Rapport n° 346 (1995-1996) de M. Pierre HÉRISSON , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 7 mai 1996

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N ° 34 6

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996


Annexe au procès-verbal de la séance du 7 mai 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur :

1°) la proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Gérard DELFAU sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes pour le développement des services postaux communautaires et l'amélioration de la qualité de service (n°E-474),

2°) la proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Claude BILLARD, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, Michelle DEMESSINE, M. Guy FISCHER, Mme Jacqueline FRAYSSE-CAZALIS, MM. Louis MINETTI, Félix LEZOUR, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Robert PAGÈS, Jack RALITE et Ivan RENAR sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes pour le développement des services postaux communautaires et l'amélioration de la qualité de service (n° E-474),

Par M. Pierre HÉRISSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet, Jean-Pierre Vial.

Mesdames, Messieurs,

Votre commission est saisie de deux propositions de résolution sur une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les règles communes pour le développement des services postaux communautaires et l'amélioration de la qualité de service (n° E-474).

La première proposition de résolution, déposée le 14 décembre 1995, a été présentée au nom de la délégation du Sénat pour les Affaires européennes par M. Gérard Delfau ; elle fait suite à l'adoption par la délégation d'un rapport d'information, présenté par le même auteur, sur l'action communautaire en matière postale.

La seconde, en date du 16 janvier 1996, a été déposée par M. Claude Billard et des membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Depuis le dépôt des deux propositions de résolution, la discussion a progressé au niveau communautaire. Un compromis, qui pourrait faire l'objet d'une position commune dès le 29 mai prochain, a été élaboré sous la présidence italienne.

Même si la décision définitive n'est pas arrêtée à cette date, votre commission a donc souhaité, dès à présent, faire connaître sa position.

Il convient également d'examiner dans quelle mesure le texte de compromis tient compte de la position française, ce qui justifie la teneur de la proposition de résolution que votre commission vous proposera d'adopter.

CHAPITRE PREMIER - L'OBJET ET L'HISTORIQUE DE LA RÉFORME PROPOSÉE

I. L'ORIGINE DE LA RÉFORME PROPOSÉE : LES ENJEUX DE L'AVENIR DU SECTEUR POSTAL EN EUROPE

L'avenir des Postes joue un rôle décisif dans le fonctionnement du grand marché européen. En effet, le chiffre d'affaires des activités postales dépasse 60 milliards d'écus, soit 1,3 % du PIB européen ; le secteur postal emploie plus de 1.500.000 personnes et traite 80 milliards d'objets par an, dont 3 milliards pour les échanges entre États de la Communauté.

Or ce secteur vital pour l'ensemble des activités économiques et sociales souffre actuellement de nombreuses disparités entre les services postaux nationaux, tant en termes de délais d'acheminement du courrier que de prix d'affranchissement. Ces disparités dans la qualité du service, jugées nuisibles aux échanges intracommunautaires, ont conduit les institutions européennes, sous la présidence française, à engager la mise en oeuvre de textes au niveau communautaire.

C'est donc sous la présidence française qu'a été lancée, en 1989, la rédaction du « Livre vert » de la Commission des communautés européennes, sur le développement du marché unique des services postaux, qui a été publié le 11 juin 1982 et sur lequel, à partir de 1993, les différents partenaires ont fait connaître leur opinion.

Après que le Parlement européen eut adopté trois résolutions exposant ses options en faveur d'un « service universel » garanti par des « services réservés », le Conseil a adopté, le 7 février 1994, une résolution invitant la Commission à élaborer les mesures nécessaires à la construction de l'Europe postale, dans le cadre ainsi défini, avant le 1er juillet 1994.

Le texte de la proposition de directive a finalement été adoptée par les commissaires européens le 13 juin 1995.

Cette directive, selon l'exposé des motifs, est « conçue comme un instrument visant à établir le marché intérieur (...) comportant un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée, tout en garantissant un niveau élevé de protection des consommateurs » et « fixera le cadre dans lequel pourront s'insérer des initiatives nationales. »

A. LES ÉTAPES DE L'ÉLABORATION DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

Ce projet a fait l'objet d'une procédure de concertation qui a permis une certaine évolution des positions.


