a pas permis de réaliser une délimitation intégrale. De plus, l'insuffisance des moyens empêche l'administration de contrôler le phénomène de « squattérisation progressive » ( ( * )6) . Au surplus, les services de l'État ne peuvent pas traiter les demandes d'autorisation d'occupation ou de déclassement et de cession. Alors que la commission des cinquante pas géométriques de Martinique peut instruire environ 600 demandes de cession par an, elle est saisie de 1800 demandes. Les conséquences de cette impuissance à juguler le phénomène d'occupation sont préjudiciables à la bonne administration des DOM.

Les services de l'État sont démobilisés devant l'ampleur des problèmes à résoudre : les contraventions de grande voirie qui sanctionnent les atteintes portées au domaine public ne sont plus établies, les notifications de décisions ne sont plus effectuées par la police, tandis que les décisions de justice portant expulsion ne sont pas exécutées, « en raison du rôle de soupape de sûreté sociale reconnu à la zone des cinquante pas géométriques » ( ( * )7) . Les perspectives d'avenir ne sont guère plus encourageantes. Les moyens dont dispose actuellement l'administration (DDE, DSF, direction départementale de l'agriculture et de la forêt, DDAF), seraient certainement insuffisants pour faire face à la charge de travail occasionnée par la mise en oeuvre des dispositions de la loi « littoral ». Ainsi, la passation de conventions avec les communes, au rythme de 5 à 6 par an semble devoir nécessiter environ 5 ans.

C. LA VARIÉTÉ DES SITUATIONS DES OCCUPANTS DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES : LES INFORTUNES DU DROIT DE PROPRIÉTÉ

Le décret n°55-885 prévoyait que les délais de prescription qui résultent des articles 2262 et 2265 du code civil, ne courraient qu'à compter de la date de clôture des opérations de délimitation de la zone. Or, l'arrêté ministériel portant clôture des opérations de délimitation ne vit jamais le jour, si bien que les occupants de parcelles de la zone des cinquante pas géométriques ne furent pas en mesure de faire jouer la prescription acquisitive ( ( * )8) .

Rappelons que la loi « littoral », en modifiant les articles L.87 et L.89 du code du domaine de l'État, rend possible le déclassement de terrains dans deux cas :

- en vue de leur cession aux occupants de bonne foi, lorsque ces terrains ne sont plus utiles à la satisfaction d'intérêts publics. Cependant l'article R 165 du code du domaine de l'État a restreint cette faculté aux terrains occupés en vertu d'un titre administratif de jouissance, ou sur lesquels les constructions ont été édifiées antérieurement à 1986.

- en vue de leur cession aux communes si les terrains sont compris dans un périmètre géré par celles-ci en vertu d'une convention passée en application de l'article L.51-1 du code du domaine de l'État, pour y procéder à des opérations d'aménagement.

Une « situation inextricable » résulte de la succession des strates législatives, pour plusieurs catégories d'occupants. On distingue en effet notamment parmi eux : ( ( * )9)

- les collectivités locales, occupants publics ;

- les particuliers occupants d'avant 1955 dont les titres n'ont pas été validés dans le délai d'un an institué par le décret de 1955;

- les occupants installés entre 1955 et 1986, qui bénéficient du régime prévu par l'article R. 165 du code du domaine de l'État : ils peuvent obtenir la cession des terrains à condition de les avoir occupés en vertu d'un titre administratif de jouissance tel qu'un bail ou une convention ;

- les occupants installés après 1986, qui sont des occupants sans titre.

La situation des occupants installés avant 1955 mais dont les titres n'ont pas été validés dans la délai d'un an prévu par le décret du 30 juin 1955, est particulièrement difficile. Ils ne sont pas juridiquement propriétaires puisque leurs titres n'ont pas été validés en 1955 et qu'ils n'ont pu, malgré l'ancienneté de leur occupation, faire jouer la prescription acquisitive.

On observe, en outre, que les occupants sans titre des terrains de la zone des cinquante pas ne peuvent ni les diviser, ni les céder, ni les transmettre à leurs ayants droits, ni les mettre en gage, alors même qu'ils acquittent des impôts tels que les droits d'enregistrement lors de mutations qui ne sont, au demeurant pas opposables à l'État.

D. LA PRISE EN COMPTE DÉFICIENTE DES BESOINS D. AMÉNAGEMENT

Le rapport de la mission interministérielle souligne l'absence de politique d'aménagement des communes, le caractère ponctuel des opérations réalisées, qu'il met en relation avec la lenteur de l'établissement des schémas d'aménagement régional en Guadeloupe et en Martinique, et la fréquence des transformations des plans d'occupation des sols (POS). De même, l'établissement de schémas de mise en valeur de la mer connaît des difficultés.

L'application de la « loi littoral » rend plus aigus les problèmes d'aménagement, du fait notamment de l'existence de parcelles non occupées ou « dents creuses » et de parcelles récemment « squattées »ou encore de la nécessité de résorber l'habitat insalubre.

