EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 17 décembre 1996, la commission a procédé, sur le rapport de M. Philippe Marini, à l'examen de la proposition de loi n° 95 (1995-1996), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à étendre aux collectivités locales et à leurs groupements l'accès aux prêts distribués à partir des fonds établis par les comptes de développement industriel (Codevi) et à créer une obligation d'information sur l'utilisation de ces fonds.

M. Philippe Marini, rapporteur, a rappelé les deux objets de la proposition de loi : d'une part, expérimenter, pour une durée limitée, la possibilité pour les banques d'octroyer des crédits sur fonds Codevi aux collectivités locales, afin de favoriser l'activité et l'implantation de petites et moyennes entreprises sur leur territoire ; d'autre part, améliorer la connaissance des emplois du Codevi, en obligeant les établissements à informer leurs clients sur l'utilisation des fonds.

M. Philippe Marini, rapporteur, a ensuite insisté sur le caractère assez peu favorable de cette mesure pour les collectivités locales, bien qu'elle ait pu être présentée comme telle par le ministre, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1996. Il a considéré que cette mesure répondait, en fait, aux attentes des professionnels du bâtiment et des travaux publics.

Pour démontrer cette affirmation, M. Philippe Marini, rapporteur, s'est appuyé sur deux éléments : d'un côté, la différence entre les taux d'intérêt du marché et celui du Codevi est aujourd'hui si infime que les emprunts contractés sur Codevi ne seront pas plus avantageux que les emprunts ordinaires ; de l'autre, il a considéré qu'il n'était pas admissible que cette mesure puisse être présentée comme une compensation à la suppression de la première part de la dotation globale d'équipement pour certaines communes et à la baisse de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, une diminution des concours de l'État ne pouvant en aucun cas être compensée par un surcroît d'emprunt.

M. Philippe Marini, rapporteur, a alors rappelé qu'en réalité, cette mesure correspondait à une revendication ancienne de la fédération nationale des travaux publics, qui espère ainsi un accroissement de la commande publique adressée aux entreprises de ce secteur.

Mais pour qu'il en soit ainsi, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis , a considéré que certaines conditions devaient être réunies. La réussite de l'expérience dépend, en effet, des modalités d'application que le gouvernement définira et surtout de l'amélioration de la gestion d'ensemble du Codevi.

Le premier problème est celui de la définition des dépenses éligibles qui doivent être précisées si l'on veut que les comptables publics sachent ce que les collectivités locales peuvent faire de l'emprunt Codevi.

Le second problème est celui de la distribution de l'enveloppe entre les réseaux. M. Philippe Marini, rapporteur, a considéré que l'objectif devait être de ne pas perturber les conditions actuelles de la concurrence sur le marché du crédit aux collectivités locales. Il a donc proposé que le plafond de 10% de l'encours soit défini établissement collecteur par établissement collecteur. Il a également proposé d'imputer une fraction de l'enveloppe sur la partie centralisée à la Caisse des dépôts et consignations proportionnellement à cette partie dans le total de l'encours, afin de pouvoir en rétrocéder une partie aux établissements non collecteurs. Le reste serait imputé sur la partie servant habituellement aux prêts bancaires aux entreprises. Si cela se révélait insuffisant, les excédents des établissements collecteurs pourraient être affectés aux non-collecteurs par voie d'adjudication.

Enfin, au-delà de ces problèmes de modalités d'application, M. Philippe Marini, rapporteur, a affirmé que le succès de l'expérience était subordonné à la "remise en ordre" du Codevi telle que l'avait définie la commission des finances en mai 1995.

M. Philippe Marini, rapporteur, est alors revenu sur le problème fondamental du niveau des taux d'intérêt en rappelant qu'il y a bientôt deux ans que la ressource Codevi ne présente plus aucun caractère privilégié. Cette situation s'accentue aujourd'hui du fait de la baisse des taux d'intérêt de marché. M. Philippe Marini, rapporteur, en a conclu que les collectivités locales n'auront intérêt à solliciter le Codevi que si le taux des livrets A baisse d'au moins 0,5 point.

Or, M. Philippe Marini, rapporteur, a constaté que le gouvernement ne paraissait pas disposé à s'y résoudre, malgré l'absence totale du risque de décollecte du fait de l'aggravation de la fiscalité sur les produits d'épargne liquide. M. Philippe Marini, rapporteur, a alors rappelé que la commission avait proposé de desserrer la "contrainte d'opinion publique" qui pèse sur la gestion des taux de l'épargne administrée en prévoyant que le Conseil de la politique monétaire rendrait, chaque semestre, un avis sur le niveau de ces taux.

En conclusion, M. Philippe Marini, rapporteur, a rappelé que le Sénat avait rejeté par deux fois ce dispositif et que la commission ne l'avait pas retenu dans ses propositions relatives au Codevi.