Le Livre vert publié en 1992.

Dans son Livre vert, la Commission européenne fixait trois objectifs, rappelés dans l'exposé des motifs de la proposition de directive :

- chercher un équilibre entre l'exigence d'un service universel assurant un service postal de base à un prix abordable, pour tous les utilisateurs et une plus grande ouverture du secteur à la concurrence au bénéfice de ces derniers ;

- établir au niveau communautaire des obligations communes aux prestataires du service universel en particulier le respect de normes garantissant une bonne qualité de service ;

- renforcer l'harmonisation des services de base qui constituent le service universel en vue de la prestation d'un service postal efficace sur l'ensemble du territoire de la communauté, ainsi que celle des conditions d'accès aux services postaux, des normes de qualité et du contrôle de la performance du service universel.


La proposition de directive

À la suite de la consultation menée par la Commission européenne sur la base de ce Livre vert, comme il est rappelé dans l'exposé des motifs de la directive, un consensus s'est dégagé sur la nécessité d'actions communautaires en matière :

- de définition du service universel et de liste des services susceptibles d'être « réservés » ;

- de critères communs d'accès : parmi lesquels en particulier, la non-discrimination et la transparence ;

- de séparation des fonctions de régulation et d'opération (d'exploitation) ;

- de spécification commune pour la qualité des services, du moins dans le domaine réservé aux prestataires du service universel ;

- de normalisation technique.

Toutefois, l'unanimité était loin d'être acquise sur la libéralisation poussée et rapide du secteur, souhaitée par certains États membres.

B. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS DE LA DIRECTIVE

1. La notion de service universel


• Telle que la retient la proposition de directive dans son exposé des motifs, cette notion prend en compte un certain nombre de principes qui correspondent aux missions de service public, telles qu'elles sont entendues en France.

Les principes généraux sur lesquels reposent le service universel, comme le précise l'exposé des motifs de la directive, sont en effet les suivants :

- « universalité : accès à toute personne, en tout lieu, à un prix abordable ;

- « égalité : à circonstances égales, tous les utilisateurs ont droit à un traitement identique ;

- « neutralité : le traitement est indépendant du statut du déposant du courrier ;

- « confidentialité : inviolabilité et secret des correspondances ;

- « continuité : une fourniture de service ininterrompue ;

- « adaptabilité service adaptable en fonction des progrès techniques et de l'évolution de la demande. »

La Commission ajoute que « chaque État doit assurer l'application durable sur son territoire des critères communs minimaux retenus au niveau européen pour le service universel, quitte à en élargir la portée en application du principe de subsidiarité ».


Le champ du service universel

Le champ d'application du service universel est défini, à l'article 3 du projet de directive, de la manière suivante :

Les États membres sont chargés d'assurer aux utilisateurs une « offre de services postaux de bonne qualité en tous points du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs ».

La densité des produits de vente et des lieux de relevage doit tenir compte des besoins des utilisateurs.

La levée et la destination doivent être garanties, tous les jours ouvrables, au minimum cinq jours par semaine, « sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles ».

Le service universel doit comprendre au minimum les prestations suivantes :

« - le relevage, le transport et la distribution des objets de correspondance adressés et des livres, catalogues, journaux et' écrits périodiques adressés jusqu'à 2 kgs ainsi que des colis postaux adressés jusqu'à 20 kgs ;

« - les services des objets recommandés et des objets à valeur déclarée. »


• La notion de « services réservés »

Dans l'idée de laisser aux opérateurs les moyens d'assurer le service universel, le projet de directive propose qu'un certain nombre de services soient « réservés » aux prestataires du service universel.

Feraient partie de ces services réservés : « la collecte, le transport, le tri et la distribution des objets de correspondance domestiques dont le prix est moins de cinq fois le tarif public d'un objet de correspondance du premier échelon de poids, pour autant que leur poids (soit) inférieur à 350 grammes ».

En serait par conséquent exclus le courrier express, la distribution des colis postaux, des brochures, catalogues, journaux ou magazines.