III. PRÉSENTATION DU PROJET DE LOI

Compte tenu des difficultés posées par la situation des occupants de la zone dite des cinquante pas géométriques, le Gouvernement a décidé de déposer le projet de loi qui est soumis à votre examen. Ce projet tend à insérer un chapitre premier bis « Dispositions spéciales aux départements de la Guadeloupe et de la Martinique » au titre IV du livre IV du code du domaine de l'État.

Ce texte vise, tout d'abord, à améliorer la situation des habitants en leur permettant d'acheter les terrains sur lesquels ils résident. Il tend ensuite à assurer l'aménagement des zones, grâce à la création d'une agence publique dans chacun des départements. Il tend enfin à faciliter le développement économique de la zone dite des cinquante pas géométriques.

La délimitation des zones urbaines et des espaces naturels au sein de la zone dite des cinquante pas géométriques, délimitation qui est prévue au premier alinéa du projet de loi précité, constitue le préalable à ces réformes.

A. DÉLIMITATION DES ESPACES URBAINS, DES SECTEURS OCCUPÉS PAR UNE URBANISATION DIFFUSE ET DES ESPACES NATURELS

Dans la mesure où les espaces urbains, les secteurs occupés par une urbanisation diffuse et les espaces naturels doivent faire l'objet d'un traitement distinct, compte tenu de leurs caractéristiques propres, le projet de loi prévoit que le préfet procédera, tout d'abord, à la délimitation de ces différentes zones.

Puis il pourra être procédé au déclassement des terrains afin de permettre leur vente.

Le projet de loi ouvre, en effet, la possibilité de céder certains terrains aux occupants. Cette cession pourra s'effectuer, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux.

B. MODALITÉS DE CESSION DES TERRAINS DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS

La loi « littoral » a réintégré la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine public. Celle-ci se trouve, par conséquent, protégée d'une façon spécifique, étant à la fois inaliénable et imprescriptible.

De nombreuses personnes auraient souhaité que la zone fût cédée à ses occupants, à titre gratuit. Or, le principe d'égalité des citoyens fait obstacle à la cession du domaine public à titre gratuit à des personnes privées. Comme le releva le Conseil constitutionnel dans une décision n° 86-207 des 25 et 26 juin 1986 relative à la loi autorisant le Gouvernement à prendre certaines mesures d'ordre économique et social, « la constitution s'oppose à ce que des biens [...] faisant partie des patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d'intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur. », cette règle découlant du principe d'égalité des citoyens précédemment évoqué.

Se conformant à cette jurisprudence constitutionnelle, le projet de loi prévoit d'une part une cession à titre gratuit au profit des communes et d'autre part une cession à titre onéreux consentie aux particuliers.

Le projet de loi envisage donc deux modalités de cession.


• La cession à titre gratuit
pourra être consentie par l'État, après déclassement :

- aux communes ;

- aux organismes ayant pour objet la réalisation d'opération d'habitat social.

Des conditions strictes sont cependant posées pour la cession à titre gratuit par l'article premier du projet de loi, qui prévoit que cette cession ne peut concerner que des terrains situés dans des espaces urbains et des secteurs occupés par une urbanisation diffuse et qu'elle doit avoir pour but la réalisation d'opérations d'aménagement à des fins d'utilité publique, par la commune ou la réalisation par les organismes compétents d'opérations d'habitat social. Cette cession ne concerne donc pas les zones naturelles.

Les terrains cédés reviendront dans le patrimoine de l'État s'ils n'ont pas été utilisés dans un délai de dix ans, à compter de la date de cession, conformément à l'objet qui a justifié celle-ci.


La cession à titre onéreux, moyennant un prix égal à la valeur vénale des terrains, ne serait possible que pour les seuls terrains situés dans les espaces urbains et secteurs occupés par une urbanisation diffuse.

Elle ne pourra donc pas se réaliser dans les espaces naturels.

La cession à titre onéreux pourra être opérée, quant à elle, au profit :

- des occupants qui y ont édifié ou fait édifier des constructions affectées à l'exploitation d'établissements à usage professionnel (article L.89-3 du code du domaine de l'État) ;

- des personnes ayant édifié ou fait édifier, avant le 1er janvier 1995 ou leurs ayants-droits, des constructions à usage d'habitation qu'elles occupent à titre principal ou qu'elles donnent à bail en vue d'une occupation principale (article L.89-4, alinéa 2 du code du domaine de l'État) ;

à défaut d'identification des personnes mentionnées à l'article L.89-4, alinéa 2, aux occupants de constructions affectées à leur habitation principale (article L.89-4, alinéa 3 du code du domaine de l'État).

C. MODALITÉS D'AIDES AUX ACQUÉREURS DE TERRAINS OCCUPÉS AU TITRE DE LEUR HABITATION PRINCIPALE

Le projet de loi crée un mécanisme d'aide aux personnes qui achètent des terrains dans les conditions fixées à l'article L.89-4 précité, aux seules fins d'habitation.

Il ne prévoit pas, en revanche, d'aide pour les acquisitions de biens destinés à usage professionnel.