Cependant, si les mesures d'accompagnement appropriées sont prises, surtout quant à la gestion des taux d'intérêt et à l'alimentation des circuits traditionnels de financement des collectivités locales, l'expérience lui a paru pouvoir se révéler une utile mesure de relance.

Un débat s'est ensuite engagé, auxquels ont participé MM. Paul Loridant, Joël Bourdin, Jean-Philippe Lachenaud, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roland du Luart et Christian Poncelet, Président.

En réponse aux intervenants, M. Philippe Marini, rapporteur, a tout d'abord admis que la définition des dépenses éligibles était imprécise et qu'elle pouvait être à la fois trop large du point de vue des prestations à financer et trop restreinte pour être compatible avec le code des marchés publics. Il a considéré que l'amendement qu'il présentait à la commission était de nature à permettre aux collectivités locales d'utiliser réellement la nouvelle procédure sans pour autant être conduites à des abus. M. Philippe Marini, rapporteur, a ajouté sur ce point que s'il proposait l'affectation des ressources à des dépenses exclusivement nouvelles, c'était pour éviter le refinancement d'emprunts existants.

Relevant que M. Jean-Philippe Lachenaud avait qualifié la proposition de loi de "fausse bonne idée" inspirée par les représentants du secteur des travaux publics, M. Philippe Marini, rapporteur, a admis que le texte venait un peu tard compte tenu de la baisse des taux d'intérêt, qu'il était perfectible et qu'il lui semblait souhaitable d'écarter la tentation d'un rejet.

S'agissant des problèmes propres aux collectivités locales, M. Philippe Marini , rapporteur, a considéré qu'il était possible d'orienter la mesure en faveur des petites communes par un plafonnement à 1 million de francs par collectivité. Il a admis que la mesure proposée revenait sur la possibilité de globaliser les emprunts sans affectation préalable. Mais il a également considéré qu'il n'était pas possible de supprimer toute condition d'affectation sans remettre en cause l'ensemble du dispositif Codevi qui n'est justifié que par l'objectif de financement des petites et moyennes entreprises.

Enfin, à propos de la nécessité de baisser le taux d'intérêt du livret A pour rendre le dispositif efficace, M. Philippe Marini, rapporteur, a rappelé que ce livret, ainsi que le Codevi, n'étaient pas des produits d'épargne particulièrement populaires, puisque 75 % de l'encours du livret A se concentrent entre les mains de 20 % des détenteurs et que, pour les personnes réellement modestes, il existe un livret d'épargne populaire (LEP). Il en a conclu qu'on ne pouvait pas être à la fois pour la baisse des taux d'intérêt en général et contre celle du livret A en particulier, les effets économiques étant de même nature.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles de la proposition de loi.

Avant l'article premier, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel dont l'objet est de supprimer l'obligation de réemploi intermédiaire des dépôts sur les Codevi en valeurs mobilières, obligation qui n'est qu'une rémanence historique.

A l'article premier, elle a adopté un amendement tendant à préciser les conditions d'emploi des Codevi. Elle a, tout d'abord, décidé que l'affectation ordinaire des Codevi serait le financement des petites et moyennes entreprises (PME) et non plus l'industrie française en général. Elle a ensuite décidé de faire apprécier le plafond de 10 % des encours affectés aux collectivités locales, établissement par établissement. Elle a précisé que les dépenses ainsi financées devraient être nouvelles. Enfin, après avoir adopté une modification rédactionnelle proposée par M. Christian Poncelet, Président, elle a décidé que les dépenses considérées devraient accompagner le développement ou l'implantation des PME, de façon à lever toute ambiguïté quant à l'application du code des marchés publics et quant à la destination des dépenses.

Après l'article 2, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel dont l'objet est de soumettre les opérations relatives au Codevi au contrôle de la commission bancaire. Après une modification rédactionnelle proposée par M. René Ballayer, elle a décidé que le ministre chargé de l'économie serait tenu de prononcer les sanctions de son choix dès lors que des infractions seraient constatées.

Un débat nourri auquel ont participé MM. Joël Bourdin, Emmanuel Hamel, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roland du Luart, Paul Loridant, Alain Lambert, rapporteur général et Christian Poncelet, Président, s'est ensuite engagé sur la proposition de M. Philippe Marini, rapporteur, d'instituer un avis public semestriel du Conseil de la politique monétaire sur le niveau des taux d'intérêt administrés.

M. Philippe Marini, rapporteur, a expliqué que cet amendement insérant un article additionnel après l'article 2 avait pour but d'instituer un avis purement consultatif, laissant intacte la compétence du gouvernement sur les taux de l'épargne administrée. Il s'agit d'un amendement d'appel, destiné à soutenir le gouvernement dans sa volonté de favoriser la baisse des taux d'intérêt. Au bénéfice de ces explications, la commission a décidé d'adopter cet amendement.

Puis, la commission a décidé de modifier, par coordination, l'intitulé de la proposition de loi afin de rappeler l'objectif de financement du développement ou de l'implantation des petites et moyennes entreprises.

Enfin, la commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi amendée.

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