• Le projet de directive vise à établir des conditions de transparence pour l'accès au réseau et à la prestation de services non réservés.

Selon les cas, des procédures de déclaration ou d'autorisation seront établies par les États membres qui le souhaitent. Elles devront être transparentes, non discriminatoires, et pourront être assorties d'obligations tendant à équilibrer situation des prestataires de services non réservés au regard de celle du prestataire du service universel.

Il est prévu que l'harmonisation des procédures d'autorisation relève du Conseil et du Parlement européen.

2. Le souci de transparence comptable et l'édiction de normes


• La proposition de directive prévoit une fixation des tarifs en relation avec les coûts de chaque service composant le service universel. Les États pourront néanmoins décider d'un tarif unique sur le territoire national.

Elle oblige les opérateurs à tenir, pour chaque service relevant du secteur réservé, une comptabilité distinguant entre les phases de collecte, de transport, de tri et de distribution.

Elle prévoit enfin un contrôle annuel des comptes par une entité d'audit indépendante.


• La proposition de directive envisage l'établissement de normes de qualité (en matière de délais d'acheminement, de régularité et de fiabilité des services).

Cette responsabilité relèverait des États membres pour les services nationaux et de la Commission européenne pour les services frontaliers intra-communautaires.


• L'harmonisation des normes techniques est préconisée par la proposition de directive et confiée au Comité européen de normalisation, dans le respect des prescriptions de l'Union postale universelle.

CHAPITRE II - L'ANALYSE DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE PAR LA DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR L'UNION EUROPÉENNE

Le remarquable rapport présenté par M. Gérard Delfau, au nom de la délégation du Sénat pour les affaires européennes, auquel votre commission souhaite rendre hommage, a présenté une analyse détaillée de cette directive 1 ( * ) .

I. UN SOUTIEN DE PRINCIPE AUX ORIENTATIONS DE LA RÉFORME

La délégation pour l'Union européenne adhère au principe de la réforme et soutient la proposition de directive dans ses principales orientations.

Le rapport précité salue en effet la procédure de concertation qui a précédé le dépôt de la proposition de directive, approuve pleinement l'initiative d'une réglementation au niveau communautaire en matière postale et surtout se déclare favorable à la « volonté de prendre en compte le service universel », qu'il juge « défini de manière assez ambitieuse ».

Il regrette toutefois que les principes qui fondent le principe universel ne figurent que dans l'exposé des motifs de la proposition de directive et non dans son texte même, position que votre commission partage pleinement.

Il en va de même pour le principe de péréquation tarifaire.

Néanmoins tout en souscrivant à cette volonté de réforme et à ces principales orientations, la délégation du Sénat pour les affaires européennes manifeste certaines inquiétudes et formule des critiques sérieuses sur le texte proposé.

II. LES INQUIÉTUDES ET LES CRITIQUES

A. LA CONTESTATION DE LA MÉTHODE

1. La « communication » de la Commission européenne

Dans son rapport, M. Gérard Delfau déplore le « dispositif juridique dédoublé » qui se traduit par la préparation, en parallèle à la proposition de directive soumise au Parlement européen et au Conseil d'un projet de communication sur l'application des règles de la concurrence au secteur postal.

Il signale en effet que si cette communication a pour objet de définir les règles de concurrence qui doivent être respectées par les opérateurs et les États membres, parmi les propositions de la directive figurent également de nombreux articles relatifs aux règles de concurrence. Ceci « conduirait donc la Commission à devancer les règles qui doivent être définies par le Parlement et le Conseil ».

2. Les modalités de révision de la directive

La délégation estime en outre, et votre commission partage cette position, que les modalités de révision prévues par la directive ne respectent pas le parallélisme des formes qui devrait s'imposer. En effet, l'article 8 de la proposition prévoit une révision de la directive par la Commission européenne, notamment en ce qui concerne la possibilité de réserver les services de publipostage et de courrier transfrontalier entrant.

La délégation pour les affaires européennes s'oppose également aux dates prévues, tant pour la révision globale de la directive que pour celle, en particulier, des dispositions relatives à ces deux derniers services.