L'aide serait modulée en fonction des ressources de l'acquéreur et de l'ancienneté de l'occupation. Il apparaît, en effet, souhaitable de faire en sorte que des personnes installées depuis plusieurs dizaines, voire centaines d'années, qui n'ont pas pu faire jouer la prescription acquisitive, puissent bénéficier d'une aide spécifique.

Afin de préserver les droits de l'État, le projet de loi prévoit, que l'aide lui sera reversée si un bien déclassé faisait l'objet d'une vente dans un délai de 10 ans. En outre, une hypothèque sera prise sur le bien pour assurer le reversement du montant de l'aide en cas de revente.

Ces dispositions permettent donc de respecter le principe d'égalité et la nécessité de procéder à des cessions pour stabiliser la situation des occupants, dans un but d'intérêt général.

D. GESTION DES ESPACES URBAINS ET DES ESPACES NATURELS

La démarche du Gouvernement tend à assurer un développement harmonieux de la zone et à en organiser l'aménagement. A cette fin, le projet de loi met en place une « Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone », dans chacun des départements de la Guadeloupe et de la Martinique. Quant à la gestion des espaces naturels, elle sera confiée dans les deux départements précités, aux termes de l'article L-89-5 du code du domaine de l'État, au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ou, à défaut, à une collectivité territoriale.


Les agences pour la mise en valeur des espaces urbains

La création des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques résulte de la volonté d'assurer la cohérence de la politique d'aménagement de ces zones par la création d'un opérateur unique pour chaque département, qui disposerait entre autres, de ressources provenant du produit des cessions à titre onéreux.

Les deux agences, établies l'une en Guadeloupe, l'autre en Martinique auront pour mission :

- d'établir un programme d'équipement des terrains relevant de leur compétence

- d'émettre un avis sur les projets de cessions effectués à titre gratuit ou à titre onéreux.

Les agences créées pour dix ans dans chacun des départements seront constituées sous la forme d'établissements publics (article 3), dont le conseil d'administration comprendra des représentants de l'État, des collectivités territoriales et des personnalités qualifiées compétentes en matière d'urbanisme et de connaissance du littoral. Le directeur de l'agence sera nommé par décret du premier ministre.

Les ressources des agences seront constituées par des subventions des collectivités locales, des redevances d'occupation du domaine public de l'État, le produit des cessions et le produit d'une taxe spéciale d'équipement créée par les articles 7 et 8 de la loi. Le montant de cette taxe sera arrêté chaque année par le conseil d'administration de l'agence et réparti entre toutes les personnes physiques ou morales assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la taxe d'habitation, et à la taxe professionnelle dans les communes dont une partie du territoire est comprise dans le champ de compétence de l'agence.


Le conservatoire du littoral et la gestion des espaces naturels

Les espaces naturels seront, après délimitation, remis gratuitement au Conservatoire du littoral, qui en assurera la gestion dans les conditions prévues aux articles L.243-1 à L.243-10 du code rural, à l'instar du patrimoine géré par le conservatoire.

Il apparaît que ce système permet d'assurer la prééminence des objectifs d'intérêt général et la cohérence des opérations d'aménagement.

E. DISPOSITIONS TENDANT À MODIFIER LE CODE DE L'URBANISME

Outre les dispositions spécifiques à la Guadeloupe et à la Martinique, contenues aux articles 1 à 8, le projet de loi tend à clarifier les dispositions du code de l'urbanisme pour tous les départements d'Outre-Mer.

A cette fin, l'article 9 du projet précité propose une nouvelle rédaction de l'article L. 156.3 du code de l'urbanisme, dont le paragraphe I tend à préserver certaines zones, et le paragraphe II vise à permettre une meilleure exploitation d'autres parties de la zone dite des cinquante pas géométriques dans l'ensemble des DOM.

L'article 9 précité tend tout d'abord à apporter une modification d'ordre purement rédactionnel au paragraphe I de l'article L.563 du code de l'urbanisme. Ce dernier tend à préserver, dans les parties urbanisées de la zone des cinquante pas, les terrains à usage :

- de plage,

- d'espaces boisés,

- de parcs ou de jardins publics,

- les parties restées naturelles, sauf si un intérêt public exposé au POS justifie une autre affectation.

L'article 9 tend également à une nouvelle rédaction de l'article L.156-3-II du code de l'urbanisme. En effet, certaines dispositions du code de l'urbanisme limitent actuellement le développement des activités économiques dans la bande littorale des départements d'outre-mer.

La nouvelle rédaction de l'article L.156-3-II du code de l'urbanisme tend, d'une part, à ouvrir la possibilité d'affecter des secteurs de la zone des cinquante pas géométriques à :

- des services publics ;

- des équipements collectifs ;

- des opérations de réaménagement de quartiers ;

- des opérations de logement à caractère social et de résorption de l'habitat insalubre ;

- des commerces ;

- des structures artisanales ;

- des équipements touristiques et hôteliers,

- et à « toute autre activité économique dont la localisation a proximité de la mer est justifiée par son usage ou par une nécessité économique de desserte par voie maritime ».

Le texte prévoit, au surplus, que des mesures compensatoires devront être prises pour permettre le maintien de l'équilibre du milieu marin et terrestre.

En outre, il institue une servitude de passage perpendiculaire et une servitude de passage longitudinale par rapport au rivage (article L.156-3-II, alinéa 2), afin de permettre la circulation le long du rivage.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission, qui a procédé à l'examen du projet de loi lors de sa réunion du 5 décembre 1995, en a approuvé l'économie générale.

Préoccupée par la complexité des régimes juridiques qui se sont succédés pour régler les problèmes posés par l'occupation de la zone des 50 pas ; elle s'est déclarée favorable aux modalités retenues pour les résoudre.

Elle a porté son attention sur les risques de spéculation que sont susceptibles d'entraîner les transactions faisant suite à cette remise en ordre.

C'est pourquoi, sur proposition du rapporteur, elle vous propose d'assortir le dispositif, qui impose déjà aux bénéficiaires des cessions un certain nombre de sanctions, en cas de revente, dans les dix années suivant l'acquisition, d'un droit de préemption au profit de l'État sur les parcelles qui seraient revendues dans ce délai.

Sur proposition du rapporteur, la commission a également souhaité faire bénéficier les occupants à usage professionnel du même régime d'aide de l'État que les occupants de locaux à usage d'habitation. En effet, beaucoup de personnes dotées de revenus modestes exercent leur activité professionnelle sur la zone des 50 pas géométriques et ne pourraient acquérir les lots correspondants sans cette aide.

S'agissant de cette aide qui sera proportionnée aux revenus et à l'ancienneté de l'occupation, la commission a souhaité la moduler également en fonction du nombre de personnes appartenant au foyer fiscal de l'acquéreur.

Enfin, votre commission s'est inquiétée des conditions dans lesquelles cette réforme pourrait être mise en oeuvre, compte tenu de la lourdeur prévisible des opérations de déclassement et de la faiblesse actuelle des moyens dont dispose l'administration.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier - Chapitre premier bis du titre IV du livre IV du code du domaine de l'État.

Cet article tend à insérer au titre IV du livre IV du code du domaine de l'État (partie législative) un chapitre premier bis intitulé :

Dispositions spéciales aux départements de la Guadeloupe et de la Martinique.

Ce chapitre comprendra six articles (L.89-1 à L.89-6) regroupant les dispositions relatives à la délimitation des espaces urbains et des secteurs occupés par une urbanisation diffuse, à la cession des terrains, à la remise des espaces naturels au conservatoire du littoral.

Article L.89-1 du code du domaine de l'État

Délimitation de l'étendue des espaces urbains et des secteurs occupés par une urbanisation diffuse

Cet article propose de confier au préfet la mission de « constater » l'existence et de fixer la délimitation :

- des espaces urbains ;

- des secteurs occupés par une urbanisation diffuse ;

- des espaces naturels ;

dans la zone « comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques », définie à l'article L 87 du code du domaine de l'État.

Cet article répond au besoin de clarifier l'affectation des terrains et d'élaborer une cartographie faisant l'inventaire des terrains, besoin exprimé dans le rapport Rosier.

On notera que le rapport Rosier recommandait cette nécessaire clarification que votre commission approuve. Toutefois, le projet de loi ne précise pas selon quelles modalités le préfet opérera le constat en vue de la délimitation des zones.

Cette opération lourde et délicate ne doit prêter à aucune confusion pour éviter les contentieux ultérieurs.

Aussi votre commission souhaite-t-elle que la délimitation soit effectuée par arrêté préfectoral, afin d'éviter toute ambiguïté. Tel est l'objet de l'amendement qu'elle vous présente.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article L.89-2 du code du domaine de l'État

Cession de terrains à titre gratuit

Cet article tend à autoriser l'État à céder des terrains appartenant à son domaine maritime, situés dans la zone « comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques », précitée.

Cette cession serait consentie gratuitement aux communes et aux organismes ayant pour objet la réalisation d'opérations d'habitat social.

Cependant cette cession ne pourrait intervenir que dans des conditions strictes :

- elle supposerait le déclassement préalable de ces terrains ;

- elle ne pourrait intervenir que dans des « espaces urbains » ou dans des « secteurs occupés par une urbanisation diffuse » ;

- elle devrait avoir pour but la réalisation d'opérations d'aménagement à des fins d'utilité publique par la commune, ou la réalisation d'opérations d'habitat social « par des organismes compétents ».

En outre, le présent article introduit un correctif à la gratuité.

Lorsque l'agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques, dont la création est proposée par l'article 3 du projet de loi, aura réalisé des aménagements sur ces terrains, la cession pourra s'effectuer au prix « correspondant au coût des aménagements réalisés et financés par l'agence ».