B. LES INQUIÉTUDES QU'INSPIRENT CERTAINES PROPOSITIONS

1. Les conséquences sociales

La délégation regrette « qu'un sujet aussi important que les éventuelles réductions d'emploi dans le service public postal ne fasse l'objet que de quelques paragraphes dont le contenu s'apparente plus à une profession de foi qu'à une véritable analyse ».

2. Les réserves suscitées par certaines propositions

Les dispositions critiquées sont essentiellement celles imposant une comptabilité analytique séparée pour les services de collecte, de transport et de distribution du courrier. Dans son rapport, elle signale qu' »une telle précision n'aurait d'importance que si l'on envisageait la libéralisation des phases de collecte et de transport, l'opérateur chargé du service universel n'ayant plus que la distribution du courrier comme service réservé ». Elle craint que l'adoption d'un tel système ne conduise à la disparition du service universel.

3. Le cas du publipostage et du courrier transfrontalier

Ces deux services pourraient être libéralisés sur décision de la Commission européenne dès 1998. Or, l'un et l'autre jouent un rôle important dans l'équilibre financier du service universel.

La délégation estime notamment qu'en pratique, si l'on ouvrait à la concurrence le publipostage, il serait impossible de faire la différence entre les messages personnalisés et les autres, ce qui conduirait notamment les opérateurs postaux à risquer de perdre la clientèle des grandes entreprises ou des banques.

Le problème relatif au courrier transfrontalier se présente sous deux aspects différents, selon qu'il s'agit du courrier qui entre dans l'un des États membres ou qui en sort (courrier entrant ou sortant). La libéralisation du courrier transfrontalier sortant ne peut être envisagée, estime la délégation, que si le problème des frais terminaux trouve une solution satisfaisante pour éviter les détournements de trafic.

Celle du courrier transfrontalier entrant présente le risque de laisser des opérateurs privés se concentrer exclusivement sur les axes les plus rentables.

CHAPITRE III - LES DEUX PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION

I. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 141

La proposition de résolution déposée par M. Gérard Delfau, dont les considérants reprennent les conclusions du rapport d'information, invite le Gouvernement :

- à soutenir les orientations de ce texte relatives à la prise en compte de principes -universalité, égalité, neutralité, confidentialité, continuité et adaptabilité - qui font partie du secteur public tel qu'il est entendu en France ;

- à demander que ces principes soient explicitement affirmés dans le corps même de la directive et non simplement dans l'exposé des motifs ;

- à soutenir également la définition du service universel figurant dans la proposition de directive ainsi que la limite de poids et de prix fixée pour la détermination des services réservés aux prestataires du service universel ;

- à condamner la présentation, par la commission européenne, d'une communication sur les règles de concurrence applicables au secteur postal, en faisant valoir notamment qu'une telle attitude ne peut que renforcer le sentiment que les procédures de décision communautaire ne sont pas démocratiques ;

- à demander que les conséquences sociales de l'ouverture partielle à la concurrence du secteur postal fasse l'objet d'une étude approfondie avant l'adoption définitive de la directive ;

- à obtenir que la révision de la directive n'intervienne que trois ans au minimum après son entrée en vigueur, et à s'opposer avec force à une révision de certains aspects de la directive par la seule Commission européenne ;

- à obtenir que l'ouverture à la concurrence du courrier transfrontalier sortant soit conditionnée par la mise en place d'un système de frais terminaux fondé sur les coûts assumés par la poste de distribution et la qualité du service ;

- à exprimer les plus vives réserves quant à l'ouverture future à la concurrence du publipostage et du courrier transfrontalier entrant, compte tenu des risques que cette évolution pourrait faire peser sur le service universel.

II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 162

Les auteurs de cette proposition demandent au Sénat d'inviter le Gouvernement français à « s'opposer résolument » à l'adoption de la proposition de directive, « y compris en utilisant son droit de veto ». Ils souhaitent « l'élaboration d'une nouvelle proposition de directive qui fonde l'Europe postale sur la complémentarité et la coopération entre les différents opérateurs postaux dans l'objectif de la réalisation des missions de service public et dans l'intérêt général ».