Enfin, l'alinéa 5 de cet article dispose que si, dans un délai de dix ans à compter de la date de la cession, les terrains n'avaient pas été utilisés conformément à l'objet qui a justifié la cession, les terrains cédés reviendraient dans le patrimoine de l'État, celui-ci étant tenu de rembourser le coût des aménagements réalisés.

Votre commission approuve l'économie générale de cet article, qu'elle vous demande d'adopter sans modification.

Article L.89-3 du code du domaine de l'État

Cession à titre onéreux de terrains affectés à un usage professionnel

Cet article tend à stabiliser la situation des occupants à titre professionnel des « espaces urbains » et des « secteurs occupés par une urbanisation diffuse » de la zone des cinquante pas géométriques. Il prévoit qu'après déclassement, les terrains actuellement occupés sans titre pourront être vendus aux personnes y ayant édifié ou fait édifier avant le 1er janvier 1995 des constructions à usage professionnel.

Le prix de vente des terrains sera calculé d'après les règles applicables à l'aliénation des immeubles du domaine privé, comme en dispose l'article R. 165 du code du domaine de l'État.

L'estimation des biens cédés sera fonction de leur valeur vénale au jour du transfert de propriété. Or, les délais d'instruction des demandes de cession peuvent atteindre plusieurs années, si bien que le prix du bien au jour du transfert de propriété pourra s'avérer beaucoup plus élevé que celui résultant d'une évaluation au jour du dépôt de la demande.

Votre commission estime nécessaire d'éviter que les acquéreurs ne supportent l'incidence financière d'éventuelles lenteurs administratives. Aussi, souhaite-t-elle que l'évaluation soit effectuée au jour du dépôt de la demande.

Elle vous présente un amendement en ce sens et vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article L.89-4 du code du domaine de l'État

Cession à titre onéreux de terrains affectés à un usage d'habitation

Cet article a pour objet de permettre, après déclassement, l'acquisition des terrains situés dans les « espaces urbains » et des « secteurs occupés par une urbanisation diffuse » par les personnes qui y ont fait édifier des constructions à usage d'habitation, ainsi que par les personnes qui occupent des constructions qu'ils n'ont pas construites ou fait construire.

Les personnes ayant fait édifier des constructions à usage d'habitation avant le 1er janvier 1995, qui les occupent à titre principal ou les donnent à bail en vue d'une occupation à titre principal, ou leurs ayants droits, pourront les acheter.

L'article L. 89-4 propose également que les personnes qui occupent des constructions qu'elles n'ont ni construites ni fait construire puissent acquérir les terrains sur lesquels, ces constructions sont édifiées « à défaut d'identification des personnes qui y ont construits ou fait construire des habitations ».

Le prix de vente des terrains est calculé d'après les règles applicables à l'aliénation des immeubles du domaine privé, c'est-à-dire au jour du transfert de propriété, comme en dispose l'article R. 165 du code du domaine de l'État.

Afin d'éviter que l'acquéreur ne supporte la charge financière d'éventuelles lenteurs administratives, il est nécessaire de fixer la date de l'évaluation du bien au jour du dépôt de la demande, tout comme pour les cessions de terrains affectés à usage professionnel visées à l'article précédent.

Votre commission vous présente un amendement en ce sens et vous demande d 'adopter cet article ainsi modifié.

Article L.89-5 du code du domaine de l'État

Gestion des espaces naturels

Cet article propose que les « espaces naturels » délimités par le préfet soient remis au conservatoire de l'espace littoral. Ce dernier les gérera, comme le reste de son patrimoine, dans les conditions prévues aux articles L.243-1 à L.243-10 du code rural.

Si le conservatoire du littoral refusait de gérer ces espaces, ceux-ci pourraient être « confiés en gestion » à une collectivité territoriale, en vertu d'une convention de gestion dont le régime résulte de l'article 51-1 du code du domaine de l'État, après accord du conservatoire du littoral. L'article 51-1 précité permet notamment que la convention « [...] habilit[e] le gestionnaire à accorder des autorisations d'occupation et à consentir des locations ».

Sous réserve d'un amendement rédactionnel, votre commission vous demande d'adopter cet article.

Article additionnel après l'article L. 89-5 du code du domaine de l'État

Exercice du droit de préemption en cas de revente du bien cédé

Votre commission s'est préoccupée d'une part des risques de spéculation que peuvent engendrer les cessions effectuées sur la zone des cinquante pas, après déclassement, et d'autre part de la pression foncière qui pourrait résulter de la réforme.

L'accroissement subit du prix des terrains pourrait faire peser sur leurs occupants une pression telle qu'il leur serait difficile de résister à des offres d'achat qui bien qu'alléchantes, auraient un « effet d'éviction », quelque soit l'attachement des occupants pour cette terre

Afin de prévenir d'éventuelles dérives, il vous est proposé d'instituer un droit de préemption en faveur de l'État, au prix où s'est effectuée la cession après déclassement, majoré du coût des aménagements réalisés par le propriétaire et de l'indice du coût de la construction.

Ce droit de préemption serait ouvert durant un délai de dix ans après l'achat initial.

Toutefois, afin de ne pas faire peser une trop lourde incertitude sur la situation des vendeurs, l'État n'aurait la possibilité d'exercer son droit de préemption que dans un délai de six mois après la revente.

Tel est l'objet de cet article additionnel que votre commission vous propose d'adopter.

Article L.89-6 du code du domaine de l'État

Fixation des conditions d'application du chapitre par décret en Conseil d'État

Cet article précise qu'un décret en Conseil d'État fixera les conditions d'application du chapitre premier bis du code du domaine de l'État.

Ce décret devra notamment déterminer les modalités pratiques d'application de l'article premier telles que les modalités de déclassement, de cession, de gestion des espaces naturels. Il aura également à fixer les modalités d'octroi de l'aide, à établir un barème en fonction des ressources de l'acquéreur et de l'ancienneté de l'occupation, ainsi que les procédures de dépôt des demandes et d'instructions des dossiers.

Il ne faudrait pas que l'absence de publication dans un délai raisonnable d'une mesure réglementaire d'application, fasse échec à la réforme, à l'image de ce qui s'est passé après la parution du décret de 1955.

Sous réserve de cette observation, votre commission vous demande d'adopter le présent article, sans modification.

Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous demande d'adopter l'ensemble de l'article premier ainsi complété.

Article 2 - Octroi d'une aide exceptionnelle de l'État

Compte tenu de la modicité des ressources de nombreux occupants de la zone précitée susceptibles d'y acheter des terrains afin d'y résider, il apparaît souhaitable que l'État leur attribue une aide exceptionnelle. Le Présent article dispose qu'une telle aide pourrait être versée dans les conditions prévues par la loi de finances.

Cette aide ne serait attribuée que pour réaliser des cessions visées à l'article L.89-4 précité, c'est-à-dire, aux fins d'habitation et non pour les constructions affectées à l'exploitation d'établissements à usage professionnel. Elle ne concernerait que les terrains situés dans les espaces urbains et dans les secteurs à urbanisation diffuse, et ne serait versée qu'au profit des personnes ayant fait édifier avant le 1er janvier 1995 des constructions à usage d'habitation principale, ou de leurs ayants droit, ou aux occupants des habitations existantes.

L'aide serait déterminée dans les conditions prévues par la loi de finances en prenant en compte :

- les ressources de l'acquéreur,

- l'ancienneté de l'occupation.

Si une mutation totale ou partielle à titre onéreux du bien intervenait dans un délai de dix ans à compter de la date de l'acte ayant donné lieu à l'attribution de l'aide, le montant de celle-ci devrait être reversé à l'État, avec constitution d'une hypothèque légale au profit du Trésor, l'inscription de cette hypothèque serait requise par le receveur des impôts, lors de la publication à la conservation des hypothèques de l'acte de cession par l'État. Cette hypothèque garantirait le reversement de l'aide à l'État en cas de vente.

En outre la cession, l'inscription et la radiation de l'hypothèque légale ne donneraient lieu à aucune indemnité ou perception d'impôts, droits ou taxes.

Votre commission approuve l'économie générale de cet article.

Elle relève cependant que deux améliorations pourraient lui être apportées. La première tend à accorder une aide à l'achat de terrains affectés à l'exploitation d'établissement professionnels ; la seconde tend à mieux prendre en compte les ressources « per capita » du foyer fiscal auquel appartient l'acquéreur.

Selon la rédaction proposée par l'alinéa premier de cet article, l'aide de l'État ne pourra être accordée qu'à l'occasion de cessions en vue de l'habitation.

Or, d'assez nombreuses personnes, des pêcheurs notamment, ont installé des constructions qu'ils utilisent pour un usage professionnel dans la zone des cinquante pas géométriques. Il apparaît souhaitable que ces personnes ne disposant que de revenus modestes, puissent bénéficier d'une aide.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à ce que le bénéfice de l'aide visée au premier alinéa de l'article 2 précité soit étendu aux cessions visées à l'article L. 89-3.

En outre, compte tenu des disparités de ressources qui peuvent exister au sein de foyers fiscaux composés d'un nombre différent de membres, il est proposé de prendre en compte le revenu « per capita » des membres du foyer fiscal auquel appartient l'acquéreur, dans le calcul du montant de l'aide accordée à l'acheteur d'un terrain déclassé. Tel est l'objet du second amendement de votre commission.

Sous réserve de l'adoption de ces deux amendements, votre commission vous demande d'adopter le présent article.

Article 3 - Création des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques

Cet article tend à créer, dans chacun des départements de la Guadeloupe et de la Martinique, une Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à conférer à chacune d'elles le statut d'établissement public. Ces entités seront créées pour une durée de dix ans. Elles seront compétentes pour gérer les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, après que ceux-ci auront été délimités par le Préfet dans les conditions prévues à l'article L.89-1.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 4 - Mission des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques

Les agences auront un rôle-clef dans la gestion des terrains qui leur seront confiés. Cet article prévoit en effet que les agences précitées établiront un programme d'équipement des terrains confiés à leurs soins : espaces urbains proprement dits et secteurs à urbanisation diffuse, ceci afin d'assurer leur mise en valeur.