La proposition de résolution reconnaît au projet de directive le mérite de marquer un progrès par rapport aux orientations du « Livre vert sur le développement du marché unique des services postaux ».

Elle n'en estime pas moins que la réglementation proposée constitue une menace pour le service public et vise à généraliser un service postal minimum inférieur en étendue et en qualité à celui qui existe actuellement en France et dans les pays les plus développés de la Communauté.

Les auteurs redoutent que malgré « les bonnes intentions affichées », le projet communautaire ne conduise à libéraliser et à ouvrir à la concurrence privée les segments d'activités à haute valeur ajoutée, par conséquent les plus rentables. Ils s'inquiètent donc du risque que les exploitants publics soient « privés des ressources financières importantes qui leur permettent actuellement d'assurer l'équilibre de leurs comptes tout en pratiquant des tarifs abordables et en permettant une péréquation nationale, ce qui (menacerait à terme) la pérennité du service public postal. »

Ils insistent sur les conséquences que cette évolution pourrait avoir sur l'aménagement du territoire et la cohésion sociale.

Ils déplorent, enfin, les risques que la réforme fait peser sur l'avenir des personnels du secteur postal, les changements introduits par la réforme menaçant de « se traduire à terme par plusieurs dizaines de milliers d'emplois dans les services postaux en France et dans les autres pays de la communauté ».

La proposition de résolution critique fermement le projet de communication de la commission européenne, « qui lui donnerait, - estiment les auteurs de la proposition de résolution - le pouvoir de décider souverainement de l'étendue et du calendrier de la déréglementation du secteur postal européen en lieu et place » du Parlement européen et du Conseil.

CHAPITRE IV - LE PROJET DE COMPROMIS

Un texte de compromis a été élaboré sous la Présidence italienne.

D'après les informations dont votre commission a pu disposer, ce texte donne satisfaction aux thèses françaises sur des points essentiels, dans la mesure où il reprendrait largement le texte issu des travaux du groupe « Télécommunications/postes » du Conseil, en date du 15 mars 1996.

Les deux points essentiels sur lesquels la position française serait satisfaite par le texte de compromis sont les suivants :

- le courrier transfrontalier entrant et le publipostage, aux termes de la nouvelle rédaction proposée pour l'article 7 « peuvent continuer d'être réservés ».

- en outre, les dispositions concernant ces deux services suivraient la même procédure de révision que celles de l'ensemble de la directive, c'est-à-dire par décision conjointe au Conseil et du Parlement européen.

En revanche, resteraient en suspens les deux points suivants :

- la première révision de la directive resterait fixée à l'an 2000 au plus tard, alors qu'un délai de trois ans après l'entrée en vigueur paraît indispensable.

- la rédaction concernant la fixation des frais terminaux demeurerait trop floue.

CHAPITRE V - POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission a bien compris les préoccupations exprimées par les auteurs de la proposition de résolution n° 162. Elle est sensible aux arguments liés au rôle de la Poste en matière d'aménagement du territoire.

En revanche, elle ne peut faire sienne la position consistant à refuser l'ouverture à la concurrence des activités qui n'entrent pas dans les services réservés et de s'opposer purement et simplement à l'adoption de la proposition de directive.

En effet, conformément aux conclusions de la délégation du Sénat pour l'environnement et à la proposition de résolution n° 141 de M. Gérard Delfau, votre commission approuve l'objectif poursuivi par la proposition de directive, à savoir définir des règles du jeu claires, en vue d'une harmonisation des services postaux au niveau communautaire. Elle soutient donc cette initiative.

Votre commission souscrit aux réserves exprimées par la proposition de résolution n° 141. Aussi vous proposera-t-elle d'en reprendre l'essentiel, tout en la complétant, pour tenir compte du texte de compromis proposé par la présidence italienne.