En outre, ces agences devront être saisies pour avis des projets de cession de terrains, que ces cessions soient réalisées à titre gratuit au profit des communes, ou effectuées à titre onéreux, au profit des personnes privées qui achèteront les terrains. Ces deux agences rendront leur avis en fonction de la compatibilité des projets de cession avec le programme d'équipement des terrains en voies et réseaux divers.

Votre commission approuve l'économie générale de cet article. Cependant, elle estime qu'il convient d'accorder aux communes le droit de faire officiellement connaître à l'agence chargée de la mise en valeur des espaces urbains, leur opinion sur le programme d'équipement des terrains que ces dernières établiront. Il importe en effet que le point de vue des collectivités auxquelles des parties de la zone des cinquante pas pourront être cédées à titre gratuit puisse être pris en compte.

La rédaction adoptée pour le second alinéa de l'article 4 du projet de loi prévoit d'ailleurs, comme on l'a vu, que les agences se prononceront sur les cessions à titre gratuit que l'État peut consentir aux communes.

Votre commission vous propose en conséquence de prévoir que les communes seront consultées sur l'établissement du programme d'équipement des terrains qui ressortissent à la compétence de l'agence. Elle vous présente un amendement en ce sens, et vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 5 - Organisation des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques

Cet article prévoit que chacune de ces agences sera administrée par un conseil d'administration dont un décret désignera le président.

Ce conseil d'administration sera composé :

- de représentants des services de l'État dans le département ;

- de représentants des collectivités territoriales ;

- de personnes choisies en raison de leurs compétences dans les domaines de l'urbanisme et de la connaissance du littoral.

En outre un directeur nommé par le Premier ministre, après avis du conseil d'administration, dirigera l'Agence.

Les conditions d'application de cet article devront être précisées par un décret en conseil d'État.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 6 - Détermination des ressources des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques

Le rapport Rosier estimait que l'établissement public dont il recommandait la création, devait disposer de ressources propres telles que le produit de cession des terrains, le produit des redevances d'occupation, la taxe spéciale d'équipement.

S'inspirant de ces propositions, le présent article prévoit que les ressources des Agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques proviendront :

- des subventions de collectivités locales ;

- des redevances d'occupation du domaine public de l'État dues au titre des parcelles des espaces urbains ou des secteurs occupés par une urbanisation diffuse ;

- des produits des cessions intervenues, pour la part restant à la charge des bénéficiaires des cessions, « après application, le cas échéant, de l'aide exceptionnelle » ;

- des produits respectifs de la taxe spéciale d'équipement prévue par les articles 1609 C et 1609 D du code général des impôts (CGI), ces articles étant introduits dans le CGI par les articles 7 et 8 ci-après.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 7 - Article 1609 C du CGI - Création d'une taxe spéciale d'équipement perçue au profit de l'agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques de la Guadeloupe

Cet article propose d'insérer un article 1609 C dans le code général des impôts, afin d'instituer, au profit de l'Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques de la Guadeloupe une taxe spéciale d'équipement.

Cette taxe aurait le caractère d'un impôt de répartition dont le montant serait arrêté par le conseil d'administration de l'Agence dans les limites d'un plafond fixé par la loi de finances. Elle serait prélevée dans les communes dont une partie du territoire est comprise dans la zone où l'agence exerce ses compétences. Elle serait répartie, dans les conditions fixées par l'article 1636 B octies du CGI, entre toutes les personnes physiques ou morales assujetties :

- aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties ;

- à la taxe d'habitation ;

- à la taxe professionnelle.

L'article propose également d'instituer des exonérations, à compter de l'année d'incorporation dans les rôles des résultats de la révision générale des évaluations cadastrales.

Une exonération de la taxe additionnelle au titre des locaux d'habitation et dépendances s'appliquerait pour les locaux attribués sous conditions de ressources dont sont propriétaires :

- les organismes d'habitation à loyer modéré ;

- les sociétés d'économie mixte créées en application de la loin° 46-860 du 30 avril 1946 ;

- les sociétés d'économie mixte locales.

L'article prévoit, en outre, deux mesures d'exonération qui prendront effet à compter de l'incorporation dans les rôles de la révision des évaluations cadastrales.

En premier lieu, les organismes d'habitation à loyer modéré, les sociétés immobilières d'économie mixte créées en application de la loi n° 46-860 du 30 avril 1946 précitée et les sociétés d'économie mixte locales seront exonérés de la taxe additionnelle au titre des locaux d'habitation dont ils sont propriétaires et qui sont attribués sous condition de ressource. En second lieu, les redevables de la taxe d'habitation qui habitent ces locaux seront exonérés de la taxe additionnelle.