*

* *

Tel est le sens de la proposition de résolution ci-après, que votre commission vous demande d'adopter.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes pour le développement des services postaux communautaires et l'amélioration de la qualité de service (n° E-474),

Considérant que la proposition de directive susvisée a pour objet de définir des règles communes pour le développement des services postaux communautaires ; que ces règles doivent permettre de faciliter les échanges entre pays de l'Union européenne et d'améliorer la qualité des services rendus ;

Considérant que la proposition de directive fait référence aux principes d'universalité, d'égalité, de neutralité, de confidentialité, de continuité, d'adaptabilité auxquels la France est très attachée ; que la proposition de directive donne une définition ambitieuse du service universel ;

Considérant que, dans de nombreux quartiers urbains comme dans les zones rurales, la Poste est souvent le seul service public présent ;

Considérant le légitime attachement de la France au rôle essentiel de cohésion sociale et d'aménagement du territoire que remplit la Poste ;

Considérant que la pérennité de ces missions implique, pour des raisons d'équilibre financier, qu'un nombre suffisant de services soit réservé à cet établissement ;

Considérant que la proposition d'acte communautaire E 474 a pour fondement l'article 100 A du Traité, ce qui implique qu'elle soit adoptée conjointement par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne ;

Considérant que la proposition de directive est accompagnée d'un projet de communication sur l'application des règles de la concurrence au secteur postal dont la valeur juridique est incertaine et dont le contenu n'est pas toujours cohérent avec celui de la proposition de directive ;

Considérant que les conséquences sociales de l'ouverture à la concurrence ne font l'objet que de quelques paragraphes très insuffisants dans la proposition de directive et qu'une étude est envisagée sur ce sujet sans qu'aucun délai soit fixé ;

Considérant que la proposition de directive envisage que la Commission européenne décide seule, en juin 1998, de l'ouverture éventuelle à la concurrence du publipostage et du courrier transfrontalier entrant en 2000 ;

Considérant que l'ouverture à la concurrence du courrier transfrontalier sortant n'est possible que si elle est accompagnée d'une révision du système des frais terminaux, afin que ceux-ci soient fixés sur la base des coûts de l'opérateur de distribution et de la qualité de service ; que l'ouverture à la concurrence du courrier transfrontalier entrant et du publipostage présenterait des risques graves pour la pérennité du service universel ;

- se félicite de la prise en compte de principes - universalité, égalité, neutralité, confidentialité, continuité et adaptabilité - qui font partie du service public tel qu'il est entendu en France et demande que ces principes, inscrits dans l'exposé des motifs, soient explicitement affirmés dans le corps même de la directive ;

- approuve la définition du service universel qui figure dans la proposition de directive ainsi que la limite de poids et de prix fixée pour la détermination des services réservés au prestataire du service universel ;

- condamne la présentation par la Commission européenne d'une communication sur les règles de concurrence applicables au secteur postal ; estime qu'une telle attitude ne peut que renforcer le sentiment que les procédures de décision communautaires ne sont pas démocratiques ;

- estime qu'en tout état de cause, la publication d'une telle communication ne saurait intervenir qu'après celle de la directive et souhaite que le contenu de cette communication respecte l'esprit et la lettre de la directive, précédemment adoptée ;

- souhaite que les conséquences sociales de l'ouverture partielle à la concurrence du secteur postal fassent l'objet d'une étude approfondie avant l'adoption définitive de la directive ;

- demande que la révision de la directive n'intervienne que trois ans au minimum après son entrée en vigueur ;

- demande que l'ouverture à la concurrence du courrier transfrontalier sortant soit subordonnée à la définition précise des principes afférents aux rémunértions réciproques permettant la mise en place d'un système de frais terminaux fondé sur les coûts assumés par la poste de distribution et la qualité de service ;

- exprime les plus vives réserves quant à l'ouverture future à la concurrence du publipostage et du courrier transfrontalier entrant, compte tenu des risques que cette évolution pourrait faire peser sur le service universel et s'oppose avec force à la révision de la directive par la seule Commission européenne en ce qui concerne ces deux derniers services ;

- plus généralement, demande expressément que la procédure de révision relève en tous points de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne, conformément à l'article 100 A du Traité.

* 1 Rapport d'information n° 135 (1995-1996) du 14 décembre 1995, fait, au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur l'action communautaire en matière postale, par M. Gérard Delfau, (intitulé : « construire l'Europe postale dans le respect du service public »).

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