L'article propose enfin que les modalités d'établissement, de recouvrement ainsi que le contentieux de la taxe additionnelle soient analogues à ceux des contributions indirectes.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 8 Article 1609 D du code général des Impôts

Création d'une taxe spéciale d'équipement perçue au profit de l'agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques de la Martinique

Cet article a pour objet de créer une taxe spéciale d'équipement au profit de l'Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques de la Martinique dans des conditions identiques à celles retenues pour la Guadeloupe, à l'article précédent.²

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 9 - Modifications apportées au code de l'urbanisme

L'ensemble des dispositions de cet article s'appliqueront dans tous les départements d'outre-mer dans la mesure où cet article figure au chapitre VI « Dispositions particulières au littoral dans les départements d'outre mer » du Titre cinquième : « Application aux départements d'outre mer », du code de l'urbanisme.

Cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 156-3 du code de l'urbanisme, qui comprend deux paragraphes : L. 156-3-1 et L. 156-3-II, respectivement composés de un et de deux alinéas.

Article L. 156-3-1 du code de l'urbanisme

Préservation des plages, espaces boisés, jardins publics et parties restées naturelles

Ce paragraphe reprend les dispositions de l'ancienne version de l'article L. 156-3 alinéas 1 et 2, en modifiant la rédaction de ce texte. Il permet de préserver dans les parties urbanisées de la zone des cinquante pas géométriques, visée à l'article L. 156-2 du code de l'urbanisme, les terrains à usage :

- de plage ;

- d'espaces boisés ;

- de parcs ou de jardins publics ;

- les parties restées naturelles sauf si un intérêt public exposé au POS justifie une autre affectation.

Votre commission vous propose d'adopter le premier paragraphe de l'article L. 156-3, sans modification.

Article L. 156-3-II du code l'urbanisme

Affectation des secteurs déjà équipés et occupés

Ce paragraphe reprend plusieurs dispositions de l'actuel article L. 156-3-2° du code de l'urbanisme, en modifie d'autres, et y ajoute enfin plusieurs dispositions nouvelles.

Plusieurs dispositions de l'ancienne version de l'article sont conservées. Ainsi le texte s'applique aux secteurs de la zone des cinquante pas géométriques situés dans des parties actuellement urbanisées.

Comme l'ancienne rédaction, le texte propose que les secteurs puissent être délimités par le plan d'occupation des sols pour être affectés à :

- des services publics ;

- des opérations de résorption de l'habitat insalubre.

Des dispositions nouvelles apparaissent dans cette nouvelle rédaction :

Les secteurs précités doivent être équipés ou occupés à la date de publication de la loi (l'ancienne version du texte fixait comme limite la date de promulgation de la loi n°86-2 du 3 janvier 1986), ce qui a pour effet de stabiliser la situation des implantations réalisées depuis 1986.

Toutefois, il est fait explicitement mention de ce que l'article L. 156-3-II s'applique « sous réserve de la préservation des plages, des espaces boisés, des parcs ou des jardins publics ».

Le texte modifie plusieurs dispositions qui prévoyaient la délimitation par le plan d'occupation des sols de secteurs pour être affectés à « des activités exigeant la proximité immédiate de la mer ». Le nouveau texte soumis à l'examen du Sénat évoque « toute autre activité économique dont la localisation à proximité de la mer est justifiée par son usage ou par une nécessité économique de desserte par voie maritime. »

Le projet de loi propose enfin d'ouvrir de nouvelles possibilités de délimitation par le plan d'occupation des sols afin de permettre, que ces terrains, soient affectés à :

- des équipements collectifs ;

- des opérations de réaménagement de quartier ;

- des opérations de logement à caractère social ;

- des commerces ;

- des structures artisanales ;

- des équipements touristiques et hôteliers.

Le texte propose d'instaurer parallèlement :

- une obligation de mettre en oeuvre des « mesures compensatoires »afin de permettre l'équilibre du milieu marin et terrestre.

Enfin, le même article institue l'obligation pour ces installations d'« organis[er] » et « préserve[r] » l'accès et la libre circulation le long du rivage, ce qui permet de garantir l'accès perpendiculairement au rivage et la circulation le long de celui-ci.

Votre commission vous propose d'adopter le second paragraphe de l'article L. 156-3 sans modification.

Votre commission vous demande d'adopter l'article 9 sans modification.

Sous le bénéfice des observations qui précèdent, et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Affaires économiques vous demande d'adopter le présent projet de loi.

* (2) Ministère des DOM-TOM, Rapport sur la zone des cinquante pas géométriques par M. ROSIER, Président de la mission interministérielle, conseiller maître à la cour des comptes, septembre 1994, 40 p.

* (3) Cf. P.E. LUCE, « La réserve domaniale dite des « cinquante pas géométriques », dans, l'Actualité juridique droit administratif, 20 avril 1982, p. 238.

* (4) Rapport précité p. 18.

* (5) Source : rapport précité p. 19-20.

* (6) Rapport précité p. 9.

* (7) Rapport précité p. 10.

* (8) Rapport précité p. 6.

* (9) On notera qu'à la Réunion la situation des occupants sans titre fut réglée par le décret du 13 janvier 1922 et qu'en Guyane le problème de l'occupation sans titre de la zone des cinquante pas ne se pose pas.

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